Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine met sur pied plusieurs formations d’élite, très mobiles et entraînées à leur mission et aux dures spécificités du climat et du terrain propres au théâtre des opérations d’Asie-Pacifique. C’est à l’histoire de ces unités constituées de combattants d’exception que nous consacrons cet article.
Des troupes de choc pour l’US Marine Corps
Après les premiers succès des Fallschirmjäger, le corps des Marines, réputé pour l’excellence de son entraînement, s’intéresse immédiatement à cette nouvelle forme de guerre. Les premiers volontaires débutent leur entraînement dès octobre 1940. Le 1er avril 1943, les paras sont rassemblés en Nouvelle-Calédonie au sein du 1st Parachute Regiment sous les ordres du Lieutenant Colonel Williams.
De son côté, le 13 janvier 1942, le Captain James Roosevelt, le fils du Président des Etats-Unis en exercice, recommande la création au sein de l’USMC d’une unité de commandos similaire à celles des Britanniques dont les premiers exploits en Norvège ont démontré la viabilité. A l’instar de ce qui a prévalu pour les paras, le corps des Marines se montre fort réticent à l’idée de former une unité d’élite au sein d’un corps lui-même conçu comme une force d’élite. L’idée fait cependant son chemin et deux Raider Battalions sont levés en février 1942, commandés respectivement par les Lieutenants Colonels Merritt Edson et Evans Carlson. A l’automne 1943, l’unité atteint l’effectif de deux régiments sous les ordres des Lieutenant -Colonels Liversedge et Shapley.
Un raid audacieux dans les Gilbert
Le 2nd Raider Battalion de Carlson fait ses premières armes dans le cadre d’un raid épique digne des pages les plus audacieuses des unités de commandos. L’attaque est conçue comme une diversion alors que l’effort principal sera dirigé sur Guadalcanal. La cible est la station météo et la base d’hydravions de l’atoll de Butaritari, que les Américains appellent également atoll Makin (la véritable île de Makin, qui sera prise un an plus tard en même temps que Tarawa se situe à proximité). Les raiders sont acheminés sur objectif à bord de deux sous-marins. Carlson a dû revoir ses effectifs à la baisse et limiter au maximum le matériel embarqué faute d’espace disponible à bord. Une seule barre de chocolat par homme : celui qui aura faim devra se servir chez l’ennemi… Seuls 219 Marines, tout de noir vêtus, prennent donc part au raid. L’approche finale s’effectue à bord de canots pneumatiques, manœuvre périlleuse et bien plus difficile qu’escomptée en raison de la houle et des vagues. Il fait nuit noire le 17 août lorsque les raiders accostent sur le rivage. Les snipers causent de lourdes pertes parmi les cadres et les soldats du service des transmissions : les antennes chromées des talkies walkies attirent le feu des tireurs isolés se souvient avec amertume le Sergeant Kenneth McCullough. La mission est menée à bien sans coup férir et l’essentiel des combats cesse vers 7 heures. Jusqu’à la tombée de la nuit, les Marines ne sont plus confrontés qu’à des avions, dont deux hydravions chargés de troupes qui sont neutralisés. Le ressac rend le retour à bord des sous-marins très difficile, beaucoup n’y parvenant que le lendemain soir après être parvenu à contacter les sous-marins par signaux optiques et non sans avoir parachevé le travail de destruction sur l’île. Carlson peut enfin respirer : le fils du président est sain et sauf ! Il s’en faut cependant de peu : des avions japonais parviennent à larguer des bombes antipersonnel sur le sous-marin Argonaut au moment ou celui-ci effectue une plongée d’urgence mais, fort heureusement, elles explosent au contact de l’eau, ne causant que des dommages superficiels. L’exploit est célébré aux Etats-Unis. 18 raiders ont été tués mais 12 ont disparus, présumés noyés en mer. En fait, 9 d’entre eux, tombés vivants aux mains des japonais, seront exécutés par leurs geôliers.
Baptême du feu dans l’archipel des Salomon
C’est dans le cadre de l’opération Watchtower, dont l’objectif principal est de s’emparer de Guadalcanal, que sont engagés pour la première fois en opérations les Paramarines et les autres raiders de l’USMC. Ces deux unités d’élite participent donc à la première opération amphibie américaine du conflit. Le 1st Raider Battalion d’Edson et le 2nd Bn, 5th Marines débarquent sur Tulagi le 7 août 1943. La garnison japonaise, retranchée sur un relief accidenté, combat avec acharnement mais en vain car l’île est déclarée sécurisée au bout de 24 heures. Bombardé tous les matins par un destroyer japonais affectueusement affublé du sobriquet de « Réveille Charlie », Edson va devoir y ronger son frein avec ses hommes pendant trois semaines avant d’être transféré sur Guadalcanal.
Les paras reçoivent la mission de s’assurer du contrôle de l’îlot de Gavutu, situé à côté de Tulagi. L’assaut doit être mené par à peine 361 Marines dépourvu d’armes lourdes (ils réutiliseront les mortiers de 60 mm japonais saisis intact sur l’île). Pis, faute de ne pouvoir concentrer des moyens d’appui navals et aériens pour mener deux assauts en même temps, l’attaque se fera après un délai de quatre heures suivant le débarquement sur Tulagi. Enfin, le 1st Parachute Bn attaquera…en lançant sa première opération amphibie ! Les planificateurs n’ont pas songé à employer ces Marines comme paras, probablement en raison du manque d’appareils de transport ou du fait de l’impossibilité que des avions aient l’autonomie suffisante pour effectuer un aller-retour entre la Nouvelle-Zélande et les Salomon. Si la première vague est épargnée car les défenseurs japonais sont encore sous le choc des bombardements préliminaires, les deux autres vagues subissent quelques pertes. A 18 heures, après un combat acharné face à un adversaire féroce, la bannière étoilée est hissée sur la Colline 148 qui surplombe l’île. Il faut cependant encore subir les tirs en provenance de l’île de Tanambogo, reliée à Gavutu par un étroit cordon, d’où des nageurs japonais viennent harceler les paras. Le lendemain, Tanambogo est sécurisée par le 3rd Bn, 2nd Marines, non sans qu’un bombardier en piqué ne frappe la Colline 148 par erreur, confondant Gavutu avec l’îlot voisin… Williams a donc accompli sa mission. Les pertes se montent à 28 tués (dont 15 cadres !) et 50 blessés, soit un taux relativement élevé de 20%.
