Depuis 1914, l’expression “être limogé” est entrée dans le vocabulaire militaire pour désigner le fait d’être relevé de ses fonctions. Nombre de généraux, qui ont occupé les postes les plus importants au cours du dernier conflit mondial, ont été démis de leurs fonctions. Sans vouloir être exhaustifs, tentons de chercher les raisons qui, sur tous les fronts, ont amené un général à perdre son commandement.
Qui limoge?
Certains responsables politiques ou militaires seraient-ils plus enclins à limoger que d’autres? Churchill et Hitler n’ont pas hésité à se séparer brutalement de certains de leurs grands subordonnés. Avec le temps des défaites, en 1945, cette pratique prend de l’ampleur chez Hitler: Guderian, finalement devenu chef d’état-major de l’OKH, en fait les frais. Au sein de l’US Army, Bradley n’hésite guère à relever un général de ses fonctions. Patton, au contraire, en dépit de sa réputation d’homme au caractère entier, s’avère beaucoup plus compréhensif pour les échecs subis par ses subordonnés (il n’a en fait limogé qu’un seul de ses généraux…). Ne pouvant envisager une autre vie que consacrée à la chose militaire, il se peut que ce général, beaucoup plus sensible qu’on a pu l’écrire, se soit ému à l’idée de briser une carrière militaire de façon intempestive. Contrairement à Bradley, il s’accomode du tempérament de Terry Allen. En novembre 1944, il éprouve quelques difficultés à se séparer de Wood, le fougueux commandant de la 4th US Armored Division: essayant de lui trouver une porte de sortie élégante, il est pourtant contraint de le relever “car il était devenu beaucoup trop nerveux pour garder son commandement”. Montgomery, Rommel, Clark et d’autres ont relevé des subordonnés sans état d’âme. Dans quelles circonstances ces décisions ont-elles été prises?
La défaite
La raison la plus fréquente de limogeage d’un général –et cela ne saurait surprendre- est la sanction pour une défaite subie par cet officier. Les exemples sont légions.
En 1940, Gamelin, généralissime des armées françaises, ancien bras droit de Joffre, assiste bien impuissant à l’effondrement de son plan de bataille pour contrer l’offensive de la Wehrmacht à l’Ouest. Dès le 13 mai, trois jours à peine après le début des combats, la rupture du front est consommée sur la Meuse. Le 20 mai, les Allemands atteignent la Manche, isolant ainsi le principal corps de bataille allié. Le général Weygand, l’ancien fidèle de Foch, jusqu’alors commandant en chef au Levant, succède à Gamelin et hérite d’une situation dramatique face à laquelle il ne se montrera pas plus à la hauteur que son prédécesseur. Gamelin est donc limogé par le président du Conseil Paul Reynaud, résolu à prendre cette décision dès le 17 mai 1940, afin d’écarter un général qui ne lui plaît pas (le président du conseil avait déjà préparé le décret devant le limoger le 10 mai 1940 mais l’offensive allemande débute le même jour…).
Cette même année 1940, au mois de septembre, sur ordre exprès de Mussolini, le maréchal Graziani se lance à la conquête de l’Egypte, qui se borne à une avance jusqu’à Sidi Barrani. Deux mois plus tard, le maréchal italien subit une défaite cinglante au cours de l’opération « Compass », désastre qui culmine début février 1941 avec l’anéantissement des restes de la 10e armée italienne à Beda Fomm : la Libye est en partie envahie par les Britanniques et l’Italie vient de perdre 180 000 hommes. Graziani est remercié, remplacé par Gariboldi.
1941 voit le conflit se mondialiser avec l’entrée en lice de l’URSS, des USA et du Japon. L’amiral Kimmel, commandant en chef américain de la flotte du Pacifique, et le général Short, responsable de la défense de Pearl Harbor, se laissent surprendre par l’aviation embarquée nipponne qui lance un raid dévastateur sur Pearl Harbor et les terrains d’aviation d’Oahu. Le déferlement japonais en Asie-Pacifique cause d’autres départs de généraux, notamment en Birmanie.
La guerre du désert voit également son lot de généraux déboutés de leurs fonctions. En novembre 1941, le général Cunningham, placé à la tête de la 8th Army, craque nerveusement au cours de l’opération « Crusader ». Son plan a échoué et les lourdes pertes subies par ses unités blindées le convainquent que la bataille est perdue. Claude Auchinleck, le chef du Middle East Command, juge la situation tout autrement et insiste pour poursuivre la lutte, conscient que l’Afrika Korps est lui-aussi arrivé au bord de la rupture. Il décide de remplacer le chef de la 8th Army en pleine bataille. Voulant éviter de perturber davantage la chaîne de commandement, son choix se porte sur un officier de son état-major du Caire, le général Ritchie. Un choix controversé qui posera in fine de sérieuses difficultés. Début 1942, bien que jugeant Ritchie peu à occuper un tel poste, il ne peut se résoudre à changer de nouveau de commandant de la 8th Army. A ses yeux, l’effet moral d’un nouveau limogeage serait trop préjudiciable. Il doit toutefois se résoudre à relever Ritchie –incorrigible optimiste mêmes aux heures les plus graves- de ses fonctions le 26 juin 1942, suite au désastre de Tobrouk.
En 1944, les généraux Lucas, Landrum, Busch et von Schweppenburg font eux-aussi les frais d’une défaite subie par leurs troupes. En qualité de chef du 6th US Corps, John Lucas préside au débarquement d’Anzio le 22 janvier 1944. Peu téméraire, Lucas ne met pas à profit la surprise stratégique obtenue par l’opération « Shingle » et consacre au contraire son énergie à consolider la tête de pont. Lucas est relevé de ses fonctions par le général Alexander, le commandant en chef des forces terrestres en Italie, qui nomme Lucien Truscott pour le remplacer. MacKelvie, que ses hommes surnomment « Oral Null » puisqu’il ne s’adresse jamais à eux, est placé à la tête de la 90th US Infantry Division. Cette unité connaît son baptême du feu en Normandie, dans le Cotentin, en juin 1944 et ses premiers engagements se révèlent désastreux. Incapable de réagir efficacement, MacKelvie est relevé de ses fonctions par Omar Bradley, le chef de la 1st US Army. Son successeur, Landrum, ne connaît pas un sort plus heureux et il est rapidement limogé à son tour. Sur le front de l’Est, le désastre qui s’abat sur le Heeresgruppe Mitte fin juin-début juillet 1944 provoque le limogeage de son commandant, le maréchal Busch. Les difficultés concomitantes sur le front Ouest, en Normandie, provoque le départ entre-autres du général Geyr von Schweppenburg, d’autant plus que ce dernier ose préconiser un repli général pour mettre ses Panzer hors de portée de l’artillerie navale alliée.
D’autres officiers américains font les frais d’une attitude jugée trop timorée à l’origine de pertes qui auraient pu être évitées. Le général Hunter, qui dirige la chasse de la 8th Air Force en Europe, est destitué de son poste faute d’avoir trop tardé pour adopter des réservoirs supllémentaires sur les chasseurs américains, indispensables pour assurer l’escorte des bombardiers jusqu’au coeur du Reich. Son supérieur, Eaker, le patron de la 8th Air Force, très marqué par les pertes subies par ses escadrilles, est également relevé de son commandement mais il est envoyé en Méditerranée, où il prend les rènes de la 15th Air Force. Dans la Pacifique, au cours de la bataille de Saipan, le général des Marines Holland-Smith n’hésite pas à relever de son poste le général Ralph Smith, le chef de la 27th US ID, qu’il juge trop lent et pas assez efficace. Devant l’apparent manque d’efficacité des GI’s de l’armée, il le rend responsable des pertes essuyées par les Marines. Ce geste sera source de ressentiment de l’US Army à l’endroit de l’USMC (Holland-Smith n’obtiendra pas le commandement de l’invasion d’Iwo Jima).
