Seconde Guerre Mondiale WWI

L’impact du « Germany First » sur la guerre en Asie-Pacifique 

Interactions entre théâtres des opérations

L’impact du « Germany First » sur la guerre en Asie-Pacifique 

Avec l’entrée en guerre des Etats-Unis en décembre 1941, la décision est prise par les Alliés occidentaux d’adopter le principe « Germany First », à savoir concentrer l’effort de guerre en Europe pour vaincre en premier lieu les forces de l’Axe en Europe. Cette orientation stratégique, majeure s’il en est, décide de la conduite du conflit menée par les puissances anglo-saxonnes. Mais qu’en est-il de son application réelle ? Quelles sont ses conséquences pratiques sur la lutte menée contre l’Empire du Japon ? 

La décision de vaincre d’abord le III. Reich 

En 1939, la dégradation de la situation internationale en Europe pousse l’état-major américain à étudier la manière de répondre efficacement à une stratégie sur deux fronts. Depuis 1911, le plan Orange prévoit qu’une armée basée aux Philippines tiendrait jusqu’à l’arrivée des secours, à savoir l’US Navy qui devra pour ce faire traverser l’Océan Pacifique. Or, les résultats des travaux effectués concluent à l’impossibilité de procéder au plan Orange en cas de conflit. Les bases américaines de Guam et de Manille ainsi que les unités navales de la Royal Navy de Singapour apparaissent trop faibles. En outre, la France et le Royaume-Uni entrant en guerre en septembre 1939, il est vraisemblable que les Etats-Unis ravitailleront ces deux belligérants, d’autant que, en octobre 1939, la loi Cash and Carry permet à ces pays de percevoir des armes si elles sont payées comptant. Les stratèges américains préconisent donc au président Roosevelt d’adopter une position défensive dans le Pacifique et, au contraire, concentrer la Marine dans l’Atlantique et aux Caraïbes. Selon ces plans, baptisés Rainbows (par opposition au monochrome Orange visant l’affrontement face à un seul ennemi), les Philippines seraient sacrifiées. Toutefois, si des conversations secrètes sont menées avec les Britanniques, alors que les Etats-Unis sont encore neutres, les Américains n’entendent pas être amenés à participer à la défense des colonies européennes. Cependant, l’aide au Royaume-Uni est réelle : 50 vieux destroyers sont cédés à la Royal Navy tandis que Churchill s’efforce de persuader Roosevelt d’envoyer une puissante flotte à Singapour. 

Cette priorité accordée à la lutte contre l’Allemagne n’est donc pas une politique nouvelle. En 1940, c’est en raison de la chute de la France (juin 1940) et face à la menace que représente le Reich –et non le Japon- que le Congrès alloue 10.5 milliards de crédits à la Défense, que la National Guard est mobilisée puis que la Marine bénéficie de 4 milliards de dollars de budget pour se renforcer devant la menace qui pèse sur l’Atlantique (une rallonge de 1.5 milliards est d’ailleurs accordée en juillet 1940). Les Etats-Unis sont désormais engagés dans l’édification d’une flotte de guerre pouvant opérer sur deux océans. Roosevelt demande aux planificateurs des états-majors de préparer la stratégie Rainbow 5 (=les Alliés sont la France et le Royaume-Uni et les Etats-Unis jouent un rôle essentiel dans la défaite décisive de l’Allemagne). 

Un mémorandum présenté par l’amiral Stark, alors chef des opérations navales, en cette même année 1940 préconise que le meilleur choix stratégique serait de préparer l’armée américaine à une offensive dans l’Atlantique tout en demeurant sur la défensive dans le Pacifique. Ce plan, qui s’avère être une totale volte-face vis-à-vis du Plan Orange, est baptisé Plan Dog et reçoit l’approbation de Roosevelt et de Marshall, le chef d’état-major de l’US Army. Stark a également prévenu Roosevelt qu’une aide navale et matérielle ne suffira pas à assurer la victoire britannique : il faudra participer à l’offensive sur le terrain, y compris dans les airs et sur terre. La victoire de la RAF remportée au cours de la Bataille d’Angleterre semble conforter les Américains dans l’idée que le Royaume-Uni tiendra, pour peu que les Etats-Unis accordent à Churchill l’aide massive qu’il réclame. En avril 1941, Roosevelt est favorable à l’idée de donner à l’amiral King, qui commande la flotte de l’Atlantique, ¼ des effectifs de la flotte du Pacifique pour lutter contre les U-Boote.  

Pourtant, en 1941, Marshall écrit à MacArthur : « J’ai donné ordre que les forces américaines aux Philippines aient toute priorité dans le domaine de l’équipement, y compris du matériel défensif pour 50 000 hommes… » Peu après, d’importantes quantités de matériel de guerre modernes –notamment des batteries de DCA, des radars, des mortiers, des nouveaux fusils Garand ainsi que des Flying Fortress B-17 (le général de l’Air Arnold prévoit d’en envoyer 300)- commencent à rejoindre les Philippines. MacArthur, alors maréchal de l’armée philippine et ancien chef d’état-major de l’US Army, est ainsi à la tête de la plus importante formation aérienne américaine située en dehors des Etats-Unis (277 appareils dont 35 bombardiers lourds et une centaine de chasseurs récents). Fin mai 1941, le département de la Guerre accepte le projet de MacArthur d’installer des batteries côtières de 300 pour protéger Luçon ainsi qu’un plan de construction de défenses, d’aérodromes et de routes stratégiques estimé à 52 millions de dollars. La ligne de défense dans la Pacifique est donc avancée de 7 000 kilomètres à l’ouest de Hawaï. Roosevelt annonce finalement que MacArthur est nommé commandant an chef en Extrême-Orient dans le but de mobiliser l’armée philippine. Les amiraux Richardson (le chef de la flotte du Pacifique) et Stark veulent pour leur part que la flotte reste à Pearl Harbor en raison de son effet dissuasif.  

Plus l’année 1941 progresse, plus les Américains s’impliquent dans la sécurisation des voies maritimes dans l’Atlantique face à la menace des U-Boote. En avril, Roosevelt décide d’étendre la zone de sécurité américaine jusqu’au Groenland et à la pointe de l’Afrique. Mais les ressources nécessaires pour soutenir et ravitailler le Royaume-Uni en matériel militaire exigent d’empêcher toute escalade qui déboucherait sur un conflit dans le Pacifique. En mai, Roosevelt décide de relever la garnison anglaise en Islande. Ce même mois, après la destruction du cuirassé allemand Bismarck, profitant de l’émotion suscitée par la destruction de deux navires marchands américains, le président américain déclare « l’état d’alerte illimité ». Les Américains semblent donc plus concernés par la menace nazie mais, en août 1941, si la « Charte de l’Atlantique » (signée par Roosevelt et Churchill voguant au large de Terre-Neuve à bord des USS Augusta et HMS Prince-of-Wales) affirme la solidarité anglo-saxonne dans la défense des libertés fondamentales, il n’est pas question pour Roosevelt de s’engager dans la guerre. L’Empire du Japon semble pourtant de plus en plus menaçant, en s’emparant notamment de bases en Indochine en 1940 puis 1941. Notons que la primauté américaine accordée à l’Atlantique fait évidemment le jeu des Japonais. La stratégie japonaise repose d’ailleurs en partie sur l’hypothèse que la Wehrmacht va rapidement vaincre l’URSS, ce qui forcerait les Etats-Unis à défendre l’Atlantique. 

