Premier affrontement terrestre de la Seconde Guerre mondiale entre l’US Army et la Wehrmacht se soldant par une terrible défaite des Américains : voilà en gros l’idée retenue par le plus grand nombre. On y rattache également deux mots passés dans la légende : Rommel et Afrikakorps. La bataille est cependant entourée de mythes et d’approximations. Tentons ici de rétablir une vision plus conforme à la réalité et de briser quelques idées reçues.
Qui a remporté la bataille de Kasserine ?
Le bilan matériel et humain de la bataille de Kasserine au sens large, soit du 14 au 24 février, est sans appel : les pertes alliées sont nettement plus lourdes que celles des forces de l’Axe. Elles se montent à entre 7 500 et 10 000 hommes ainsi qu’au moins 350 blindés dotés d’un canon ou d’un obusier, 250 pièces d’artillerie et des centaines de véhicules. Les Allemands enregistrent de leur côté la perte d’un millier d’hommes (201 tués), 14 canons et 20 chars définitivement détruits (peut-être jusqu’à 34 avec les Italiens, plus de nombreux engins endommagés qui ont été récupérés). L’Axe semble donc bien avoir remporté un indéniable succès tactique. Le butin matériel est conséquent : jeeps, half-tracks, canons automoteurs, essence et lubrifiants, etc, viennent s’ajouter à la manne prodiguée par chaque défaite subie par les Alliés en Tunisie : les armées pauvres de l’Axe se rééquipent en partie chez l’adversaire… Mais la consommation en munitions et les pertes en chars, même si elles restent temporaires pour la majorité, justifient-elles l’opération ? A quoi bon, est-on en droit de se demander, avoir bousculé les Américains et les avoir repoussés sur près de 100 kilomètres si cela n’a été que pour rétrocéder le terrain sitôt acquis ? Cela ne donne au final plus que l’aspect d’un raid mené sur une grande envergure. Sur tous les théâtres des opérations, mais ce constat vaut particulièrement pour l’Afrique du Nord, les gains territoriaux, aussi importants soient-ils, ne présentent un intérêt ou ne se justifient que si un élément essentiel a été acquis mais en aucun cas ils ne primeront sur le but premier d’un combat : anéantir les forces adverses ou mettre à mal ses voies de communications, de sorte que leur repli prendra un caractère définitif.
Bilan des pertes de la bataille de Kasserine
Axe : moins de 2000 hommes, 20 à 34 chars définitivement détruits, 25 canons allemands.
Américains : entre 6500 et 8000 hommes, 183 tanks, 194 half-tracks, 208 pièces d’artillerie incluant de nombreux Tanks-Destroyers, 512 camions et jeeps.
Alliés : peut-être plus d’un millier puisqu’environ 600 Britanniques sont capturés devant Thala.
Au moins 64 tanks anglais, une cinquantaine de pièces d’artillerie franco-britanniques.
Les Alliés reconnaissent la perte de 61 avions, dont 3 britanniques. La Luftwaffe a perdu 2 Stukas et 8 chasseurs dans le cadre de « Frühlinswind » et « Morgenluft ».
Stratégiquement, il est certain que ce revers tactique ne peut que retarder les velléités d’offensive d’Eisenhower mais, in fine, la victoire sera acquise comme prévue à la mi-mai 1943, soit suffisamment tôt pour envisager de lancer « Husky » (le débarquement en Sicile) au début de l’été suivant. L’affrontement a aussi le mérite de mettre en exergue ou de confirmer plusieurs disfonctionnements au sein des forces alliées. Trop dispersées, les unités américaines seront désormais regroupées sous leur propre commandement (il y aura toutefois une exception avec la 34th ID à Fondouk début avril). Il est cependant juste de noter que les directives du Comando Supremo, la pusillanimité des commandants de divisions allemandes ainsi que la mauvaise volonté du général von Arnim, qui a gardé d’importantes réserves de Panzer en dehors des combats, ont empêché Rommel de remporter une victoire encore plus marquante, voire décisive, bien que l’issue de la campagne laisse difficilement de place au doute.
Un affrontement purement germano-américain ?
Loin d’être une affaire mettant aux prises les seuls Allemands et Américains, la bataille de Kasserine implique toutes les armées belligérantes engagées dans la campagne africaine. Si la majeure partie des forces de l’Axe est constituée de troupes allemandes, le Kampfgruppe de l’Afrika-Korps inclut des unités italiennes, notamment des Bersaglieri qui vont s’illustrer au cours des affrontements pour forcer la passe de Kasserine. Ces troupes transalpines participent ensuite au combat menés en direction de Tébessa aux côtés des Allemands : mieux, ce sont les Italiens de la « Centauro » qui constituent l’avant-garde de l’offensive et qui atteignent les premiers les défenses de la passe de Bou Chebka le 20 février avant de repousser quelques éléments américains le lendemain. Sur le second axe d’attaque, passé le col de Kasserine, la 10. Panzer est appuyée par une vingtaine de Semoventi du DLVII Gruppo dont l’engagement en direction de Thala reste méconnu : ces blindés efficaces participent pourtant à la destruction de la Gore Force (un détachement britannique en position au-delà de Kasserine).
L’aspect international que revêt l’affrontement apparaît évident quand on étudie le dispositif allié qu’ont dû affronter les Allemands. Certes, les combats victorieux de Sidi-Bou-Zid menés au cours des deux premières journées ont vu les seuls Américains affronter la déferlante allemande. Les combats décisifs de Kasserine, Sbiba et Thala démontrent en revanche l’importance des effectifs français et britanniques engagés dans la bataille (19e corps français, 6th Armoured Division).
A Kasserine même, les sapeurs et les fantassins américains du colonel Stark sont appuyés par une batterie de 75 mm français qui luttera jusqu’au bout. Peu en retrait de la passe, où se déroulera l’essentiel des combats, une avant-garde britannique, la Gore Force (7 Valentine, 4 Crusader, des fantassins et une batterie d’artillerie), va lutter jusqu’à son anéantissement, retardant davantage Rommel.
C’est à Sbiba qu’apparaît le plus clairement le caractère cosmopolite de la bataille qui va contrarier les projets de l’Axe. La localité commande en effet la route vers le Kef et s’avère donc être de prime importance. Anderson, le commandant de la 1st Army, y concentre ainsi le 18th US IR provenant de la 1st US ID, plusieurs bataillons de la 34th US ID, la 1st Guards Brigade et diverses unités britanniques les tanks anglais du 16/5 Lancers. L’action du 19e corps de Koeltz, qui se replie depuis le secteur de Pichon vers Siba, teint lui aussi u n rôle de premier plan. La 21. Panzer attaque ainsi à un contre trois !