Désobéissance
Certains officiers généraux sont limogés pour désobéissance. Cette mésaventure survient au général von Schwerin, chef de la 116. Panzer-Division est démis de son commandement, et ce à deux reprises en 1944. La première survient au cours de la contre-attaque sur Mortain, au début du mois d’août. Schwerin, qui ne croit guère au succès de l’entreprise, ne coopère en aucune manière avec la 2. Panzer-Division à laquelle il refuse le concours d’un bataillon de blindés malgré les injonctions du général von Funck, son chef de corps avec lequel il se brouille. Ce dernier n’a alors d’autre alternative que de se séparer d’un subordonné difficile qu’il n’apprécie pas. Retrouvant son commandement à la mi-août, Schwerin commet un second impair en octobre 1944 au cours de la bataille d’Aix-la-Chapelle. Considérant la cause comme entendue, il souhaite épargner des souffrances aux civils allemands et laisse une note à l’attention des forces américaines avant de quitter la ville. Malheureusement, la ville n’est finalement pas évacuée et le message de Schwerin tombe entre les mains de représentants du parti nazi, à la grande rage d’Hitler, toujours hostile à toute forme de défaitisme, particulièrement à ce stade de la guerre. Perdre son commandement pour désobéissance est aussi une mésaventure qui peut survenir à certains responsables alliés. Le général Henry Miller, responsable de la logistique de la 9th Air Force, est à ce propos un cas emblématique. Ami d’Eisenhower, mis au secret de l’opération « Overlord » (c’est un officier dit « Bigot »), il se montre fort indiscret à ce sujet au cours d’une soirée à Londres où il que le D-Day aura lieu avant le 15 juin. Le général Eisenhower est furieux d’apprendre cette fuite et n’hésite pas un instant à limoger Miller, de surcroît rétrogradé au rang de colonel puis renvoyé aux Etats-Unis.
Boucs-émissaires
C’est en tant que boucs-émissaires des échecs de leurs supérieurs que plusieurs généraux perdent leur poste. En avril 1941, Rommel, impétueux, ordonne des premiers assauts sur Tobrouk sans mener les préparatifs qu’il convient. En mai, une nouvelle tentative se solde également par un échec. Rommel décide alors de se séparer du général Streich (mais également du général Kirchheim qui le remplacera quelques semaines), qui commande la 5. Leichte-Division, alors seule division dans l’ordre de bataille de l’Afrika Korps. Les deux hommes, qui ont déjà eu plusieurs altercations au cours de la campagne de France en 1940, ne s’apprécient guère et Rommel trouve ici l’occasion de se débarrasser de Streich. Ce dernier, décidemment peu chanceux, sera à nouveau démis d’un commandement divisionnaire. En effet, en novembre 1941, jugé trop lent par Guderian, le général Streich, déjà limogé en Afrique, perd le commandement de la 16. ID (mot). Il reste sans poste pendant sept mois et ne retrouvera plus de commandement sur le front.
C’est également en Russie, au cours de l’été 1942, que le général List perd le commandement du Heeresgruppe A qui fonce dans le Caucase lorsque cette offensive qui se veut décisive échoue à atteindre ses objectifs. Hitler, qui refuse d’accepter les faits et qui n’accepte pas d’endosser sa part de responsabilité dans l’échec du Fall Blau (l’offensive de l’été 1942 de la Wehrmacht au Sud de la Russie), choisit cet officier compétent comme bouc-émissaire et prend en personne le commandement du Heeresgruppe A. Il profite de l’occasion pour se débarasser également du général Halder, le chef d’état-major de l’OKH. Chez les Britanniques, Churchill démet le Brigadier Dormann-Smith de son poste officieux de chef d’état-major de la 8th Army lorsque son supérieur, le général Auchinleck, est renvoyé du Moyen-Orient : Churchill fait ainsi « porter le chapeau » de la défaite de Tobrouk et de l’invasion de l’Egypte jusqu’à El Alamein à ceux qui ont pourtant présidé au redressement britannique sur cette dernière ligne. En Normandie, la lenteur de la progression du 30th British Corps et le peu de succès des entreprises menées par la 7th Armoured Division poussent Montgomery (chef du 21st Army Group) et Dempsey (2nd British Army) à limoger Bucknall et Erskine, respectivement commandants du 30th Corps et des « Desert Rats ».
En août-septembre 1944, en dépit d’une retraite parfois menée de façon magistrale devant la pression des événements, les généraux Blaskowitz (commandant de l’Armee-Gruppe G) et von der Chevallerie (le chef de la 1. Armee) sont démis de leurs fonctions. L’intrigue de Gauleiter (Gustav Simon se vengerait ainsi de Chevallerie qui a informé l’OKW de sa fuite ignominieuse de Luxembourg) et la fausse impression chez Hitler que ces généraux manquent de fougue alors qu’il envisage une contre-attaque en Lorraine contre la 3rd US Army, sont à l’origine de ces limogeages. Hitler ne pardonne pas à Blaskowitz d’avoir concédé une partie du terrain qu’il tenait à garder comme tremplin de sa contre-offensive. 160 000 soldats allemands ont pourtant été rapatriés du sud et du sud-ouest de la France: un élément qui n’entre pourtant aps en considération chez le Führer. Au même moment, le général von Salmuth, le commandant de la 15. Armee restée trop longtemps l’arme au pied dans le Pas-de-Calais, paye pour l’aveuglement de ses supérieurs (et le sien), leurré par l’opération d’intoxication “Fortitude”.
La mise en réserve ou le renvoi au pays
Plusieurs options s’offrent à un dirigeant politique pour relever en douceur un général. Dans l’Armée rouge, Staline persiste à confier d’importants commandements à Boudienny et à Timochenko mais, s’il ne les écarte pas définitivement, il finit par leur octroyer des postes d’immortances relativement secondaires. L’échange de poste est également de nature à masquer un renvoi. Ainsi, au cours de l’été 1941, Archibald Wavell, le commandant britannique au Moyen-Orient, injustement désavoué par Winston Churchill, doit échanger son poste avec Claude Auchinleck, alors commandant de l’armée des Indes. Une muttaion, même assortie d’une promotion peut avoir un goût proche du limogeage. Le général amércian Devers, nommé responsable du Théâtre des Opérations du Nord-Ouest en mai 1943, avec pour mission de préparer “Overlord”, n’est plus en Angleterre en 1944: il est entre-temps devenu Commandant en Chef en Afrique du Nord (où il ne se passe plus rien…) et second de Maitland Wilson, le commandant en chef allié en Méditerranée. A-t-il vécu l’arrivée d’Eisenhower au Royaume-Uni et son propre départ pour la Méditerranée comme une promotion? Quant à Eberbach, il vit comme une disgrâce sa mutation, en août 1944, du commandement de la 5. Panzerarmee (sur le front de Caen) à celui du Panzergruppe Eberbach, chargé de contre-attaquer le flanc de la percée américaine au sud du front de Normandie: de chef d’armée, il devient chef de corps (l’importance que revêt sa mission ne tempère aucunement sa vision des faits).