Le 7 décembre 1941, l’attaque japonaise sur Pearl Harbor et l’entrée en guerre des Etats-Unis précipite les choses. Dès ce fatidique mois de décembre 1941, Roosevelt et le haut-commandement américain ont rassuré Churchill en affirmant le principe « Germany First », reconnaissant une priorité à la guerre en Europe et établissant clairement que le danger le plus à craindre est représenté par l’Allemagne nazie. Le Reich est en effet militairement et économiquement plus puissant que l’Empire du Soleil Levant, d’autant que le Royaume-Uni et l’Union Soviétique sont directement menacés par l’Allemagne et luttent pour leur survie et, donc, pour la victoire finale des Alliés. Le front du Pacifique ne doit pas être négligé pour autant, quoi que Marshall et ses conseillers doivent veiller à ce que l’US Navy n’entraîne pas l’Amérique plus en avant dans la lutte contre le Japon, considéré comme l’ennemi principal par la marine. L’amiral King, qui succède au poste de Stark en 1942, est favorable au principe du « Germany First », mais n’entend pas démunir les forces américaines, particulièrement navales, engagées contre le Japon. Les stratèges américains et britanniques établissent un partage des responsabilités, la Grande-Bretagne étant chargée de la lutte en Inde et en Asie du Sud-Est tandis que les Etats-Unis, seuls détenteurs des ressources nécessaires à une contre-offensive, se chargeront des opérations dans le Pacifique, de concert avec les forces australiennes et néo-zélandaises. 

Une mise en œuvre difficile du « Germany First », fin 1941-1er semestre 1942 

            La conférence interalliée Arcadia (fin décembre 1941), menée à Québec, prévoit que « seul le minimum de forces nécessaires pour sauvegarder des intérêts vitaux dans d’autres théâtres serait détourné des opérations contre l’Allemagne ». Il reste que ce « minimum de forces » se révéla bien plus important et ces « intérêts vitaux » bien plus important qu’escompté. 

             Au cours de l’hiver 1941-42, le Japon exploite les faiblesses de ses adversaires et les Alliés doivent réagir pour stabiliser la situation. Par conséquent, sans rejeter le principe « Germany First », l’urgence de la situation dans le Pacifique draine d’importantes forces terrestres sur ce théâtre d’opérations, et ce sans aucun plan stratégique à long terme, au grand dam du général Eisenhower, alors chef de la section des plans à l’état-major de l’US Army. Eisenhower craint que l’importance des effectifs aériens et terrestres consacrés à la mise en défense des îles jalonnant la route de ravitaillement vers l’Australie et la Nouvelle-Zélande ne soit préjudiciable aux ressources de l’Armée, qui seraient mieux employées en Europe. De toute façon, les études menées par le haut-commandement américain depuis décembre 1941 montrent clairement que, en date du 30 juin 1942, on ne peut déployer que 291 000 hommes dans le Pacifique si celui-ci obtient la priorité contre 437 000 hommes en Europe si on suit le principe du “Germany First”. Les distances sont telles dans le Pacifique que le fait d’y déployer des unités navales signifie leur immobilisation dans ce théâtres des opérations pour une longue période. Un cargo effectue la rotation New-York-Royaume-Uni en 60 jours mais il lui faut 133 jours en moyenne entre San Francisco et le Pacifique Sud. De fait, si on estime pouvoir transporter 100 000 hommes par mois en direction du Royaume-Uni, on pense qu’on ne puisse dépasser le chiffre de 40 000 hommes par mois vers le Pacifique si on lui accorde la priorité. Or, cela signifierait une accumulation de troupes aux Etats-Unis avant leur envoi outre-mer et, donc, la nécessité de construire des accommodations pour 400 000 hommes de plus au Etats-Unis. Les lourdes pertes subies par la marine marchande en 1942 du fait des U-Boote ne militent pas non plus pour un déploiement massif dans le Pacifique. Pourtant, lorsqu’on se penche sur la répartition des moyens alliés accordés aux différents fronts en 1942, force est de constater que le principe de concentrer l’effort en Europe est sérieusement remise en cause. Pire, l’effort de mobilisation face à l’ennemi européen donne l’illusion d’être stoppé.  

            Plusieurs facteurs sont à prendre en compte. Le premier, et non le moindre, est la nécessité de mettre sur pied des forces armées américaines en mesure de faire la guerre sur deux fronts sur une bonne partie du globe. Cette mobilisation nécessite du temps. En outre, les stratèges soulèvent bien vite l’importance à accorder à la sauvegarde du maintien d’une ligne de communication avec l’Australie. Les troupes aux Etats-Unis et les moyens de transport manquent mais la crainte d’une aggravation de la situation dans le Pacifique, de bombardements sur la côte Ouest des Etats-Unis ainsi que des attaques sur le canal de Panama obligent les Américains à orienter leur effort militaire en direction du Pacifique. Dès le mois de décembre 1941, 77 000 tonnes de matériel et 15 000 hommes sont expédiés à Hawaï. Afin de protéger le flanc australien et ses lignes de ravitaillement, 80 000 soldats américains s’embarquent pour le Pacifique du Sud-Ouest entre janvier et mars 1942 alors  que l’Europe en accueille à peine plus de 20 000 au cours de la même période. La prise de Singapour par les Japonais aggrave la situation en Asie-Pacifique et il devient urgent de trouver des navires de transports pour le Pacifique : à l’état major américain, on suggère même de diminuer d’un tiers le matériel transporté au titre du Prêt-bail en direction du Moyen-Orient et de l’URSS.  Ainsi, ce sont 290 000 soldats de la seule US Army qui sont déployés dans les îles du Pacifique, en Australie et en Nouvelle-Zélande avant la fin de 1942, sans compter les centaines d’appareils des escadrilles de l’USAAF, les effectifs de l’US Navy et de l’USMC (US Marine Corps). Les Américains ont engagés dans le Pacifique bien plus de troupes qu’initialement prévu. C’est en novembre 1942 que les Américains interviennent en Afrique du Nord contre les Germano-Italiens : 378 000 GI’s sont alors engagés dans les combats en Afrique et en Europe alors que 464 000 hommes servent dans le Pacifique. Les prévisions initialement tablaient sur respectivement 435 000 et 237 000 hommes. Marshall estime cependant excessif d’avoir dû déployer 85 000 hommes rien qu’en Alaska. 

            Un autre élément à prendre en considération dans cette grande démocratie que sont les Etats-Unis : l’opinion publique. Pour l’Américain moyen, l’agresseur, c’est avant tout le Japonais. Cet adversaire, à la différence de l’Allemand et du Japonais, est d’ailleurs considéré comme « autre ». La propagande américaine s’en fait l’écho. En mars 1942, les sondages font état de 65% des Américains en faveur d’une offensive rapide contre les Japonais contre moins de 25% pour une offensive en Europe. Une autre enquête, menée cette fois-ci par des psychologues de l’US Army indique que, à la question « aimeriez-vous réellement tuer un soldat japonais ? », 38 à 48% des soldats interrogés répondent oui, contre 5 à 9% seulement si on leur demande la même chose mais à propos d’un Allemand. Alors que 54% des GI’s considèrent leurs prisonniers allemands comme des hommes comme eux et regrettent d’avoir à les combattre, le taux tombe à 20% dans le Pacifique, 42% des hommes ont d’ailleurs un désir profond d’abattre leurs captifs japonais. Un général américain dira d’ailleurs qu’il pensait toujours aux femmes et aux enfants des soldats allemands qu’il voyait morts alors que pareille pensée ne l’a jamais effleuré devant un cadavre japonais. 