Le dispositif défensif mis en place devant et dans Thala est clairement britannique puisque son héroïque défense sera assurée par la 26th Armoured Brigade de Dunphie. La bataille, qui tourne à l’avantage du Kampfgruppe de la 10. Panzer, est sans doute une des plus déterminantes puisqu’une percée à Thala aurait signifié une menace sur les arrières des défenseurs de Sbiba, mais également en direction du Kef ainsi qu’une mise en danger des lignes de communications des troupes assurant la défense de Tébessa. L’arrivée de fantassins du 2nd Hampshire, de 40 Churchill et de Sherman du 2/5 Leicesters mais surtout de 48 pièces d’artillerie de la 9th US ID qui s’ajoutent aux 36 pièces déjà présentes (dont 22 canons de 25 pounder) vont stopper la 10. Panzer déjà faussement abusée de la solidité des défenses adverses lorsque les 10 derniers tanks du 2nd Lothians (de la 26th Arm Bgde) se sacrifient dans une charge suicidaire. Cette attaque, les tirs nourris de l’artillerie et
Si celle-ci est avant tout assurée par des forces américaines, en l’occurrence essentiellement le CCB de la 1st Armored Division ainsi que des GI’s de la « Big Red One », on retrouve quelques formations françaises et britanniques, particulièrement dans la partie la plus au sud du front, zone négligée par Rommel qui a reçu l’ordre de frapper plus au nord mais qui aurait pu constituer une alternative intéressante pour s’assurer du contrôle de Tébessa. Sont déployés dans ce secteur méridional une unité de reconnaissance britannique, le Derbyshire Yeomanry, ainsi que la Welwert Force (des Français ainsi que des Américains), qui défend la passe de Dernaïa entre Fériana et Tébessa, tandis que la Bowen Force (des Américains) assure la sécurité au sud du dispositif américain.
Unités britanniques et françaises impliquées dans la bataille de Kasserine
Kasserine
« Gore Force » : C company 10th Rifle Bgde, C Squadron 2nd Lothians and Border
Horse, troop 93nd antitank Rgt
Batterie de 75 mm hippomobile française
Sbiba
1st Guards Brigade (78th ID)
16/5 Lancers (6th Arm Div)
2nd Hampshire
72nd et 93rd Antitank Rgt RA
Bgde blindée légère française
Détachement Guinet
Thala
26th Arm Bgde (6th Arm Div ; 17/21st Lancers en premier lieu)
2nd/5th Leicesters (46th ID)
10th Royal Buffs
2nd Lothians
2nd Hampshire (une compagnie)
71st Field Rgt RA
12th RHA
86th Chemical warfare Company RE
90th/100th Field Battery 23rd Army Field Rgt RA
229th antitank Battery 58th Antitank Rgt RA
1st Guards Brigade (à partir du 22 février)
16/5 Lancers (à partir du 22 février)
Tébessa
Derbyshire Yeomanry
3 Bns d’infanterie français et 4 batteries françaises de la Division de Constantine
Unités italiennes engagées dans la bataille de Kasserine
XIV/5o Bersaglieri
XVII/31oavec des M13/41
DLVII Gruppo avec des Semoventi
CCIV Gruppo da 65/17 ainsi qu’un autre régiment d’artillerie
2 Rgts d’infanterie
Quel rôle réel pour Rommel dans la genèse de l’offensive?
La bataille de Kasserine est-elle issue d’un plan voulu par Rommel ? Est-ce sa bataille ? En fait, Albert Kesselring est le premier à comprendre qu’une opportunité s’offre d’attaquer successivement les forces alliées sur et au-delà du col du Faïd avant de frapper la 8th Army en force, permettant ainsi de retarder considérablement les offensives que ces armées ne vont pas manquer de lancer. Kesserling, qui espère redorer le blason de la Wehrmacht alors que la 6. Armee de Paulus vient de succomber à Stalingrad. Approuvée par le Comando Supremo puis par l’OKW, cette stratégie voit un début de mise en œuvre quand Arnim s’emploie à sécuriser la passe de Faïd (31 janvier : Eilbote II) mais alors que le Comando Supremo lui ordonne de contrôler la zone de Gafsa et de détruire les Américains à Tébessa, Arnim repousse ce plan au motif qu’il est impossible à mener à bien.
C’est à ce moment que Rommel entre en scène. Soucieux de voir les Alliés le couper de la Pz AOK 5 en poussant jusqu’à la mer depuis Gafsa, il propose, le 4 février, une attaque préventive menée par les deux armées germano-italiennes sous un commandement unique. Rommel décide de frapper l’extrémité sud du front tunisien avant que Monty ait concentré ses forces face à la ligne « Mareth » pour ensuite se retourner contre la 8th Army. Devant la lenteur de la 8th Army et la nécessité qu’a celle-ci de reconstituer ses stocks, Rommel estime bénéficier d’un délai suffisant pour lancer une offensive d’envergure contre les Américains.
Toutefois, les Italiens et Arnim estiment que l’objectif majeur doit être la destruction des forces alliées et non la conquête de nouveaux territoires. Ils estiment en effet que les forces de l’Axe en Tunisie ne disposent pas des munitions et du carburant nécessaire pour entreprendre une offensive plus ambitieuse, qui ne semble alors pas encore préconisée par Rommel. Il reste à régler le problème du commandement. Kesselring souhaite confier la direction des opérations à Rommel, qui est de toute façon le seul maréchal en Afrique, mais le Comando Supremo reste réticent, jugeant la retraite du « Renard du Désert » à travers la Libye un peu trop précipitée tout en ne se souciant peu des intérêts italiens. Un compromis est bien maladroitement trouvé au cours de la conférence du 9 février qui réunit Kesselring, Rommel, Arnim et Messe. Il est donc décidé que les deux commandants d’armées mèneront leurs opérations indépendamment tout en coordonnant leurs actions. Arnim doit attaquer Sidi-bou-Zid, juste au-delà de Faïd, puis envoyer la 21. Panzer à Rommel pour que celui-ci s’empare de Gafsa puis remonte vers le nord pour prendre l’ennemi à revers. Le plan de Rommel –« Morgenluft »- prévoit la prise de Gafsa, Tozeur et Metlaoui tandis que l’attaque concomitante d’Arnim –« Frühlingswind »- doit permettre de détruire les forces américaines à Sidi-bou-Zid. Kesselring assure toutefois de son soutien à Rommel en cas de succès spectaculaire afin de faire admettre une opération sur Tebessa par le Comando Supremo.
Rommel n’est donc pas le seul individu à l’origine de l’opération qui se prépare. Nulle opération d’envergure stratégique n’est alors encore envisagée. Pis, il fait preuve d’un pessimisme assez marqué. Il craint qu’un revers ne compromette sa situation sur la ligne « Mareth ». Il insiste pour que la 10. Panzer lui soit alloué afin de laisser l’intégralité de la 15. Panzer au sud, face à la 8th Army. Arnim refuse catégoriquement : il a besoin de ses deux divisions blindées, les 10. et 21. Panzer, pour « Frühlingswind ».
La bataille de Kasserine porte-t-elle bien son nom ? Rommel est-il à l’origine des succès les plus retentissants ?
