Livre

Recension “la guerre d’indépendance américaine”

Beau récit de la naissance d'un nation

Pascal Cyr et Sophie Muffat, La guerre d’indépendance américaine, Passés Composés, 2022

Ceux qui me connaissent savent combien je suis passionné par l’histoire militaire américaine. Si j’ai beaucoup “traîné mes guêtres” de passionné d’histoire et d’historien sur les traces des forces armées américaines de la Seconde Guerre mondiale (comme tant de Normands…), de la guerre de Sécession et de la conquête de l’Ouest et , la guerre d’indépendance américaine, sans m’être inconnue, s’avère beaucoup plus inédite pour moi.

C’est donc avec un intérêt décuplé que j’ai relu avec attention le récit des premières heures d’une nation et d’une armée qui me fascinent depuis toujours. Les auteurs, comme il se doit, débutent en, brossant un tableau des colonies britanniques d’Amérique qui vont passer à la rébellion ouverte et consacrent une cinquantaine de pages à la montée des tensions, dans une partie captivante (et qui donne envie de continuer). Comme toujours, le fil de l’Histoire n’est pas inéluctable et on constate les occasions manquées par le roi George pour éviter la guerre, ainsi que celles de ses généraux, Howe ou Clinton, pour l’achever victorieusement. Les hésitations et l’absence de consensus dans les treize colonies constituent également un élément important.

La guerre proprement dite occupe la plus grande partie du texte. La guerre, c’est à dire pas seulement le compte-rendu des batailles, aussi bien terrestres que navales, assez précis d’ailleurs pour un ouvrage qui embrasse toute la durée du conflit, mais aussi des hommes et leurs souffrances, les difficultés de tout ordre, les grands chefs et leurs travers, les difficultés financières et économiques, etc.

La guerre c’est aussi une affaire de diplomatie et on apprécie les nombreuses pages consacrées à cet aspect, notamment celles qui expliquent l’engagement de la France et les longues tractations et hésitations diverses. J’ai découvert le rôle de Beaumarchais, ainsi que le parcours d’officiers et de nobles moins illustres que La Fayette et Rochambeau.

On découvre trois armées bien différentes dans ses pages. L’armée professionnelle et bien équipée de la France, celle du roi d’Angleterre contraint de faire appel au mercenariat allemand faute d’effectifs suffisants et une armée d’un nouveau genre, celle de Washington, moins bon général qu’on aurait tendance à le penser, une armée doté d’un petit socle de professionnels mais surtout constituée de nouveaux engagés et de miliciens.

Ce livre remarquable démontre sans ambages à quel point la cause des Insurgents était perdue sans le concours de la France de Louis XVI (ce qui peut être de nature à susciter une fierté rétroactive). Les jeunes Etats-Unis ont été pour le moins ingrats, comme le lecteur le découvre en fin d’ouvrage. Si les conséquences économiques et financières sur le royaume de France sont bien connues, on découvre celles qui touchent l’Angleterre et les Etats-Unis. On comprend aussi comment cette guerre d’indépendance a eu des répercussions considérables au Canada, l’une des rares colonies nord-américaines à être demeuré fidèle à la couronne britannique. Elles sont également marquantes pour les Amérindiens, acteurs méconnus des événements qui, comme les Noirs américains, sont également évoqués à plusieurs reprises.

On regrettera certes le placement mal choisi des cartes, voire leur nombre limité, l’étrange et peu pratique absence d’index, ainsi que le choix de ne pas avoir traité en profondeur de la postérité et de la légende de cette guerre jusqu’à nos jours, notamment, mais pas seulement, à travers les médias, mais aussi dans la relation franco-américaine, marquée un siècle après l’indépendance par le beau cadeau du peuple français à ses amis d’Outre-Atlantique : la fameuse statue de la Liberté de New-York, devenue le symbole des Etats-Unis.

Le travail est néanmoins conséquent et réussi. Partez sur les traces de Benjamin Franklin, Vergennes, Cornwallis, John Adams ou encore Benedict Arnold et autres Burgoyne. Revivez la “Boston Tea Party”, Bunker Hill, Saratoga et Yorktown, voguez à bord des navires de la Royale, hivernez à Valley Forge ou suivez une piste près des Grands Lacs.

C’est un beau récit.