Benoist Bihan et Jean Lopez, Conduire la guerre. Entretiens sur l’art opératif, Perrin, 2023
Un ouvrage que je recommande.
Les deux auteurs bien connus des amateurs d’histoire militaire ont l’ambition de présenter l’art opératif et de le définir. Si nombre des lecteurs sont plus au fait des notions de stratégie et de tactique, qui sont rappelées dans ces pages, ils le sont souvent moins de l’art opératif, aussi appelé art opérationnel (a priori à tort), qui ne doit pas être confondu avec l’expression « niveau opérationnel » qui se situe entre la stratégie et la tactique, le plus souvent pour traduire les combats et manoeuvres d’une campagne et non d’une seule bataille. La terminologie militaire n’est pas toujours simple. Il faut toutefois souligner qu’il est bien ardu d’aboutir à un accord sur ce recouvrent exactement les termes bataille, campagne et art opératif/opérationnel. Les deux auteurs essaient de donner une définition exacte de l’expression « art opératif », dont le concept est sans doute souvent galvaudé ou mal compris. Reste à savoir si ce sont bien nos auteurs qui l’ont compris… Je le pense : leur texte est solidement étayé et remarquablement illustré par nombre de faits et on peut les suivre sur nombre de remarques (il y a peut-être un peu trop d’affirmations à mon goût).
Benoist Bihan et Jean Lopez sont indubitablement des experts en histoire militaire et leur réflexion nous emmène sur les traces des grands capitaines depuis l’Antiquité, les plus grands conflits (les guerres napoléoniennes, la guerre de Sécession, la Grande Guerre…), ainsi que dans la pensée militaire des plus grands théoriciens de l’art de la guerre (Clausewitz, certes, mais aussi bien d’autres). Comme ces derniers, les deux auteurs n’oublient nullement le volet politique de l’art opératif. Ce dernier englobe une multitude d’éléments, y compris en amont d’un conflit, et permet qu’une stratégie arrêtée soit bien réalisée et l’objectif atteint. « L’art opératif est le moyen par lequel la stratégie va employer les moyens favorablement à la guerre » ; « La stratégie fixe ses buts à l’opération. L’art opératif imagine quant à lui les séquences de cette dernière –dont les combats ne sont qu’un aspect- qui doivent résoudre les missions entre lesquelles se divisent les buts de l’opération. »
Benoist Bihan et Jean Lopez, toujours particulièrement intéressés par l’Armée rouge, accordent en toute logique la part belle de l’ouvrage à celle-ci puisque ses dans ses rangs que naît le concept étudié (Svetchine, dont la pensée est fort bien rendue, Isserson et Toukhatchevski), mais aussi celle des opérations en profondeur, qu’on lie plus ou moins heureusement au concept d’art opératif. Il reste à savoir si cela fût d’une quelconque utilité à l’Armée rouge, ce qu’il nous est permis de douter.
Les nombreuses pages qui sont consacrées à la Seconde Guerre mondiale, et ce sur tous les fronts (y compris navals et aériens), en particulier de l’Est, sont très intéressantes. Certes, il ne faut pas surestimer les capacités de l’Armée rouge en 1944/45, qui doit grandement son succès au fait que la Wehrmacht doive consacrer une part conséquente de son effort de guerre face aux Alliés occidentaux (les auteurs le comprennent mieux que dans leurs plus anciens écrits) et ce n’est pas une maîtrise de l’art opératif ou des opérations en profondeur qui expliquent le succès spectaculaire de « Bargration » et des opérations qui y sont liées, mais bien l’absence de réserves et les faibles moyens du Heeresgruppe Mitte (de même que l’aspect extraordinaire des succès de la Blitzkrieg en Pologne et dans les Balkans face à des adversaires qui n’avaient que peu de moyens est à tempérer). Cette Arme rouge devenue armée russe, est peut-être la seule, selon les auteurs, à avoir compris ce qu’est l’art opératif, elle demeure néanmoins très inférieure à sa rivale américaine sur presque tous les plans, sans aucune discussion possible en 1945, sans doute dans la plupart des domaines en 2023.
Pour les auteurs, les stratèges américains, an particulier d’après-guerre, n’ont guère assimilé le concept. Toute la partie finale consacrée aux périodes les plus récentes, et notamment à la France, ravira ceux qui s’intéressent à l’art de la guerre de ces dernières années, notamment en raison de la situation actuelle. Les échanges concernant l’action de l’armée américaine dans le Golfe et ses conceptions stratégiques et opérationnelles au cours de la Guerre froide sont très instructive.
Personnellement, je n’apprécie pas le concept (qui se multiplie chez les éditeurs) du livre basé sur un dialogue entre des auteurs, car il ne facilite nullement la lecture et l’embrouille parfois un tantinet (mais rarement, il faut le reconnaître), alors même que le sujet est fort complexe.
Le livre, qui n’est pas toujours d’un accès facile et requiert tut de même un solide bagage en histoire militaire pour l’apprécier pleinement, recèle cependant une mine d’informations. J’ai appris un certain nombre de choses, surtout pour l’après-guerre, mais aussi sur cet art opératif et sur les penseurs militaires russes. Toutefois, l’absence d’index rend fort difficile la recherche d’éléments de réflexion ou de faits. Il reste cependant que les auteurs ont eu aussi la bonne idée de mettre des résumés en fin de chaque chapitre.
Un livre qui ravira les férus de doctrine et de stratégie militaires.
Benoist Bihan et Jean Lopez, Conduire la guerre. Entretiens sur l’art opératif, Perrin, 2023
Un ouvrage que je recommande.