Les plus grands succès remportés par les Allemands au cours de cette courte bataille –une semaine à peine- sont en fait à porter au crédit des unités lancées à l’assaut par Arnim dans la cadre de « Frühlinswind » les 14 et 15 février au cours desquels les unités blindées américaines sont humiliées. De son côté, supervisé par Rommel, le Kampfgruppe de l’Afrika-Korps commandé d’abord par le général von Liebenstein (remplacé ensuite par Bülowius) s’empare le 15 février de Gafsa, abandonnée sans combat sur l’ordre de Fredendall qui suit ainsi les instructions d’Eisenhower, puis de Fériana, où les Américains perdent au combat une douzaine de blindés et des canons de 75 mm, ainsi que de Thélepte le 17 (où 34 appareils impossibles à évacuer sont détruits par les Alliés avant d’évacuer la base). Au sud-ouest, l’unité de protection de Rommel, sa Kampfstaffel, devant détruire le tunnel de chemin de fer de Metlaoui, s’empare d’une quantité considérable de wagons chargés de phosphates ainsi que de précieuses réserves de carburant. A Thélepte, une compagnie américaine, non prévenue de l’ordre de repli, subi 75 pertes ses 12 Tanks Destroyers sont anéantis. On le voit, point ici de dizaines de carcasses fumantes de Sherman abandonnées sur le champ de bataille comme autour de Sidi-bou-Zid, bourgade qui aurait pu passer à la postérité en une bataille éponyme puisque c’est en cet endroit que l’US Army a connu un désastre. Quant au franchissement de la passe de Kasserine, s’il se solde par des centaines d’Américains capturés et un butin important, de même qu’une trentaine de blindés détruits, il a été plus laborieux à obtenir. Rommel n’est donc pas à l’origine des plus beaux succès remportés sur les Américains. En revanche, il préside avec Broich à la sévère correction infligée à la 26th Armoured Brigade de Dunphie devant Thala.
Les revers ne sont en revanche pas imputables à Rommel. Les premiers succès remportés stimulent son moral et il se plaît à rêver d’une victoire bien plus conséquente pour peu qu’on lui en donne les moyens. Avec la prise de Thélepte, Rommel se prend alors à rêver à nouveau d’une profonde offensive qui prendrait à revers la 1st Army. Rommel envisage alors quelque chose d’une autre envergure que le raide préventif initialement envisagé. Le Kampfgruppe de l’Afrika Korps marche alors vers Kasserine ou il rencontre les avant-gardes de la 21. Panzer-Division d’Hildebrandt qui a trop tardé à s’emparer de Sbeïtla : Rommel aux commandes des unités de la Pz AOK 5, il ne fait pas de doute que l’exploitation de la victoire retentissante de Sidi-bou-Zid eût été fulgurante et marquée du sceau de la vitesse digne des plus belles pages de l’histoire du DAK. Pourtant, Arnim rechigne à coopérer efficacement avec Rommel et désire utiliser ses Panzer en direction de Pichon. C’est ainsi que, ce même 17 février, la 10. Panzer-Division est envoyée au nord, vers Pichon et Fondouk, dans une vaine tentative pour prendre de vitesse le 19ème Corps français en retraite tandis que la 21. Panzer-Division demeure à Sbeïtla.
Rommel veut précisément frapper à Tébessa, contre les Américains et les lignes de ravitaillements alliées. Les Allemands pourraient alors espérer prendre Bône. Un tel succès obligerait à un retrait total de Tunisie et un gain de plusieurs mois mois avant une offensive d’Eisenhower, ce qui serait de nature à bouleverser le calendrier des opérations en Méditerranée. Arnim, soucieux de conserver la 10. Panzer, n’élève contre ce plan audacieux mais potentiellement prometteur. Le 19 février toutefois, les directives du Comando Supremo arrivent enfin. Les Italiens refusent le plan ambitieux de Rommel et lui enjoignent au contraire de mener une action offensive plus réduite sur Le Kef. Rommel enrage du manque de clairvoyance de ses supérieurs (« Incroyable et désastreuse myopie ! Tout notre plan est à l’eau. » )qui lui ordonnent de frapper bien trop près des réserves alliées. Arnim est également furieux car il doit céder à Rommel les 10. et 21. Panzer. Il doit en outre fixer les forces alliées dans le secteur de Pont-du-Fahs afin de faciliter la manœuvre de Rommel. Arnim ne consent à mettre la 10. Panzer-Division en mouvement vers le sud que le 20 février sur ordre express de Kesselring. Un temps précieux est ainsi gaspillé. Sans avertir Kesserling, Arnim garde en outre une partie de la 10. Panzer et tous les Tiger, une initiative déplorable qui a pesé lourd sur l’offensive de Rommel.
Rommel blâmera Bülowius, Hildebrandt et Broich pour leur manque de célérité et leur absence de sens de l’urgence. Si le Comando Supremo avait accédé aux demandes de Rommel et si celui-ci n’avait pas été privé de la moitié de la 10. Panzer par Arnim, il aurait pu concentrer le Kampfgruppe de l’Afrika-Korps et les 21. et 10. Panzer sur la passe de Kasserine avec une chance non négligeable de foncer ensuite vers Tébessa avec la même concentration de forces. Lorsque Kesselring et Westphal, son nouveau chef d’état-major, rencontrent Rommel à son PC établi dans la passe de Kasserine le 22 février, ils découvrent un homme abattu, démoralisé alors même qu’il débordait d’enthousiasme quelques jours plus tôt. Lorsque Kesselring et le Comando Supremo mettent officiellement un terme à l’offensive, ils estiment que les buts recherchés ont été atteints en ayant fait subir de lourdes pertes à l’ennemi. On est pourtant bien loin de l’ambitieux objectif de s’emparer du Kef ou de Tébessa…
Les Américains ont-ils été systématiquement surclassés sur le plan tactique ?
Kasserine n’a pas été le premier affrontement terrestre entre les Américains et les Allemands. Si on passe sur les quelques tankistes impliqués dans la bataille de Gazala (mai-juin 1942), la cinquantaine de Rangers participant à l’opération « Jubilee » près de Dieppe (le 19 août 1942) et les quelques accrochages de la mi-novembre 1942 à l’aube de la campagne de Tunisie, l’US Army a affronté les Allemands en Afrique à plusieurs reprises avant ce revers humiliant de février 1943 : à Tébourba en décembre 1942, à « Longstop Hill » à Noël puis au col du Faïd en janvier. Des affrontements qui ont systématiquement tourné largement en faveur des Allemands.
L’image d’Epinal de la bataille de Kasserine est celle d’un vétéran de l’Afrika-Korps triomphant d‘un GI novice. L’image n’est pas entièrement dénuée de fondement. La première phase de l’opération « Frühlingswind » ressemble fort à une leçon de Blitzkrieg : intervention décisive et concomitante des Panzer et de la Luftwaffe, encerclement, poussée à l’intérieur du dispositif de l’ennemi qui est obligé de se replier. Le CCA est humilié le 14 février, premier jour de l’offensive : 44 des chars du lieutenant-colonel Hightower sont détruits (dont 15 revendiqués par les Tiger), de même que 59 blindés et 26 canons, dont 15 automoteurs M7 « Priest ». Le lendemain, la contre-attaque du CCC de Stack (renforcé par les 54 chars du 2nd Battalion 1st Armored Regiment du colonel Alger) se solde par un nouveau carnage : 62 Sherman, 9 canons et 130 autres véhicules et automoteurs sont également détruits. Les Allemands ont quant à eux perdu 13 Panzer IV, 5 pièces de 88mm et 10 canons mais ils restent maîtres du terrain et peuvent récupérer leur matériel endommagé tout en faisant main basse sur les engins abandonnés par leurs adversaires. En deux jours, les 14 et 15 février, la 34th US ID aurait perdu 3 000 hommes et le CCA 1 500 hommes.