L’abandon de « Roundup » en 1942, à savoir un débarquement en France, permet d’envisager de nouvelles perspectives pour affronter l’ennemi. Il est cependant notable de constater tout de suite que les effectifs disponibles ne sont pas pour autant affectés à la lutte contre le Japon. De ce point de vue, il importe de comprendre que la responsabilité de la diversion des moyens prévus pour “Bolero” réside moins dans la guerre du Pacifique que dans la décision de combattre en Méditerranée. Le projet « Gymnast », puis « Torch », d’une opération en Afrique du Nord, oriente dans un premier temps en Méditerranée l’action de l’US Army contre l’Allemagne, en dépit des sérieuses réticences de Marshall. La mise en oeuvre de “Torch”  signifie une réduction des moyens navals pour l’Atlantique Nord, mais aussi des convois en direction d’Hawaï ou du Pacifique du Sud-Ouest. Il reste cependant indéniable que l’amiral King arrive à convaincre Roosevelt et les chefs d’état-major combinés (le haut-commandement combiné des forces anglo-américaines) de lancer une offensive sur Guadalcanal, dans les îles Salomon, pour le mois d’août 1942. Planifiée par l’amiral Nimitz, cette opération constitue en fait la première offensive et le premier débarquement américain de la guerre ainsi que le premier recul subi par les forces japonaises, qui sont contraintes d’abandonner pour la première fois un territoire conquis. De fait, les pertes en navires de guerre sont si importantes à Guadalcanal que, en août-septembre 1942, l’amiral King ne peut assurer avec certitude quelles unités navales pourront rejoindre l’Atlantique pour “Torch”. La plupart des navires de transports d’assaut de la Navy sont alors dans le Pacifique. 

La primauté de la lutte contre le Reich s’impose dans les faits (août 1942-1945) 

            La guerre dans le Pacifique et en Asie se heurte à l’importance de la mise en place de « Bolero », qui consiste au transfert au Royaume-Uni des forces armées américaines en vue de lancer une offensive aérienne sur l’Allemagne et mener une opération amphibie de grand style visant à reprendre pied sur le continent puis vaincre l’Allemagne. Dès juillet 1942, les demandes de MacArthur en péniches de débarquement se heurtent aux difficultés de l’état-major pour rassembler suffisamment d’engins de débarquement pour l’Europe.  

Les débats au sein du haut-commandement allié quant à la répartition des ressources influent grandement sur l’action menée contre la Japon par les Américains. C’est ainsi que, dès 1942, l’amiral King et le général MacArthur s’empressent de proposer une offensive sur Rabaul afin d’obtenir ensuite des droits sur les ressources à disposition des forces alliées pour l’année 1942. En effet, en février-mars 1942, l’amiral King, qui soutient que l’on accorde trop d’importance au théâtre atlantique, entame une vigoureuse campagne en vue de modifier la stratégie Stark-Marshall qui privilégie la lutte contre le Reich. King veut sauvegarder l’Australie, ne serait-ce que pour les « répercussions que [sa perte]  provoquerait parmi les peuples de couleur ». Le gouvernement australien et MacArthur en viennent à animer un lobby « Pacific First » et réclament troupes et matériel au Congrès et dans la presse.  Toutefois, le 7 mars, Churchill envoie un câble qui ne fait que détourner les regards du Japon : « Tout porte à croire qu’une puissante offensive allemande de printemps se prépare en Russie. Et nous ne pouvons pas faire grand-chose pour aider le seul pays qui soit vraiment aux prises avec le gros des armées allemandes ». Une défaite de l’Union Soviétique ou une demande de paix séparée de la part de Staline serait catastrophique pour les Alliés et cette éventualité ne semble pas improbable si aucun effort réel n’est entrepris pour soulager l’Armée Rouge. La réunion décisive est celle du 9 mars au cours de laquelle le général Arnold défend la thèse d’une offensive aérienne sur le Reich et insistant sur le fait que la chute de l’Allemagne entraînerait ipso facto celle du Japon. Il s’oppose donc à l’envoi de nouvelles troupes dans le Pacifique. Marshall propose alors la solution de compromis imaginée par Eisenhower, qui n’accorde que des ressources limitées à l’Asie-Pacifique, en l’occurrence le strict nécessaire pour assurer la défense de l’Australie et des îles Hawaï. La flotte devra se concentrer autour du Royaume-Uni tandis que les renforts aériens expédiés dans le Pacifique sont volontairement réduits pour éviter toute velléité d’offensive trop en avant, au-delà des Nouvelles-Hébrides. Le plan d’Eisenhower prévoit en effet l’ouverture du Second Front en Europe en 1943. L’amiral King s’insurge alors devant le manque de troupes terrestres allouées au Pacifique, ce à quoi Marshall rétorque qu’il peut compter sur les Marines et le corps d’armée amphibie alors à l’entraînement sur la côte ouest des Etats-Unis. Fin 1942, les généraux Marshall et Arnold parviennent à placer en réserve stratégique les 15 Air Groups initialement destinés au Pacifique. En revanche, la 43rd Infantry Division prend le chemin du Pacifique. A ce moment du conflit, chaque GI engagé contre les Germano-Italiens bénéficie de 5,9 tonnes de ravitaillement contre 3,3 tonnes pour chaque soldat américain combattant dans le Pacifique. Les deux tiers des capacités de cargo sont affectés à l’Europe. Par ailleurs, c’est vers l’Europe qu’est convoyé l’essentiel du matériel de guerre cédé aux Alliés au titre du Prêt-Bail, songeons aux Britanniques et aux Soviétiques qui sont les deux principaux bénéficiaires. 

En 1943, au cours de la conférence interalliée de Washington, dite “Trident” (mai 1943), l’amiral Leahy, conseiller personnel du président Roosevelt, précise aux Britanniques que, si une situation défavorable survenait dans le Pacifique, les Etats-Unis devront y divertir des forces quelque soient les accords en cours. Il ne s’agit pas vraiment d’une remise en cause du “Germany First” mais plutôt de prévoir une réorientation de l’effort de guerre en cas de danger ou bien si les Britanniques optent pour un effort conséquent en Méditerranée. En fin d’année, dans le même ordre d’idée, c’est en partie pour éviter un changement de la part des Anglais qui, à Québec, ont promis d’allouer une part importantes de leurs ressources au Pacifique, que King et Nimitz lancent l’attaque sur Tarawa (novembre 1943) quand bien même la marée risque de ne pas être favorable (ce qui sera le cas). Les Américains ont réussi à convaincre des Britanniques réticents à s’engager davantage dans le Pacifique en soulignant que risquer un désastre sur ce théâtre des opérations en y consacrant trop peu de forces pourrait, si une catastrophe militaire y survient, amener les Américains à y détourner in fine des ressources conséquentes pour parer à un danger encore plus grand.  Les Britanniques continueront à craindre une remise en cause du « Germany First » par l’amiral King si celui-ci parvient à faire déboucher la campagne des Salomon (lancée en août 1942 sur Guadalcanal) sur une offensive généralisée dans le Pacifique. 

