Livre

Recension “Oradour-sur-Glane. 10 juin 1944”

Remarquable, poignant et indispensable face au négationnisme.

Remarquable

Nicolas Bernard, Oradour-sur-Glane. 10 juin 1944, Tallandier, 2024 

Nicolas Bernard est un historien talentueux qui nous a gratifié de deux sommes magistrales consacrées à la guerre à l’Est et à la guerre en Asie-Pacifique. Il se tourne cette-fois sur un autre sujet, avec autant de réussite.  

Le livre est sous-titré « Histoire d’un massacre dans l’Europe nazie ». De fait, l’auteur replace le drame d’Oradour dans un contexte plus large, celui de l’Europe soumise à la botte nazie et subissant les affres d’une occupation caractérisée par la nature criminelle de l’idéologie nazie. L’entame, excellente, surprendra plus d’un lecteur, aussi je ne la dévoile pas… 

En lisant ce livre, utile rappel de la terreur hitlérienne, vous comprendrez pourquoi ce drame a eu lieu. 

Nicolas Bernard narre l’effroyable journée du 10 juin avec la précision d’un enquêteur de police et l’exigence de précision de l’avocat qu’il est, le tout avec la plume agréable qui le caractérise. Nous vivons ces heures terribles en compagnie des victimes et des rares survivants… Un texte difficile à lire en raison de l’horreur décrite, mais rédigé avec talent. On est captivé.

Le processus décisionnel -mais aussi individuel (comment devient-on un criminel de guerre)- aboutissant à un tel massacre est finement analysé et absolument convaincant. Il s’agit d’un passage majeur de l’ouvrage. La responsabilité de Hitler et de Himmler sonnent comme des évidences. 

Ce récit est encadré par deux parties qui confèrent toute la portée historiographique du travail de l’auteur.  La répression, notamment en France au début de l’année 1944, dans l’attente de « l’Invasion » et le modus operandi des forces armées du Reich, de la SS et du SD dans les territoires occupés sont expliqués avec clarté et replacent Oradour dans son contexte.

Les réactions de la Résistance, de Vichy et des Allemands à la suite de ce massacre odieux sont assez révélatrices aussi, de même que a tenue du procès (et l’épineuse question des « malgré-nous » alsaciens et mosellans), ainsi que de l’impunité dont on jouit certains criminels (on remarque toutefois que l’un deux, qui coulait ses jours en RDA, a quand même été rattrapé par son passé). 

On comprend aussi à quel point le souvenir d’un tel événement s’avère pesant pour les survivants et les habitants du nouveau village, érigé à proximité des ruines laissées en l’état en témoignage de la barbarie nazie. 

Cet excellent livre, que j’ai lu en l’espace de quelques jours, participe à l’indispensable devoir de mémoire qu’il importe de mener sans cesse pour contrecarrer dérives inadmissibles d’une certaine extrême-droite négationniste. 

L’évocation des pendus de Tulle et des déportés m’a ramené plus de vingt en arrière, lorsque je participais à la recension des déportées partis de France et qu’il m’avait été justement confié le travail sur la déportation de ces victimes coréziennes de ce mois de juin 1944.