La mise dans la réserve générale de l’armée (la Führerreserve au sein de la Wehrmacht) permet de se débarrasser de chefs jugés indésirables sur le moment mais dont les compétences militaires, reconnues et avérées, rendent impossible la radiation pure et simple de l’armée : les talents de ces hommes sont indispensables. C’est le cas de Rundstedt, Guderian et Patton. Les deux premiers sont déboutés de leur poste fin 1941 en Russie en raison de leurs protestations à l’encontre des ordres du Führer mais aussi pour y avoir désobéi en ordonnant des replis et en préconisant une retraite de grande ampleur. En août 1943, Patton, chef de la 7th US Army, victorieuse en Sicile, est lui-aussi mis sur la sellette. « L’affaire des gifles » (au cours de la campagne, dans des hôpitaux de campagne, il a frappé à deux reprises des patients souffrant de la psychose de guerre) oblige Eisenhower à l’écarter momentanément du service au front, aussi bien en Italie que pour la préparation d’« Overlord ». Loin d’être définitivement écartés, ces trois hommes reprendront de hautes responsabilités au sein de leurs armées. On pourrait assimiler le parcours de l’amiral japonais Nagumo (il commande la principale force de porte-avions) à cette catégorie de disgrâce momentanée. Après avoir lancé le raid victorieux sur Pearl Harbor, il subit un cuisant échec au cours de la bataille de Midway puis essuie de lourdes pertes au cours des batailles navales menées autour de Guadalcanal. Il est alors rappelé au Japon où il occupe des postes secondaires avant de reprendre le combat à Saipan (où il se suicide en juillet 1944).
Moins chanceux sont les officiers affectés à ce qu’on pourrait appeler une “voie de garage”, mutation parfois agrémentée d’une promotion, voire d’une décoration, masquant un tant soit peu le limogeage. C’est la cas de Lloyd Fredendall, le très incompétent chef du IInd US Corps en Tunisie, qui est relevé de son commandement après l’échec de Kasserine. Loin d’être débouté de l’US Army, Fredendall participe à l’entraînement de l’armée américaine aux Etats-Unis. Fausse promotion, en vérité. Patton subit une mésaventure du même ordre à la fin de la guerre lorsque ses frasques avec les responsables nazis de Bavière obligent Eisenhower à se débarasser de ce subordonné en lui confiant le commandement de la 15th US Army, en fait une poignée de gratte-papiers chargés d’établir l’histoire et de tirer des enseignements de la guerre menée par les Américains en Europe du Nord-Ouest.
Un transfert peu avoir lieu alors qu’un changement de commandement semble opportun: fin juillet 1944, après la percée américaine dans la Cotentin, Choltitz cède le commandement du LXXXIV Korps qui vient d’être sévèremment battu et il est nommé commandant du Gross Paris (mais Hausser, le chef de la 7. Armee affirme que cette mutation avait été décidée avant l’opération “Cobra”, la percée américaine). Deux années plus tôt, en mars 1942, le talentueux général Crüwell, chef de l’Afrika Korps, rentre précipitamment en Allemagne suite au décès prématuré de son épouse. Lorsqu’en mai 1942 il retourne en Afrique, le commandement de l’Afrika Korps est alors passé entre-temps à Walther Nehring et Rommel confie alors à Crüwell un groupement de circonstance chargé d’attaquer la partie nord de la ligne de Gazala. Nul doute que Rommel est trop heureux de confier cette tâche secondaire à un subalterne qui l’a trop souvent contredit (et parfois à bon escient) pendant la bataille de Gazala.
Difficultés relationnelles
Rommel et Crüwell ne s’entendaient pas. Au sein de l’US Army, Wood et Terry Allen sont des hommes de caractères. Wood n’a de cesse de tenir tête à son supérieur, Manton Eddy, le chef du 12th US Corps (dont il jalouse la promotion). Sa désobéisance en Lorraine est l’erreur de trop. Il est relevé de ses fonctions. Quant à Allen, l’impétueux commandant de la 1st US ID “Big Red One”, s’il est populaire auprès de ses hommes, sa forte propension à considérer sa division comme “sa” chose, le caractère individualiste et indépendant qu’il inculque à son unité et sa forte personnalité poussent ses supérieurs à le relever de son poste. Bradley prend prétexte de l’échec devant Troina pour se débarsasser de cet officier qu’il déteste. Pareille mésaventure survient à un officier particulièrement grinçant, Percy Hobart, l’homme qui formera en Egypte l’embryon de ce qui sera la 7th Armoured Division (les “Rats du Désert”) et qui, rappelé plus tard, sera à l’origine de la formation de la 79th Armoured Division dotée de “Funnies”, ces blindés spéciaux qui joueront un rôle crucial le Jour J. Les difficultés relationnelles présidant à une mutation ne se limitent pas à la sphère professionnelle. Le général Gause, chef d’état-major de Rommel au Heeresgruppe B en France en 1944 (il servait déjà le “Renard du Désert” à ce poste en Afrique), doit être muté car son épouse n’a pas l’heur de plaire à la femme du prestigieux maréchal Rommel.
Pessimisme ou santé: d’autres raisons de départs
Trop pessimiste, le général Walther Nehring, l’est certainement en décembre 1942. Il est alors alors en charge de la tête de pont de Tunisie lorsqu’il est remplacé par le général von Arnim. A la décharge de Nehring, il faut rappeler que celui-ci sortait de convalescence suite à la blessure reçue à Alam Halfa l’été précédent. Ce brillant officier de Panzer est donc écarté. Ecartés aussi l’ont été les maréchaux von Rundstedt, von Bock, von Leeb ainsi que les généraux Guderian et Hoepner début 1942 à la suite de la défaite de Moscou (désobéissance, repli, défaitisme, échec final de “Barbarossa”… ). On se demande comment Rundstedt a pu oser préconiser à Hitler un repli jusqu’à la frontière polonaise… A l’exception du premier, tous les autres sont mis à la retraite. Pis, Hoepner est chassé du corps des officiers. Plus d’une trentaine de généraux sont démis de leurs fonctions à la suite des échecs consécutifs de “Barbarossa” et de “Typhon”.
D’autres perdent leur poste pour raison de santé. C’est le cas du général Lee, le chef de la 101st US Airborne, remplacé en février 1944 par le général Maxwell Taylor, qui a jusqu’alors servi au sein de la 82nd US Airborne. En 1941, le commandant en chef de la Wehrmacht à l’Ouest est le maréchal von Witzleben, qui cède son poste pour raison de santé (il fera partie des conjurés du 20 juillet 1944). Le 19 décembre de la même année, c’est Brauchitsch en personne, le commandant en chef de l’armée de Terre allemande (la Heer), qui doit se résoudre à démissionner à la suite d’une crise cardiaque. Hitler s’empresse d’assumer ses fonctions en personne, et ce jusqu’à la fin de la guerre… Le front de l’Est exige des officiers -parfois avancés en âge- une résistance physique que tous n’ont pas.
Des conséquences dramatiques
Etre relevé ou muté est un moindre mal pour un officier jugé fautif par ses supérieurs au point qu’il doit être limogé. Les conséquences peuvent être beaucoup plus dramatiques. Au début de la guerre germano-soviétique, Staline n’hésite pas à faire passer par les armes de nombreux généraux jugés défaillants, même si le maître du Kremlin ne peut toujours être exempté des revers subis par ces derniers. Il ne faut pas pour autant que Staline fait fusiller tous les officiers vaincus ou récalcitrant: il aura la bonne d’épargner Joukov qui préconise l’évacuation de Kiev en passe d’être encerclé. Cette suggestion lui coûte son poste et il est limogé par Staline, qui saura toutefois le rappeler aux postes les plus importants, pour la plus grande chance de l’Armée rouge et l’Union Soviétique.