Combats de chars au cours de la bataille de Kasserine
14 février : 15 M3 Stuart et 44 Sherman de Hightower détruits à Sidi-bou-Zid
15 février : 62 Sherman du CCC renforcé de Stack sont détruits contre 20 Panzer
17 février : 17 tanks perdus à Sbeïtla contre 15 Pz revendiqués et 5 admis
19-20 février : 8 Sherman du 13th Arm Rgt, 4 M3 Lee, 11 tanks anglais de la GoreForce
5 Pz de la 15. Panzer perdus le 19 à Kasserine
19 février : 12 Pz de la 21. Panzer perdus devant Sbiba contre 4 tanks
21 février : 38 tanks anglais perdus devant Thala
22 février : 10 tanks anglais perdus devant Thala
22 février : 9 tanks et 7 Pz perdus à Bou Chebka
Des dizaines de Tanks-Destroyers (half-tracks) ont aussi été détruits
Les Américains ne vont cependant pas se montrer d’aussi piètres combattants à chaque combat. Une première occurrence de cette combattivité américaine survient deux jours plus tard, le 17, le CCB de Robinett, qui a opportunément renforcé les restes du CCA à Sbeïtla, conduit une habile défense face à la 21. Panzer d’Hildebrandt en opérant à défilement de tourelle dans un oued. Les Panzer sont retardés pendant toute la journée, permettant le repli vers l’ouest des forces américaines pour le prix d’au moins 27 blindés. Sbeïtla est abandonnée par Ward en fin de journée.
Paradoxalement, ce sont les combats menés dans la passe même de Kasserine, dont le lieu est devenu éponyme de la bataille érigée en symbole de l’amateurisme des Américains, que l’US Army fait montre d’un mordant tout particulier. Le 26thInfantry Regiment du colonel Stark et les troupes du génie du lieutenant-colonel Moore parviennent à tenir tête au Kampfgruppe de l’Afrika-Korps les 19 et 20 février. Le 6th Armored Infantry, soutenu par des pièces de 105 mm, saura reprendre la plus grande partie des crêtes conquises par le Panzer-Grenadier-Regiment Afrika de l’Oberst Menton et établir la jonction avec le 26th Rgt de Stark. Il faudra le renfort de la 10. Panzer-Division et un assaut en règle appuyé par les Nebelwerfer pour en venir à bout. Certes, des scènes de panique ont pu survenir et des centaines d’hommes seront capturés, mais les fantassins et les sapeurs ne bénéficiaient que de peu de soutien car il importait de fortifier au même moment les défenses plus en amont, vers Tébessa et Thala. Stark ne peut compter que sur le soutien de 8 Sherman, des Tanks Destroyers et quatre batteries d’artillerie. En arrière des positions américaines, la route de Thala est protégée par une avant-garde commandée par le lieutenant-colonel Gore, soit 11 chars, des antitanks de 6 pounder et des pièces d’artillerie. Quelques M3 Lee arriveront également en renfort.
Les 21 et 22 février, après que Rommel eût enfin forcé la passe de Kasserine, le CCB réitère l’exploit dans le secteur du col de Bou Chebka. Les Germano-Italiens qui ont une nouvelle fois négligé les hauteurs et ne peuvent s’en rendre maîtres, tout en subissant les feux de l’artillerie américaine. Le 2nd Battalion 13th Armored Regiment de Gardiner tient l’ennemi en respect avec, comme à Sbeïtla, des chars cachés dans un oued à défilement de tourelle tandis que mortiers et canons automoteurs sont disposés dans les champs de cactus alentours. Les half-tracks faisant office de Tanks-Destroyers, plutôt que de s’exposer dangereusement, ont laissé l’Afrika-Korps venir à eux et l’ont soumis à des tirs précis et destructeurs. Le CCB de Robinett tient donc la route de Tébessa. Le 22 février, le Kampfgruppe de l’Afrika Korps de Bülowius, qui s’égare (comble de manque de professionnalisme),est définitivement bloqué dans la passe du Djebel El Hamra. Devant Sbiba, les Landser de Hildebrandt ne sont pas en mesure de damer le pion aux GI’s épaulés par des Tommies. Encore une fois, les soldats allemands habitués à la platitude relative du désert négligent les hauteurs…
Panzer et carri armati à Kasserine
10. Panzer-Division : environ 50 Panzer (III et IV); 15 Panzer du 1./sPzAbt-501 (6 Tiger ; 9 Pz III) ; Quelques Marder III ; 4 Sturmgeschutze de la Sturmgeschütz-Batterie/Panzer-Artillerie-Regiment 90
21. Panzer-Division : 85 Panzer (64 Pz III ; 21 Pz IV); 69 Pz III-IV en état le 17/2 devant Sbeïtla ; 48 Pz III-IV en état le 20/2 (et 44 en atelier)
15. Panzer-Division (Kampfgruppe Afrika-Korps) : 26 Panzer (16 Pz III ; 10 Pz IV)
Division « Centauro » (Kampfgruppe Afrika-Korps) : 22 M14/41 et environ 20 Semoventi M41 da 75/18
Les Germano-Italiens ont donc engagés au plus 230 blindés contre environ 450 tanks et Tanks-Destroyers.
Pour le DAK, le terrain accidenté de Tunisie signifie davantage de combats impliquant de petites formations. L’infanterie, dont la puissance de feu s’est considérablement accrue depuis 1941, est devenue avant tout une troupe d’assaut.
Rommel a commis l’erreur d’attaquer la passe de Kasserine avec trop peu de forces le 19 février. Avec davantage de fantassins chargés de sécuriser les hauteurs, une artillerie et une Luftwaffe suffisamment présentes pour neutraliser l’artillerie adverse qui a représenté une véritable nuisance ainsi qu’un soutien de chars directement dans la passe, l’Afrika-Korps aurait pu être plus performant. Le « Renard du Désert » a également su rendre hommage à un adversaire pourtant durement touché : le soldat américain sait se battre et il bénéficie d’un commandement flexible ainsi que d’une abondance de matériel.
Un matériel américain inférieur en qualité ?
La bataille de Kasserine met-elle des soldats de l’Afrika-Korps aux prises avec un adversaire surclassé sur le plan de la qualité de l’équipement ? Quelques Tiger I et quelques Nebelwerfer participent à la bataille et, dans l’autre camp, les Valentine et les Crusader de Dunphie représentent des cibles faciles de même que Halftracks-Tanks Destroyers ainsi que les M3 Stuart et Lee détruits au pied au Djebel Lessouda et à Sidi-bou-Zid. Les petits antichars de 37 mm déployés dans la passe de Kasserine ne pèsent pas non plus bien lourd dans la solidité des défenses. Toutefois, les Américains, puis les Britanniques, engagent de nombreux Sherman qui, à ce stade de la guerre, sont les équivalents des Panzer IV qui leur sont opposés et ils surclassent même les nombreux Panzer III encore en dotation au sein des Panzer-Divisionen. Les GI’s sont encore également les seuls à pouvoir disposer de lance-roquettes portatifs antichars : les bazookas. Enfin, arme maîtresse de l’US Army, l’artillerie est présente en quantité et tiendra un rôle essentiel à chaque affrontement, notamment à Kasserine, voire décisif à Thala. Sur le plan des armes individuelles, la mitrailleuse de calibre 50, sans équivalent dans l’arsenal allemand, a également démontré tout son potentiel aussi bien contre des avions que sur des cibles terrestres.