Au début de l’année 1943, les grandes orientations stratégiques pour l’année prises dans le cadre de la conférence de Casablanca (janvier 1943) confirment le principe « Germany First » puisque les décisions par ordre de priorité sont : 

  1. L’effort primordial doit porter sur la bataille de l’Atlantique. 
  2. L’Union Soviétique doit être soutenue au maximum. 
  3. L’opération « Bolero » doit être menée sur une grande échelle en vue d’un débarquement en France en 1944. 
  4. L’offensive aérienne sur le Reich serait amplifiée. 
  5. La Sicile sera envahie 
  6. « Sans porter préjudice au potentiel des nations alliées », les opérations dans le Pacifique pourraient aller de la reprise de la Nouvelle-Guinée et des Salomon jusqu’à la reconquête des Aléoutiennes et à une offensive contre les bases japonaises des îles Carolines et Marshall. 
  7. Les Britanniques s’engagent à programmer une offensive en Birmanie (opération « Anakim ») pour novembre 1943. 

Vaincre les U-Boote apparaît évidemment essentiel puisque’il s’agit de la condition nécessaire à “Bolero”. Les opérations contre les Japonais occupent les derniers rangs en terme de priorités. L’amiral King a toutefois obtenu le principe d’une offensive dans le Pacifique central. Au Sud-Ouest du Pacifique, rien n’est envisagé au-delà de la Nouvelle-Guinée, ce qui a le don d’exaspérer MacArthur qui estime que l’US Navy l’empêche de gagner la guerre en 1943. Peu après toutefois, Roosevelt répond aux demandes de ses chefs engagés dans le Pacifique puisqu’il enjoint à Marshall d’envoyer des escadrilles de l’USAAF dans le Pacifique en priorité sur l’Afrique. La situation perdure longtemps. En décembre 1944 encore, alors que les Etats-Unis manquent de B-17 et d’équipages expérimentés alors que la guerre fait encore rage en Europe. Il reste que les grandes orientations prises à Casablanca en matière de partage et de déploiement des ressources entre le Pacifique et l’Europe est perturbé au premier trimestre 1943 en raison de la campagne de Tunisie, qui s’avère plus longue et plus coûteuse qu’escompté. Il a fallu consacrer davantage d’hommes à l’Afrique du Nord au détriment du Pacifique et, plus encore, de “Bolero”. Au printemps 1943, si on dénombre 508 000 Américains face aux Germano-Italiens (dont 334 000 en Afrique et seulement 110 000 au Royaume-Uni), ils sont tout de même 525 000 à être engagés face aux Japonais. Le “Germany First” n’est pas si simple à mettre en oeuvre. La situation évolue vite. Ainsi, en juin 1943, sur 1,7 millions de GI’s déployés outre-mer, 800 000 sont partis en Europe et en Méditerranée contre 700 000 dans le Pacifique, en Asie (Chine-Birmanie-Inde) et Alaska (plus de 130 000 hommes). 9,7 millions de tonnes de matériel ont été dans le même temps acheminées en Europe et en Méditerranée (les 2/3 pour celle-ci) pour 6,6 millions de tonnes dans le Pacifique, sans compter 3,4 millions de tonnes pour l’Alaska (où il s’agit avant tout de mettre en place les infrastructures qui sont alors inexistantes). 

            La conférence « Trident », à Washington, est l’occasion pour les Américains d’imposer leurs vues. Refusant une fuite en avant en Méditerranée préconisée par les Britanniques, l’amiral King oblige les Britanniques à accepter un débarquement en France en 1944, faute de quoi les Américains opéreraient un retrait total du théâtre méditerranéen au bénéfice du Pacifique. Devant ce risque de remise en cause du « Germany First », Churchill et Alan Brooke ne peuvent que s’incliner. De surcroît, ils abandonnent tacitement la direction stratégique en Asie-Pacifique aux Américains. Pour l’Angleterre, il y a de toute façon un autre théâtre des opérations essentiel : la Méditerranée. 

            Brooke, le chef d’état-major britannique, essayera encore -en vain- de faire infléchir les Américains. Mais l’amiral King est ferme : il n’est pas prêt à accepter une baisse des allocations pour le Pacifique au bénéfice d’“Overlord”. Il insiste également sur le fait que -contrairement aux dires des Britanniques- les efforts conjoints dans le Pacifique central et dans le Pacifique du Sud-Ouest sont complémentaires et tout aussi nécessaires l’un et l’autre. 

            Fin 1943, deux ans après Pearl Harbor, si on tient compte de l’US Navy, les ressources  militaires des Etats-Unis sont équitablement réparties face à l’Allemagne et au Japon. De plus, en dépit d’“Overlord”, le renforcement de l’US Army dans le Pacifique pendant le premier semestre 1944 ne faiblit pas et garde un rythme important : si le nombre de divisions de l’armée passe de 17 à 28 en Europe, il augmente de 13 à 20 dans le Pacifique. Au 30 juin 1944, l’US Army compte 2,4 millions d’hommes en Europe et l‘US Navy 800 000. Dans le Pacifique, les chiffres sont de 1,2 millions dans l’armée et autant dans la Marine, sans oublier que la majeure partie de l’US Marines Corps y est également déployé. L’idée d’une contradiction avec le “Germany First” n’est qu’apparente. En effet, un fois les Alliés débarqués en Normandie, seules 4 divisions sont programmées pour rejoindre le Pacifique avant la défaite allemande tandis que 39 nouvelles divisions débarqueront en Europe.  

Les forces de l’empire britannique et les interactions entre la guerre en Méditerranée et le front d’Asie-Pacifique 

            Le front méditerranéen, obsession constante de Churchill pendant toute la guerre, draine d’importantes ressources des forces armées du Commonwealth. La guerre est entamée depuis déjà deux années en Europe quand survient l’agression nipponne, aussi les moyens militaires des Britanniques disponibles en Extrême-Orient sont d’abord assez limités. Pourtant, on décèle une interférence considérable de la lutte menée contre le Japon sur la répartition des forces britanniques sur les différents théâtres d’opérations, et ce au détriment des forces engagées en Méditerranée. L’attaque sur Pearl-Harbor, la chute de Hong-Kong, de la Malaisie puis de Singapour sont concomitantes de l’opération « Crusader » en Libye, qui aboutit à la reconquête de la Cyrénaïque entre fin novembre 1941 et février 1942. Or, Auchinleck, commandant en chef britannique au Moyen-Orient, est contraint d’envoyer des troupes Extrême-Orient (comme la 7th Armoured Brigade) tandis que des renforts qui lui sont destinés sont détournés vers ce nouveau front en Asie. En effet, en 1941, 4 escadrilles de Hurricanes destinées à l’Armée Rouge sont détournées de Perse vers Singapour tandis que la 18th ID, qui dépasse le Cap de Bonne-Espérance en direction de la Libye, est déroutée et cingle désormais vers l’Extrême-Orient. Rommel, qui fait volte-face en février 1942 et reprend le terrain perdu jusqu’à hauteur de Gazala, n’a pu que bénéficier de cet état de fait. En revanche, suite à la chute de Tobrouk (juin 1942), des troupes initialement destinées aux Indes sont envoyées au Moyen-Orient afin d’assurer la défense du canal de Suez. A l’issue de l’opération “Crusader”, et avant la volte-face de Rommel en Cyrénaïque fin janvier 1942, Auchinleck semble particulièrement préoccupé par la situation dans le Pacifique et dans l’Océan indien qu’il juge primordiale. 