Déployé sur Guadalcanal, le 1st Raider Battalion -288 hommes- est renforcé par les 208 survivants du 1st Parachute Battalion. La nouvelle force composite mise à disposition d’Edson se voit assignée une nouvelle mission plus en accord avec sa vocation d’unité de commandos : détruire la base logistique japonaise de Tasimboko. Les raiders remplissent leur mission après avoir frôlé la catastrophe puisqu’ils se heurtent par mégarde à la puissante arrière-garde de la division de Kawaguchi alors enfoncée dans la jungle dans une manoeuvre visant à surprendre les Américains positionnés à Henderson Field. Les raiders sont sauvés par la méprise des Japonais qui se replient à la vue d’un convoi américain qu’ils interprètent comme une puissantye opération amphibie. Au bout de trois heures, après avoir détruit la base et ses stocks de matériels, dont des pièces de 75 mm, les Marines rembarquent. Le raid a coûté deux tués et six blessés aux Américains et seulement 27 morts aux Japonais. Carlson s’est toutefois emparé de documents essentiels dont le plan de bataille de Kawaguchi, ce dernier étant par ailleurs privé de tout soutien logistique avant même qu’il ne soit en mesure d’attaquer. L’étude du plan adverse permet d’établir que la manœuvre de l’adversaire vise à frapper par le sud à travers la jungle. Le secteur primordial autour duquel doit s’organiser la défense du périmètre défensif américain est une colline dont la défense échoie à Edson.
« Bloody Ridge » : l’exploit des hommes d’Edson
Edson déploie trois de ses compagnies dans une zone d’avant-postes assez étalée de façon non linéaire et dont le but est de freiner l’attaque japonaise. Les autres unités, les plus faibles, sont mises en position environ 500 mètres en arrière, sur une seconde ligne qui s’articule autour de la Colline N°2, qui constitue l’éminence la plus élevée de la crête. Les paras sont déployés sur le flanc gauche. Au-delà, le 1st Marine Regiment est à près de deux kilomètres, sur la rivière Tenaru. Sur l’aile droite, il faut compter plusieurs centaines de mètres jusqu’à la rivière Lunga au-delà de laquelle sont retranchés le 1st Pioneer Bn et le 1st Amphibious Tractors Bn. Les raiders et les paras s’activent pour rendre leurs défenses les plus solides possibles mais les Marines n’ont ni outils de terrassement, ni sacs de sables et les barbelés manquent. Pis, le corail affleure à la surface tandis que, mis à part les pentes de la colline, la jungle, toute proche, limite considérablement la profondeur du champ de tir. Les Japonais – 2 500 hommes- s’attaquent aux positions dès la nuit du 12 au 13 septembre, bousculant la C Company isolée dans un corps à corps sanglant et acharné en pleine jungle, les tirs aveugles en provenance d’un croiseur japonais ne faisant qu’ajouter à la confusion. Le lendemain, après avoir été soumis aux cris terrifiants des prisonniers soumis à la torture et des agonisants, des patrouilles ramènent 14 blessés dans les lignes américains qu’Edson a repliées. Peu après la tombée de la nuit, les raiders sont confronté à un nouvel assaut sur l’ensemble de la ligne, trop faible pour espérer obtenir davantage que freiner la progression nippone. Le seul soutien tangible pour Edson provient des Howitzers du 11st Marines qui arrosent copieusement le secteur, y compris sur les positions américaines. La confusion est totale. La pression est telle que les raiders et les paras sont contraints de se retirer sur les dernières positions, occupées par les C et D Companies. Le repli des paras ordonné par Torgerson, qui commande alors l’unité (Williams a été blessé sur Gavutu) et qui entend réorganiser ses forces alors que tout contact a été perdu avec les flancs, laisse cependant momentanément 60 raiders isolés au centre de l’ancienne ligne de front…
Edson, maintenant retranché autour de la Colline 120, est formel: il n’y aura plus de repli. Paras et raiders, mélangés par la force des choses, sont peu nombreux et les munitions manquent. C’est ainsi à coup d’artillerie, de grenades et de rafales de mitrailleuses qu’est mis un terme aux dernières velléités d’attaque des Nippons. Le lendemain matin se révèle l’étendue du carnage qui résulte du corps à corps et des attaques suicidaires des Japonais dont les vagues ont été hachées sur les positions américaines. Kawaguchi compte 700 tués et 500 blessés, dont bien peu survivront à la terrible épreuve du repli à travers la jungle. Le 1st Raiders Bn a perdu 135 hommes et le 1st Parachute 128. Le bataillon de raiders n’est plus qu’à moitié de ses effectifs. Les tués et disparus sont au nombre de 59, dont 15 paras. On ne compte plus qu’une centaine de paras valides, soit à peine une compagnie. Le 1st Raiders Bn se battra encore à Guadalcanal, sur la rivière Matanikau. Quant à Edson, remarqué, il est promu au grade de colonel et rejoint le 5th Marines. 400 survivants rejoignent la Nouvelle-Calédonie, tous souffrants de diverses maladies tropicales, dont 267 cas de malaria. « Bloody Ridge » est aussi entrée dans la légende de Guadalcanal sous le nom d’ « Edson Ridge ».
« The Long Patrol » : l’exploit des hommes de Carlson
Deux mois après le 1st Raider Battalion, c’est au tour du 2nd Battalion d’établir un fait d’arme qui fera date. La mission consiste à débarquer sur Aola Bay, un point situé très à l’est du périmètre américain établi autour d’Henderson Field, puis de progresser à travers jungle dans le but d’intercepter les forces japonaise sérieusement malmenées qui tentent de se replier. Une mission périlleuse car l’adversaire reste très supérieur en nombre aux raiders, d’autant qu’il faudra également lutter contre tous les désagréments de la guerre en pleine jungle. De fait, les pertes dues au combat seront nettement inférieures à celles subies pour causes de maladies ou d’animaux dangereux. De nombreux Marines doivent être transportés sur des brancards improvisés, souvent portés par des « Solomon Scouts », ces résistants indigènes encadrés par des Australiens dont les colonnes de ravitaillement assureront par ailleurs un soutien logistique bienvenue à Carlson. 150 éclaireurs et porteurs locaux sont en effet de l’équipée. La clé du succès résidera dans l’utilisation de puissantes radios très performantes en dépit de l’environnement. Le 11 novembre, un fameux commentateur radio, Raymond Swing, par ailleurs un ami de Carlson, vante les mérites de ce dernier sur les ondes : « Les Marines sont des durs, mais il y a une branche spéciale des Marines qui est particulièrement dure. Ces hommes s’appellent les raiders de Carlson. Ils constituent un type particulier de commandos américains et je répète qu’ils sont plus coriaces que les Marines, pour autant qu’une telle chose soit possible ». Les compagnies, dispersées en patrouilles pour maximiser les chances de contact avec l’ennemi, sont ainsi en mesure de communiquer et de se regrouper. La mission débute le 6 novembre mais ce n’est que le 15 que les hommes peuvent enfin se laver lors d’une halte à Binu. Carlson va démontrer tout son talent pour mener une guerre de type guérilla : mouvement de flanc, embuscade, attaques surprises avec retrait tout aussi rapide, etc. Comme avec les Chindits de Wingate en Birmanie, les Marines de Carlson sont parmi les premiers à mettre un terme au mythe de la supériorité du soldat japonais dans la jungle. A Assama, dans l’ignorance que les Américains se sont emparés de leur bivouac, des Japonais isolés se jettent à tour de rôle dans la gueule du loup : 25 sont ainsi tués par groupe de un ou deux… « C’était comme si un aveugle tirait sur des canards » commentera Carlson.