Conclusion :
Certes, il n’y a pas lieu de revenir sur nombre d’éléments relatés depuis la guerre concernant la fameuse bataille de Kasserine : l’ineptie de Fredendall, le cuisant revers tactique subit par le 2nd US Corps, la responsabilité d’Arnim et du Comando Supremo dans la mauvaise exploitation des premiers succès ou encore le retour, quelques jours durant, d’un Rommel combattif et enthousiaste. Pour autant, cette bataille n’a pas constitué le premier choc de la Seconde Guerre mondiale entre les armées de terre allemande et américaine, pas plus que ce fut un affrontement uniquement germano-américain. L’offensive de l’Axe n’est pas plus celle de Rommel qu’elle ne l’est du seul Afrika-Korps, pourtant représenté par ses deux vieilles divisions, les 15. et 21. Panzer, combattant pourtant de façon séparée et dont les rangs ont été de toute façon clairsemés depuis les premiers pas en Afrique de 1941. Ce désastre subi en Afrique aurait été dramatique s’il était survenu en Normandie. L’armée américaine a dû apprendre la guerre par la manière forte. La bataille annonce aussi l’entrée en lice de généraux américains d’une autre trempe : Patton et Bradley.
Premier affrontement terrestre de la Seconde Guerre mondiale entre l’US Army et la Wehrmacht se soldant par une terrible défaite des Américains : voilà en gros l’idée retenue par le plus grand nombre. On y rattache également deux mots passés dans la légende : Rommel et Afrikakorps. La bataille est cependant entourée de mythes et d’approximations. Tentons ici de rétablir une vision plus conforme à la réalité et de briser quelques idées reçues.
Qui a remporté la bataille de Kasserine ?
Le bilan matériel et humain de la bataille de Kasserine au sens large, soit du 14 au 24 février, est sans appel : les pertes alliées sont nettement plus lourdes que celles des forces de l’Axe. Elles se montent à entre 7 500 et 10 000 hommes ainsi qu’au moins 350 blindés dotés d’un canon ou d’un obusier, 250 pièces d’artillerie et des centaines de véhicules. Les Allemands enregistrent de leur côté la perte d’un millier d’hommes (201 tués), 14 canons et 20 chars définitivement détruits (peut-être jusqu’à 34 avec les Italiens, plus de nombreux engins endommagés qui ont été récupérés). L’Axe semble donc bien avoir remporté un indéniable succès tactique. Le butin matériel est conséquent : jeeps, half-tracks, canons automoteurs, essence et lubrifiants, etc, viennent s’ajouter à la manne prodiguée par chaque défaite subie par les Alliés en Tunisie : les armées pauvres de l’Axe se rééquipent en partie chez l’adversaire… Mais la consommation en munitions et les pertes en chars, même si elles restent temporaires pour la majorité, justifient-elles l’opération ? A quoi bon, est-on en droit de se demander, avoir bousculé les Américains et les avoir repoussés sur près de 100 kilomètres si cela n’a été que pour rétrocéder le terrain sitôt acquis ? Cela ne donne au final plus que l’aspect d’un raid mené sur une grande envergure. Sur tous les théâtres des opérations, mais ce constat vaut particulièrement pour l’Afrique du Nord, les gains territoriaux, aussi importants soient-ils, ne présentent un intérêt ou ne se justifient que si un élément essentiel a été acquis mais en aucun cas ils ne primeront sur le but premier d’un combat : anéantir les forces adverses ou mettre à mal ses voies de communications, de sorte que leur repli prendra un caractère définitif.
Bilan des pertes de la bataille de Kasserine
Stratégiquement, il est certain que ce revers tactique ne peut que retarder les velléités d’offensive d’Eisenhower mais, in fine, la victoire sera acquise comme prévue à la mi-mai 1943, soit suffisamment tôt pour envisager de lancer « Husky » (le débarquement en Sicile) au début de l’été suivant. L’affrontement a aussi le mérite de mettre en exergue ou de confirmer plusieurs disfonctionnements au sein des forces alliées. Trop dispersées, les unités américaines seront désormais regroupées sous leur propre commandement (il y aura toutefois une exception avec la 34th ID à Fondouk début avril). Il est cependant juste de noter que les directives du Comando Supremo, la pusillanimité des commandants de divisions allemandes ainsi que la mauvaise volonté du général von Arnim, qui a gardé d’importantes réserves de Panzer en dehors des combats, ont empêché Rommel de remporter une victoire encore plus marquante, voire décisive, bien que l’issue de la campagne laisse difficilement de place au doute.
Un affrontement purement germano-américain ?
Loin d’être une affaire mettant aux prises les seuls Allemands et Américains, la bataille de Kasserine implique toutes les armées belligérantes engagées dans la campagne africaine. Si la majeure partie des forces de l’Axe est constituée de troupes allemandes, le Kampfgruppe de l’Afrika-Korps inclut des unités italiennes, notamment des Bersaglieri qui vont s’illustrer au cours des affrontements pour forcer la passe de Kasserine. Ces troupes transalpines participent ensuite au combat menés en direction de Tébessa aux côtés des Allemands : mieux, ce sont les Italiens de la « Centauro » qui constituent l’avant-garde de l’offensive et qui atteignent les premiers les défenses de la passe de Bou Chebka le 20 février avant de repousser quelques éléments américains le lendemain. Sur le second axe d’attaque, passé le col de Kasserine, la 10. Panzer est appuyée par une vingtaine de Semoventi du DLVII Gruppo dont l’engagement en direction de Thala reste méconnu : ces blindés efficaces participent pourtant à la destruction de la Gore Force (un détachement britannique en position au-delà de Kasserine).
L’aspect international que revêt l’affrontement apparaît évident quand on étudie le dispositif allié qu’ont dû affronter les Allemands. Certes, les combats victorieux de Sidi-Bou-Zid menés au cours des deux premières journées ont vu les seuls Américains affronter la déferlante allemande. Les combats décisifs de Kasserine, Sbiba et Thala démontrent en revanche l’importance des effectifs français et britanniques engagés dans la bataille (19e corps français, 6th Armoured Division).
A Kasserine même, les sapeurs et les fantassins américains du colonel Stark sont appuyés par une batterie de 75 mm français qui luttera jusqu’au bout. Peu en retrait de la passe, où se déroulera l’essentiel des combats, une avant-garde britannique, la Gore Force (7 Valentine, 4 Crusader, des fantassins et une batterie d’artillerie), va lutter jusqu’à son anéantissement, retardant davantage Rommel.
