Martin Motte (sous la direction de), La mesure de la force. Traité de stratégie de l’Ecole de guerre, Tallandier, 2018
La plume de Martin Motte et de ses collaborateurs -Georges-Henri Soutou, Jérôme de Lespinois et Olivier Zajec- est d’une limpidité et d’une richesse qui donne accès aux fondamentaux de la stratégie à tous. D’éminents auteurs, gage de sérieux, qui donnent du poids à la qualité de l’ensemble. L’ouvrage, passionnant et fourmillant de cas concrets -fort bien explicités- ainsi que d’une revue des théories stratégiques, est de haut niveau: il ne s’agit ni plus ni moins que de la publication d’une partie du contenu de l’enseignement que ces spécialistes donnent l’Ecole de guerre. Fidèle lecteur d’ouvrages militaires de toutes les époques (ou presque), je ne peux que valider les exemples choisis qui me sont connus auxquels se réfèrent les quatre auteurs de ce livre.
L’exhaustivité confère un autre attrait à ce travail, puisque tous les aspects de la question sont abordés. Les liens entre la politique et la guerre, les armées et leurs gouvernements, et ce sur le temps long, puisqu’on remonte jusqu’à l’Antiquité (la diversité des situations envisagées est remarquable), ne peut que ravir les passionnés. L’entame du livre est une nécessaire et passionnante mise au point des données élémentaires de la stratégie. On y croise évidemment des sommités -parfois remises en cause, ou dont les conceptions sont à tout le moins discutés et mises en perspectives- comme Clausewitz, Sun Tzu, Jomini, Napoléon, Foch, etc. Suivent des études sur stratégie et relations internationales, la définition d’un stratège, l’art et la science de la stratégie, ainsi qu’une réflexion sur les principes de la stratégie et ceux de la guerre. Le lecteur passionné des questions militaires (et en particulier de la stratégie) ne peut qu’être satisfait du contenu très complet et didactique du propos des auteurs, dûment étayé par des exemples et des explications qui nous donnent toutes les clés explicatives pour comprendre la stratégie et ses principes, ainsi que leur évolution. On y découvre des invariants, qui défient les siècles, même si les auteurs posent la question de l’influence des techniques et de la technologie sur la stratégie (et en explicitent les conséquences), mais aussi les limites de la pensée stratégique de certains généraux.
Passées ces 129 premières pages, denses, le lecteur poursuit sa découverte de la science de la stratégie en découvrant, sur plus de 200 pages, des chapitres aussi passionnant les uns que les autres, abordant les différents types de contextes imaginables: stratégies navale et maritime (où il n’est pas question que de Mahan…), stratégie aérienne (où il n’est pas plus question que de Douhet ou de « Bomber » Harris), stratégie nucléaire, stratégie spatiale, cyberstratégie… ces trois derniers chapitres, passionnants, écrit par Jérôme de Lespinois, ont constitué une découverte complète pour moi… Appuyés sur des données pertinentes, ils font beaucoup réfléchir sur les armées et les problématiques de l’avenir. La réflexion est poussée, jusque dans les implications des conceptions stratégiques dans les guerres les plus récentes, celles issues de l’irruption de Daech notamment (voir le chapitre « Des stratégies alternatives » qui expose nombre de réflexions pertinentes sur le sujet). Si les guerres du passé sont analysées sur le plan stratégique, la nouvelle donne opérationnelle et stratégique est présentée dans toutes les configurations évoquées (guerre sur mer, etc), ce qui est du plus haut intérêt. Je souligne un intérêt plus particulier pour les chapitres « Les cultures stratégiques » et « géostratégie », signés Martin Motte, des modèles du genre dans leur clarté et dans l’intérêt des éléments qui nous sont fournis.
Au final, un ouvrage qui englobe tous les aspects du sujet, qui plus est écrit par des auteurs parfaitement au fait de leur propos. Un texte qui nous emmène sous toutes les latitudes, à toutes les époques, aux côtés des plus grands penseurs et des plus grands généraux… On y découvre la pérennité de certains concepts stratégiques, l’inanité d’autres, les idées reçues que l’on peut nourrir à l’endroit de certaines formes de guerre ou de stratégie…
Une somme bienvenue pour moi, qui ait l’habitude de travailler et d’écrire sur les généraux « du terrain », sur des hommes qui mettent en ouvre la stratégie décidée par leurs supérieurs, de généraux comme Patton ou Rommel qui entendent parfois imposer leur vision stratégique, parfois étroite, faute d’éprouver des difficultés à s’extraire du cadre essentiellement opérationnel.