Carlson ne s’embarrasse par ailleurs pas de prisonniers. Il est de notoriété que peu Japonais se sont rendus aux Alliés. Deux d’entre eux sont pourtant capturés par les raiders. Lorsque Carlson s’en rend compte, il demande alors à ses hommes si certains d’entre eux ont perdu des copains au cours du précédent combat. A ceux qui lèvent la main, il confie le sort des captifs, qui sont emmenés dans la jungle où ils sont abattus… Un ultime affrontement se déroule sur les pentes du Mont Austen.
Lorsque le contact est enfin établi avec le camp retranché d’Henderson Field, les raiders ont parcouru 241 kilomètres (sur une distance à vol d’oiseau de seulement 43 kilomètres). Pour ne considérer que les seules C et F Companies, on ne compte plus que 57 hommes capables de marcher sur les 266 partis d’Aola Bay. 488 Japonais ont été abattus contre seulement 16 tués chez les Américains, qui ont en outre 19 blessés et 225 malades.
Nouvelle-Géorgie et Bougainville : dernières missions pour les raiders
Après les exploits de l’année 1942, les raiders, désormais 4 bataillons regroupés au sein de deux régiments, reprennent du service dans les Salomon. Cette fois-ci, ils interviennent uniquement comme tout autre unité d’infanterie, dont ils partagent le même matériel et équipement, si ce n’est qu’ils représentent une unité d’élite. Le 5 juillet, des GI’s de deux bataillons (3/145th et 3/148th) le 1st Raiders Battalion débarquent en Nouvelle-Géorgie, à Rice Anchorage, le site marécageux du delta d’une rivière. Les Japonais ne se laissent pas surprendre par l’obscurité et les trombes d’eau qui s’abattent sur le champ de bataille et les tirs qu’ils opèrent obligent la flotte américaine à abandonner les soldats débarqués en emportant à bord l’essentiel des vivres et munitions ainsi que l’unique radio à longue portée… Les deux bataillons prennent en charge la sécurité des voies de communications, alors même que la progression s’avère particulièrement pénible et délicate, notamment le franchissement de la Tamakau, alors un véritable torrent de près de 3 mètres de profondeur. Il ne reste donc plus que le 1st Raiders pour mener l’assaut sur la base d’Enogai, qui se solde par une victoire au bout de cinq jours de combat mais au prix de 150 pertes, dont 45 tués. Liversedge dispose désormais d’une base pour évacuer ses blessés par PBY et où des navires chargés de ravitaillement peuvent accoster. Bairoko est maintenant l’objectif du 4th Raiders. Les combats menés pour s’emparer des bunkers sont féroces mais les marines sont repoussés au prix de lourdes pertes… Bairoko ne tombera que quelques jours plus tard entre les mains de leurs camarades de l’US Army… sans combat.
A l’automne, le 1er novembre 1943, les raiders prennent part à leur ultime opération amphibie dans les Salomon. Comme leurs camarades du 1st Raider Regiment, les Marines du 2nd Raiders Regiment, appuyés par des blindés, sont employés comme une unité de fantassins quelconque, sans que ne leur soit assignée une tâche plus spécifique à leurs aptitudes de commandos. Les raiders mettent pied sur Bougainville au cap Torokina avec pour objectif de s’assurer du contrôle de deux pistes que les Japonais pourraient mettre à profit pour contre-attaquer : celles de Piva et de Numa-Numa. Les combats se poursuivent sur l’île et, le 23 novembre, le 1st Parachute Bn du Major Fagan arrive à son tour sur Bougainville, suivi du 3rd puis des éléments du QG et de la compagnie d’armes lourdes. Les paras de Fagan appuyés par la Company M des raiders lance un raid près de Koiari. L’équipée tourne court et Fagan réclame rapidement à être évacué, ce qui sera fait le soir même, non sans difficultés. Toutefois, 300 Japonais ont été tués et un stock important d’approvisionnement a volé en fumée. Les pertes américaines sont lourdes : 17 tués, 7 disparus et 97 blessés. Les combats s’éternisent sur Bougainville jusqu’à la fin du mois de décembre. Les derniers paras quittent l’île en janvier 1944.
Tandis que les forces spéciales bataillaient dur sur Bougainville, d’autres paras intervenaient sur l’île proche de Choiseul dans le cadre d’une opération visant à leurrer les Japonais sur la zone où aura lieu le principal débarquement sur Bougainville. Le 2nd Parachute Bn renforcé du Lieutenant Colonel Krulak (une section de mitrailleuses ainsi qu’une section de roquettes expérimentales lui sont adjoints) débarque sur l’île le 28 octobre à Vozan. Pour donner du crédit à la diversion, l’amiral Halsey annonce à la presse que les paras ont lancé une opération sur Choiseul. Un journal ira jusqu’à illustrer la nouvelle avec un dessin montrant des paras suspendus à leurs corolles dans le ciel du Pacifique… Sérieusement surclassé en effectifs, le bataillon, sa mission accomplie, est évacuée en 20 minutes à bord de LCI accostant à Voza dans la nuit du 3 au 4 novembre. Les paras, au prix de 11 tués et 14 blessés, ont tué un minimum de 143 Japonais.
Ce constat de l’inutilité de disposer de Raiders au sein de l’USMC n’échappe pas au haut-commandement américain, dont Vandegrift en personne (alors commandant de l’USMC depuis le 1er janvier) : les deux régiments sont dissouts en février 1944. La guerre n’est pas finie pour autant pour ces Américains puisque leurs unités forment la base du nouveau 4th Marine Regiment (ce régiment avait été anéanti aux Philippines au début de la guerre) qui, au sein de la 6th Marine Division, devra batailler à Emirau, Guam et surtout Okinawa. Les jours du 1st Parachute Regiment sont également comptés. Les principaux responsables de l’USMC ne voient pas plus l’utilité des paras qu’ils ne voient celle des raiders. De toute façon, les moyens en avions de transports manquent alors même que les besoins en appareils pour le fret logistique et l’évacuation des blessés se posent avec acuité. Il n’y aura même plus la possibilité d’effectuer le moindre saut d’entraînement après mai 1943. Une difficulté qui se reflète également sur les unités de paras de l’US Army puisque ce n’est qu’en septembre 1943 que MacArthur sera en mesure de rassembler 96 C-47 pour ce qui constituera la première opération aéroportée de la guerre du Pacifique. On envisage un temps d’entraîner les paras à mener des coups de main à bord de canots pneumatiques à l’instar des raiders… Un raid est même prévu contre une base d’hydravions sur Santa Isabel mais la mission avorte car l’ennemi a évacué le site avant la date prévue pour l’assaut. En février 1944, au moment même où disparaissent les unités de raiders, le 1st Parachute Regiment, également dissout, amène lui aussi les couleurs. Les paras iront rejoindre la 5th Marine Division.