C’est à Sbiba qu’apparaît le plus clairement le caractère cosmopolite de la bataille qui va contrarier les projets de l’Axe. La localité commande en effet la route vers le Kef et s’avère donc être de prime importance. Anderson, le commandant de la 1st Army, y concentre ainsi le 18th US IR provenant de la 1st US ID, plusieurs bataillons de la 34th US ID, la 1st Guards Brigade et diverses unités britanniques les tanks anglais du 16/5 Lancers. L’action du 19e corps de Koeltz, qui se replie depuis le secteur de Pichon vers Siba, teint lui aussi u n rôle de premier plan. La 21. Panzer attaque ainsi à un contre trois !
Le dispositif défensif mis en place devant et dans Thala est clairement britannique puisque son héroïque défense sera assurée par la 26th Armoured Brigade de Dunphie. La bataille, qui tourne à l’avantage du Kampfgruppe de la 10. Panzer, est sans doute une des plus déterminantes puisqu’une percée à Thala aurait signifié une menace sur les arrières des défenseurs de Sbiba, mais également en direction du Kef ainsi qu’une mise en danger des lignes de communications des troupes assurant la défense de Tébessa. L’arrivée de fantassins du 2nd Hampshire, de 40 Churchill et de Sherman du 2/5 Leicesters mais surtout de 48 pièces d’artillerie de la 9th US ID qui s’ajoutent aux 36 pièces déjà présentes (dont 22 canons de 25 pounder) vont stopper la 10. Panzer déjà faussement abusée de la solidité des défenses adverses lorsque les 10 derniers tanks du 2nd Lothians (de la 26th Arm Bgde) se sacrifient dans une charge suicidaire. Cette attaque, les tirs nourris de l’artillerie et
Si celle-ci est avant tout assurée par des forces américaines, en l’occurrence essentiellement le CCB de la 1st Armored Division ainsi que des GI’s de la « Big Red One », on retrouve quelques formations françaises et britanniques, particulièrement dans la partie la plus au sud du front, zone négligée par Rommel qui a reçu l’ordre de frapper plus au nord mais qui aurait pu constituer une alternative intéressante pour s’assurer du contrôle de Tébessa. Sont déployés dans ce secteur méridional une unité de reconnaissance britannique, le Derbyshire Yeomanry, ainsi que la Welwert Force (des Français ainsi que des Américains), qui défend la passe de Dernaïa entre Fériana et Tébessa, tandis que la Bowen Force (des Américains) assure la sécurité au sud du dispositif américain.
Unités britanniques et françaises impliquées dans la bataille de Kasserine
Kasserine
Sbiba
Thala
Tébessa
Unités italiennes engagées dans la bataille de Kasserine
Quel rôle réel pour Rommel dans la genèse de l’offensive?
La bataille de Kasserine est-elle issue d’un plan voulu par Rommel ? Est-ce sa bataille ? En fait, Albert Kesselring est le premier à comprendre qu’une opportunité s’offre d’attaquer successivement les forces alliées sur et au-delà du col du Faïd avant de frapper la 8th Army en force, permettant ainsi de retarder considérablement les offensives que ces armées ne vont pas manquer de lancer. Kesserling, qui espère redorer le blason de la Wehrmacht alors que la 6. Armee de Paulus vient de succomber à Stalingrad. Approuvée par le Comando Supremo puis par l’OKW, cette stratégie voit un début de mise en œuvre quand Arnim s’emploie à sécuriser la passe de Faïd (31 janvier : Eilbote II) mais alors que le Comando Supremo lui ordonne de contrôler la zone de Gafsa et de détruire les Américains à Tébessa, Arnim repousse ce plan au motif qu’il est impossible à mener à bien.
C’est à ce moment que Rommel entre en scène. Soucieux de voir les Alliés le couper de la Pz AOK 5 en poussant jusqu’à la mer depuis Gafsa, il propose, le 4 février, une attaque préventive menée par les deux armées germano-italiennes sous un commandement unique. Rommel décide de frapper l’extrémité sud du front tunisien avant que Monty ait concentré ses forces face à la ligne « Mareth » pour ensuite se retourner contre la 8th Army. Devant la lenteur de la 8th Army et la nécessité qu’a celle-ci de reconstituer ses stocks, Rommel estime bénéficier d’un délai suffisant pour lancer une offensive d’envergure contre les Américains.
Toutefois, les Italiens et Arnim estiment que l’objectif majeur doit être la destruction des forces alliées et non la conquête de nouveaux territoires. Ils estiment en effet que les forces de l’Axe en Tunisie ne disposent pas des munitions et du carburant nécessaire pour entreprendre une offensive plus ambitieuse, qui ne semble alors pas encore préconisée par Rommel. Il reste à régler le problème du commandement. Kesselring souhaite confier la direction des opérations à Rommel, qui est de toute façon le seul maréchal en Afrique, mais le Comando Supremo reste réticent, jugeant la retraite du « Renard du Désert » à travers la Libye un peu trop précipitée tout en ne se souciant peu des intérêts italiens. Un compromis est bien maladroitement trouvé au cours de la conférence du 9 février qui réunit Kesselring, Rommel, Arnim et Messe. Il est donc décidé que les deux commandants d’armées mèneront leurs opérations indépendamment tout en coordonnant leurs actions. Arnim doit attaquer Sidi-bou-Zid, juste au-delà de Faïd, puis envoyer la 21. Panzer à Rommel pour que celui-ci s’empare de Gafsa puis remonte vers le nord pour prendre l’ennemi à revers. Le plan de Rommel –« Morgenluft »- prévoit la prise de Gafsa, Tozeur et Metlaoui tandis que l’attaque concomitante d’Arnim –« Frühlingswind »- doit permettre de détruire les forces américaines à Sidi-bou-Zid. Kesselring assure toutefois de son soutien à Rommel en cas de succès spectaculaire afin de faire admettre une opération sur Tebessa par le Comando Supremo.
Rommel n’est donc pas le seul individu à l’origine de l’opération qui se prépare. Nulle opération d’envergure stratégique n’est alors encore envisagée. Pis, il fait preuve d’un pessimisme assez marqué. Il craint qu’un revers ne compromette sa situation sur la ligne « Mareth ». Il insiste pour que la 10. Panzer lui soit alloué afin de laisser l’intégralité de la 15. Panzer au sud, face à la 8th Army. Arnim refuse catégoriquement : il a besoin de ses deux divisions blindées, les 10. et 21. Panzer, pour « Frühlingswind ».
La bataille de Kasserine porte-t-elle bien son nom ? Rommel est-il à l’origine des succès les plus retentissants ?