Les deux auteurs bien connus des amateurs d’histoire militaire ont l’ambition de présenter l’art opératif et de le définir. Si nombre des lecteurs sont plus au fait des notions de stratégie et de tactique, qui sont rappelées dans ces pages, ils le sont souvent moins de l’art opératif, aussi appelé art opérationnel (a priori à tort), qui ne doit pas être confondu avec l’expression « niveau opérationnel » qui se situe entre la stratégie et la tactique, le plus souvent pour traduire les combats et manoeuvres d’une campagne et non d’une seule bataille. La terminologie militaire n’est pas toujours simple. Il faut toutefois souligner qu’il est bien ardu d’aboutir à un accord sur ce recouvrent exactement les termes bataille, campagne et art opératif/opérationnel. Les deux auteurs essaient de donner une définition exacte de l’expression « art opératif », dont le concept est sans doute souvent galvaudé ou mal compris. Reste à savoir si ce sont bien nos auteurs qui l’ont compris… Je le pense : leur texte est solidement étayé et remarquablement illustré par nombre de faits et on peut les suivre sur nombre de remarques (il y a peut-être un peu trop d’affirmations à mon goût).
Benoist Bihan et Jean Lopez sont indubitablement des experts en histoire militaire et leur réflexion nous emmène sur les traces des grands capitaines depuis l’Antiquité, les plus grands conflits (les guerres napoléoniennes, la guerre de Sécession, la Grande Guerre…), ainsi que dans la pensée militaire des plus grands théoriciens de l’art de la guerre (Clausewitz, certes, mais aussi bien d’autres). Comme ces derniers, les deux auteurs n’oublient nullement le volet politique de l’art opératif. Ce dernier englobe une multitude d’éléments, y compris en amont d’un conflit, et permet qu’une stratégie arrêtée soit bien réalisée et l’objectif atteint. « L’art opératif est le moyen par lequel la stratégie va employer les moyens favorablement à la guerre » ; « La stratégie fixe ses buts à l’opération. L’art opératif imagine quant à lui les séquences de cette dernière –dont les combats ne sont qu’un aspect- qui doivent résoudre les missions entre lesquelles se divisent les buts de l’opération. »
Benoist Bihan et Jean Lopez, toujours particulièrement intéressés par l’Armée rouge, accordent en toute logique la part belle de l’ouvrage à celle-ci puisque ses dans ses rangs que naît le concept étudié (Svetchine, dont la pensée est fort bien rendue, Isserson et Toukhatchevski), mais aussi celle des opérations en profondeur, qu’on lie plus ou moins heureusement au concept d’art opératif. Il reste à savoir si cela fût d’une quelconque utilité à l’Armée rouge, ce qu’il nous est permis de douter.
Les nombreuses pages qui sont consacrées à la Seconde Guerre mondiale, et ce sur tous les fronts (y compris navals et aériens), en particulier de l’Est, sont très intéressantes. Certes, il ne faut pas surestimer les capacités de l’Armée rouge en 1944/45, qui doit grandement son succès au fait que la Wehrmacht doive consacrer une part conséquente de son effort de guerre face aux Alliés occidentaux (les auteurs le comprennent mieux que dans leurs plus anciens écrits) et ce n’est pas une maîtrise de l’art opératif ou des opérations en profondeur qui expliquent le succès spectaculaire de « Bargration » et des opérations qui y sont liées, mais bien l’absence de réserves et les faibles moyens du Heeresgruppe Mitte (de même que l’aspect extraordinaire des succès de la Blitzkrieg en Pologne et dans les Balkans face à des adversaires qui n’avaient que peu de moyens est à tempérer). Cette Arme rouge devenue armée russe, est peut-être la seule, selon les auteurs, à avoir compris ce qu’est l’art opératif, elle demeure néanmoins très inférieure à sa rivale américaine sur presque tous les plans, sans aucune discussion possible en 1945, sans doute dans la plupart des domaines en 2023.
Pour les auteurs, les stratèges américains, an particulier d’après-guerre, n’ont guère assimilé le concept. Toute la partie finale consacrée aux périodes les plus récentes, et notamment à la France, ravira ceux qui s’intéressent à l’art de la guerre de ces dernières années, notamment en raison de la situation actuelle. Les échanges concernant l’action de l’armée américaine dans le Golfe et ses conceptions stratégiques et opérationnelles au cours de la Guerre froide sont très instructive.
Personnellement, je n’apprécie pas le concept (qui se multiplie chez les éditeurs) du livre basé sur un dialogue entre des auteurs, car il ne facilite nullement la lecture et l’embrouille parfois un tantinet (mais rarement, il faut le reconnaître), alors même que le sujet est fort complexe.
Le livre, qui n’est pas toujours d’un accès facile et requiert tut de même un solide bagage en histoire militaire pour l’apprécier pleinement, recèle cependant une mine d’informations. J’ai appris un certain nombre de choses, surtout pour l’après-guerre, mais aussi sur cet art opératif et sur les penseurs militaires russes. Toutefois, l’absence d’index rend fort difficile la recherche d’éléments de réflexion ou de faits. Il reste cependant que les auteurs ont eu aussi la bonne idée de mettre des résumés en fin de chaque chapitre.
Un livre qui ravira les férus de doctrine et de stratégie militaires.
231 illustrations NARA et IWM légendées en complément de mon livre “La préparation du Jour J”
Recension “Okinawa”
Recension “Une autre histoire des samouraïs”
“LA PREPARATION DU JOUR J” éditions Ouest-France
Recension “Infographie des guerres franco-allemandes”