Antiquité Livre

Recension de “Demokratia”

Aux origines de la démocratie

Paul Cartledge, Demokratia. Une histoire de la démocratie, Passés Composés, 2023 

Spécialisé en Histoire ancienne lors de les années d’études, la Grèce antique de surcroît, le nom de Paul Cartledge m’est évidemment familier. 

Le propos de cet ouvrage qui m’a beaucoup plu, en fait la traduction française d’un texte datant de 2016, est d’étudier la genèse de la démocratie dans le monde grec, d’en présenter ses aspects, plus particulièrement par le prisme évident d’Athènes, tout en dépassant ce cas spécifique en esquissant des comparaisons, en présentant les conceptions et les jugements des grands auteurs grecs puis romains. Le lecteur sera surpris à plus d’une reprise… 

L’évidence qui consiste à établir un lien direct en la démocratie grecque antique est la nôtre est illusoire, comme le démontre Cartledge (ce qui ne veut pas dire qu’il n’y aucune filiation, mais les deux systèmes sont fort différents sur de nombreux points), même si l’ auteur, dans une introduction inspirée, balaye d’un revers de main les théories les plus fumeuses qui tente de nier à la fois la spécificité du modèle grec et son antériorité : il n’y a pas eu de véritable démocratie en dehors de ce petit bout d’Europe. 

Le propos est savant, documenté, et nous emmène dans bien des directions, que ce soit vers les dieux ou la responsabilité des magistrats, ainsi que sur la notion fondamentale de citoyen et de citoyenneté. 

Les grands moments de l’histoire grecque sont revisités à l’aune de la question de la démocratie (il est intéressant de voir ce qui a été fait de mythes comme celui des Tyrannoctones ou de Marathon). On comprendra en lisant ces lignes que la démocratie « à la grecque » n’a que peu en commun avec notre notion moderne de la démocratie, et pas seulement par la manière dont est organisée la vie politique ainsi que les attendus du citoyen. On découvre aussi à quel point le mot « démocratie » n’est guère employé dans le sens moderne et est synonyme de « gouvernance de la populace ». Bref, le concept n’est pas sans revêtir un caractère négatif.  

Les pages –les plus nombreuses, cela va de soi- consacrées à la période grecque antique sont passionnantes, mais peut-être y ai-je goûté avec plaisir et facilité pour avoir lu à de nombreuses reprises sur le sujet. Néanmoins, le néophyte y trouvera des clés de compréhension bienvenues portant sur les notions de démocratie et de citoyen. Le passage concernant la fin de la démocratie grecque puis Rome est tout aussi important à saisir.  

L’auteur aborde ensuite, en guise de chapitre de conclusion, le retour de la démocratie, sous une autre forme, en Angleterre, en France et aux Etats-Unis, trois cas différents, en fait (Sparte et Rome inspirent plus les révolutionnaires que l’Athènes de Périclès…). L’épilogue, traitant de notre époque, est pour le moins pessimiste… 

C’est passionnant, sans doute utile pour ceux qui doivent enseigner la démocratie, mais aussi pour l’amateur d’histoire grecque, ainsi que pour tous ceux qui sont curieux de politique.