Les plus grands succès remportés par les Allemands au cours de cette courte bataille –une semaine à peine- sont en fait à porter au crédit des unités lancées à l’assaut par Arnim dans la cadre de « Frühlinswind » les 14 et 15 février au cours desquels les unités blindées américaines sont humiliées. De son côté, supervisé par Rommel, le Kampfgruppe de l’Afrika-Korps commandé d’abord par le général von Liebenstein (remplacé ensuite par Bülowius) s’empare le 15 février de Gafsa, abandonnée sans combat sur l’ordre de Fredendall qui suit ainsi les instructions d’Eisenhower, puis de Fériana, où les Américains perdent au combat une douzaine de blindés et des canons de 75 mm, ainsi que de Thélepte le 17 (où 34 appareils impossibles à évacuer sont détruits par les Alliés avant d’évacuer la base). Au sud-ouest, l’unité de protection de Rommel, sa Kampfstaffel, devant détruire le tunnel de chemin de fer de Metlaoui, s’empare d’une quantité considérable de wagons chargés de phosphates ainsi que de précieuses réserves de carburant. A Thélepte, une compagnie américaine, non prévenue de l’ordre de repli, subi 75 pertes ses 12 Tanks Destroyers sont anéantis. On le voit, point ici de dizaines de carcasses fumantes de Sherman abandonnées sur le champ de bataille comme autour de Sidi-bou-Zid, bourgade qui aurait pu passer à la postérité en une bataille éponyme puisque c’est en cet endroit que l’US Army a connu un désastre. Quant au franchissement de la passe de Kasserine, s’il se solde par des centaines d’Américains capturés et un butin important, de même qu’une trentaine de blindés détruits, il a été plus laborieux à obtenir. Rommel n’est donc pas à l’origine des plus beaux succès remportés sur les Américains. En revanche, il préside avec Broich à la sévère correction infligée à la 26th Armoured Brigade de Dunphie devant Thala.
Les revers ne sont en revanche pas imputables à Rommel. Les premiers succès remportés stimulent son moral et il se plaît à rêver d’une victoire bien plus conséquente pour peu qu’on lui en donne les moyens. Avec la prise de Thélepte, Rommel se prend alors à rêver à nouveau d’une profonde offensive qui prendrait à revers la 1st Army. Rommel envisage alors quelque chose d’une autre envergure que le raide préventif initialement envisagé. Le Kampfgruppe de l’Afrika Korps marche alors vers Kasserine ou il rencontre les avant-gardes de la 21. Panzer-Division d’Hildebrandt qui a trop tardé à s’emparer de Sbeïtla : Rommel aux commandes des unités de la Pz AOK 5, il ne fait pas de doute que l’exploitation de la victoire retentissante de Sidi-bou-Zid eût été fulgurante et marquée du sceau de la vitesse digne des plus belles pages de l’histoire du DAK. Pourtant, Arnim rechigne à coopérer efficacement avec Rommel et désire utiliser ses Panzer en direction de Pichon. C’est ainsi que, ce même 17 février, la 10. Panzer-Division est envoyée au nord, vers Pichon et Fondouk, dans une vaine tentative pour prendre de vitesse le 19ème Corps français en retraite tandis que la 21. Panzer-Division demeure à Sbeïtla.
Rommel veut précisément frapper à Tébessa, contre les Américains et les lignes de ravitaillements alliées. Les Allemands pourraient alors espérer prendre Bône. Un tel succès obligerait à un retrait total de Tunisie et un gain de plusieurs mois mois avant une offensive d’Eisenhower, ce qui serait de nature à bouleverser le calendrier des opérations en Méditerranée. Arnim, soucieux de conserver la 10. Panzer, n’élève contre ce plan audacieux mais potentiellement prometteur. Le 19 février toutefois, les directives du Comando Supremo arrivent enfin. Les Italiens refusent le plan ambitieux de Rommel et lui enjoignent au contraire de mener une action offensive plus réduite sur Le Kef. Rommel enrage du manque de clairvoyance de ses supérieurs (« Incroyable et désastreuse myopie ! Tout notre plan est à l’eau. » )qui lui ordonnent de frapper bien trop près des réserves alliées. Arnim est également furieux car il doit céder à Rommel les 10. et 21. Panzer. Il doit en outre fixer les forces alliées dans le secteur de Pont-du-Fahs afin de faciliter la manœuvre de Rommel. Arnim ne consent à mettre la 10. Panzer-Division en mouvement vers le sud que le 20 février sur ordre express de Kesselring. Un temps précieux est ainsi gaspillé. Sans avertir Kesserling, Arnim garde en outre une partie de la 10. Panzer et tous les Tiger, une initiative déplorable qui a pesé lourd sur l’offensive de Rommel.
Rommel blâmera Bülowius, Hildebrandt et Broich pour leur manque de célérité et leur absence de sens de l’urgence. Si le Comando Supremo avait accédé aux demandes de Rommel et si celui-ci n’avait pas été privé de la moitié de la 10. Panzer par Arnim, il aurait pu concentrer le Kampfgruppe de l’Afrika-Korps et les 21. et 10. Panzer sur la passe de Kasserine avec une chance non négligeable de foncer ensuite vers Tébessa avec la même concentration de forces. Lorsque Kesselring et Westphal, son nouveau chef d’état-major, rencontrent Rommel à son PC établi dans la passe de Kasserine le 22 février, ils découvrent un homme abattu, démoralisé alors même qu’il débordait d’enthousiasme quelques jours plus tôt. Lorsque Kesselring et le Comando Supremo mettent officiellement un terme à l’offensive, ils estiment que les buts recherchés ont été atteints en ayant fait subir de lourdes pertes à l’ennemi. On est pourtant bien loin de l’ambitieux objectif de s’emparer du Kef ou de Tébessa…
Les Américains ont-ils été systématiquement surclassés sur le plan tactique ?
Kasserine n’a pas été le premier affrontement terrestre entre les Américains et les Allemands. Si on passe sur les quelques tankistes impliqués dans la bataille de Gazala (mai-juin 1942), la cinquantaine de Rangers participant à l’opération « Jubilee » près de Dieppe (le 19 août 1942) et les quelques accrochages de la mi-novembre 1942 à l’aube de la campagne de Tunisie, l’US Army a affronté les Allemands en Afrique à plusieurs reprises avant ce revers humiliant de février 1943 : à Tébourba en décembre 1942, à « Longstop Hill » à Noël puis au col du Faïd en janvier. Des affrontements qui ont systématiquement tourné largement en faveur des Allemands.
L’image d’Epinal de la bataille de Kasserine est celle d’un vétéran de l’Afrika-Korps triomphant d‘un GI novice. L’image n’est pas entièrement dénuée de fondement. La première phase de l’opération « Frühlingswind » ressemble fort à une leçon de Blitzkrieg : intervention décisive et concomitante des Panzer et de la Luftwaffe, encerclement, poussée à l’intérieur du dispositif de l’ennemi qui est obligé de se replier. Le CCA est humilié le 14 février, premier jour de l’offensive : 44 des chars du lieutenant-colonel Hightower sont détruits (dont 15 revendiqués par les Tiger), de même que 59 blindés et 26 canons, dont 15 automoteurs M7 « Priest ». Le lendemain, la contre-attaque du CCC de Stack (renforcé par les 54 chars du 2nd Battalion 1st Armored Regiment du colonel Alger) se solde par un nouveau carnage : 62 Sherman, 9 canons et 130 autres véhicules et automoteurs sont également détruits. Les Allemands ont quant à eux perdu 13 Panzer IV, 5 pièces de 88mm et 10 canons mais ils restent maîtres du terrain et peuvent récupérer leur matériel endommagé tout en faisant main basse sur les engins abandonnés par leurs adversaires. En deux jours, les 14 et 15 février, la 34th US ID aurait perdu 3 000 hommes et le CCA 1 500 hommes.
