Jour J, Invasion, D-Day, Second Front… au-delà des différentes appellations retenues pour qualifier le débarquement des forces alliées en Normandie le 6 juin 1944, quel est la signification de cet événement majeur de la Seconde Guerre mondiale pour les principaux belligérants?
Le Jour J pour les Français
Le 6 juin 1944 est devenu pour les Français LE Débarquement, avec un « D » majuscule, sans qu’il soit nécessaire de préciser davantage. Le retour des Alliés sur le continent européen, cette fois-ci avec l’appui massif et décisif des Etats-Unis, signifie la promesse de la libération. La France subit en effet le joug nazi et les conséquences d’une occupation très dure depuis déjà quatre années. Sur le plan militaire, la participation française reste une anecdote mais un symbole fort: quelques paras SAS et les 177 commandos de Kieffer, des marins des FNFL ainsi que des aviateurs des FAFL. Le 6 juin, c’est aussi, pour la résistance, le signal d’un passage à l’action / Au final, ce jour mémorable signifie, pour les Français, le symbole de la victoire sur l’Allemagne nazie et la première étape de la Libération. Certes, le souvenir reste vivace chez tous les témoins d’alors. Tout le monde se souvient de ce qu’il a fait ou vu le 6 juin. A l’espoir et au soulagement de beaucoup se conjugue malheureusement la souffrance et le deuil pour ceux qui, à l’aube de la liberté, ont perdu tous leurs biens et leurs proches…
Le D-Day des Britanniques
Churchill prépare le retour des forces armées britanniques depuis quatre ans, depuis l’humiliante mais décisive évacuation de Dunkerque. Le jour tant attendu survient enfin, en dépit de son intense activité en faveur d’une stratégie périphérique en Méditerranée ou vers les Balkans. Le chemin de la victoire et du retour en France commence à El Alamein. Il a été rendu possible par les victoires remportées dans le ciel anglais en 1940 et dans l’Atlantique. Après le Blitz et diverses humiliations, l’heure de la revanche a sonné! En 1940, le BEF n’aligne que quelques centaines de milliers d’hommes. L’armée qui débarque en 1944 est bien plus puissante et rôdée au combat par un entraînement et une préparation intensive. Pour peu de temps encore, elle peut se targuer d’être à parité avec l’US Army. Car cette bataille qui s’inaugure avec le 6 juin n’est pas seulement la campagne la plus importante de la guerre pour les Britanniques, elle aussi celle où l’allié américain devient prédominant au sein de l’alliance. Le 6 juin, elle démontre toute sa capacité d’innovation : chars « funnies », engins de débarquement, matériel spéciaux et, bientôt, ports artificiels.
Le 6 juin des Canadiens
Les Canadiens débarquent sur « Juno Beach » en cette aube grisâtre de juin 1944. Eux aussi ont une revanche à prendre: celle du raid insensé de Dieppe qui leur a coûté près de 1 000 tués en 1942… Un raid dont, pourtant, on a tiré de précieux enseignements pour ce 6 juin 1944. Ces valeureux soldats canadiens, qui sont tous des volontaires, ne demandent qu’à en découdre avec l’adversaire. Une partie de leur contingent est resté bloqué dans la campagne d’Italie mais c’est en Normandie que cette armée trouve sa raison d’être: participer à l’effort de guerre des démocraties, et en particulier la Grande Bretagne dont on se sent toujours proche, dans leur lutte contre les dictatures de l’Axe. Les soldats qui débarquent le Jour J ne sont que l’avant-garde d’un corps puis finalement d’une armée canadienne, mise sur pied dans le but de débarquer en France pour y vaincre l’ennemi. Le 6 juin 1944 est donc, pour ces Canadiens, l’aboutissement d’un engagement. Pour certains d’entre eux, francophones du Québec, cette participation à la libération de la France, a peut-être une résonnance encore plus forte.
« The Invasion of Normandy » des Américains
Les autres Nord-Américains impliqués dans l’opération « Overlord » sont bien sûr les soldats des forces armées des Etats-Unis. Depuis l’entrée en guerre du pays et l’acceptation du principe du « Germany First », l’US Army se prépare à ce qui constitue la raison d’être de sa mise sur pied et de l’entraînement minutieux auquel elle est soumis: le débarquement en France suivi d’une poussé vers le coeur du Reich dans un affrontement du fort au fort visant à détruire la Wehrmacht et la capacité de l’Allemagne à poursuivre la guerre. Toutes les autres opérations, notamment en Méditerranée, ne sont que des pis-aller faute d’être en mesure de débarquer dès 1942 (elles ont pourtant été essentielles pour l’apprentissage des opérations amphibies et aéroportés d’envergure ainsi que dans l’expérience acquise pour l’US Army). Le 6 juin 1944, la bataille décisive pour l’US Army peut donc commencer. Le sang versé à « Omaha Beach » et les actes héroïques à l’instar de l’assaut de la Pointe-du-Hoc vont devenir le symbole de l’engagement des Etats-Unis dans la victoire, de leur lutte pour la démocratie et les droits de l’Homme, de leur sacrifice pour que le Bien triomphe. Dans un geste hautement politique, les présidents américains sauront s’en souvenir et, dans les décennies qui suivent la guerre, ils ne manquent pas de faire le voyage en Normandie à l’occasion des commémorations du Débarquement pour réaffirmer leurs principes et leur engagement.