            En 1942 toujours, la maréchal Wavell, commandant en chef en Inde, est privé d’une division anglaise originellement prévue pour défendre la frontière de l’Inde. Wavell, qui stagne en Arakan, ne peut espérer transporter des troupes de la péninsule de Mayu jusqu’au port d’Akyab. En effet, presque toutes les ressources navales sont mobilisées pour « Torch », le débarquement allié en Afrique du Nord. En 1942, l’armée britannique dispose d’un corps d’armée sur le front de Birmanie, le Burcorps, qui ne cesse de prendre de l’ampleur pour devenir la 14th British Army. Commandée par le général Slim, cette « armée oubliée », si on songe à la gloire qui entoure la 8th British Army (qui lutte en Afrique et en Italie) et le 21th Army Group (qui débarque en Normandie) est certes en dernière position en terme de priorités pour l’allocation de renforts et de matériels mais elle n’en demeure pas moins une force conséquente, qui aurait bien pu peser en Europe si la menace nipponne ne s’était jamais matérialisée. Début 1945, Slim dispose tout de même de  plus de 1 800 appareils opérationnels. En juillet 1945, la RAF et la RIAF (Royal Indian Air Force) rassemblent ainsi un personnel totalisant 207 000 hommes. 

            Notons aussi que, entre 1940 et 1942, les forces des Dominions d’Australie et de Nouvelle-Zélande ainsi que de l’Empire des Indes sont très sollicitées dans les opérations menées en Grèce et au Moyen-Orient puisque le Royaume-Uni y engage 3 divisions australiennes (6th, 7th et 9th), une néo-zélandaise (qui sera finalement baptisée 2nd) et trois divisions  et plusieurs brigades indiennes (4th, 5th et 10th Indian Divisons). Or ces trois Etats sont directement menacés par le raz-de-marée nippon. D’où leur insistance pour redéployer leurs troupes en Asie-Pacifique, ce qui sera le cas pour les Australiens et, dans une moindre mesure l’armée des Indes, puisque des unités combattrons encore en Italie. Les Britanniques font cependant tout leur possible pour éviter ce retrait des forces des Dominions. Fin 1941, lors de conférence Arcadia, Churchill demande à Roosevelt une aide conséquente pour l’Australie, afin d’empêcher celle-ci de retirer ses troupes du Moyen-Orient alors que Rommel est toujours menaçant.  

            Les forces navales britanniques subissent également les conséquences du « Germany First ». Si l’effort déployé par l’US Navy dans la Pacifique permet à la Royal Navy de concentrer ses navires de fort tonnage en Méditerranée, en Arctique et dans l’Atlantique, les événements vont mener à une redistribution progressive des unités. C’est ainsi que le HMS Repulse et le HMS Prince of Wales sont envoyés vers le Pacifique juste après la victoire remportée sur le cuirassé allemand Bismarck en mai 1942. Les deux navires anglais arrivent ainsi en Asie juste à temps pour être envoyés par le fond au large de Singapour. Après la perte de ces deux unités, la Royal Navy doit dépêcher sur Ceylan 5 cuirassés (dont le HMS Warspite) et 3 porte-avions (dont le HMS Hermes) afin de garder les approches maritimes de l’Inde et de la Birmanie. Au cours de la conférence Quadrant, à Québec, qui s’ouvre le 14 août 1943, les Britanniques entendent imposer leur vision stratégique en Méditerranée et veulent un assaut contre l’Italie. L’amiral King, bien que partisan du « Germany First », ne veut plus qu’un seul cuirassé ou engin de débarquement ne parte pour la Méditerranée au détriment de l’offensive prévue dans le Pacifique central. King contrôle alors 90% des barges de débarquement et pourrait facilement imposer ses vues. Seulement, le gouvernement Badoglio fait des ouvertures de paix et le principe d’un débarquement allié en septembre 1943 en Italie est décidé. Devant l’absence de navires de guerre et débarquement en nombre suffisant alloués aux forces britanniques en Inde et en Birmanie, le maréchal Auchinleck, commandant en chef de l’Armée des Indes, s’oppose finalement à Anakim. Pour toute compensation, le général Arnold promet des renforts aériens suffisants pour les Chindits du général Wingate (unités britanniques opérant sur les arrières japonais dans la jungle) tandis que Marshall accepte d’envoyer en Birmanie une unité de guérilla de l’US Army (les futurs Marauders de Merrill). Ainsi, la bataille de l’Atlantique, la maîtrise des mers environnant la Grande Bretagne (pensons à la menace que fait longtemps peser le cuirassé allemand Tirpitz depuis la Norvège) ainsi que la nécessité de combattre l’Axe en Méditerranée limitent grandement la capacité qu’a la Royal Navy de pouvoir transférer des navires en Asie et dans le Pacifique. L’armistice conclu avec l’Italie en 1943, puis la destruction du cuirassé allemand Tirpitz en 1944 changent la donne et permettent l’envoi d’unités navales pour affronter le Japon. Ainsi, au cours de l’été 1944, les porte-avions HMS Victorious et HMS Illustrious sont ainsi envoyés en Extrême-Orient. 

L’armée américaine est-elle en mesure de mener des opérations d’envergure contre l’Empire du Soleil Levant ? 

En dépit des ressources relativement limitées dont ils disposent dans le Pacifique, ni l’amiral King, ni l’amiral Nimitz n’entendent limiter leur action à des opérations purement défensives. Dès le début de 1942, Nimitz lance ainsi des attaques aéronavales sur les îles Gilbert et les îles Marshall à la fin janvier 1942 (à partir des porte-avions Enterprise et Yorktown) puis contre l’île de Wake en février de la même année. De leur côté, les appareils embarqués sur le Lexington frappent Rabaul en Nouvelle-Bretagne tandis que le Yortown et l’Enterprise lâchent leurs avions sur des transports en route vers la Nouvelle-Guinée. Avant Midway, l’US Navy envoie des cuirassés et un porte-avions dans l’Atlantique. Le maintien de la ligne vitale de l’Atlantique reste la priorité absolue. En Nouvelle-Zélande, en 1942, alors qu’il met sur pied l’opération « Watchtower », l’amiral Ghormley doit faire avec des ressources limitées puisque le débarquement est réduit à la seule 1st US Marine Division. En effet, Marshall a transféré vers l’Atlantique, en vue d’un engagement en Méditerranée, la 3rd US ID, qui s’entraînait à des manœuvres amphibies sur la côte ouest américaine. 