Combats de chars au cours de la bataille de Kasserine
Les Américains ne vont cependant pas se montrer d’aussi piètres combattants à chaque combat. Une première occurrence de cette combattivité américaine survient deux jours plus tard, le 17, le CCB de Robinett, qui a opportunément renforcé les restes du CCA à Sbeïtla, conduit une habile défense face à la 21. Panzer d’Hildebrandt en opérant à défilement de tourelle dans un oued. Les Panzer sont retardés pendant toute la journée, permettant le repli vers l’ouest des forces américaines pour le prix d’au moins 27 blindés. Sbeïtla est abandonnée par Ward en fin de journée.
Paradoxalement, ce sont les combats menés dans la passe même de Kasserine, dont le lieu est devenu éponyme de la bataille érigée en symbole de l’amateurisme des Américains, que l’US Army fait montre d’un mordant tout particulier. Le 26thInfantry Regiment du colonel Stark et les troupes du génie du lieutenant-colonel Moore parviennent à tenir tête au Kampfgruppe de l’Afrika-Korps les 19 et 20 février. Le 6th Armored Infantry, soutenu par des pièces de 105 mm, saura reprendre la plus grande partie des crêtes conquises par le Panzer-Grenadier-Regiment Afrika de l’Oberst Menton et établir la jonction avec le 26th Rgt de Stark. Il faudra le renfort de la 10. Panzer-Division et un assaut en règle appuyé par les Nebelwerfer pour en venir à bout. Certes, des scènes de panique ont pu survenir et des centaines d’hommes seront capturés, mais les fantassins et les sapeurs ne bénéficiaient que de peu de soutien car il importait de fortifier au même moment les défenses plus en amont, vers Tébessa et Thala. Stark ne peut compter que sur le soutien de 8 Sherman, des Tanks Destroyers et quatre batteries d’artillerie. En arrière des positions américaines, la route de Thala est protégée par une avant-garde commandée par le lieutenant-colonel Gore, soit 11 chars, des antitanks de 6 pounder et des pièces d’artillerie. Quelques M3 Lee arriveront également en renfort.
Les 21 et 22 février, après que Rommel eût enfin forcé la passe de Kasserine, le CCB réitère l’exploit dans le secteur du col de Bou Chebka. Les Germano-Italiens qui ont une nouvelle fois négligé les hauteurs et ne peuvent s’en rendre maîtres, tout en subissant les feux de l’artillerie américaine. Le 2nd Battalion 13th Armored Regiment de Gardiner tient l’ennemi en respect avec, comme à Sbeïtla, des chars cachés dans un oued à défilement de tourelle tandis que mortiers et canons automoteurs sont disposés dans les champs de cactus alentours. Les half-tracks faisant office de Tanks-Destroyers, plutôt que de s’exposer dangereusement, ont laissé l’Afrika-Korps venir à eux et l’ont soumis à des tirs précis et destructeurs. Le CCB de Robinett tient donc la route de Tébessa. Le 22 février, le Kampfgruppe de l’Afrika Korps de Bülowius, qui s’égare (comble de manque de professionnalisme),est définitivement bloqué dans la passe du Djebel El Hamra. Devant Sbiba, les Landser de Hildebrandt ne sont pas en mesure de damer le pion aux GI’s épaulés par des Tommies. Encore une fois, les soldats allemands habitués à la platitude relative du désert négligent les hauteurs…
Panzer et carri armati à Kasserine
Pour le DAK, le terrain accidenté de Tunisie signifie davantage de combats impliquant de petites formations. L’infanterie, dont la puissance de feu s’est considérablement accrue depuis 1941, est devenue avant tout une troupe d’assaut.
Rommel a commis l’erreur d’attaquer la passe de Kasserine avec trop peu de forces le 19 février. Avec davantage de fantassins chargés de sécuriser les hauteurs, une artillerie et une Luftwaffe suffisamment présentes pour neutraliser l’artillerie adverse qui a représenté une véritable nuisance ainsi qu’un soutien de chars directement dans la passe, l’Afrika-Korps aurait pu être plus performant. Le « Renard du Désert » a également su rendre hommage à un adversaire pourtant durement touché : le soldat américain sait se battre et il bénéficie d’un commandement flexible ainsi que d’une abondance de matériel.
Un matériel américain inférieur en qualité ?
La bataille de Kasserine met-elle des soldats de l’Afrika-Korps aux prises avec un adversaire surclassé sur le plan de la qualité de l’équipement ? Quelques Tiger I et quelques Nebelwerfer participent à la bataille et, dans l’autre camp, les Valentine et les Crusader de Dunphie représentent des cibles faciles de même que Halftracks-Tanks Destroyers ainsi que les M3 Stuart et Lee détruits au pied au Djebel Lessouda et à Sidi-bou-Zid. Les petits antichars de 37 mm déployés dans la passe de Kasserine ne pèsent pas non plus bien lourd dans la solidité des défenses. Toutefois, les Américains, puis les Britanniques, engagent de nombreux Sherman qui, à ce stade de la guerre, sont les équivalents des Panzer IV qui leur sont opposés et ils surclassent même les nombreux Panzer III encore en dotation au sein des Panzer-Divisionen. Les GI’s sont encore également les seuls à pouvoir disposer de lance-roquettes portatifs antichars : les bazookas. Enfin, arme maîtresse de l’US Army, l’artillerie est présente en quantité et tiendra un rôle essentiel à chaque affrontement, notamment à Kasserine, voire décisif à Thala. Sur le plan des armes individuelles, la mitrailleuse de calibre 50, sans équivalent dans l’arsenal allemand, a également démontré tout son potentiel aussi bien contre des avions que sur des cibles terrestres.
Conclusion :
Certes, il n’y a pas lieu de revenir sur nombre d’éléments relatés depuis la guerre concernant la fameuse bataille de Kasserine : l’ineptie de Fredendall, le cuisant revers tactique subit par le 2nd US Corps, la responsabilité d’Arnim et du Comando Supremo dans la mauvaise exploitation des premiers succès ou encore le retour, quelques jours durant, d’un Rommel combattif et enthousiaste. Pour autant, cette bataille n’a pas constitué le premier choc de la Seconde Guerre mondiale entre les armées de terre allemande et américaine, pas plus que ce fut un affrontement uniquement germano-américain. L’offensive de l’Axe n’est pas plus celle de Rommel qu’elle ne l’est du seul Afrika-Korps, pourtant représenté par ses deux vieilles divisions, les 15. et 21. Panzer, combattant pourtant de façon séparée et dont les rangs ont été de toute façon clairsemés depuis les premiers pas en Afrique de 1941. Ce désastre subi en Afrique aurait été dramatique s’il était survenu en Normandie. L’armée américaine a dû apprendre la guerre par la manière forte. La bataille annonce aussi l’entrée en lice de généraux américains d’une autre trempe : Patton et Bradley.
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