Un ouvrage essentiel pour les passionnés d’histoire militaire. Un livre qui semble également indispensable à ceux qui embrassent une carrière militaire ou entendent s’orienter en politique ou devenir journalistes. Un conseil davantage appuyé pour celles et ceux qui occupent déjà des emplois dans ces secteurs…
Martin Motte (sous la direction de), La mesure de la force. Traité de stratégie de l’Ecole de guerre, Tallandier, 2018
La plume de Martin Motte et de ses collaborateurs -Georges-Henri Soutou, Jérôme de Lespinois et Olivier Zajec- est d’une limpidité et d’une richesse qui donne accès aux fondamentaux de la stratégie à tous. D’éminents auteurs, gage de sérieux, qui donnent du poids à la qualité de l’ensemble. L’ouvrage, passionnant et fourmillant de cas concrets -fort bien explicités- ainsi que d’une revue des théories stratégiques, est de haut niveau: il ne s’agit ni plus ni moins que de la publication d’une partie du contenu de l’enseignement que ces spécialistes donnent l’Ecole de guerre. Fidèle lecteur d’ouvrages militaires de toutes les époques (ou presque), je ne peux que valider les exemples choisis qui me sont connus auxquels se réfèrent les quatre auteurs de ce livre.
L’exhaustivité confère un autre attrait à ce travail, puisque tous les aspects de la question sont abordés. Les liens entre la politique et la guerre, les armées et leurs gouvernements, et ce sur le temps long, puisqu’on remonte jusqu’à l’Antiquité (la diversité des situations envisagées est remarquable), ne peut que ravir les passionnés. L’entame du livre est une nécessaire et passionnante mise au point des données élémentaires de la stratégie. On y croise évidemment des sommités -parfois remises en cause, ou dont les conceptions sont à tout le moins discutés et mises en perspectives- comme Clausewitz, Sun Tzu, Jomini, Napoléon, Foch, etc. Suivent des études sur stratégie et relations internationales, la définition d’un stratège, l’art et la science de la stratégie, ainsi qu’une réflexion sur les principes de la stratégie et ceux de la guerre. Le lecteur passionné des questions militaires (et en particulier de la stratégie) ne peut qu’être satisfait du contenu très complet et didactique du propos des auteurs, dûment étayé par des exemples et des explications qui nous donnent toutes les clés explicatives pour comprendre la stratégie et ses principes, ainsi que leur évolution. On y découvre des invariants, qui défient les siècles, même si les auteurs posent la question de l’influence des techniques et de la technologie sur la stratégie (et en explicitent les conséquences), mais aussi les limites de la pensée stratégique de certains généraux.
Passées ces 129 premières pages, denses, le lecteur poursuit sa découverte de la science de la stratégie en découvrant, sur plus de 200 pages, des chapitres aussi passionnant les uns que les autres, abordant les différents types de contextes imaginables: stratégies navale et maritime (où il n’est pas question que de Mahan…), stratégie aérienne (où il n’est pas plus question que de Douhet ou de « Bomber » Harris), stratégie nucléaire, stratégie spatiale, cyberstratégie… ces trois derniers chapitres, passionnants, écrit par Jérôme de Lespinois, ont constitué une découverte complète pour moi… Appuyés sur des données pertinentes, ils font beaucoup réfléchir sur les armées et les problématiques de l’avenir. La réflexion est poussée, jusque dans les implications des conceptions stratégiques dans les guerres les plus récentes, celles issues de l’irruption de Daech notamment (voir le chapitre « Des stratégies alternatives » qui expose nombre de réflexions pertinentes sur le sujet). Si les guerres du passé sont analysées sur le plan stratégique, la nouvelle donne opérationnelle et stratégique est présentée dans toutes les configurations évoquées (guerre sur mer, etc), ce qui est du plus haut intérêt. Je souligne un intérêt plus particulier pour les chapitres « Les cultures stratégiques » et « géostratégie », signés Martin Motte, des modèles du genre dans leur clarté et dans l’intérêt des éléments qui nous sont fournis.
Au final, un ouvrage qui englobe tous les aspects du sujet, qui plus est écrit par des auteurs parfaitement au fait de leur propos. Un texte qui nous emmène sous toutes les latitudes, à toutes les époques, aux côtés des plus grands penseurs et des plus grands généraux… On y découvre la pérennité de certains concepts stratégiques, l’inanité d’autres, les idées reçues que l’on peut nourrir à l’endroit de certaines formes de guerre ou de stratégie…
Une somme bienvenue pour moi, qui ait l’habitude de travailler et d’écrire sur les généraux « du terrain », sur des hommes qui mettent en ouvre la stratégie décidée par leurs supérieurs, de généraux comme Patton ou Rommel qui entendent parfois imposer leur vision stratégique, parfois étroite, faute d’éprouver des difficultés à s’extraire du cadre essentiellement opérationnel.
Un ouvrage essentiel pour les passionnés d’histoire militaire. Un livre qui semble également indispensable à ceux qui embrassent une carrière militaire ou entendent s’orienter en politique ou devenir journalistes. Un conseil davantage appuyé pour celles et ceux qui occupent déjà des emplois dans ces secteurs…
231 illustrations NARA et IWM légendées en complément de mon livre “La préparation du Jour J”
Recension “Okinawa”
Recension “Une autre histoire des samouraïs”