Les Marauders de Merril
La seule unité combattante de l’US Army engagée auprès des Chinois, en l’occurrence en Birmanie, baptisée force Galahad, ou Detachement 1688, puis 5 307th Regiment le 1er janvier 1944, ou encore appelée les Marauders de Merrill, du nom du 1er commandant de l’unité, ne rassemble que 2 850 hommes, théoriquement rompus au combat dans la jungle et tous volontaires. Cette unité est conçue à l’origine pour combattre sous les ordres de l’excentrique général britannique Ord Wingate, par ailleurs créateur et commandant des fameux Chindits. Ces hommes, engagés finalement sous la direction du Lieutenant-General « Vinegar Joe » Stilwell, un Américain qui est aussi le chef d’état-major de Tchang Kaï-Chek, vont combattre héroïquement dans des conditions particulièrement difficiles. Stilwell entend mettre à profit la mobilité de l’unité américaine pour opérer des mouvements d’enveloppement et couper les lignes de communications de la 18e DI japonaise qui fait alors face à ses troupes chinoises dans la vallée de Hukwang. L’emploi de véhicules étant non envisageable, c’est à dos de mulets que le matériel et les approvisionnements sont transportés, un ravitaillement par parachutages assurant par ailleurs le maintien opérationnel de l’unité. Merrill et ses hommes seront engagés pendant à peine trois mois, du 24 février au 27 mai, contraignant effectivement les Japonais au repli. Les pertes infligées à ces derniers démontrent le bien-fondé de ces opérations par le flanc et du fait incontestable que le soldat japonais n’est aucunement le combattant maîtrisant l’art du combat dans la jungle au point d’y être considéré comme le spécialiste de cette forme de guerre. Début mars, à Walawbum, près de 800 soldats nippons sont tués pour seulement 8 tués et 37 blessés chez les Marauders. Un mois plus tard, l’affrontement à Nhpum Ga sera beaucoup plus coûteux : si plus de 400 Japonais ont été abattus, 57 Américains sont tués et 302 sont blessés. Comme pour les raiders de l’USMC, parallèlement à tous les désagréments d’une vie en plein air dans la jungle, une des expériences récurrentes des Marauders sera l’embuscade, subie ou provoquée. L’exploit réalisé par les Marauders est sans conteste la prise de Myitkyina et de son important aérodrome en mai 1944, même si les combats s’y éternisèrent jusqu’au mois de juillet. Cette ultime mission est lancée par Stilwell alors que le 5307th n’aligne plus que 1600 hommes épuisés. Fin mai, après la chute de Myitkyina, il n’y a alors plus que 200 Marauders de valides ! La mission est couronnée de succès grâce à une marche forcée exténuante exécutée de concert avec plusieurs unités chinoises. Toutefois, Stilwell a beaucoup trop exigé des ses hommes et 80% des Marauders, totalement épuisés, sont hospitalisés. Galahad n’est plus opérationnel. 93 hommes sont morts et 293 ont subi des blessures nécessitant une hospitalisation tandis que 1970 hommes sont déclarés malades. Pourtant l’unité est en partie reconstituée avec les hommes valides du 1st Bn complété par l’arrivée de remplaçants et forme ensuite la Task Force Mars (ou 5332nd Brigade, Provisional), comprenant le 475th Infantry Regiment du colonel Osborne (l’ancien commandant du 1st Bn/5307th), le 124th Cavalry, le 612th Field Artillery et un régiment chinois. Cette unité poursuivra les opérations visant à la réouverture de la route de Birmanie permettant le ravitaillement par voie terrestre de l’armée de Tchang Kaï-Chek depuis l’Inde.
Forces spéciales engagées de la Birmanie aux Aléoutiennes
Les célèbres unités évoquées précédemment ne sont pas les seules unités d’élite américaines qui vont affronter les Japonais. Une unité de l’OSS, le service d’espionnage américain, engage une unité de nageurs: l’OSS Detachment 404 Maritime Unit qui est engagé en Thaïlande, en Malaisie, à Sumatra et en Birmanie. Trois tâches lui sont dévolu : infiltration d’agents, sabotage et ravitaillement. L’OSS sert également en Birmanie : le Detachement 101 du major Eifler, chargé de l’infiltration d’agents derrière les lignes japonaises, comptera jusqu’à 566 Américains et surtout près de 10 000 Kachins qui se battent aux côtés des forces de Merrill. Les pertes totales qu’il inflige aux Japonais sont estimées à 5 500, contre 200, dont à peine 15 tués Américains.
Le 6th Rangers Battalion du Lieutenant-Colonel Mucci, mise sur pied à Hollandia (Nouvelle-Guinée), va de son côté combattre sous les ordres de MacArthur. Le 17 octobre 1944, en prélude à l’offensive de la 6th US Army, les Rangers débarquent sur les îles de Dinagat, Homonhon et Suluan qui contrôlent l’accès du Golfe de Leyte. Sur Luçon, 107 Rangers et de scouts philippins (les Alamo Scouts) foncent à la rescousse de prisonniers de guerre dont on craint qu’ils ne soient assassinés par leurs geôliers. Mission accomplie au prix de 2 tués chez les Rangers pour 200 Japonais. Notons enfin que la Canadian-American First Special Force est engagée pour son baptême du feu sous le climat polaire des Aléoutiennes, à Kiska, en août 1943, avant de prendre le chemin de la Méditerranée. Parmi les forces spéciales, terminons par une ancienne unité de la Garde Nationale, en l’occurrence de la 45th ID, levée en Arizona et comptant dans ses rangs des représentants d’une vingtaine de tribus amérindiennes : 158th IR (dit « Bushmaster »), spécialement entraîné pour les combats dans la jungle et qui servira comme régiment indépendant en Nouvelle-Bretagne, en Nouvelle-Guinée et aux Philippines
Conclusion :
Ces forces spéciales engagées en Asie-Pacifique n’ont pas perdurées. Mais elles ont été les premières et ont ouvert la voie à d’autres unités célèbres qui vont suivre : Green Berets au Vietnam, longe-range reconnaissance Marines, Marine force reconnaissance companies…
Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’armée américaine met sur pied plusieurs formations d’élite, très mobiles et entraînées à leur mission et aux dures spécificités du climat et du terrain propres au théâtre des opérations d’Asie-Pacifique. C’est à l’histoire de ces unités constituées de combattants d’exception que nous consacrons cet article.
