Livre Seconde Guerre Mondiale WWII

Recension de “1942”

Remarquable et originale synthèse

Cyril Azouvi et Julien Peltier, 1942, Passés Composés, 2022 

Le tournant de la guerre. Dès 1939 ? Lorsque l’Angleterre demeure dans la lutte en juin 1940 ? L’échec de « Barbarossa », la victoire soviétique de Moscou et Pearl Harbor en 1941 ?  

Cyril Azouvi (auteur d’une remarquable étude sur Tarawa) et Julien Peltier ont choisi, à juste titre, de consacrer un livre à l’année 1942, véritable bissectrice de la guerre, un tournant dans le sens où les forces de l’Axe semblent –en apparence- à l’acmé de leur puissance, à tout le moins au moment où leur emprise territoriale sur les territoires alliées et neutres est la plus étendue. Mais, au-delà de cet aspect, 1942 est aussi un tournant, une étape décisive, sur différents aspects. 

L’année 1942 est aussi celle des batailles décisives, dont le déroulement aurait parfaitement pu prendre une tournure toute autre, avec des conséquences plus ou moins dramatiques sur la suite du conflit : Midway et Guadalcanal dans le Pacifique, Tobrouk et El Alamein dans le désert, Stalingrad et le Caucase en Union soviétique. Ces batailles sont remarquablement expliquées. Le tournant est évident : ces batailles marquent le « commencement de la fin » pour les forces de l’Axe. Ces longs passages consacrés aux combats majeurs s’appuient sur les recherches les plus récentes, les auteurs n’hésitant pas à mentionner leurs sources et à s’appuyer sur d’autres historiens qu’ils citent.  

1942 est aussi un moment essentiel dans la bataille de l’Atlantique et dans la guerre aérienne qui survient dans le ciel de l’Allemagne, deux aspects également traités avec intelligence, tandis que les résistances s’organisent en Europe et qu’on assiste à des opérations commandos d’ampleur (dont « Jubilee », à Dieppe), que les auteurs ont eu la présence d’esprit de ne pas oublier. 

1942 marque la montée en puissance de l’US Army : une première victoire dans le Pacifique (Midway), l’industrie se mobilise et le Lend-Lease se développe, une participation accrue à la bataille de l’Atlantique (après les déboires de l’offensive des U-Boote « Paukenschlag » sur les côtes américaines, un premier bombardement de l’USAAF en Europe (agglomération de Rouen), un premier raid en France (des Rangers à Dieppe), la première offensive américaine de la guerre et le premier débarquement (Guadalcanal), une aide matérielle décisive à la 8th Army (les tanks Sherman, Lee/Grant et Stuart ainsi que les automoteurs Priest à El Alamein), la première opération amphibie majeure aux côtés des Britanniques (« Torch », en Afrique du Nord), les premières batailles terrestres entre l’US Army et la Wehrmacht (Tunisie)… 

Enfin, 1942 est celle de la conférence de Wannsee, celle où le processus industriel de la Shoah prend de l’ampleur, succédant aux massacres de masses –par balles et par asphyxie- qui, débutant en Pologne, ont atteint des proportions dantesques en Union soviétique dès les premières semaines de « Barbarossa » en 1941. Le chapitre qui y est consacré, le plus dur à lire, offre les informations les plus pertinentes sur le sujet, s’appuyant sur les travaux d’auteurs aussi talentueux que Marie Moutier-Bitan. 

Une belle mise en page agrémentée de photographies bien choisies, pas parmi les plus connues, et, en prime, une infographie des plus réussies (y compris les cartes, le matériel, les zooms sur des personnages…), particulièrement bienvenue. On soulignera la justesse du choix des phénomènes à représenter, ainsi que du graphisme retenu. L’aspect moderne et dynamique qu’offre l’ouvrage ne pourra qu’attirer un large public, en particulier les plus jeunes et ceux qui, passionnés par la Seconde Guerre mondiale, n’en sont pas des spécialistes. 

Le propos est cependant documenté, loin d’être un texte de vulgarisation qui survolerait les détails : au contraire, les informations sont nombreuses, précises et sourcées pour un ensemble garant de sérieux. Enfin, le style est agréable, ce qui est essentiel. 

J’insiste sur la présence de l’infographie : son ajout au texte et aux autres illustrations est assurément un « plus », une valeur ajoutée qui confère un grand intérêt au livre. L’aspect général n’est pas seulement embelli, il rend le propos plus clair et, surtout, les infographies distillent une mine d’informations essentielles. 

Du beau travail.