La guerre à l’Est n’épargne pas les généraux allemands. Le général Hans von Sponeck est jugé en cours martiale après avoir dû concéder du terrain aux Soviétiques en Crimée en décembre 1941. S’il sauve son unité, l’unique division en position face aux Soviétiques défendant l’accès au détroit de Kerch. il s’est replié sans ordres. Condamné à mort, sa peine est commuée en 6 ans d’internement (il est fusillé après l’attentat du 20 juillet). Le général Stumme perd son commandement (le XL. Panzerkorps) au cours de l’été 1942, suite à la prise par l’ennemi d’importants documents concernant le Fall Blau. Condamné par la justice militaire, il écope d’abord de cinq ans de détention puis est muté en Afrique du Nord où il doit se réhabiliter. Son chef d’état-major et le commandant de la 23. Panzer-Division sont démis de leurs fonctions par la même occasion. La cours martiale n’aboutit pas toujours à des décisions aussi extrêmes (peine capitale, internement). D’abord condamné à mort, Feuchtinger, le commandant de la 21. Panzer, est pourtant rétrogradé au rang de simple artilleur en 1945 (accusé de défaitisme, il vit ouvertement avec aisance avec sa maîtresse sud-américaine)…
Des limogeages qui n’ont pas eu lieu
Y a-t-il eu des généraux qui, selon toute probabilité, aurait dû être limogés mais qui in fine demeurent à leur poste contre toute attente? Quelques noms célèbres, voire prestigieux, viennent à l’esprit. On pense ainsi au général Huntziger, le chef de la IIe armée française, dont la piètre gestion de percée ennemie à Sedan ne plaide guère en sa faveur. Il a su faire “porter le chapeau” au général Corap, son confrère de la IXe armée, qui a pourtant insisté sur la faiblesse de son dispositif à plusieurs reprises (Corap, remercié, est remplacé par le général Giraud le 15 mai). Pis, Huntziger prend du galon puisqu’il prend le commandement du Groupe d’Armées 2. Quant au général Georges, qui commande les forces du front du Nord-Est, c’est-à-dire le front principal, celui sur lequel s’abat le désastre, il conserve son commandement jusqu’à l’effondrement final…
Le général Ritchie aurait dû lui-aussi céder son poste à la tête de la 8th Army au début de 1942, bien avant la bataille de Gazala mais Auchinleck, son supérieur, estime que changer une deuxième fois de commandant de l’armée en si peu de temps aurait de lourdes répercussions sur le moral de l’armée (avec le recul, on peut légitimement se demander si les répercussions au niveau opérationnel d’un maintien de Ritchie à son poste n’étaient pas plus graves…). En effet, fin 1941, alors que l’opération “Crusader” bat son plein (l’offensive vise à libérer Tobrouk de l’étreinte des forces de l’Axe qui l’entourent), Auchinleck s’est vu contraint de relever Cunningham du commandement de la 8th Army. Héros national depuis El Alamein, Montgomery, idole de l’armée britannique, conservera le commandement du 21st Army Group jusqu’à la victoire finale, non sans être passé très près de la destitution à force d’insistance pour endosser la responsabilité de commandant en chef des forces terrestres alliées, rôle endossé par Eisenhower, par ailleurs commandant suprême, qui a dû faire preuve d’une patience remarquable envers ce subordonné bien difficile, frisant même l’insubordination (Monty sera sauvé in extremis par de Guingand, son chef d’état-major). A El Alamein, certains subordonnés de “Monty” ont eux-mêmes éviter le limogeage en obéissant finalement à des ordres, faute de quoi -et Montgomery a été très explicite sur ce point- le chef de la 8th Army aurait trouvé d’autres officiers pour assumer la tâche demandée.
On peut estimer également que Koniev a eu beaucoup de chance après l’échec de l’offensive contre le saillant de Rjev au cours de l’automne et de l’hiver 1942/43. Nul doute que le succès remporté à Stalingrad et l’appui de Joukov ont sauvé la mise d’un général que Staline voulait sanctionner. Boudienny, déjà nommé, doit à la faveur de Staline d’avoir conservé un commandement même après le désastre de Kiev (en septembre 1941).
Patton, déjà sanctionné pour l’affaire des gifles en Sicile, manque de peu un renvoi définitif aux Etats-Unis à la veille du débarquement en Normandie. Le 30 avril 1944, en effet, après que la presse ait rapporté des propos de Patton selon lesquels les Britanniques et les Américains doivent contrôler le monde après la guerre, Eisenhower câble à Marschall qu’il le relèvera de son commandement si aucune nouvelle information ne vient plaider en sa faveur. Que dire également de MacArthur de décembre 1941 au printemps 1942 ? Sa piètre performance aux Philippines ne nuit aucunement à sa carrière: il sera un des principaux leaders américains dans la lutte contre l’empire du Japon. Ancien commandant en chef de l’US Army et maréchal de l’armée des Philippines, c’est un véritable héros national.
Le maréchal Model, l’homme des situations désespérées de la Wehrmacht en 1944 (Biélorussie puis Normandie), échoue dans la contre-offensive des Ardennes que Hitler veut désisive. Le Führer, qui en a limogé pour moins que cela, n’en tiendra pourtant pas cure au Feldmarschall. Enfin, Erwin Rommel, le grand adversaire de Montgomery, le héros de la propagande de Goebbels, échappe également, par deux fois, à une disgrâce qui n’aurait pas manqué de frapper tout autre maréchal moins emblématique. La défaite d’El Alamein et la catastrophe finale de Tunisie aurait pu signifier la fin de la carrière du grand général. C’est ainsi que celui-ci envisage un temps les choses avant de se sentir à nouveau investi de la confiance du Führer. Ce dernier a bien compris le symbole que représente Rommel, l’icône de la propagande. Lorsque, fin juin-début juillet 1944, Hitler démet Rundstedt et Geyr von Schweppenburg de leurs postes, sanctionnant ainsi l’échec des mesures face à l’Invasion et des propositions de repli inacceptables au goût du Führer, Rommel, dont les propos défaitistes ne sont pourtant pas passés inaperçus, échappe à la purge qui frappe le haut-commandement allemand à l’Ouest.
Conclusion
Fallait-il limoger ces maréchaux, ces généraux et ces amiraux? Gardons-nous d ejuger hâtivement des décisions prises dans un contexte parfois difficile par des responsables jugeant à partir des éléments dont ils disposaient. Certaines figures -comme Montgomery- ont émergé suite à la disgrâce d’un autre. L’homme, loin de n’être pourvu que de défauts, n’est pourtant pas un grand général. Hitler n’a-t-il pas pris un risque en mettant à l’écart -parfois pour longtemps, voire définitivement-, tant de généraux après l’échec devant Moscou? En revanche, le départ de généraux tels que Fredendall ou Cunningham a été salutaire car elle a permis de laisser les forces combattantes entre les mains d’officiers visiblement au-dessus de leurs compétences. Mais remplacer Gamelin par Weygand a-t-il été nécessaire, au-delà de la défaite qui était alors inévitable? Kluge puis Model n’ont pas fait mieux que Rundstedt face à l’Invasion, de même que Truscott remplaçant Lucas. D’autres, échappant au couperet, demeurent en place, pour le meilleur ou le pire du camp qu’ils servent: Rommel, MacArthur, Koniev…
De nombreux généraux ont donc subi la douloureuse et humiliante expérience du limogeage. Si la sanction d’une défaite représente le cas apparemment le plus répandu, les raisons qui président à une destitution sont multiples et variées. Parfois, on ne peut s’empêcher de resentir un sentiment d’injustice frappant des officiers qui ne semblent pourtant pas avoir démérités. La possibilité de limoger les officiers supérieurs les plus hauts gradés rappelle la la fragilité de la gloire militaire: on a tôt fait de passer des louanges à l’opprobre. Les généraux sont avant tout des hommes, avec leurs travers. Ils sont aussi carriéristes mais sous la menace du limogeage, véritable épée de Damoclès.