Des troupes de choc pour l’US Marine Corps
Après les premiers succès des Fallschirmjäger, le corps des Marines, réputé pour l’excellence de son entraînement, s’intéresse immédiatement à cette nouvelle forme de guerre. Les premiers volontaires débutent leur entraînement dès octobre 1940. Le 1er avril 1943, les paras sont rassemblés en Nouvelle-Calédonie au sein du 1st Parachute Regiment sous les ordres du Lieutenant Colonel Williams.
De son côté, le 13 janvier 1942, le Captain James Roosevelt, le fils du Président des Etats-Unis en exercice, recommande la création au sein de l’USMC d’une unité de commandos similaire à celles des Britanniques dont les premiers exploits en Norvège ont démontré la viabilité. A l’instar de ce qui a prévalu pour les paras, le corps des Marines se montre fort réticent à l’idée de former une unité d’élite au sein d’un corps lui-même conçu comme une force d’élite. L’idée fait cependant son chemin et deux Raider Battalions sont levés en février 1942, commandés respectivement par les Lieutenants Colonels Merritt Edson et Evans Carlson. A l’automne 1943, l’unité atteint l’effectif de deux régiments sous les ordres des Lieutenant -Colonels Liversedge et Shapley.
Un raid audacieux dans les Gilbert
Le 2nd Raider Battalion de Carlson fait ses premières armes dans le cadre d’un raid épique digne des pages les plus audacieuses des unités de commandos. L’attaque est conçue comme une diversion alors que l’effort principal sera dirigé sur Guadalcanal. La cible est la station météo et la base d’hydravions de l’atoll de Butaritari, que les Américains appellent également atoll Makin (la véritable île de Makin, qui sera prise un an plus tard en même temps que Tarawa se situe à proximité). Les raiders sont acheminés sur objectif à bord de deux sous-marins. Carlson a dû revoir ses effectifs à la baisse et limiter au maximum le matériel embarqué faute d’espace disponible à bord. Une seule barre de chocolat par homme : celui qui aura faim devra se servir chez l’ennemi… Seuls 219 Marines, tout de noir vêtus, prennent donc part au raid. L’approche finale s’effectue à bord de canots pneumatiques, manœuvre périlleuse et bien plus difficile qu’escomptée en raison de la houle et des vagues. Il fait nuit noire le 17 août lorsque les raiders accostent sur le rivage. Les snipers causent de lourdes pertes parmi les cadres et les soldats du service des transmissions : les antennes chromées des talkies walkies attirent le feu des tireurs isolés se souvient avec amertume le Sergeant Kenneth McCullough. La mission est menée à bien sans coup férir et l’essentiel des combats cesse vers 7 heures. Jusqu’à la tombée de la nuit, les Marines ne sont plus confrontés qu’à des avions, dont deux hydravions chargés de troupes qui sont neutralisés. Le ressac rend le retour à bord des sous-marins très difficile, beaucoup n’y parvenant que le lendemain soir après être parvenu à contacter les sous-marins par signaux optiques et non sans avoir parachevé le travail de destruction sur l’île. Carlson peut enfin respirer : le fils du président est sain et sauf ! Il s’en faut cependant de peu : des avions japonais parviennent à larguer des bombes antipersonnel sur le sous-marin Argonaut au moment ou celui-ci effectue une plongée d’urgence mais, fort heureusement, elles explosent au contact de l’eau, ne causant que des dommages superficiels. L’exploit est célébré aux Etats-Unis. 18 raiders ont été tués mais 12 ont disparus, présumés noyés en mer. En fait, 9 d’entre eux, tombés vivants aux mains des japonais, seront exécutés par leurs geôliers.
Baptême du feu dans l’archipel des Salomon
C’est dans le cadre de l’opération Watchtower, dont l’objectif principal est de s’emparer de Guadalcanal, que sont engagés pour la première fois en opérations les Paramarines et les autres raiders de l’USMC. Ces deux unités d’élite participent donc à la première opération amphibie américaine du conflit. Le 1st Raider Battalion d’Edson et le 2nd Bn, 5th Marines débarquent sur Tulagi le 7 août 1943. La garnison japonaise, retranchée sur un relief accidenté, combat avec acharnement mais en vain car l’île est déclarée sécurisée au bout de 24 heures. Bombardé tous les matins par un destroyer japonais affectueusement affublé du sobriquet de « Réveille Charlie », Edson va devoir y ronger son frein avec ses hommes pendant trois semaines avant d’être transféré sur Guadalcanal.
Les paras reçoivent la mission de s’assurer du contrôle de l’îlot de Gavutu, situé à côté de Tulagi. L’assaut doit être mené par à peine 361 Marines dépourvu d’armes lourdes (ils réutiliseront les mortiers de 60 mm japonais saisis intact sur l’île). Pis, faute de ne pouvoir concentrer des moyens d’appui navals et aériens pour mener deux assauts en même temps, l’attaque se fera après un délai de quatre heures suivant le débarquement sur Tulagi. Enfin, le 1st Parachute Bn attaquera…en lançant sa première opération amphibie ! Les planificateurs n’ont pas songé à employer ces Marines comme paras, probablement en raison du manque d’appareils de transport ou du fait de l’impossibilité que des avions aient l’autonomie suffisante pour effectuer un aller-retour entre la Nouvelle-Zélande et les Salomon. Si la première vague est épargnée car les défenseurs japonais sont encore sous le choc des bombardements préliminaires, les deux autres vagues subissent quelques pertes. A 18 heures, après un combat acharné face à un adversaire féroce, la bannière étoilée est hissée sur la Colline 148 qui surplombe l’île. Il faut cependant encore subir les tirs en provenance de l’île de Tanambogo, reliée à Gavutu par un étroit cordon, d’où des nageurs japonais viennent harceler les paras. Le lendemain, Tanambogo est sécurisée par le 3rd Bn, 2nd Marines, non sans qu’un bombardier en piqué ne frappe la Colline 148 par erreur, confondant Gavutu avec l’îlot voisin… Williams a donc accompli sa mission. Les pertes se montent à 28 tués (dont 15 cadres !) et 50 blessés, soit un taux relativement élevé de 20%.