En 1943, alors qu’on incite Nimitz à foncer sur les îles Marshall, ce dernier doit repousser l’offensive à l’automne, date à laquelle doivent arriver navires de commerce et nouveaux porte-avions. Toutefois, pour les opérations prévues en 1944 dans le Pacifique, le Pentagone sait pertinemment que les engins de débarquement participant à “Overlord” ne pourront pas gagner à temps le Pacifique pour y être engagés dans l’année. En juillet 1944 encore, Nimitz doit renoncer à projeter une opération sur Formose. Les estimations tablent en effet sur un besoin en troupes auxiliaires se chiffrant entre 90 et 200 000 hommes, un total impossible à assurer avant la chute du III. Reich et le transfert de troupes depuis l’Europe. Ce n’est finalement qu’à la fin du conflit avec l’Allemagne que des divisions américaines sont retirées d’Europe et réorientées vers le Pacifique via les Etats-Unis afin de participer à l’invasion du Japon. Patton lui-même veut en être. Mais MacArthur ne veut en aucun cas que le belliqueux Californien ne lui vole la vedette et on ne veut pas de Patton dans le Pacifique.  

En dépit des besoins énormes générés par la guerre en Europe, il apparaît d’emblée que l’US Army, l’US Navy et le l’USMC ont été capables de mobiliser les moyens nécessaires pour mener des opérations de grande ampleur dans le Pacifique. Bien plus, pour ne s’en tenir qu’à l’armée de l’air, de nombreux types d’appareils seront plus spécifiquement voire exclusivement engagés dans ciel du Pacifique. Ne retenons que quelques exemples. C’est notamment le cas des chasseurs HellcatWildcat et Corsair ainsi que de la Superfortress B-29. La chasse embarquée est en effet moins utile face à la puissance continentale qu’est l’Allemagne. Quant au B-29, son rayon d’action et son plafond en font l’avion idéal pour mener l’offensive aérienne de bombardement sur le Japon, d’autant que les l’action de l’USAAF au-dessus du Reich est déjà bien entamée quand l’appareil est mis au point. 

Sur des milliers de kilomètres, de la Nouvelle-Guinée au Pacifique central, la progression sera spectaculaire en 1944 alors que les regards sont fixés sur la bataille de Normandie et ses conséquences. Les projets de débarquement au Japon pour l’automne et l’hiver 1945 (opération « Olympic ») ainsi que l’offensive sur Okinawa en avril-juin 1945 sont les exemples les plus évidents. On peut sans hésiter y ajouter les opérations menées par MacArthur aux Philippines en 1944-45. Les forces terrestres impliquées sont conséquentes. Ainsi, la VIth US Army qui opère aux Philippines compte 10 divisions en 1945. A la même date, l’autre armée de MacArthur aux Philippines, la VIIIth, compte 8 divisions. A Okinawa, la Xth US Army aligne entre 150 et 180 000 hommes et 7 divisions, 4 de l’armée et 3 des Marines. Le projet « Olympic », qui vise Kyush dans l’archipel nippon, implique 650 000 hommes et 14 divisons, dont 3 de Marines. Quand aux armadas mises en œuvre, elles sont tout simplement considérables. Certes, la planification s’effectue moins souvent sur le long terme, comparé à « Overlord », le débarquement en Normandie, puisque ressources et renforts sont tributaires de l’évolution de la lutte contre l’Allemagne nazie : Nimitz et MacArthur ne sont en effet pas toujours certains de posséder les moyens nécessaires pour mener à bien leurs projets. 

L’US Navy concentrée face à l’ennemi japonais ? 

On le voit, la guerre du Pacifique n’est en aucune manière un théâtre d’opération mineur pour l’armée américaine. Le constat est encore plus évident en ce qui concerne la marine, bien que des effectifs conséquents soient alloués à l’opération « Torch » (8 novembre 1942), le débarquement en Afrique du Nord, et à la bataille de l’Atlantique, dont l’issue est capitale pour la suite du conflit. Avant même l’entrée en guerre des Etats-Unis, une partie non négligeable de l’US Navy est affectée à la côte Est, sur l’Atlantique. L’impréparation américaine et les pertes sévères essuyées par les tankers et la marine marchande au cours de l’opération « Pauckenschlag » (premier semestre 1942) menée par les U-Boote le long des côtes américaines et dans le Golfe du Mexique ne font que retarder l’envoi d’unités dans le Pacifique. 

Il est évident que les préférences stratégiques de l’US Navy la porte à désirer concentrer ses efforts contre la flotte impériale japonaise. La nature en grande partie maritime du théâtre des opérations de l’Asie-Pacifique en sus de la puissance avérée de la flotte de surface nipponne ne peuvent que pousser les dirigeants de l’US Navy dans cette voie.  Le désir légitime de la Marine de venger l’affront de Pearl Harbor joue, à n’en pas douter, également un rôle. De surcroît, à l’inverse de l’Allemagne, le Japon est une puissance maritime indéniablement en mesure de menacer directement le territoire américain. Il reste que la victoire en Europe ne peut se départir de l’impérieuse nécessité d’assurer le ravitaillement du Royaume-Uni afin d’assurer sa survie mais aussi pour permettre la réalisation du plan « Bolero ». Ce n’est qu’en 1942 que les lignes de communication avec l’Angleterre seront assurées mais ce n’est pas avant le mois de mai 1943 que la menace des U-Boote sera conjurée avec le spectaculaire renversement de la bataille de l’Atlantique. 

A l’automne 1942, les moyens de transport se font de plus en plus rares dans le Pacifique, et même ailleurs. Priorité est en effet donnée à l’opération « Torch », en Afrique. Le général Eisenhower a d’ailleurs reçu une division supplémentaire pour mener à bien cette offensive, ce qui fait que pas un seul navire américain ne demeure en réserve pour être expédié dans le Pacifique. Le front du Pacifique n’est pas négligé pour autant puisqu’il absorbe de plus en plus de moyens navals, d’autant que les batailles de 1942 (mer de Corail en mai, Midway en Juin, Guadalcanal à partir d’août) ont été très coûteuses en navires essentiels, à commencer par les porte-avions. Par ailleurs, le fait qu’aucun débarquement n’aura lieu en France en 1942 -“Slegdehammer” ou “Roundup”- pousse les Américains à exiger qu’il y ait moins de péniches de débarquement en Grande Bretagne au bénéfice de la Méditerranée et du Pacifique. Les prévisions pour 1943 des allocations de la production en navires de transport pour les opérations amphibies montrent une distribution à l’avantage du Pacifique : 117 des 201 LST espérés en service au 1er août 1943, 96 des 150 LCI (L) et 180 des 281 LCT. Cependant, les moyens alloués au Pacifique restent dans l’inconnu de la poursuite des opérations qui y aura lieu et des besoins rééls sur ce théâtre des opérations, bien difficiles à juger car on ne sait quelles opportunités surviendront. 

Au moment de la conférence de Casablanca (en janvier 1943), une guerre à outrance oppose les flottes américaine et japonaise dans les Salomon. Marshall, conscient que tout répit laissé aux Japonais serait néfaste, propose une nouvelle répartition de l’armement et du matériel entre le Pacifique et l’Atlantique : il faut faire passer de 15 à 30 % la proportion des effectifs aériens et navals luttant contre l’Empire du Soleil Levant. Toutefois, les Américains doivent se ranger à l’évidence stratégique rappelée par le chef d’état-major impérial britannique, Sir Alan Brooke : « La raréfaction de la marine marchande étranglait en effet dangereusement nos efforts et à moins d’écarter réellement la menace sous-marine allemande, il serait impossible d’envisager de gagner la guerre ». 