Depuis 1914, l’expression “être limogé” est entrée dans le vocabulaire militaire pour désigner le fait d’être relevé de ses fonctions. Nombre de généraux, qui ont occupé les postes les plus importants au cours du dernier conflit mondial, ont été démis de leurs fonctions. Sans vouloir être exhaustifs, tentons de chercher les raisons qui, sur tous les fronts, ont amené un général à perdre son commandement.
Qui limoge?
Certains responsables politiques ou militaires seraient-ils plus enclins à limoger que d’autres? Churchill et Hitler n’ont pas hésité à se séparer brutalement de certains de leurs grands subordonnés. Avec le temps des défaites, en 1945, cette pratique prend de l’ampleur chez Hitler: Guderian, finalement devenu chef d’état-major de l’OKH, en fait les frais. Au sein de l’US Army, Bradley n’hésite guère à relever un général de ses fonctions. Patton, au contraire, en dépit de sa réputation d’homme au caractère entier, s’avère beaucoup plus compréhensif pour les échecs subis par ses subordonnés (il n’a en fait limogé qu’un seul de ses généraux…). Ne pouvant envisager une autre vie que consacrée à la chose militaire, il se peut que ce général, beaucoup plus sensible qu’on a pu l’écrire, se soit ému à l’idée de briser une carrière militaire de façon intempestive. Contrairement à Bradley, il s’accomode du tempérament de Terry Allen. En novembre 1944, il éprouve quelques difficultés à se séparer de Wood, le fougueux commandant de la 4th US Armored Division: essayant de lui trouver une porte de sortie élégante, il est pourtant contraint de le relever “car il était devenu beaucoup trop nerveux pour garder son commandement”. Montgomery, Rommel, Clark et d’autres ont relevé des subordonnés sans état d’âme. Dans quelles circonstances ces décisions ont-elles été prises?
La défaite
La raison la plus fréquente de limogeage d’un général –et cela ne saurait surprendre- est la sanction pour une défaite subie par cet officier. Les exemples sont légions.
En 1940, Gamelin, généralissime des armées françaises, ancien bras droit de Joffre, assiste bien impuissant à l’effondrement de son plan de bataille pour contrer l’offensive de la Wehrmacht à l’Ouest. Dès le 13 mai, trois jours à peine après le début des combats, la rupture du front est consommée sur la Meuse. Le 20 mai, les Allemands atteignent la Manche, isolant ainsi le principal corps de bataille allié. Le général Weygand, l’ancien fidèle de Foch, jusqu’alors commandant en chef au Levant, succède à Gamelin et hérite d’une situation dramatique face à laquelle il ne se montrera pas plus à la hauteur que son prédécesseur. Gamelin est donc limogé par le président du Conseil Paul Reynaud, résolu à prendre cette décision dès le 17 mai 1940, afin d’écarter un général qui ne lui plaît pas (le président du conseil avait déjà préparé le décret devant le limoger le 10 mai 1940 mais l’offensive allemande débute le même jour…).
Cette même année 1940, au mois de septembre, sur ordre exprès de Mussolini, le maréchal Graziani se lance à la conquête de l’Egypte, qui se borne à une avance jusqu’à Sidi Barrani. Deux mois plus tard, le maréchal italien subit une défaite cinglante au cours de l’opération « Compass », désastre qui culmine début février 1941 avec l’anéantissement des restes de la 10e armée italienne à Beda Fomm : la Libye est en partie envahie par les Britanniques et l’Italie vient de perdre 180 000 hommes. Graziani est remercié, remplacé par Gariboldi.
1941 voit le conflit se mondialiser avec l’entrée en lice de l’URSS, des USA et du Japon. L’amiral Kimmel, commandant en chef américain de la flotte du Pacifique, et le général Short, responsable de la défense de Pearl Harbor, se laissent surprendre par l’aviation embarquée nipponne qui lance un raid dévastateur sur Pearl Harbor et les terrains d’aviation d’Oahu. Le déferlement japonais en Asie-Pacifique cause d’autres départs de généraux, notamment en Birmanie.
La guerre du désert voit également son lot de généraux déboutés de leurs fonctions. En novembre 1941, le général Cunningham, placé à la tête de la 8th Army, craque nerveusement au cours de l’opération « Crusader ». Son plan a échoué et les lourdes pertes subies par ses unités blindées le convainquent que la bataille est perdue. Claude Auchinleck, le chef du Middle East Command, juge la situation tout autrement et insiste pour poursuivre la lutte, conscient que l’Afrika Korps est lui-aussi arrivé au bord de la rupture. Il décide de remplacer le chef de la 8th Army en pleine bataille. Voulant éviter de perturber davantage la chaîne de commandement, son choix se porte sur un officier de son état-major du Caire, le général Ritchie. Un choix controversé qui posera in fine de sérieuses difficultés. Début 1942, bien que jugeant Ritchie peu à occuper un tel poste, il ne peut se résoudre à changer de nouveau de commandant de la 8th Army. A ses yeux, l’effet moral d’un nouveau limogeage serait trop préjudiciable. Il doit toutefois se résoudre à relever Ritchie –incorrigible optimiste mêmes aux heures les plus graves- de ses fonctions le 26 juin 1942, suite au désastre de Tobrouk.
En 1944, les généraux Lucas, Landrum, Busch et von Schweppenburg font eux-aussi les frais d’une défaite subie par leurs troupes. En qualité de chef du 6th US Corps, John Lucas préside au débarquement d’Anzio le 22 janvier 1944. Peu téméraire, Lucas ne met pas à profit la surprise stratégique obtenue par l’opération « Shingle » et consacre au contraire son énergie à consolider la tête de pont. Lucas est relevé de ses fonctions par le général Alexander, le commandant en chef des forces terrestres en Italie, qui nomme Lucien Truscott pour le remplacer. MacKelvie, que ses hommes surnomment « Oral Null » puisqu’il ne s’adresse jamais à eux, est placé à la tête de la 90th US Infantry Division. Cette unité connaît son baptême du feu en Normandie, dans le Cotentin, en juin 1944 et ses premiers engagements se révèlent désastreux. Incapable de réagir efficacement, MacKelvie est relevé de ses fonctions par Omar Bradley, le chef de la 1st US Army. Son successeur, Landrum, ne connaît pas un sort plus heureux et il est rapidement limogé à son tour. Sur le front de l’Est, le désastre qui s’abat sur le Heeresgruppe Mitte fin juin-début juillet 1944 provoque le limogeage de son commandant, le maréchal Busch. Les difficultés concomitantes sur le front Ouest, en Normandie, provoque le départ entre-autres du général Geyr von Schweppenburg, d’autant plus que ce dernier ose préconiser un repli général pour mettre ses Panzer hors de portée de l’artillerie navale alliée.
D’autres officiers américains font les frais d’une attitude jugée trop timorée à l’origine de pertes qui auraient pu être évitées. Le général Hunter, qui dirige la chasse de la 8th Air Force en Europe, est destitué de son poste faute d’avoir trop tardé pour adopter des réservoirs supllémentaires sur les chasseurs américains, indispensables pour assurer l’escorte des bombardiers jusqu’au coeur du Reich. Son supérieur, Eaker, le patron de la 8th Air Force, très marqué par les pertes subies par ses escadrilles, est également relevé de son commandement mais il est envoyé en Méditerranée, où il prend les rènes de la 15th Air Force. Dans la Pacifique, au cours de la bataille de Saipan, le général des Marines Holland-Smith n’hésite pas à relever de son poste le général Ralph Smith, le chef de la 27th US ID, qu’il juge trop lent et pas assez efficace. Devant l’apparent manque d’efficacité des GI’s de l’armée, il le rend responsable des pertes essuyées par les Marines. Ce geste sera source de ressentiment de l’US Army à l’endroit de l’USMC (Holland-Smith n’obtiendra pas le commandement de l’invasion d’Iwo Jima).