Déployé sur Guadalcanal, le 1st Raider Battalion -288 hommes- est renforcé par les 208 survivants du 1st Parachute Battalion. La nouvelle force composite mise à disposition d’Edson se voit assignée une nouvelle mission plus en accord avec sa vocation d’unité de commandos : détruire la base logistique japonaise de Tasimboko. Les raiders remplissent leur mission après avoir frôlé la catastrophe puisqu’ils se heurtent par mégarde à la puissante arrière-garde de la division de Kawaguchi alors enfoncée dans la jungle dans une manoeuvre visant à surprendre les Américains positionnés à Henderson Field. Les raiders sont sauvés par la méprise des Japonais qui se replient à la vue d’un convoi américain qu’ils interprètent comme une puissantye opération amphibie. Au bout de trois heures, après avoir détruit la base et ses stocks de matériels, dont des pièces de 75 mm, les Marines rembarquent. Le raid a coûté deux tués et six blessés aux Américains et seulement 27 morts aux Japonais. Carlson s’est toutefois emparé de documents essentiels dont le plan de bataille de Kawaguchi, ce dernier étant par ailleurs privé de tout soutien logistique avant même qu’il ne soit en mesure d’attaquer. L’étude du plan adverse permet d’établir que la manœuvre de l’adversaire vise à frapper par le sud à travers la jungle. Le secteur primordial autour duquel doit s’organiser la défense du périmètre défensif américain est une colline dont la défense échoie à Edson.
« Bloody Ridge » : l’exploit des hommes d’Edson
Edson déploie trois de ses compagnies dans une zone d’avant-postes assez étalée de façon non linéaire et dont le but est de freiner l’attaque japonaise. Les autres unités, les plus faibles, sont mises en position environ 500 mètres en arrière, sur une seconde ligne qui s’articule autour de la Colline N°2, qui constitue l’éminence la plus élevée de la crête. Les paras sont déployés sur le flanc gauche. Au-delà, le 1st Marine Regiment est à près de deux kilomètres, sur la rivière Tenaru. Sur l’aile droite, il faut compter plusieurs centaines de mètres jusqu’à la rivière Lunga au-delà de laquelle sont retranchés le 1st Pioneer Bn et le 1st Amphibious Tractors Bn. Les raiders et les paras s’activent pour rendre leurs défenses les plus solides possibles mais les Marines n’ont ni outils de terrassement, ni sacs de sables et les barbelés manquent. Pis, le corail affleure à la surface tandis que, mis à part les pentes de la colline, la jungle, toute proche, limite considérablement la profondeur du champ de tir. Les Japonais – 2 500 hommes- s’attaquent aux positions dès la nuit du 12 au 13 septembre, bousculant la C Company isolée dans un corps à corps sanglant et acharné en pleine jungle, les tirs aveugles en provenance d’un croiseur japonais ne faisant qu’ajouter à la confusion. Le lendemain, après avoir été soumis aux cris terrifiants des prisonniers soumis à la torture et des agonisants, des patrouilles ramènent 14 blessés dans les lignes américains qu’Edson a repliées. Peu après la tombée de la nuit, les raiders sont confronté à un nouvel assaut sur l’ensemble de la ligne, trop faible pour espérer obtenir davantage que freiner la progression nippone. Le seul soutien tangible pour Edson provient des Howitzers du 11st Marines qui arrosent copieusement le secteur, y compris sur les positions américaines. La confusion est totale. La pression est telle que les raiders et les paras sont contraints de se retirer sur les dernières positions, occupées par les C et D Companies. Le repli des paras ordonné par Torgerson, qui commande alors l’unité (Williams a été blessé sur Gavutu) et qui entend réorganiser ses forces alors que tout contact a été perdu avec les flancs, laisse cependant momentanément 60 raiders isolés au centre de l’ancienne ligne de front…
Edson, maintenant retranché autour de la Colline 120, est formel: il n’y aura plus de repli. Paras et raiders, mélangés par la force des choses, sont peu nombreux et les munitions manquent. C’est ainsi à coup d’artillerie, de grenades et de rafales de mitrailleuses qu’est mis un terme aux dernières velléités d’attaque des Nippons. Le lendemain matin se révèle l’étendue du carnage qui résulte du corps à corps et des attaques suicidaires des Japonais dont les vagues ont été hachées sur les positions américaines. Kawaguchi compte 700 tués et 500 blessés, dont bien peu survivront à la terrible épreuve du repli à travers la jungle. Le 1st Raiders Bn a perdu 135 hommes et le 1st Parachute 128. Le bataillon de raiders n’est plus qu’à moitié de ses effectifs. Les tués et disparus sont au nombre de 59, dont 15 paras. On ne compte plus qu’une centaine de paras valides, soit à peine une compagnie. Le 1st Raiders Bn se battra encore à Guadalcanal, sur la rivière Matanikau. Quant à Edson, remarqué, il est promu au grade de colonel et rejoint le 5th Marines. 400 survivants rejoignent la Nouvelle-Calédonie, tous souffrants de diverses maladies tropicales, dont 267 cas de malaria. « Bloody Ridge » est aussi entrée dans la légende de Guadalcanal sous le nom d’ « Edson Ridge ».
« The Long Patrol » : l’exploit des hommes de Carlson
Deux mois après le 1st Raider Battalion, c’est au tour du 2nd Battalion d’établir un fait d’arme qui fera date. La mission consiste à débarquer sur Aola Bay, un point situé très à l’est du périmètre américain établi autour d’Henderson Field, puis de progresser à travers jungle dans le but d’intercepter les forces japonaise sérieusement malmenées qui tentent de se replier. Une mission périlleuse car l’adversaire reste très supérieur en nombre aux raiders, d’autant qu’il faudra également lutter contre tous les désagréments de la guerre en pleine jungle. De fait, les pertes dues au combat seront nettement inférieures à celles subies pour causes de maladies ou d’animaux dangereux. De nombreux Marines doivent être transportés sur des brancards improvisés, souvent portés par des « Solomon Scouts », ces résistants indigènes encadrés par des Australiens dont les colonnes de ravitaillement assureront par ailleurs un soutien logistique bienvenue à Carlson. 150 éclaireurs et porteurs locaux sont en effet de l’équipée. La clé du succès résidera dans l’utilisation de puissantes radios très performantes en dépit de l’environnement. Le 11 novembre, un fameux commentateur radio, Raymond Swing, par ailleurs un ami de Carlson, vante les mérites de ce dernier sur les ondes : « Les Marines sont des durs, mais il y a une branche spéciale des Marines qui est particulièrement dure. Ces hommes s’appellent les raiders de Carlson. Ils constituent un type particulier de commandos américains et je répète qu’ils sont plus coriaces que les Marines, pour autant qu’une telle chose soit possible ». Les compagnies, dispersées en patrouilles pour maximiser les chances de contact avec l’ennemi, sont ainsi en mesure de communiquer et de se regrouper. La mission débute le 6 novembre mais ce n’est que le 15 que les hommes peuvent enfin se laver lors d’une halte à Binu. Carlson va démontrer tout son talent pour mener une guerre de type guérilla : mouvement de flanc, embuscade, attaques surprises avec retrait tout aussi rapide, etc. Comme avec les Chindits de Wingate en Birmanie, les Marines de Carlson sont parmi les premiers à mettre un terme au mythe de la supériorité du soldat japonais dans la jungle. A Assama, dans l’ignorance que les Américains se sont emparés de leur bivouac, des Japonais isolés se jettent à tour de rôle dans la gueule du loup : 25 sont ainsi tués par groupe de un ou deux… « C’était comme si un aveugle tirait sur des canards » commentera Carlson.
