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RECENSION “LES TIRAILLEURS SENEGALAIS”

Un sujet sensible et captivant

Anthony Guyon, Les tirailleurs sénégalais. De l’indigène au soldat de 1857 à nos jours, Perrin, 2022 

Voilà un très bel ouvrage sur un beau sujet qui m’a captivé, et ce d’autant plus que l’auteur écrit bien, ce que je tiens à souligner car cela n’est pas forcément si courant, notamment en histoire militaire. Le sujet est sensible, certes, mais traité sans a priori, en toute intelligence et impartialité, sans pour autant passer sous silence des réalités qui pourraient gêner.  

En toute logique, l’ouvrage suit un plan chronologique. Le contexte et les modalités de la mise sur pied des premières formations de tirailleurs ne sont pas pour surprendre et laissent dubitatif quant à la réalité des effets de l’abolition de l’esclavage en 1848… Les pratiques de partage de prisonniers au cours des guerres coloniales menées lors de la seconde partie du XIXème siècle ne sont pas non plus pour surprendre. Passionné depuis toujours par les campagnes coloniales britanniques, que j’ai étudiées avec attention, c’est évidemment le passage similaire consacré aux tirailleurs sénégalais qui a retenu le plus mon attention, avec aussi beaucoup de surprises à la clé.  

La question de la « Force Noire » est souvent rattachée au seul général Mangin. Anthony Guyon nous fait comprendre que ce dernier est loin de constituer une voix isolée à ce propos. Parmi les autres passages particulièrement captivants, notons tous ceux où il est question de l’image renvoyée par ces tirailleurs, entre fantasmes et réalités, la question de l’occupation de la Ruhr mais aussi de « Banania » et des différentes expositions sont particulièrement édifiants. Les questions morals Instructives sont également les pages consacrées à l’engagement de ces troupes au front lors de deux guerres mondiales, loin d’être forcément à l’image des représentations habituelles.  

Anthony Guyon va jusqu’au bout de l’histoire des tirailleurs sénégalais, c’est à dire jusqu’à la fin de l’empire, mais aussi, désormais, jusqu’à nos jours, avec les enjeux de la mémoire et de la reconnaissance due à ces soldats. 

Au fil du livre, j’ai beaucoup apprécié les nombreux passages consacrés à l’univers quotidien du combattant, car j’affectionne moi-même cette manière de procéder. L’auteur nous donne aussi à découvrir des portraits fort variés et contrastés de tirailleurs sénégalais, portraits qui closent chaque chapitre et révélateurs de toute la complexité du sujet et du caractère pluriel des destinées et des réalités des troupes coloniales indigènes. J’aimerais en dévoiler davantage, mais tel n’est pas le but d’une recension : aux lecteurs de découvrir par eux-mêmes les précieuses informations que nous transmet Anthony Guyon. 

Un livre très réussi que je recommande, fruit d’une recherche sérieuse et approfondie.