Le Second Front des Soviétiques
Le 6 juin 1944 c’est, pour les Soviétiques, l’ouverture tant attendue du Second Front, encore et toujours réclamé par Staline depuis « Barbarossa » et encore à Téhéran à l’automne 1943. Pour les Soviétiques, les combats menés en Afrique du Nord puis en Italie ne constituent en aucune manière un second front, bien que l’incidence sur le front de l’Est de l’envoi de troupes de l’Axe sur ces théâtres des opérations ne doit en aucune manière être négligée. De même, l’importance des moyens affectés par la Wehrmacht (et l’effort industriel concomitant) à la bataille de l’Atlantique et à la défense du ciel du Reich constituent pourtant également un second front d’une importance décisive (pour tous ces éléments, on se reportera à mon argumentation dans mon long article « Le Second Front ouvert en 1944: un mythe? » paru dans « 2e Guerre Mondiale Magazine n°44 »). Depuis des mois, Hitler a accordé la priorité au renforcement du front de l’Ouest, derrière le fameux « Atlantikwall » afin de s’assurer de la victoire sur les Anglo-américains, espérant retourner ainsi le cours de la guerre en sa faveur. Pour Staline et les Soviétiques, cela signifie que de nombreuses unités de Panzer seront mobilisées face aux Alliés occidentaux et que, par conséquent, la marge de manoeuvre de l’Ostheer est des plus réduites: c’est une opportunité à saisir pour la campagne d’été à l’Est qui s’annonce décisive. Par ailleurs, le débarquement allié en Normandie est dans un autre sens menaçante car cela signifie qu’une puissante armée en mesure de s’enfoncer au coeur du Reich a posé le pied sur le continent européen: si la Wehrmacht s’effondre à l’Ouest mais résiste à l’Est, Staline sera t-il en mesure d’être en position de force au moment de la victoire? Une certaine suspicion demeure chez les Soviétiques d’alors et les Russes d’aujourd’hui. Selon eux, l’Armée rouge a porté seule le fardeau de la guerre et consenti bien plus de sacrifices et ce Second Front apparaît bien tardif, voire inutile pour une victoire déjà acquise: les Occidentaux n’ont-ils pas à dessein épargné le sang de leurs soldats pour que la Wehrmacht s’épuise à l’Est?
L’« Invasion » des Allemands
Pour Hitler, le 6 juin est l’événement tant attendu: la confrontation majeure avec les Alliés occidentaux peut commencer. Selon lui, la bataille qui va s’ensuivre revêt un caractère décisif car il pense qu’il peut encore espérer une issue favorable au conflit à condition qu’il repousse l’assaut amphibie. Il pense alors pouvoir renforcer sensiblement le front de l’Est et obtenir une paix de compromis. Le répit obtenu pourra aussi, selon lui, permettre à la Wehrmacht de disposer en nombre des armes qu’il juge à même de lui donner un avantage décisif: sous-marins de dernière génération, avions à réaction, bombes volantes V1, fusées V2, …
Le peuple allemand et les soldats en poste à l’Ouest ne voient pas les choses autrement: on attend avec angoisse une bataille à laquelle on sait ne pouvoir échapper et à laquelle on accorde un caractère décisif sur le cours de la guerre. On défend certes le Vaterland,mais on se prépare surtout pour le combat de « la dernière chance ». La défaite majeure que constitue la bataille de Normandie est donc vécue en conséquence: c’est un désastre qui sonne le glas du III. Reich et de tout espoir -vain- de victoire et dont le souvenir perdure jusqu’à nos jours.
Conclusion:
Pour les alliés de l’Axe, le 6 juin est aussi un moment décisif et attendu: si l’Allemagne, le membre le plus puissant de l’Axe, échoue, s’en est fini de leur cause et la défaite est certaine (mais ne l’est-elle pas déjà depuis des années?). Au-delà de la terminologie retenue pour désigner cette bataille, on constate que tous les belligérants lui accordent un caractère décisif.
