Livre

Recension « Grant. L’étoile du Nord » de Vincent Bernard

L’auteur, qui sait restituer l’essentiel des combats (le lecteur est en oute aidé par des cartes), nous permet de bien suivre les événements du point de vue de Grant.

Vincent Bernard, Ulysses S. Grant. L’étoile du Nord, Perrin, 2018

Passionné de la guerre de Sécession depuis toujours (j’ai failli en faire ma spécialité), je suis avec intérêt les publications de Vincent Bernard. J’avais vraiment apprécié sa biographie de Robert Lee (également publiée chez Perrin), ainsi que son livre posant la question des chances de victoire de la Confédération (éditions Economica). Nous avons donc affaire à un auteur qui connaît son sujet. Bien qu’ayant lu des dizaines d’ouvrages sur cette guerre, j’ai beaucoup appris avec cette biographie de Grant, d’abord parce que le personnage n’avait pas attiré mon attention autant que Lee ou Lincoln, pour ne citer que ces deux personnages, ensuite parce que cette biographie est très complète. Grant semble toute sa vie marqué par une certaine modestie, dans sa jeunesse, mais également au moment où il accède aux plus hautes fonctions. La genèse chaotique de ce grand général, dont le parcours à West Point n’a rien d’exceptionnel, m’a beaucoup intéressé. J’ai découvert de petits détails (« S » n’est pas Simpson, l’homme ne devait pas s’appeler « Ulysses »,etc), une belle famille pro-sudiste, ainsi que son parcours antebellum. Je regrette toutefois que la guerre de Sécession n’occupe pas une plus grande partie de l’ouvrage. Par ailleurs, si certaines batailles sont plus ou moins suffisamment détaillées, certaines remarques trop sont allusives (tous les lecteurs ne sont pas au fait du plan « Annaconda » par exemple) et j’aurais aimé plus de lignes pour les descriptions des batailles, mais ce n’était pas là le propos de l’ouvrage et l’auteur, qui sait restituer l’essentiel des combats (le lecteur est en oute aidé par des cartes), nous permet de bien suivre les événements du point de vue de Grant (Vincent Bernard revient plusieurs fois sur le mythe de Grant l’alcoolique et sur celui de « Grant le Boucher »), sans oublier un recul au niveau stratégique de temps à autre. Le passage sur la reconstruction du Sud, fort bien expliqué, a retenu mon attention car il s’agit d’un épisode capital de l’histoire des Etats-Unis. L’intérêt de Grant pour les Indiens et pour la cause noire font de lui quelqu’un d’exceptionnel pour l’époque. On sera également intéressé par toutes les personnalités croisées au cours de la vie très riche d’Ulysses Grant. Le scandales de la présidence ne sont pas oubliés, pas plus que son tour du monde de jeune retraité. Un regret? Que davantage de pages n’aient pas été consacrées à questionner son art du commandement et l’image qu’il a laissé (les Britanniques ont baptisé un blindé de la Seconde Guerre mondiale de son nom), de ses apparitions dans le 7e art… Que dit-on de lui dans l’US Army depuis lors et jusqu’à nos jours? Après tout, sa méthode de frapper du fort au fort, en usant de la supériorité matérielle et numérique, en n’hésitant pas à semer la destruction (Sherman, Sheridan) tout en exigeant du vaincu une soumission complète, un reddition sans conditions, a été plus une source d’inspiration stratégique que nulle autre pendant la Seconde Guerre  mondiale (même si la stratégie de l’Union -cf les opérations à l’Ouest, sur le Mississippi et sur les côtes- est bien plus fine que ce que mon assertion semble suggérer), même si les méthodes de contournement à la Lee peuvent, mutatis mutandis, trouver un certain écho dans les chevauchées menées par Patton en 1943-44. Un choix qui se respecte et qui ne remet nullement en cause la qualité de cet ouvrage, car cela aurait signifié sacrifier des éléments donnés dans les chapitres qui précèdent la conclusion. Au final, un très bon moment de lecture, comme je m’y attendais. Recommandé vivement aux passionnés de la guerre de Sécession et à ceux qui s’intéressent à l’histoire des Etats-Unis.