En mai 1943, la victoire acquise sur les U-Boote s’accompagne d’une redistribution des moyens navals américains. C’est ainsi que des navires de guerre de l’US Navy quittent l’Atlantique pour le Pacifique en vue de rejoindre la Vth Fleet qui va s’attaquer aux bases extérieures du périmètre défensif nippon à partir de novembre 1943. Il faut également avoir à l’esprit que, de toute façon, nombre d’unités navales de l’US Navy ne seraient que d’une utilité réduite dans la guerre contre l’Allemagne. Elle concentre ses meilleures unités (porte-avions, cuirassés, croiseurs, sous-marins…) face au Japon. C’est le cas des nouveaux porte-avions de la classe Essex, qui entrent en lice en 1943 : ils sont avant tout destinés à la lutte contre le Japon. Toutefois, si la guerre du Pacifique mobilise des ressources navales conséquentes, le tonnage de l’US Navy en Europe se monte à 6,5 millions de tonnes en septembre 1944, sans compter 5,6 millions en Méditerranée ! 

En ce qui concrne les engins de débarquement, selon la répartition acceptée au cours de la conférence intreralliée “Trident”, entre juillet 1943 et juin 1944, 144 LST doivent partir dans le Pacifique contre 138 en Europe, 73 navires n’étant pas encore attribués à l’un ou l’autre des théâtre d’opération. Bien qu’il les réclame, Eisenhower se verra refuser 10 LST prévus pour l’Inde. La proportion des LCT est à l’avenant : respectivement 243, 207 et 83. Les opérations dans le Pacifique répondent à un certain degré d’opportunisme et il faut donc se préparer à toute opportunité. Ainsi, il est nécessaire de disposer de navires de types divers en vue d’un grand nombre d’opérations amphibies se succédant rapidement. “Quadrant”, la conférence tenue à Québec en août 1943, confirme la préséance accordée au Pacifique qui se voit allouer 55% des LST, 60% des LCI (L) et 45% des LCT pour la période allant d’août 1943 à mars 1944. 73% des transports d’assauts sont engagés face au Japon. Toutefois, il convient de tenir compte des distances énormes entre les différents fronts du Pacifique, et même d’Asie, alors que les moyens de débarquement alliés en Europe se concentrent en un seul lieu : le Royaume Uni. On n’opte toutefois ce paradoxe d’un effort de guerre si important dans le Pacifique en ce qui concerne les bateaux et barges de débarquement alors que se prépare “Overlord”, l’opération majeure de la guerre pour laquelle a été mobilisée et entraînée l’US Army. La guerre du Pacifique implique des besoins énormes sur la production navale américaine. mais le besoin d’un nombre accru de navires de débarquement pour “Overlord” nécessite une augmentation de la production -entre 25 et 35%, ce qui ne sera pas atteint avant le printemps 1944- et, donc, une réduction de la production par ailleurs pour s eprocurer l’acier nécessaire : il faut renoncer à 65 destroyers, 35 Liberty Ships, 125 tanks, 5 500 camions… A l’automne 1943, l’amiral King est pourtant en mesure d’envoyer 84 LST au Royaume Uni au lieu des 63 prévu jusqu’en avril 1944 car le Pacifique central a perçu son quota de LST avec un mois d’avance. Les 12 LST d’octobre sont finalement cédés à “Overlord” alors que 10 d’entre eux étaient prévus comme replacements pour les pertes qui seront subies dans le Pacifique. Le tableau donné ci-contre montre la répartition des engins de débarquement au moment du DDay. On pourra être surpris de ne pas en voir davantage déployés en Angleterre. La proportion est cependant loin d’être négligeable alors que, dans le Pacifique, la progression et les lignes de communications ne peuvent que s’établir que suivant la voie maritime, ce qui exige un nombre très important de navires et de barges sur des secteurs très éloignés, sur des milliers de kilomètres. En ce qui concerne certains matériels, si les camions amphibies DUKW participent surtout à la guerre en Europe, les tracteurs amphibies LVT, parfaitement adaptés aux combats dans les atolls coraliens, sont caractéristiques de la guerre du Pacifique. Pour finalement assurer le succès des opérations amphibies qui s’avèrent indispensables à la victoire sur tous les fronts, les seuls Américains produiront 1 041 LST, 921 LCI (L), 1 435 LCT, 23 358 LCVP, 11 496 LCM, 18 620 LVT. 

En vue de l’assaut sur les Marshall, la Task Force 58 de l’amiral Mitscher, rassemblée à Pearl Harbor en janvier 1944, compte 8 cuirassés, 12 porte-avions, 6 croiseurs et 36 destroyers, Pour la bataille de Leyte, en octobre 1944, la IIIrd Fleet de l’amiral Halsey aligne 12 cuirassés, 23 croiseurs, 100 destroyers et 1 400 avions. A ces chiffres déjà impressionnants s’ajoutent 430 navires de transports avec à leur bord les 174 000 hommes de la VIth US Army du général Krueger, sans compter la VIIth Fleet de l’amiral Kinkaid.  

Le soutien à la Chine oriente une partie de l’effort américain en Asie-Pacifique 

            Celui-ci est très loin d’être négligeable. La première aide tangible des Etats-Unis à la Chine sont les fameux « Tigres Volants » du colonel Claire Chennault, qui reçoit, bien avant le 7 décembre 1941, l’autorisation de recruter des volontaires au sein de l’Air Force. En dépit des promesses américaines, les impératifs de la guerre en Europe poussent parfois à une redistribution de l’aide. Ainsi, en 1942, les bombardiers B-24 Liberator promis à Tchang Kaï-Chek sont expédiés au Moyen-Orient et une part non négligeable du matériel destiné à l’armée chinoise est finalement fournie à l’Armée Rouge. 

L’aide à la Chine est au final très dispendieux puisque le pays, qui bénéficie aussi de la loi Prêt-Bail, au même titre que le Royaume-Uni et l’Union Soviétique, se monte finalement à 1,7 milliards de dollars. Il convient de la comparer aux autres alliés : la France reçoit pour 2 milliards de matériel, mais l’aide pour l’URSS se monte à 5,5 milliards, loin derrière le Royaume-Uni avec 14,3 milliards. Cette aide pour la Chine prend de l’ampleur avec la prise de Myitkyina, qui permet aux convois aériens vers la Chine de suivre un itinéraire moins long et moins dangereux pour gagner Kouen-Ming. Ainsi, si la Chine reçoit 3 700 tonnes de matériel par cette voie en 1942, le tonnage monte à 61 000  en 1943. Quand le général américain Stilwell, chef d’état-major de Tchang Kaï-Chek, quitte son commandement en octobre 1944, ce sont 30 000 t mensuelles qui sont transportées en Chine. Edifiée au nord de la Birmanie en direction de la Chine, la route de Ledo, longée de pipelines, et qui a coûté la bagatelle de 150 000 millions de dollars,  permet de ravitailler encore plus aisément Tchang Kaï-Chek. Le premier convoi quitte Ledo le 12 janvier 1945. Si la guerre en Chine ne constitue pas le théâtre des opérations le plus important en Asie-Pacifique, il immobilise une part non négligeable de l’armée de terre nipponne et, dans le même temps, disperse l’effort de guerre allié. 