Désobéissance
Certains officiers généraux sont limogés pour désobéissance. Cette mésaventure survient au général von Schwerin, chef de la 116. Panzer-Division est démis de son commandement, et ce à deux reprises en 1944. La première survient au cours de la contre-attaque sur Mortain, au début du mois d’août. Schwerin, qui ne croit guère au succès de l’entreprise, ne coopère en aucune manière avec la 2. Panzer-Division à laquelle il refuse le concours d’un bataillon de blindés malgré les injonctions du général von Funck, son chef de corps avec lequel il se brouille. Ce dernier n’a alors d’autre alternative que de se séparer d’un subordonné difficile qu’il n’apprécie pas. Retrouvant son commandement à la mi-août, Schwerin commet un second impair en octobre 1944 au cours de la bataille d’Aix-la-Chapelle. Considérant la cause comme entendue, il souhaite épargner des souffrances aux civils allemands et laisse une note à l’attention des forces américaines avant de quitter la ville. Malheureusement, la ville n’est finalement pas évacuée et le message de Schwerin tombe entre les mains de représentants du parti nazi, à la grande rage d’Hitler, toujours hostile à toute forme de défaitisme, particulièrement à ce stade de la guerre. Perdre son commandement pour désobéissance est aussi une mésaventure qui peut survenir à certains responsables alliés. Le général Henry Miller, responsable de la logistique de la 9th Air Force, est à ce propos un cas emblématique. Ami d’Eisenhower, mis au secret de l’opération « Overlord » (c’est un officier dit « Bigot »), il se montre fort indiscret à ce sujet au cours d’une soirée à Londres où il que le D-Day aura lieu avant le 15 juin. Le général Eisenhower est furieux d’apprendre cette fuite et n’hésite pas un instant à limoger Miller, de surcroît rétrogradé au rang de colonel puis renvoyé aux Etats-Unis.
Boucs-émissaires
C’est en tant que boucs-émissaires des échecs de leurs supérieurs que plusieurs généraux perdent leur poste. En avril 1941, Rommel, impétueux, ordonne des premiers assauts sur Tobrouk sans mener les préparatifs qu’il convient. En mai, une nouvelle tentative se solde également par un échec. Rommel décide alors de se séparer du général Streich (mais également du général Kirchheim qui le remplacera quelques semaines), qui commande la 5. Leichte-Division, alors seule division dans l’ordre de bataille de l’Afrika Korps. Les deux hommes, qui ont déjà eu plusieurs altercations au cours de la campagne de France en 1940, ne s’apprécient guère et Rommel trouve ici l’occasion de se débarrasser de Streich. Ce dernier, décidemment peu chanceux, sera à nouveau démis d’un commandement divisionnaire. En effet, en novembre 1941, jugé trop lent par Guderian, le général Streich, déjà limogé en Afrique, perd le commandement de la 16. ID (mot). Il reste sans poste pendant sept mois et ne retrouvera plus de commandement sur le front.
C’est également en Russie, au cours de l’été 1942, que le général List perd le commandement du Heeresgruppe A qui fonce dans le Caucase lorsque cette offensive qui se veut décisive échoue à atteindre ses objectifs. Hitler, qui refuse d’accepter les faits et qui n’accepte pas d’endosser sa part de responsabilité dans l’échec du Fall Blau (l’offensive de l’été 1942 de la Wehrmacht au Sud de la Russie), choisit cet officier compétent comme bouc-émissaire et prend en personne le commandement du Heeresgruppe A. Il profite de l’occasion pour se débarasser également du général Halder, le chef d’état-major de l’OKH. Chez les Britanniques, Churchill démet le Brigadier Dormann-Smith de son poste officieux de chef d’état-major de la 8th Army lorsque son supérieur, le général Auchinleck, est renvoyé du Moyen-Orient : Churchill fait ainsi « porter le chapeau » de la défaite de Tobrouk et de l’invasion de l’Egypte jusqu’à El Alamein à ceux qui ont pourtant présidé au redressement britannique sur cette dernière ligne. En Normandie, la lenteur de la progression du 30th British Corps et le peu de succès des entreprises menées par la 7th Armoured Division poussent Montgomery (chef du 21st Army Group) et Dempsey (2nd British Army) à limoger Bucknall et Erskine, respectivement commandants du 30th Corps et des « Desert Rats ».
En août-septembre 1944, en dépit d’une retraite parfois menée de façon magistrale devant la pression des événements, les généraux Blaskowitz (commandant de l’Armee-Gruppe G) et von der Chevallerie (le chef de la 1. Armee) sont démis de leurs fonctions. L’intrigue de Gauleiter (Gustav Simon se vengerait ainsi de Chevallerie qui a informé l’OKW de sa fuite ignominieuse de Luxembourg) et la fausse impression chez Hitler que ces généraux manquent de fougue alors qu’il envisage une contre-attaque en Lorraine contre la 3rd US Army, sont à l’origine de ces limogeages. Hitler ne pardonne pas à Blaskowitz d’avoir concédé une partie du terrain qu’il tenait à garder comme tremplin de sa contre-offensive. 160 000 soldats allemands ont pourtant été rapatriés du sud et du sud-ouest de la France: un élément qui n’entre pourtant aps en considération chez le Führer. Au même moment, le général von Salmuth, le commandant de la 15. Armee restée trop longtemps l’arme au pied dans le Pas-de-Calais, paye pour l’aveuglement de ses supérieurs (et le sien), leurré par l’opération d’intoxication “Fortitude”.
La mise en réserve ou le renvoi au pays
Plusieurs options s’offrent à un dirigeant politique pour relever en douceur un général. Dans l’Armée rouge, Staline persiste à confier d’importants commandements à Boudienny et à Timochenko mais, s’il ne les écarte pas définitivement, il finit par leur octroyer des postes d’immortances relativement secondaires. L’échange de poste est également de nature à masquer un renvoi. Ainsi, au cours de l’été 1941, Archibald Wavell, le commandant britannique au Moyen-Orient, injustement désavoué par Winston Churchill, doit échanger son poste avec Claude Auchinleck, alors commandant de l’armée des Indes. Une muttaion, même assortie d’une promotion peut avoir un goût proche du limogeage. Le général amércian Devers, nommé responsable du Théâtre des Opérations du Nord-Ouest en mai 1943, avec pour mission de préparer “Overlord”, n’est plus en Angleterre en 1944: il est entre-temps devenu Commandant en Chef en Afrique du Nord (où il ne se passe plus rien…) et second de Maitland Wilson, le commandant en chef allié en Méditerranée. A-t-il vécu l’arrivée d’Eisenhower au Royaume-Uni et son propre départ pour la Méditerranée comme une promotion? Quant à Eberbach, il vit comme une disgrâce sa mutation, en août 1944, du commandement de la 5. Panzerarmee (sur le front de Caen) à celui du Panzergruppe Eberbach, chargé de contre-attaquer le flanc de la percée américaine au sud du front de Normandie: de chef d’armée, il devient chef de corps (l’importance que revêt sa mission ne tempère aucunement sa vision des faits).