Carlson ne s’embarrasse par ailleurs pas de prisonniers. Il est de notoriété que peu Japonais se sont rendus aux Alliés. Deux d’entre eux sont pourtant capturés par les raiders. Lorsque Carlson s’en rend compte, il demande alors à ses hommes si certains d’entre eux ont perdu des copains au cours du précédent combat. A ceux qui lèvent la main, il confie le sort des captifs, qui sont emmenés dans la jungle où ils sont abattus… Un ultime affrontement se déroule sur les pentes du Mont Austen.
Lorsque le contact est enfin établi avec le camp retranché d’Henderson Field, les raiders ont parcouru 241 kilomètres (sur une distance à vol d’oiseau de seulement 43 kilomètres). Pour ne considérer que les seules C et F Companies, on ne compte plus que 57 hommes capables de marcher sur les 266 partis d’Aola Bay. 488 Japonais ont été abattus contre seulement 16 tués chez les Américains, qui ont en outre 19 blessés et 225 malades.
Nouvelle-Géorgie et Bougainville : dernières missions pour les raiders
Après les exploits de l’année 1942, les raiders, désormais 4 bataillons regroupés au sein de deux régiments, reprennent du service dans les Salomon. Cette fois-ci, ils interviennent uniquement comme tout autre unité d’infanterie, dont ils partagent le même matériel et équipement, si ce n’est qu’ils représentent une unité d’élite. Le 5 juillet, des GI’s de deux bataillons (3/145th et 3/148th) le 1st Raiders Battalion débarquent en Nouvelle-Géorgie, à Rice Anchorage, le site marécageux du delta d’une rivière. Les Japonais ne se laissent pas surprendre par l’obscurité et les trombes d’eau qui s’abattent sur le champ de bataille et les tirs qu’ils opèrent obligent la flotte américaine à abandonner les soldats débarqués en emportant à bord l’essentiel des vivres et munitions ainsi que l’unique radio à longue portée… Les deux bataillons prennent en charge la sécurité des voies de communications, alors même que la progression s’avère particulièrement pénible et délicate, notamment le franchissement de la Tamakau, alors un véritable torrent de près de 3 mètres de profondeur. Il ne reste donc plus que le 1st Raiders pour mener l’assaut sur la base d’Enogai, qui se solde par une victoire au bout de cinq jours de combat mais au prix de 150 pertes, dont 45 tués. Liversedge dispose désormais d’une base pour évacuer ses blessés par PBY et où des navires chargés de ravitaillement peuvent accoster. Bairoko est maintenant l’objectif du 4th Raiders. Les combats menés pour s’emparer des bunkers sont féroces mais les marines sont repoussés au prix de lourdes pertes… Bairoko ne tombera que quelques jours plus tard entre les mains de leurs camarades de l’US Army… sans combat.
A l’automne, le 1er novembre 1943, les raiders prennent part à leur ultime opération amphibie dans les Salomon. Comme leurs camarades du 1st Raider Regiment, les Marines du 2nd Raiders Regiment, appuyés par des blindés, sont employés comme une unité de fantassins quelconque, sans que ne leur soit assignée une tâche plus spécifique à leurs aptitudes de commandos. Les raiders mettent pied sur Bougainville au cap Torokina avec pour objectif de s’assurer du contrôle de deux pistes que les Japonais pourraient mettre à profit pour contre-attaquer : celles de Piva et de Numa-Numa. Les combats se poursuivent sur l’île et, le 23 novembre, le 1st Parachute Bn du Major Fagan arrive à son tour sur Bougainville, suivi du 3rd puis des éléments du QG et de la compagnie d’armes lourdes. Les paras de Fagan appuyés par la Company M des raiders lance un raid près de Koiari. L’équipée tourne court et Fagan réclame rapidement à être évacué, ce qui sera fait le soir même, non sans difficultés. Toutefois, 300 Japonais ont été tués et un stock important d’approvisionnement a volé en fumée. Les pertes américaines sont lourdes : 17 tués, 7 disparus et 97 blessés. Les combats s’éternisent sur Bougainville jusqu’à la fin du mois de décembre. Les derniers paras quittent l’île en janvier 1944.
Tandis que les forces spéciales bataillaient dur sur Bougainville, d’autres paras intervenaient sur l’île proche de Choiseul dans le cadre d’une opération visant à leurrer les Japonais sur la zone où aura lieu le principal débarquement sur Bougainville. Le 2nd Parachute Bn renforcé du Lieutenant Colonel Krulak (une section de mitrailleuses ainsi qu’une section de roquettes expérimentales lui sont adjoints) débarque sur l’île le 28 octobre à Vozan. Pour donner du crédit à la diversion, l’amiral Halsey annonce à la presse que les paras ont lancé une opération sur Choiseul. Un journal ira jusqu’à illustrer la nouvelle avec un dessin montrant des paras suspendus à leurs corolles dans le ciel du Pacifique… Sérieusement surclassé en effectifs, le bataillon, sa mission accomplie, est évacuée en 20 minutes à bord de LCI accostant à Voza dans la nuit du 3 au 4 novembre. Les paras, au prix de 11 tués et 14 blessés, ont tué un minimum de 143 Japonais.
Ce constat de l’inutilité de disposer de Raiders au sein de l’USMC n’échappe pas au haut-commandement américain, dont Vandegrift en personne (alors commandant de l’USMC depuis le 1er janvier) : les deux régiments sont dissouts en février 1944. La guerre n’est pas finie pour autant pour ces Américains puisque leurs unités forment la base du nouveau 4th Marine Regiment (ce régiment avait été anéanti aux Philippines au début de la guerre) qui, au sein de la 6th Marine Division, devra batailler à Emirau, Guam et surtout Okinawa. Les jours du 1st Parachute Regiment sont également comptés. Les principaux responsables de l’USMC ne voient pas plus l’utilité des paras qu’ils ne voient celle des raiders. De toute façon, les moyens en avions de transports manquent alors même que les besoins en appareils pour le fret logistique et l’évacuation des blessés se posent avec acuité. Il n’y aura même plus la possibilité d’effectuer le moindre saut d’entraînement après mai 1943. Une difficulté qui se reflète également sur les unités de paras de l’US Army puisque ce n’est qu’en septembre 1943 que MacArthur sera en mesure de rassembler 96 C-47 pour ce qui constituera la première opération aéroportée de la guerre du Pacifique. On envisage un temps d’entraîner les paras à mener des coups de main à bord de canots pneumatiques à l’instar des raiders… Un raid est même prévu contre une base d’hydravions sur Santa Isabel mais la mission avorte car l’ennemi a évacué le site avant la date prévue pour l’assaut. En février 1944, au moment même où disparaissent les unités de raiders, le 1st Parachute Regiment, également dissout, amène lui aussi les couleurs. Les paras iront rejoindre la 5th Marine Division.