La logistique alliée dans le Pacifique : de sérieuses difficultés exacerbées par la priorité accordée à la lutte contre l’Allemagne 

Pour vaincre le Japon, choisir la bonne stratégie n’est pas suffisant. Encore faut-il être en mesure d’acheminer toutes les fournitures essentielles sur le front. La priorité accordée à la lutte contre les U-Boote et les pertes de la marine marchande dans l’Atlantique ne sont pas sans conséquences sur la guerre du Pacifique. En effet, la raréfaction de la capacité de transport maritime est particulièrement ressentie sur ce front où l’énormité des distances impose une grande disponibilité en navires.  

Dans le Pacifique, le transport et l’approvisionnement des forces gigantesques engagées par les alliés est un cauchemar logistique. Toutes les fournitures doivent être acheminées par mer entre les Etats-Unis et les théâtres du Pacifique. Les distances sont énormes : 7 200 milles nautiques de San Francisco à Brisbane en Australie, plus de 6 000 milles de San Francisco à la Nouvelle-Calédonie, 1 500 milles de Brisbane à Guadalcanal…Pour comparer, Liverpool Casablanca ne sont distantes que de 3 500 milles nautiques de New-York. Par ailleurs, en dehors de Hawaï, l’Australie et la Nouvelle-Zélande, les installations portuaires sont rudimentaires, voire inexistantes. L’avance rapide des forces alliées provoque ainsi des crises logistiques devant la pénurie de cargos, d’autant que les quais en eaux profondes sont parfois inexistants et le matériel et le ravitaillement à bord des navires doivent être débarqués en utilisant des chalands. La construction de bases est donc essentielle et les unités de génie s’avèrent indispensables pour construire ces bases dans les territoires nouvellement conquis, afin d’assurer l’étape suivante de l’avancée. Mais la pénurie de telles unités est toujours endémique en raison de la propension des commandants alliés à donner la priorité aux unités combattantes. En conséquence, des unités combattantes sont affectées à des travaux de construction. Dans le Pacifique central, le problème n’est pas seulement la construction de bases aériennes : il faut ravitailler l’imposante flotte américaine. A cette fin, Nimitz crée des bases flottantes mobiles, composées de ravitailleurs, navires-ateliers, docks flottants, bateaux entrepôts…Ces bases mobiles (notamment sur le lagon de Funafuti, aux îles Ellice), à l’abri des sous-marins dans une lagune, assurent la maintenance de la flotte tandis que des péniches escortées par des destroyers amènent vivres et munitions jusqu’à la zone de combat. En outre, afin d’assurer le ravitaillement en carburant de la flotte, des bases de ravitaillement itinérantes, composées de 2 ou 3 pétroliers géants sous escorte, gagnent des « zones de ravitaillements », vastes rectangles d’océan, où la flotte vient se ravitailler pendant que l’ensemble file de 8 à 12 nœuds. Certaines péniches, spécialement affectées au transport du carburant, sont longues chacune de près de 100 mètres. L’énormité des distances exige toutefois une planification ardue, les fournitures et le matériel devant être expédiés des Etats-Unis des mois à l’avance. La logistique impose donc à elle-seule le détournement en direction du Pacifique d’une part non négligeable de l’effort de guerre américain. 

Le projet « Manhattan » et le « Germany First » 

Avant la guerre, en dépit de divers obstacles théoriques et technologiques, les progrès de la physique rendent possible la mise au pont d’une arme atomique. La question redevient pressante avec le début de la guerre en Europe. C’est ainsi que, en octobre 1939, Albert Einstein, sous la pression des physiciens Wigner et Szilard, écrit une première lettre au président Roosevelt dans laquelle il affirme la possibilité de créer une bombe à uranium, précisant à l’occasion que les Nazis sont probablement déjà engagés dans cette entreprise. Une seconde lettre d’Einstein, en mars 1941, avance des preuves des avancées allemandes. En juillet 1941, Vannevar Bush, conseiller du président en matière nucléaire, estime que la fabrication d’une bombe nucléaire est possible d’ici la fin du conflit. La course à l’arme atomique commence alors, les Alliés pensant à tort que les Allemands ont pris de l’avance. L’idée que les Allemands travaillent sur une arme d’une capacité de destruction incalculable entre évidemment en ligne de compte dans la décision d’opter pour le «Germany First ». Le projet, baptisé « Manhattan », devient le programme de recherche et de développement militaire le plus coûteux de la guerre, atteignant finalement 2 milliards de dollars. 120 000 personnes sont impliquées, dans le cadre de 37 usines et laboratoires. Sur la base aérienne d’Alamogordo au Nouveau-Mexique, le 16 juillet 1945, la première bombe atomique explose avec succès. Elle a été mise au point à Los Alamos par l’équipe de J.Robert Oppenheimer. Dès lors, les Américains ont l’arme nécessaire pour faire plier le Japon, sauver de nombreuses vies américaines et impressionner l’allié soviétique. La bombe atomique, conçue pour être utilisée contre les Allemands, sera larguée sur la ville japonaise d’Hiroshima, puis celle de Nagasaki, respectivement les 6 et 9 août 1945. Sa mise au point a nécessité un effort financier conséquent et se situait dans la droite ligne du “Germany First” : l’ennemi le plus dangereux est bien le III. Reich. 

Un essai de bilan 

            En dressant un bilan de l’intervention des forces armées américaines au cours de la Seconde Guerre mondiale, il semble évident que l’effort de guerre est avant tout concentré face à l’Allemagne. La majeure partie des pertes américaines du conflit ont en effet été consentis pour la libération de l’Europe. C’est ainsi que près de 80 000 Américains ont perdus la vie dans la lutte contre le Japon sur environ 300 000 soldats de l’Oncle Sam tués durant le conflit (si on ne tient compte que des décès uniquement imputables à l’ennemi).  

Toutefois, loin d’être un front secondaire, la guerre du Pacifique a vu s’affronter des flottes considérables dotées d’une puissance inégalée. Elle fut le cadre de plus d’affrontements navals que toutes les autres guerres du 20ème siècle réunies. La superficie concernée touche le tiers du globe, des Indes à Hawaï, de l’Alaska à la Nouvelle-Zélande. Par ailleurs, des armées puissantes ont pu traverser un océan grâce au seuls soutien des forces navales et aériennes, et ce sur des distances jusqu’alors inégalées.  

Une des incidences certaines de la guerre lancée par le Japon sur la lutte contre le Reich réside dans le contrôle par l’Empire du Soleil Levant de ressources en matières premières stratégiques comme le pétrole et surtout le caoutchouc indonésien, ce qui ne peut que poser des difficultés dans la manufacture de pneus sur une grande échelle. En outre, la guerre menée à la fois contre l’Allemagne et contre le Japon a signifié une dispersion des efforts. Dès le début du conflit, les Américains craignent un renforcement des positions japonaises qui ferait que la reconquête serait beaucoup trop coûteuse. Par conséquent, en dépit du principe du “Germany First”, les moyens engagés contre le Japon restent importants et les Américains essayent de garder l’initiative et de maintenir en permanence l’Empire du Soleil Levant sous pression.  

            Cependant, le souvenir d’après-guerre, qui perdure encore de nos jours particulièrement en Europe, participe  d’une vision des choses quelque peu erronée : les Etats-Unis ne se seraient avant tout engagés que pour la libération de l’Europe à partir du débarquement en Normandie. C’est oublier les moyens engagés dans la lutte contre le Japon, mais également l’effort consenti dans la bataille de l’Atlantique et, plus encore, l’importance cruciale du front méditerranéen.