La mise dans la réserve générale de l’armée (la Führerreserve au sein de la Wehrmacht) permet de se débarrasser de chefs jugés indésirables sur le moment mais dont les compétences militaires, reconnues et avérées, rendent impossible la radiation pure et simple de l’armée : les talents de ces hommes sont indispensables. C’est le cas de Rundstedt, Guderian et Patton. Les deux premiers sont déboutés de leur poste fin 1941 en Russie en raison de leurs protestations à l’encontre des ordres du Führer mais aussi pour y avoir désobéi en ordonnant des replis et en préconisant une retraite de grande ampleur. En août 1943, Patton, chef de la 7th US Army, victorieuse en Sicile, est lui-aussi mis sur la sellette. « L’affaire des gifles » (au cours de la campagne, dans des hôpitaux de campagne, il a frappé à deux reprises des patients souffrant de la psychose de guerre) oblige Eisenhower à l’écarter momentanément du service au front, aussi bien en Italie que pour la préparation d’« Overlord ». Loin d’être définitivement écartés, ces trois hommes reprendront de hautes responsabilités au sein de leurs armées. On pourrait assimiler le parcours de l’amiral japonais Nagumo (il commande la principale force de porte-avions) à cette catégorie de disgrâce momentanée. Après avoir lancé le raid victorieux sur Pearl Harbor, il subit un cuisant échec au cours de la bataille de Midway puis essuie de lourdes pertes au cours des batailles navales menées autour de Guadalcanal. Il est alors rappelé au Japon où il occupe des postes secondaires avant de reprendre le combat à Saipan (où il se suicide en juillet 1944).
Moins chanceux sont les officiers affectés à ce qu’on pourrait appeler une “voie de garage”, mutation parfois agrémentée d’une promotion, voire d’une décoration, masquant un tant soit peu le limogeage. C’est la cas de Lloyd Fredendall, le très incompétent chef du IInd US Corps en Tunisie, qui est relevé de son commandement après l’échec de Kasserine. Loin d’être débouté de l’US Army, Fredendall participe à l’entraînement de l’armée américaine aux Etats-Unis. Fausse promotion, en vérité. Patton subit une mésaventure du même ordre à la fin de la guerre lorsque ses frasques avec les responsables nazis de Bavière obligent Eisenhower à se débarasser de ce subordonné en lui confiant le commandement de la 15th US Army, en fait une poignée de gratte-papiers chargés d’établir l’histoire et de tirer des enseignements de la guerre menée par les Américains en Europe du Nord-Ouest.
Un transfert peu avoir lieu alors qu’un changement de commandement semble opportun: fin juillet 1944, après la percée américaine dans la Cotentin, Choltitz cède le commandement du LXXXIV Korps qui vient d’être sévèremment battu et il est nommé commandant du Gross Paris (mais Hausser, le chef de la 7. Armee affirme que cette mutation avait été décidée avant l’opération “Cobra”, la percée américaine). Deux années plus tôt, en mars 1942, le talentueux général Crüwell, chef de l’Afrika Korps, rentre précipitamment en Allemagne suite au décès prématuré de son épouse. Lorsqu’en mai 1942 il retourne en Afrique, le commandement de l’Afrika Korps est alors passé entre-temps à Walther Nehring et Rommel confie alors à Crüwell un groupement de circonstance chargé d’attaquer la partie nord de la ligne de Gazala. Nul doute que Rommel est trop heureux de confier cette tâche secondaire à un subalterne qui l’a trop souvent contredit (et parfois à bon escient) pendant la bataille de Gazala.
Difficultés relationnelles
Rommel et Crüwell ne s’entendaient pas. Au sein de l’US Army, Wood et Terry Allen sont des hommes de caractères. Wood n’a de cesse de tenir tête à son supérieur, Manton Eddy, le chef du 12th US Corps (dont il jalouse la promotion). Sa désobéisance en Lorraine est l’erreur de trop. Il est relevé de ses fonctions. Quant à Allen, l’impétueux commandant de la 1st US ID “Big Red One”, s’il est populaire auprès de ses hommes, sa forte propension à considérer sa division comme “sa” chose, le caractère individualiste et indépendant qu’il inculque à son unité et sa forte personnalité poussent ses supérieurs à le relever de son poste. Bradley prend prétexte de l’échec devant Troina pour se débarsasser de cet officier qu’il déteste. Pareille mésaventure survient à un officier particulièrement grinçant, Percy Hobart, l’homme qui formera en Egypte l’embryon de ce qui sera la 7th Armoured Division (les “Rats du Désert”) et qui, rappelé plus tard, sera à l’origine de la formation de la 79th Armoured Division dotée de “Funnies”, ces blindés spéciaux qui joueront un rôle crucial le Jour J. Les difficultés relationnelles présidant à une mutation ne se limitent pas à la sphère professionnelle. Le général Gause, chef d’état-major de Rommel au Heeresgruppe B en France en 1944 (il servait déjà le “Renard du Désert” à ce poste en Afrique), doit être muté car son épouse n’a pas l’heur de plaire à la femme du prestigieux maréchal Rommel.
Pessimisme ou santé: d’autres raisons de départs
Trop pessimiste, le général Walther Nehring, l’est certainement en décembre 1942. Il est alors alors en charge de la tête de pont de Tunisie lorsqu’il est remplacé par le général von Arnim. A la décharge de Nehring, il faut rappeler que celui-ci sortait de convalescence suite à la blessure reçue à Alam Halfa l’été précédent. Ce brillant officier de Panzer est donc écarté. Ecartés aussi l’ont été les maréchaux von Rundstedt, von Bock, von Leeb ainsi que les généraux Guderian et Hoepner début 1942 à la suite de la défaite de Moscou (désobéissance, repli, défaitisme, échec final de “Barbarossa”… ). On se demande comment Rundstedt a pu oser préconiser à Hitler un repli jusqu’à la frontière polonaise… A l’exception du premier, tous les autres sont mis à la retraite. Pis, Hoepner est chassé du corps des officiers. Plus d’une trentaine de généraux sont démis de leurs fonctions à la suite des échecs consécutifs de “Barbarossa” et de “Typhon”.
D’autres perdent leur poste pour raison de santé. C’est le cas du général Lee, le chef de la 101st US Airborne, remplacé en février 1944 par le général Maxwell Taylor, qui a jusqu’alors servi au sein de la 82nd US Airborne. En 1941, le commandant en chef de la Wehrmacht à l’Ouest est le maréchal von Witzleben, qui cède son poste pour raison de santé (il fera partie des conjurés du 20 juillet 1944). Le 19 décembre de la même année, c’est Brauchitsch en personne, le commandant en chef de l’armée de Terre allemande (la Heer), qui doit se résoudre à démissionner à la suite d’une crise cardiaque. Hitler s’empresse d’assumer ses fonctions en personne, et ce jusqu’à la fin de la guerre… Le front de l’Est exige des officiers -parfois avancés en âge- une résistance physique que tous n’ont pas.
Des conséquences dramatiques
Etre relevé ou muté est un moindre mal pour un officier jugé fautif par ses supérieurs au point qu’il doit être limogé. Les conséquences peuvent être beaucoup plus dramatiques. Au début de la guerre germano-soviétique, Staline n’hésite pas à faire passer par les armes de nombreux généraux jugés défaillants, même si le maître du Kremlin ne peut toujours être exempté des revers subis par ces derniers. Il ne faut pas pour autant que Staline fait fusiller tous les officiers vaincus ou récalcitrant: il aura la bonne d’épargner Joukov qui préconise l’évacuation de Kiev en passe d’être encerclé. Cette suggestion lui coûte son poste et il est limogé par Staline, qui saura toutefois le rappeler aux postes les plus importants, pour la plus grande chance de l’Armée rouge et l’Union Soviétique.
