Basil Liddell-Hart, Les Généraux allemands parlent, Perrin, 2019, pages
Un grand classique dont la version intégrale et augmentée est enfin disponible en français, et introduite efficacement par Antoine Bourguilleau qui souligne combien il importe de lire ces pages avec le recul nécessaire. D’aucuns diront qu’un tel ouvrage est sans intérêt car trop impartial. Je ne suis pas d’accord: il est fort intéressant d’avoir le point de vue des grands généraux, fût-il biaisé. Lire Rundstedt (pour lequel Liddell Hart n’a que des louanges à faire…), Student ou Manteuffel me semble indispensable. Les opinions et avis de Goering, Kesselring, Kluge, Model et autres Rommel sont aussi présentés par des témoins directs, même si on n’est pas toujours convaincu par Blumentritt ou Warlimont. Certes, on note des erreurs assez nombreuses, ou des imprécisions. Certes, Liddel Hart agace car il est prétentieux et n’a de cesse de souligner qu’il avait lui-même envisagé ou suggéré telle ou telle opération ou que tel officier allemand n’a fait que reprendre des idées qu’il avait lui-même (ou un autre Anglais) théorisé… Il n’a aussi de cesse de mettre en avant son penchant pour ce qu’on appelle « l’approche indirecte », ou encore la « stratégie périphérique. » En bon Anglais, il n’a guère de sympathie pour les généraux français de 1940… On constate aussi qu’il n’a rien compris à la résistance française et à ses différents mouvements et réseaux (qu’il divise en trois groupes: communistes, gaullistes, giraudistes!), qu’il estime ravitaillée et armée « par la Grande Bretagne qui dirigeait leurs opérations »… Par ailleurs, on ne trouvera chez les généraux allemands aucune mention des crimes de guerre, ni d’une quelconque sympathie pour l’idéologie nazie, ce qui n’a pas lieu de surprendre… Hitler est tenu responsable de bien des échecs, mais Liddell Hart, qui se leurre pourtant sur la question de la prise de Moscou, se regarde bien de suivre l’opinion de ces généraux sur ce point, preuve que l’idée que les grands généraux sont responsables de certains échecs et que Hitler n’est pas forcément un mauvais chef de guerre n’a rien de nouvelle. Les soldats soviétiques et l’Armée rouge sont certes caricaturés à l’excès chez certains (Blumentritt!), mais loin de là: le témoignage de Dittmar en fait fois, de même que celui de Kleist. La relecture des grands événements -1940, Stalingrad, la Normandie, le revirement italien, etc- à l’aune de ces généraux est donc intéressant, mais à condition de bien maîtriser la connaissance du déroulement du conflit (en ce qui me concerne, les récits de la guerre du désert et de la bataille de Normandie sont loin d’être satisfaisants…): un amateur peu éclairé risquerait de prendre au pied de la lettre bien des inexactitudes, mais l’avant-propos et les notes d’Antoine Bourguilleau (ont aurait aimé davantage de remarques infrapaginales) sont les bienvenus pour corriger les a priori d’un lecteur peu averti. On apprécie les multiples rééditions chez Perrin des mémoires des grands généraux, comme Guderian et Manstein, ce Les Généraux allemands parlent participe de ce mouvement qui nous donne l’impression de revivre la production de littérature militaires les des années 1950 et 1960. Mais avec une différence de taille: notre connaissance du conflit s’est considérablement approfondie.
Basil Liddell-Hart, Les Généraux allemands parlent, Perrin, 2019, pages
Un grand classique dont la version intégrale et augmentée est enfin disponible en français, et introduite efficacement par Antoine Bourguilleau qui souligne combien il importe de lire ces pages avec le recul nécessaire. D’aucuns diront qu’un tel ouvrage est sans intérêt car trop impartial. Je ne suis pas d’accord: il est fort intéressant d’avoir le point de vue des grands généraux, fût-il biaisé. Lire Rundstedt (pour lequel Liddell Hart n’a que des louanges à faire…), Student ou Manteuffel me semble indispensable. Les opinions et avis de Goering, Kesselring, Kluge, Model et autres Rommel sont aussi présentés par des témoins directs, même si on n’est pas toujours convaincu par Blumentritt ou Warlimont. Certes, on note des erreurs assez nombreuses, ou des imprécisions. Certes, Liddel Hart agace car il est prétentieux et n’a de cesse de souligner qu’il avait lui-même envisagé ou suggéré telle ou telle opération ou que tel officier allemand n’a fait que reprendre des idées qu’il avait lui-même (ou un autre Anglais) théorisé… Il n’a aussi de cesse de mettre en avant son penchant pour ce qu’on appelle « l’approche indirecte », ou encore la « stratégie périphérique. » En bon Anglais, il n’a guère de sympathie pour les généraux français de 1940… On constate aussi qu’il n’a rien compris à la résistance française et à ses différents mouvements et réseaux (qu’il divise en trois groupes: communistes, gaullistes, giraudistes!), qu’il estime ravitaillée et armée « par la Grande Bretagne qui dirigeait leurs opérations »… Par ailleurs, on ne trouvera chez les généraux allemands aucune mention des crimes de guerre, ni d’une quelconque sympathie pour l’idéologie nazie, ce qui n’a pas lieu de surprendre… Hitler est tenu responsable de bien des échecs, mais Liddell Hart, qui se leurre pourtant sur la question de la prise de Moscou, se regarde bien de suivre l’opinion de ces généraux sur ce point, preuve que l’idée que les grands généraux sont responsables de certains échecs et que Hitler n’est pas forcément un mauvais chef de guerre n’a rien de nouvelle. Les soldats soviétiques et l’Armée rouge sont certes caricaturés à l’excès chez certains (Blumentritt!), mais loin de là: le témoignage de Dittmar en fait fois, de même que celui de Kleist. La relecture des grands événements -1940, Stalingrad, la Normandie, le revirement italien, etc- à l’aune de ces généraux est donc intéressant, mais à condition de bien maîtriser la connaissance du déroulement du conflit (en ce qui me concerne, les récits de la guerre du désert et de la bataille de Normandie sont loin d’être satisfaisants…): un amateur peu éclairé risquerait de prendre au pied de la lettre bien des inexactitudes, mais l’avant-propos et les notes d’Antoine Bourguilleau (ont aurait aimé davantage de remarques infrapaginales) sont les bienvenus pour corriger les a priori d’un lecteur peu averti. On apprécie les multiples rééditions chez Perrin des mémoires des grands généraux, comme Guderian et Manstein, ce Les Généraux allemands parlent participe de ce mouvement qui nous donne l’impression de revivre la production de littérature militaires les des années 1950 et 1960. Mais avec une différence de taille: notre connaissance du conflit s’est considérablement approfondie.
231 illustrations NARA et IWM légendées en complément de mon livre “La préparation du Jour J”
Recension “Okinawa”
Recension “Une autre histoire des samouraïs”