Livre

Recension de “De l’autre côté des croisades” de Gabriel Martinez-Gros

Les Croisades selon un angle méconnu...

Gabriel Martinez-Gros, De l’autre côté des croisades. L’Islam entre croisés et Mongols, Passés Composés, 2021

Un livre très intéressant et bienvenu, à la fois pour le passionné du Moyen Age, mais aussi pour celui du monde musulman, ainsi que pour les enseignants qui ont cette époque à traiter.

L’intérêt est en effet de redécouvrir les guerres saintes que sont les croisades, mais “de l’autre côté de la colline”. L’auteur nous plonge dans les nombreuses dynasties d’un monde musulman médiéval plus complexe, diversifié et partagé que beaucoup peuvent l’imaginer. Si une personnalité comme Saladin est sans doute l’une des plus connues par un large public, il est de nombreux acteurs de l’histoire du Moyen-Orient, mais aussi du Maghreb et d’al-Andalous qu’il faut (re)découvrir sous la plume de Gabriel Martinez-Gros, qui nous guide dans notre découverte de cette fascinante civilisation en suivant les traces de grands auteurs médiévaux comme Ibn Khaldûn ou encore Ibn al-Athir.

Certains lecteurs seront surpris de croiser également Machiavel en fin d’ouvrage, mais l’Italien a bien sa place dans cet ouvrage. Ce dernier ne manque pas de réflexions intéressantes et le lecteur néophyte sur le sujet (ce qui n’est pas mon cas) sera sans doute surpris par la complexité des relations entre les royaumes occidentaux, les Byzantins et le monde musulman, les alliances ne suivant pas forcément les clivages religieux. On sera également décontenancé par les raisons avancées par certains auteurs arabes médiévaux pour expliquer le phénomène de la guerre sainte qu’est la croisade…

Le texte nous montre combien les dangers représentés par les Croisés et les Mongols étaient différemment perçus. C’est là un point essentiel qui permet de mieux appréhender l’épisode des croisades ainsi que la réalité du monde musulman, qui ne saurait se limiter à sa frange occidentale. L’auteur nous fait aussi découvrir le monde de l’Asie centrale et, au-delà, la Chine du temps et l’influence décisive des Mongols: des passages éclairants et instructifs.

L’idée de la volonté d’une restauration de l’empire romain, de l’importance relative de Jérusalem, ainsi qu’au contraire de la place majeure qu’occupe l’Egypte sont parmi les éléments essentiels à retenir. L’impact et les conséquences comparées des invasions mongoles et franques, leurs legs, sont aussi à considérer. L’impossibilité que les Croisés puissent avoir l’idée de se convertir est à cet égard déterminant.

On regrettera peut-être le choix de suivre les auteurs à la suite, plutôt qu’un cadre chronologique strict ou des chapitres thématiques et de synthèses, sauf dans la chapitre 7 et la conclusion.

On pourra aussi être surpris par les concepts de nomades et de sédentaires tels qu’exprimés dans l’ouvrage sous la plume de ces auteurs du Moyen-Age.

Au final, une lecture plaisante et instructive sur un sujet qui mérite d’être mieux connu par le plus grand nombre.