La guerre à l’Est n’épargne pas les généraux allemands. Le général Hans von Sponeck est jugé en cours martiale après avoir dû concéder du terrain aux Soviétiques en Crimée en décembre 1941. S’il sauve son unité, l’unique division en position face aux Soviétiques défendant l’accès au détroit de Kerch. il s’est replié sans ordres. Condamné à mort, sa peine est commuée en 6 ans d’internement (il est fusillé après l’attentat du 20 juillet). Le général Stumme perd son commandement (le XL. Panzerkorps) au cours de l’été 1942, suite à la prise par l’ennemi d’importants documents concernant le Fall Blau. Condamné par la justice militaire, il écope d’abord de cinq ans de détention puis est muté en Afrique du Nord où il doit se réhabiliter. Son chef d’état-major et le commandant de la 23. Panzer-Division sont démis de leurs fonctions par la même occasion. La cours martiale n’aboutit pas toujours à des décisions aussi extrêmes (peine capitale, internement). D’abord condamné à mort, Feuchtinger, le commandant de la 21. Panzer, est pourtant rétrogradé au rang de simple artilleur en 1945 (accusé de défaitisme, il vit ouvertement avec aisance avec sa maîtresse sud-américaine)…
Des limogeages qui n’ont pas eu lieu
Y a-t-il eu des généraux qui, selon toute probabilité, aurait dû être limogés mais qui in fine demeurent à leur poste contre toute attente? Quelques noms célèbres, voire prestigieux, viennent à l’esprit. On pense ainsi au général Huntziger, le chef de la IIe armée française, dont la piètre gestion de percée ennemie à Sedan ne plaide guère en sa faveur. Il a su faire “porter le chapeau” au général Corap, son confrère de la IXe armée, qui a pourtant insisté sur la faiblesse de son dispositif à plusieurs reprises (Corap, remercié, est remplacé par le général Giraud le 15 mai). Pis, Huntziger prend du galon puisqu’il prend le commandement du Groupe d’Armées 2. Quant au général Georges, qui commande les forces du front du Nord-Est, c’est-à-dire le front principal, celui sur lequel s’abat le désastre, il conserve son commandement jusqu’à l’effondrement final…
Le général Ritchie aurait dû lui-aussi céder son poste à la tête de la 8th Army au début de 1942, bien avant la bataille de Gazala mais Auchinleck, son supérieur, estime que changer une deuxième fois de commandant de l’armée en si peu de temps aurait de lourdes répercussions sur le moral de l’armée (avec le recul, on peut légitimement se demander si les répercussions au niveau opérationnel d’un maintien de Ritchie à son poste n’étaient pas plus graves…). En effet, fin 1941, alors que l’opération “Crusader” bat son plein (l’offensive vise à libérer Tobrouk de l’étreinte des forces de l’Axe qui l’entourent), Auchinleck s’est vu contraint de relever Cunningham du commandement de la 8th Army. Héros national depuis El Alamein, Montgomery, idole de l’armée britannique, conservera le commandement du 21st Army Group jusqu’à la victoire finale, non sans être passé très près de la destitution à force d’insistance pour endosser la responsabilité de commandant en chef des forces terrestres alliées, rôle endossé par Eisenhower, par ailleurs commandant suprême, qui a dû faire preuve d’une patience remarquable envers ce subordonné bien difficile, frisant même l’insubordination (Monty sera sauvé in extremis par de Guingand, son chef d’état-major). A El Alamein, certains subordonnés de “Monty” ont eux-mêmes éviter le limogeage en obéissant finalement à des ordres, faute de quoi -et Montgomery a été très explicite sur ce point- le chef de la 8th Army aurait trouvé d’autres officiers pour assumer la tâche demandée.
On peut estimer également que Koniev a eu beaucoup de chance après l’échec de l’offensive contre le saillant de Rjev au cours de l’automne et de l’hiver 1942/43. Nul doute que le succès remporté à Stalingrad et l’appui de Joukov ont sauvé la mise d’un général que Staline voulait sanctionner. Boudienny, déjà nommé, doit à la faveur de Staline d’avoir conservé un commandement même après le désastre de Kiev (en septembre 1941).
Patton, déjà sanctionné pour l’affaire des gifles en Sicile, manque de peu un renvoi définitif aux Etats-Unis à la veille du débarquement en Normandie. Le 30 avril 1944, en effet, après que la presse ait rapporté des propos de Patton selon lesquels les Britanniques et les Américains doivent contrôler le monde après la guerre, Eisenhower câble à Marschall qu’il le relèvera de son commandement si aucune nouvelle information ne vient plaider en sa faveur. Que dire également de MacArthur de décembre 1941 au printemps 1942 ? Sa piètre performance aux Philippines ne nuit aucunement à sa carrière: il sera un des principaux leaders américains dans la lutte contre l’empire du Japon. Ancien commandant en chef de l’US Army et maréchal de l’armée des Philippines, c’est un véritable héros national.
Le maréchal Model, l’homme des situations désespérées de la Wehrmacht en 1944 (Biélorussie puis Normandie), échoue dans la contre-offensive des Ardennes que Hitler veut désisive. Le Führer, qui en a limogé pour moins que cela, n’en tiendra pourtant pas cure au Feldmarschall. Enfin, Erwin Rommel, le grand adversaire de Montgomery, le héros de la propagande de Goebbels, échappe également, par deux fois, à une disgrâce qui n’aurait pas manqué de frapper tout autre maréchal moins emblématique. La défaite d’El Alamein et la catastrophe finale de Tunisie aurait pu signifier la fin de la carrière du grand général. C’est ainsi que celui-ci envisage un temps les choses avant de se sentir à nouveau investi de la confiance du Führer. Ce dernier a bien compris le symbole que représente Rommel, l’icône de la propagande. Lorsque, fin juin-début juillet 1944, Hitler démet Rundstedt et Geyr von Schweppenburg de leurs postes, sanctionnant ainsi l’échec des mesures face à l’Invasion et des propositions de repli inacceptables au goût du Führer, Rommel, dont les propos défaitistes ne sont pourtant pas passés inaperçus, échappe à la purge qui frappe le haut-commandement allemand à l’Ouest.
Conclusion
Fallait-il limoger ces maréchaux, ces généraux et ces amiraux? Gardons-nous d ejuger hâtivement des décisions prises dans un contexte parfois difficile par des responsables jugeant à partir des éléments dont ils disposaient. Certaines figures -comme Montgomery- ont émergé suite à la disgrâce d’un autre. L’homme, loin de n’être pourvu que de défauts, n’est pourtant pas un grand général. Hitler n’a-t-il pas pris un risque en mettant à l’écart -parfois pour longtemps, voire définitivement-, tant de généraux après l’échec devant Moscou? En revanche, le départ de généraux tels que Fredendall ou Cunningham a été salutaire car elle a permis de laisser les forces combattantes entre les mains d’officiers visiblement au-dessus de leurs compétences. Mais remplacer Gamelin par Weygand a-t-il été nécessaire, au-delà de la défaite qui était alors inévitable? Kluge puis Model n’ont pas fait mieux que Rundstedt face à l’Invasion, de même que Truscott remplaçant Lucas. D’autres, échappant au couperet, demeurent en place, pour le meilleur ou le pire du camp qu’ils servent: Rommel, MacArthur, Koniev…
De nombreux généraux ont donc subi la douloureuse et humiliante expérience du limogeage. Si la sanction d’une défaite représente le cas apparemment le plus répandu, les raisons qui président à une destitution sont multiples et variées. Parfois, on ne peut s’empêcher de resentir un sentiment d’injustice frappant des officiers qui ne semblent pourtant pas avoir démérités. La possibilité de limoger les officiers supérieurs les plus hauts gradés rappelle la la fragilité de la gloire militaire: on a tôt fait de passer des louanges à l’opprobre. Les généraux sont avant tout des hommes, avec leurs travers. Ils sont aussi carriéristes mais sous la menace du limogeage, véritable épée de Damoclès.
231 illustrations NARA et IWM légendées en complément de mon livre “La préparation du Jour J”
Recension “Okinawa”
Recension “Une autre histoire des samouraïs”
“LA PREPARATION DU JOUR J” éditions Ouest-France
Recension “Infographie des guerres franco-allemandes”