Jour J, Invasion, D-Day, Second Front… au-delà des différentes appellations retenues pour qualifier le débarquement des forces alliées en Normandie le 6 juin 1944, quel est la signification de cet événement majeur de la Seconde Guerre mondiale pour les principaux belligérants?
Le Jour J pour les Français
Le 6 juin 1944 est devenu pour les Français LE Débarquement, avec un « D » majuscule, sans qu’il soit nécessaire de préciser davantage. Le retour des Alliés sur le continent européen, cette fois-ci avec l’appui massif et décisif des Etats-Unis, signifie la promesse de la libération. La France subit en effet le joug nazi et les conséquences d’une occupation très dure depuis déjà quatre années. Sur le plan militaire, la participation française reste une anecdote mais un symbole fort: quelques paras SAS et les 177 commandos de Kieffer, des marins des FNFL ainsi que des aviateurs des FAFL. Le 6 juin, c’est aussi, pour la résistance, le signal d’un passage à l’action / Au final, ce jour mémorable signifie, pour les Français, le symbole de la victoire sur l’Allemagne nazie et la première étape de la Libération. Certes, le souvenir reste vivace chez tous les témoins d’alors. Tout le monde se souvient de ce qu’il a fait ou vu le 6 juin. A l’espoir et au soulagement de beaucoup se conjugue malheureusement la souffrance et le deuil pour ceux qui, à l’aube de la liberté, ont perdu tous leurs biens et leurs proches…
Le D-Day des Britanniques
Churchill prépare le retour des forces armées britanniques depuis quatre ans, depuis l’humiliante mais décisive évacuation de Dunkerque. Le jour tant attendu survient enfin, en dépit de son intense activité en faveur d’une stratégie périphérique en Méditerranée ou vers les Balkans. Le chemin de la victoire et du retour en France commence à El Alamein. Il a été rendu possible par les victoires remportées dans le ciel anglais en 1940 et dans l’Atlantique. Après le Blitz et diverses humiliations, l’heure de la revanche a sonné! En 1940, le BEF n’aligne que quelques centaines de milliers d’hommes. L’armée qui débarque en 1944 est bien plus puissante et rôdée au combat par un entraînement et une préparation intensive. Pour peu de temps encore, elle peut se targuer d’être à parité avec l’US Army. Car cette bataille qui s’inaugure avec le 6 juin n’est pas seulement la campagne la plus importante de la guerre pour les Britanniques, elle aussi celle où l’allié américain devient prédominant au sein de l’alliance. Le 6 juin, elle démontre toute sa capacité d’innovation : chars « funnies », engins de débarquement, matériel spéciaux et, bientôt, ports artificiels.
Le 6 juin des Canadiens
Les Canadiens débarquent sur « Juno Beach » en cette aube grisâtre de juin 1944. Eux aussi ont une revanche à prendre: celle du raid insensé de Dieppe qui leur a coûté près de 1 000 tués en 1942… Un raid dont, pourtant, on a tiré de précieux enseignements pour ce 6 juin 1944. Ces valeureux soldats canadiens, qui sont tous des volontaires, ne demandent qu’à en découdre avec l’adversaire. Une partie de leur contingent est resté bloqué dans la campagne d’Italie mais c’est en Normandie que cette armée trouve sa raison d’être: participer à l’effort de guerre des démocraties, et en particulier la Grande Bretagne dont on se sent toujours proche, dans leur lutte contre les dictatures de l’Axe. Les soldats qui débarquent le Jour J ne sont que l’avant-garde d’un corps puis finalement d’une armée canadienne, mise sur pied dans le but de débarquer en France pour y vaincre l’ennemi. Le 6 juin 1944 est donc, pour ces Canadiens, l’aboutissement d’un engagement. Pour certains d’entre eux, francophones du Québec, cette participation à la libération de la France, a peut-être une résonnance encore plus forte.
« The Invasion of Normandy » des Américains
Les autres Nord-Américains impliqués dans l’opération « Overlord » sont bien sûr les soldats des forces armées des Etats-Unis. Depuis l’entrée en guerre du pays et l’acceptation du principe du « Germany First », l’US Army se prépare à ce qui constitue la raison d’être de sa mise sur pied et de l’entraînement minutieux auquel elle est soumis: le débarquement en France suivi d’une poussé vers le coeur du Reich dans un affrontement du fort au fort visant à détruire la Wehrmacht et la capacité de l’Allemagne à poursuivre la guerre. Toutes les autres opérations, notamment en Méditerranée, ne sont que des pis-aller faute d’être en mesure de débarquer dès 1942 (elles ont pourtant été essentielles pour l’apprentissage des opérations amphibies et aéroportés d’envergure ainsi que dans l’expérience acquise pour l’US Army). Le 6 juin 1944, la bataille décisive pour l’US Army peut donc commencer. Le sang versé à « Omaha Beach » et les actes héroïques à l’instar de l’assaut de la Pointe-du-Hoc vont devenir le symbole de l’engagement des Etats-Unis dans la victoire, de leur lutte pour la démocratie et les droits de l’Homme, de leur sacrifice pour que le Bien triomphe. Dans un geste hautement politique, les présidents américains sauront s’en souvenir et, dans les décennies qui suivent la guerre, ils ne manquent pas de faire le voyage en Normandie à l’occasion des commémorations du Débarquement pour réaffirmer leurs principes et leur engagement.
