Livre

Recension de “Nouvelle histoire de l’Ouest. Canada, Etats-Unis, Mexique”

Une nouvelle façon d'aborder une histoire mythique

Soazig Villerbu, Nouvelle histoire de l’Ouest. Canada, Etats-Unis, Mexique, Passés Composés, 2023 

Le Far-West, expression mythique qui renvoie à tout un imaginaire, largement forgé, en ce qui me concerne, durant mon enfance par le biais des soirées western (particulièrement si John Wayne était à l’affiche, supplanté par Clint Eastwood quand j’ai grandi), des jeux d’enfants et des BD telles que “Les Tuniques Bleues”, “Lucky Luke” et “Buddy Longway”, puis “Durango”. Une réalité bien moins présente -pour nepas dire presque inexistante- de nos jours auprès des jeunes générations…

Si vous êtes déjà bien au fait de la « conquête de l’ouest », ce livre est fait pour vous et, dans ce cas, je vous le conseille.

Cet ouvrage est certes de style fort académique, aux phrases parfois bien longues et pas toujours d’une grande clarté, sans compter de multiples références aux thèses défendues par tel ou tel historien, ce qui importera peu à la majorité des lecteurs potentiels et alourdit le propos. L’entame de l’ouvrage pourrait à ce propos décourager le lecteur, mais il ne le faut surtout pas : la suite est instructive et passionnante. 

L’ouvrage est en effet très intéressant à plus d’un titre. Il m’a captivé car je suis un féru du Far-West et de l’Amérique du XIXe siècle, même si le souffle épique de l’aventure n’y est pas aussi présent que je m’y attendais. Après tout, c’est peut-être là chose louable qui nous permet de mettre les pieds sur terre et de bannir les préjugés tenaces qui ont la vie dure. 

Le livre nous en apprend beaucoup, un de ses intérêts majeurs étant d’adopter un point de vue multiple et d’aller au-delà des visions indienne (désormais classique) et américaine. L’auteure embrasse en effet la « conquête de l’Ouest » au Canada et au Mexique. 

Quelques intertitres suffiront à vous faire part de la richesse du propos: “la Haute-Louisiane hispano-créole”, “cultures animales”, L’Ouest appalachien, laboratoire de la conquête”, “le temps des ruées”, “Des mondes amérindiens entre effondrement et puissance”, “Projeter le Sud dans l’Ouest”, “Un nouveau monde animal”, “Le peuplement fermier”, “Un monde violent?”…

On assiste à une mise au point sur la présence et l’impact des chevaux, la disparition des bisons, les fameux cow-boys, l’arrivée d’Asiatiques, les politiques d’assimilation des Indiens, etc. Je vous laisse le bonheur de le découvrir. Le tout est présenté à la fois sur le plan chronologique et thématique.

Les données sur la confrontation entre les Mexicains et les Américains sont particulièrement intéressantes, ainsi que, et c’est important, la diversité des situations : il est question de peuples indiens fort divers, de Blancs d’origine fort variés et mus par des motivations différentes, et tout ceci sur la longue durée et un espace si vaste qu’il empêche toute généralisation hâtive. J’ai particulièrement appris sur la situation en zone mexicaine, jamais abordée en général, de même que pour le Canada. 

Un bémol tout de même sur la terminologie. Je déteste le terme « étatsuniens », alors même que le mot Américain n’est pas si équivoque qu’il y paraît car tout le monde sait qu’il renvoie aux citoyens des Etats-Unis, qui s’appellent eux mêmes « Americans ». Il en va de même avec Amérindiens, alors même que le sujet porte clairement -et sans risque de confusion- sur le continent nord-américain. Que dire aussi des références au « capitalisme » parfois un peu forcées. On sent poindre un aspect politique, toujours malvenu en histoire, impression confirmée par le chapitre consacré aux parcs nationaux.  

Mais pas de quoi gâcher le plaisir de la lecture. 

Je ne recommande pas cet ouvrage (que j’ai très apprécié, vous l’avez compris) pour une première approche de la question. La synthèse parue chez Belin (ici) est à cet égard nettement plus accessible, mais le propos n’est pas exactement le même. 

Le livre de synthèse grand public de référence est pour moi à cet égard l’excellent  La conquête de l’Ouest de William Davis, remarquablement illustré. Pour tout ce qui a trait aux Indiens d’Amérique, je ne peux que vous recommander de lire les ouvrages parus aux éditions « Terres indiennes », ainsi que le fameux Enterre mon Coeur de Dee Brown. 

Il reste que nous avons là une superbe synthèse au plus près des derniers acquis de la recherche.

Merci madame Villerbu pour ce livre.