Livre Seconde Guerre Mondiale WWII

Recension “Goering, « l’homme de fer »”

Le dauphin de Hitler

François Kersaudy, Goering, « l’homme de fer », Perrin, 2022, 424 pages 

On ne présente plus le sujet de cette étude pas plus que son auteur. François Kersaudy, spécialiste incontesté d’Hermann Goering signe ici un très bel ouvrage, fort bien illustré comme l’exige la collection « Maîtres de Guerre » des éditions Perrin.  

Le texte n’est pas une reprise de l’imposante biographie que l’auteur a consacrée au dauphin de Hitler chez le même éditeur. Si le coeur du propos est bien de traiter du chef de guerre, François Kersaudy doit évidemment présenter la jeunesse du personnage et sa participation à la Grande Guerre, ainsi que ses activités précédant sa rencontre fatidique avec Hitler. 

Hormis le fait qu’il fût un as de la chasse pendant la Première Guerre mondiale, l’existence menée par le créateur de la Gestapo avant les années 1930 constituera sans doute une surprise pour plus d’un lecteur. Les 40 premières pages qui sont consacrées à cette période, puis les 120 suivantes qui traitent de ses débuts au NSDAP jusqu’à l’invasion de la Pologne, passionnantes et instructives, ont particulièrement retenues mon attention.  

On comprend et on apprend beaucoup sur le caractère de Goering –arrogant, orgueilleux et farfelu dès son plus jeune âge- qui est élevé dans l’ambiance exaltante de châteaux bavarois. Son courage, son audace et l’esprit chevaleresque dont il fait montre au cours de la Grande Guerre, ainsi que sa capacité à rebondir quand le sort lui est défavorable, forceraient le respect si l’individu n’avait pas survécu au conflit ou ne s’était pas ensuite compromis devant l’Histoire en qualité d’un des principaux leaders du III Reich.

Car, violent et impitoyable, sans scrupules, partisan de la théorie du « coup de poignard dans le dos » dès 1918, Goering éprouve une véritable fascination pour Hitler. Il le vénère, boit ses paroles et lui obéit au doigt et à l’oeil dès les années 1920. On comprend l’intérêt que porte Hitler à cette ancienne célébrité potentiellement aisée et en contact avec le monde des affaires. François Kersaudy nous dépeint avec maestria la montée au pouvoir de parti nazi et le rôle tenu par Goering. Le parcours criminel de cet homme ne fait pourtant que commencer…

Son action dans la préparation de la guerre, du fait des multiples fonctions qu’il occupe (c’en est incroyable…), en particulier comme dirigeant de la Luftwaffe, nous fait entrer dans le coeur du sujet : Goering comme chef de guerre. On voit d’abord un dirigeant réticent qui fait tout son possible pour éviter le conflit, mais qui cherche aussi à éviter tout discrédit devant son idole. Plus encore que Keitel, le chef de l’OKW, Goering est le véritable laquais de Hitler. Les 250 pages consacrées à la Seconde Guerre mondiale vont ravir les passionnés du sujet. Certes, les rappels des campagnes sont indispensables, mais il évidemment avant tout question de la Luftwaffe et de Goering. Sans surprise, le lecteur découvrira un maréchal qui n’est aucunement un véritable chef de guerre, mais un viveur et un courtisan plus préoccupé de vivre dans le faste, de courir après les oeuvres d’art et de multiplier les tentatives pour plaire à « son Führer », ce qui peut mener à des désastres comme Stalingrad ou des déconvenues comme Dunkerque. Les initiatives et les interventions de Goering sont le plus souvent malheureuses et il doit subir l’ire de ce Führer qui l’impressionne tant, cherchant à l’occasion que Hitler passe sa colère sur un autre… Les mauvais choix industriels, tactiques ou stratégiques sont légions et Goering et ses séides y ont largement leur part de responsabilité. Le lecteur découvrira des personnages de premier plan de la Luftwaffe -Milch, Jeschonnek, Udet, Galland…- ainsi que l’évocation de nombreux appareils mis en lice par l’armée de l’air allemande.  

Les 60 dernières pages sont particulièrement instructives. Elles narrent l’arrestation de Goering sur ordre de Hitler, puis sa capture par les Américains, avant le récit de sa détention puis du tribunal de Nuremberg où il tente de voler la vedette et espère sauver sa tête en restant fidèle à Hitler, espoir vite déçu en raison de l’attitude des cos-détenus, des dépositions des témoins et, surtout, des preuves à charge démontrant la monstruosité du régime nazi.  

Bref, le tour d’horizon du sujet est complet et il est bien fait, fort bien rédigé. A lire sans hésiter.