Les Marauders de Merril
La seule unité combattante de l’US Army engagée auprès des Chinois, en l’occurrence en Birmanie, baptisée force Galahad, ou Detachement 1688, puis 5 307th Regiment le 1er janvier 1944, ou encore appelée les Marauders de Merrill, du nom du 1er commandant de l’unité, ne rassemble que 2 850 hommes, théoriquement rompus au combat dans la jungle et tous volontaires. Cette unité est conçue à l’origine pour combattre sous les ordres de l’excentrique général britannique Ord Wingate, par ailleurs créateur et commandant des fameux Chindits. Ces hommes, engagés finalement sous la direction du Lieutenant-General « Vinegar Joe » Stilwell, un Américain qui est aussi le chef d’état-major de Tchang Kaï-Chek, vont combattre héroïquement dans des conditions particulièrement difficiles. Stilwell entend mettre à profit la mobilité de l’unité américaine pour opérer des mouvements d’enveloppement et couper les lignes de communications de la 18e DI japonaise qui fait alors face à ses troupes chinoises dans la vallée de Hukwang. L’emploi de véhicules étant non envisageable, c’est à dos de mulets que le matériel et les approvisionnements sont transportés, un ravitaillement par parachutages assurant par ailleurs le maintien opérationnel de l’unité. Merrill et ses hommes seront engagés pendant à peine trois mois, du 24 février au 27 mai, contraignant effectivement les Japonais au repli. Les pertes infligées à ces derniers démontrent le bien-fondé de ces opérations par le flanc et du fait incontestable que le soldat japonais n’est aucunement le combattant maîtrisant l’art du combat dans la jungle au point d’y être considéré comme le spécialiste de cette forme de guerre. Début mars, à Walawbum, près de 800 soldats nippons sont tués pour seulement 8 tués et 37 blessés chez les Marauders. Un mois plus tard, l’affrontement à Nhpum Ga sera beaucoup plus coûteux : si plus de 400 Japonais ont été abattus, 57 Américains sont tués et 302 sont blessés. Comme pour les raiders de l’USMC, parallèlement à tous les désagréments d’une vie en plein air dans la jungle, une des expériences récurrentes des Marauders sera l’embuscade, subie ou provoquée. L’exploit réalisé par les Marauders est sans conteste la prise de Myitkyina et de son important aérodrome en mai 1944, même si les combats s’y éternisèrent jusqu’au mois de juillet. Cette ultime mission est lancée par Stilwell alors que le 5307th n’aligne plus que 1600 hommes épuisés. Fin mai, après la chute de Myitkyina, il n’y a alors plus que 200 Marauders de valides ! La mission est couronnée de succès grâce à une marche forcée exténuante exécutée de concert avec plusieurs unités chinoises. Toutefois, Stilwell a beaucoup trop exigé des ses hommes et 80% des Marauders, totalement épuisés, sont hospitalisés. Galahad n’est plus opérationnel. 93 hommes sont morts et 293 ont subi des blessures nécessitant une hospitalisation tandis que 1970 hommes sont déclarés malades. Pourtant l’unité est en partie reconstituée avec les hommes valides du 1st Bn complété par l’arrivée de remplaçants et forme ensuite la Task Force Mars (ou 5332nd Brigade, Provisional), comprenant le 475th Infantry Regiment du colonel Osborne (l’ancien commandant du 1st Bn/5307th), le 124th Cavalry, le 612th Field Artillery et un régiment chinois. Cette unité poursuivra les opérations visant à la réouverture de la route de Birmanie permettant le ravitaillement par voie terrestre de l’armée de Tchang Kaï-Chek depuis l’Inde.
Forces spéciales engagées de la Birmanie aux Aléoutiennes
Les célèbres unités évoquées précédemment ne sont pas les seules unités d’élite américaines qui vont affronter les Japonais. Une unité de l’OSS, le service d’espionnage américain, engage une unité de nageurs: l’OSS Detachment 404 Maritime Unit qui est engagé en Thaïlande, en Malaisie, à Sumatra et en Birmanie. Trois tâches lui sont dévolu : infiltration d’agents, sabotage et ravitaillement. L’OSS sert également en Birmanie : le Detachement 101 du major Eifler, chargé de l’infiltration d’agents derrière les lignes japonaises, comptera jusqu’à 566 Américains et surtout près de 10 000 Kachins qui se battent aux côtés des forces de Merrill. Les pertes totales qu’il inflige aux Japonais sont estimées à 5 500, contre 200, dont à peine 15 tués Américains.
Le 6th Rangers Battalion du Lieutenant-Colonel Mucci, mise sur pied à Hollandia (Nouvelle-Guinée), va de son côté combattre sous les ordres de MacArthur. Le 17 octobre 1944, en prélude à l’offensive de la 6th US Army, les Rangers débarquent sur les îles de Dinagat, Homonhon et Suluan qui contrôlent l’accès du Golfe de Leyte. Sur Luçon, 107 Rangers et de scouts philippins (les Alamo Scouts) foncent à la rescousse de prisonniers de guerre dont on craint qu’ils ne soient assassinés par leurs geôliers. Mission accomplie au prix de 2 tués chez les Rangers pour 200 Japonais. Notons enfin que la Canadian-American First Special Force est engagée pour son baptême du feu sous le climat polaire des Aléoutiennes, à Kiska, en août 1943, avant de prendre le chemin de la Méditerranée. Parmi les forces spéciales, terminons par une ancienne unité de la Garde Nationale, en l’occurrence de la 45th ID, levée en Arizona et comptant dans ses rangs des représentants d’une vingtaine de tribus amérindiennes : 158th IR (dit « Bushmaster »), spécialement entraîné pour les combats dans la jungle et qui servira comme régiment indépendant en Nouvelle-Bretagne, en Nouvelle-Guinée et aux Philippines
Conclusion :
Ces forces spéciales engagées en Asie-Pacifique n’ont pas perdurées. Mais elles ont été les premières et ont ouvert la voie à d’autres unités célèbres qui vont suivre : Green Berets au Vietnam, longe-range reconnaissance Marines, Marine force reconnaissance companies…
231 illustrations NARA et IWM légendées en complément de mon livre “La préparation du Jour J”
Recension “Okinawa”
Recension “Une autre histoire des samouraïs”
“LA PREPARATION DU JOUR J” éditions Ouest-France
Recension “Infographie des guerres franco-allemandes”