Le Second Front des Soviétiques
Le 6 juin 1944 c’est, pour les Soviétiques, l’ouverture tant attendue du Second Front, encore et toujours réclamé par Staline depuis « Barbarossa » et encore à Téhéran à l’automne 1943. Pour les Soviétiques, les combats menés en Afrique du Nord puis en Italie ne constituent en aucune manière un second front, bien que l’incidence sur le front de l’Est de l’envoi de troupes de l’Axe sur ces théâtres des opérations ne doit en aucune manière être négligée. De même, l’importance des moyens affectés par la Wehrmacht (et l’effort industriel concomitant) à la bataille de l’Atlantique et à la défense du ciel du Reich constituent pourtant également un second front d’une importance décisive (pour tous ces éléments, on se reportera à mon argumentation dans mon long article « Le Second Front ouvert en 1944: un mythe? » paru dans « 2e Guerre Mondiale Magazine n°44 »). Depuis des mois, Hitler a accordé la priorité au renforcement du front de l’Ouest, derrière le fameux « Atlantikwall » afin de s’assurer de la victoire sur les Anglo-américains, espérant retourner ainsi le cours de la guerre en sa faveur. Pour Staline et les Soviétiques, cela signifie que de nombreuses unités de Panzer seront mobilisées face aux Alliés occidentaux et que, par conséquent, la marge de manoeuvre de l’Ostheer est des plus réduites: c’est une opportunité à saisir pour la campagne d’été à l’Est qui s’annonce décisive. Par ailleurs, le débarquement allié en Normandie est dans un autre sens menaçante car cela signifie qu’une puissante armée en mesure de s’enfoncer au coeur du Reich a posé le pied sur le continent européen: si la Wehrmacht s’effondre à l’Ouest mais résiste à l’Est, Staline sera t-il en mesure d’être en position de force au moment de la victoire? Une certaine suspicion demeure chez les Soviétiques d’alors et les Russes d’aujourd’hui. Selon eux, l’Armée rouge a porté seule le fardeau de la guerre et consenti bien plus de sacrifices et ce Second Front apparaît bien tardif, voire inutile pour une victoire déjà acquise: les Occidentaux n’ont-ils pas à dessein épargné le sang de leurs soldats pour que la Wehrmacht s’épuise à l’Est?
L’« Invasion » des Allemands
Pour Hitler, le 6 juin est l’événement tant attendu: la confrontation majeure avec les Alliés occidentaux peut commencer. Selon lui, la bataille qui va s’ensuivre revêt un caractère décisif car il pense qu’il peut encore espérer une issue favorable au conflit à condition qu’il repousse l’assaut amphibie. Il pense alors pouvoir renforcer sensiblement le front de l’Est et obtenir une paix de compromis. Le répit obtenu pourra aussi, selon lui, permettre à la Wehrmacht de disposer en nombre des armes qu’il juge à même de lui donner un avantage décisif: sous-marins de dernière génération, avions à réaction, bombes volantes V1, fusées V2, …
Le peuple allemand et les soldats en poste à l’Ouest ne voient pas les choses autrement: on attend avec angoisse une bataille à laquelle on sait ne pouvoir échapper et à laquelle on accorde un caractère décisif sur le cours de la guerre. On défend certes le Vaterland,mais on se prépare surtout pour le combat de « la dernière chance ». La défaite majeure que constitue la bataille de Normandie est donc vécue en conséquence: c’est un désastre qui sonne le glas du III. Reich et de tout espoir -vain- de victoire et dont le souvenir perdure jusqu’à nos jours.
Conclusion:
Pour les alliés de l’Axe, le 6 juin est aussi un moment décisif et attendu: si l’Allemagne, le membre le plus puissant de l’Axe, échoue, s’en est fini de leur cause et la défaite est certaine (mais ne l’est-elle pas déjà depuis des années?). Au-delà de la terminologie retenue pour désigner cette bataille, on constate que tous les belligérants lui accordent un caractère décisif.
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IL Y A 80 ANS : “TUNISGRAD”, IMMENSE VICTOIRE ALLIEE EN TUNISIE
LE CONTENU D’UN LIVRE ORIGINAL: 3 MINUTES POUR COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE