Cinéma Livre

Recension “The Reel Civil War”

La guerre de Sécession et le 7e art

Bruce Chadwick, The Reel Civil War. Mythmaking in American Film, Vintage Books, 2001 

En près de 300 pages de textes, Bruce Chadwick nous brosse un portrait de l’évolution de la vision de la guerre de Sécession par les Américains à travers le prisme du cinéma. Le 7e art se révèle en effet être à la fois le reflet de la manière dont est perçue la « civil war » outre-Atlantique, mais, comme dans tant d’autres domaines, il constitue le vecteur de diffusion de perceptions biaisées des événements.  

L’auteur embrasse l’intégralité de l’histoire du cinéma, mais aussi de la télévision (dont l’admirable « The Civil War », de Ken Burns), des films muets au début des années 2000. Ce faisant, il nous illustre, en parallèle de la présentation des oeuvres, l’évolution de la condition des Noirs américains dans leur pays. Ce qui est passionnant, c’est de comprendre l’impact des oeuvres auprès du grand public. Bruce Chadwick ne se borne donc pas au seul cinéma en tant que tel, mais ne ménage pas ses explications, qui sur la reconstruction après la guerre de Sécession, qui sur le Ku Klux Klan, qui sur les régiments noirs dans l’armée nordiste…  

Certaines oeuvres, du fait de leur importance sont gratifiées de chapitres spécifiques : « Naissance d’une Nation », « Autant en Emporte le Vent » et « Racines », la très belle épopée télévisuelle relatant la vie de Kunta Kinte et de ses descendants. La façon dont sont présentés les différents personnages incontournables des films ayant trait à la guerre de Sécession –soldats des deux camps, Noirs, Lincoln, « belles » du sud- au fil des ans constitue un des grands intérêts du livre. 

Racisme éclatant dans « Naissance d’une Nation » (qui  a tenu un rôle indéniable dans la « seconde vie » du KKK mais, en dépit du rejet qu’il suscite, un film qui multiplie les « premières » dans l’histoire du cinéma), mythe de la « cause perdue » et responsabilité sous-jacente des Nordistes dans la guerre dans « Autant en Emporte le Vent » (qui, bien que caricaturant les Noirs, prend largement ses distances avec le racisme de l’oeuvre de Griffith), westerns et guerre de Sécession (pensons au personnage d’anciens sudistes de nombreux films, dont celui campé par John Wayne dans « La prisonnière du désert » ou dans « Le massacre de Fort Apache ») dans lesquels les deux camps font cause commune (une nécessité dès lors que « Yankees » et « Rebelles » doivent être unis contre l’ennemi commun au cours de la Seconde Guerre mondiale –cf les films avec Errol Flynn- puis de la Guerre Froide), etc. L’auteur nous fait à chaque fois découvrir la genèse et le déroulement du tournage et, surtout, la réception par le public et la critique. 

Enfin, le livre se termine avec les films réalistes mettant en avant les Noirs sous un jour nouveau (« Glory »), mais aussi superbes reconstitutions passant sous silence l’esclavage (« Gettysburg »). L’ouvrage datant d’une vingtaine d’année, il n’est nul fait mention de « Lincoln », « Retour à Cold Mountains », « Twelve years a slave » ou « Gods and Generals » (très belle reconstitution mais très axée sur la « cause perdue » et sans référence à l’horreur de l’esclavage). 

Au final, une belle étude qui complète toute lecture sur la guerre de Sécession et qui ne pourra que ravir les amateurs.