Livre Première Guerre Mondiale WWI

RECENSION “EDOUARD BREMOND, L’ANTI-LAWRENCE D’ARABIE”

Un officier de valeur méconnu.

Rémy Porte, Edouard Brémond, l’anti-Lawrence d’Arabie, Lemme Edit, 2022, 253 Pages 

Rémy Porte nous gratifie régulièrement de livres qui retiennent l’attention et il récidive avec les éditions Lemme Edit, maison d’édition qui nous offre souvent des titres sur des thèmes originaux. Qui connaît Brémond en France ? Et dans les pays anglo-saxons, même parmi les passionnés de la Grande Guerre ? Et pourtant, tous connaissent T.E. Lawrence, définitivement passé à la postérité par la grâce d’Hollywood (un film magnifique et extraordinaire, cela dit en passant). Brémond n’a certes ni la plume ni le charisme de Lawrence, admettons-le, et pourtant la participation des Français aux opérations du Hedjaz, sollicitée d’ailleurs par Londres, n’est pas sans importance, ne serait-ce –entre autres (à découvrir dans ce livre…) qu’en songeant aux armes lourdes et à l’efficacité des hommes du capitaine Pisani qui accompagne aussi le prince Fayçal, mais sans devenir un proche de celui-ci comme T.E. Lawrence.

La francophobie de nombre de responsables anglais, comme Allenby, qui peut certes s’expliquer (chaque puissance recherche légitimement ses intérêts) et, surtout, et c’est effarant, le peu de cas que Paris et l’état-major font des opérations menées en Arabie, nonobstant l’importance –justifiée- accordée aux réactions que pourraient avoir les populations des territoires musulmans colonisés par la France (au Maghreb, en particulier), explique pour beaucoup l’échec de Brémond, qui s’insurge, à juste titre, de la pingrerie de l’armée française (même pour une poignée d’armes lourdes ou de combattants). C’est donc à la découverte d’un pan méconnu des affaires de la révolte des Hachémites contre les Ottomans que nous emmène Rémy Porte. Le livre est donc à lire pour tout ceux qui se passionnent pour la question et pour Lawrence, qui, s’il a injustement volé ma vedette aux autres protagonistes occidentaux (y compris des Britanniques comme Newcombe ou Wilson, etc), n’en est pas moins celui qui , tout francophobe qu’il était, n’avait pas moins un dessein de grandeur et d’indépendance pour les princes qu’il servait, sans doute beaucoup plus que Brémond. 

            Ce dernier n’en est pas pour autant pas moins remarquable dans sa façon de considérer les Arabes (au sens large du terme), les musulmans et les troupes nord-africaines. Son ouverture d’esprit, sa tolérance, son respect et sa compréhension forcent le respect car il se distingue ainsi entre tous au sein de l’armée française. Sa manière de commander, proche de ses hommes, de l’avant et au plus près de l’action, mais aussi ses talents de gestionnaire dans les relations avec les peuples rencontrés en font un officier à part. La première partie du livre, après la jeunesse de l’officier, qui nous fait découvrir toute une époque de l’armée française, est passionnante à plus d’un titre. Elle nous emmène, avec forces détails, sur les traces de Brémond à travers des guerres coloniales dont on ne parle pas si souvent, notamment Madagascar, mais aussi la Maroc, avec de beaux morceaux de bravoure.

La fin du livre nous emmène ailleurs, en Cilicie, face à Mustapha Kémal, et Brémond s’en tire de nouveau pas trop mal, en dépit de l’échec final. Outre découvrir le quotidien du soldat en campagne, notamment coloniale, ce livre est aussi l’occasion de croiser bien des généraux connus : Lyautey, Gallieni, Gouraud, Pétain, Mangin, etc. 

            Un beau moment de lecture instructif sur notre armée, les grands événements de la période considérée et la façon dont ils ont été appréhendés par le gouvernement et le haut-commandement français.