Livre Seconde Guerre Mondiale WWII

Recension de “Eighth Army versus Rommel” de James Colvin

L'art du commandement dans le désert ou les difficultés de réformer l'armée britannique

James Colvin, Eighth Army versus Rommel, Helion, 2021, 261 pages

Ce magnifique ouvrage de James Colvin est pourvu d’un sous-titre qui annonce d’emblée au lecteur l’ambition de l’auteur: “tactics, training and operations in North Africa 1940-1942”.

La lecture, plaisante, est du plus grand intérêt car on y apprend beaucoup. L’auteur a effectué de sérieuses recherches en archives et, à partir de ces sources primaires, a su puiser des compléments d’informations auprès de livres qui font souvent référence.

La guerre du désert est bien connue et, si elle est intégralement couverte dans cet ouvrage (du moins jusqu’à la fin de l’année 1942), certains épisodes sont traités relativement rapidement car le propos essentiel est ailleurs: pourquoi les Britanniques ont-ils éprouvés tant de difficultés face à l’Afrika-Korps? La question du commandement est ici centrale.

L’auteur nous présente donc les spécificités comparées des doctrines et des tactiques des deux armées en lice (la Wehrmacht, uniquement, pour le camp de l’Axe, même si James Colvin est bien conscient de la valeur de nombre d’unités italiennes) et, surtout, il nous explique pourquoi amender les tactiques et l’organisation des forces de la Western Desert Force puis de la 8th Army soulève tant de difficultés de 1940 à 1942 : la culture de l’armée britannique y est beaucoup, en particulier son système régimentaire, qui s’oppose à la diffusion d’une doctrine commune. On mesure aussi toutes les différences de formation entre les officiers allemands et leurs homologues anglais, ainsi que le type de guerre -fort différent- auxquels ils se préparent respectivement. L’influence des Fuller, Liddell-Hart et autres Hobart ou Martel s’avère décisive à bien des égards.

Les multiples tentatives pour faire évoluer les tactiques de la 8th Army ainsi que les changements d’organisation préconisés ou effectifs sont très bien expliqués, ainsi que les rivalités de personnes et tensions au sein du haut-commandement britannique, tensions qui peuvent prendre leur source dans l’origine régimentaire des intéressés, voire de leur appartenance ou non à l’armée des Indes ou à l’armée britannique proprement dite.

Les différences de style de commandement (notamment entre Auchinleck et Montgomery, même si les deux généraux se sont retrouvés dans des situations qui n’ont rien de comparables) sont bien amenées, ainsi que les conceptions présidant aux batailles (on voit combien la planification d’Alam Halfa par “Monty” n’a rien à voir avec le concept de bataille imaginé par Dorman-Smith et “the Auk”). On mesure aussi combien la perte d’officiers comme O’Connor ou Campbell (voire Pope) a été préjudiciable. Le coeur du texte repose sur les généraux britanniques du désert, leurs qualités et leurs limites, et c’est ce qui fait tout l’intérêt de l’ouvrage. On apprend ainsi beaucoup sur Corbett, général dont il habituellement fait très peu de cas, mais aussi bien sûr de Ritchie, Cunningham, Messervy, Horrocks et les autres.

Au final, un livre très réussi qui ne fait vraiment pas double-emploi avec ce qui a déjà été écrit sur la guerre du désert et que je recommande aux passionnés de cette campagne passée dans la légende.