Berry, John; 25-Pounder Gun and Team in Action on the El Alamein Front; IWM (Imperial War Museums)
La bataille terminée, la légende s’empare de la réalité. Il a été vite question du mythe du barrage des 1 000 canons pour le déclenchement de l’opération « Lightfoot ». Une autre légende tenace veut que Churchill ait fait sonner toutes les cloches d’Angleterre à l’annonce de la splendide victoire remportée dans le désert égyptien. La vérité est tout autre : en fait de geste spontané, Churchill attend l’issue de l’opération « Torch » prévu le 8 novembre. La population britannique a trop souffert des revers de fortune pour ne pas célébrer prématurément. Les cloches ont donc sonné le 15 novembre pour la victoire d’El Alamein le succès du débarquement anglo-américain.
« Torch » représente également la fin de l’indépendance du Royaume-Uni qui n’est plus que le membre d’une coalition dont les partenaires tiennent le premier rôle. La puissance américaine pèse désormais de tout son poids, devenant l’arsenal des démocraties et fournissant la majeure partie des unités qui vont affronter l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Les aides du programme « prêt-bail » signifient que le Royaume-Uni est largement dépendant des largesses américaines et cette dépendance ne cesse d’apparaître plus significative avec la poursuite du conflit. El Alamein est nostalgiquement perçue comme la dernière victoire britannique.
Pourtant, El Alamein n’est en aucun cas le produit des seuls efforts de la Grande-Bretagne. On a vu l’importance primordiale et le rôle crucial tenus par les troupes de l’empire et des Dominions. En ce sens, El Alamein marque également la fin d’une époque, la fin de l’ère de l’armée impériale. Les Australiens sont dirigés vers le Pacifique où ils vont affronter les Japonais. Ce n’est également qu’après négociations avec le gouvernement néo-zélandais que la 2nd New-Zealand Division de Freyberg est finalement maintenue sur le théâtre d’opérations méditerranéen.
On a constaté précédemment que la victoire remportée par La 8th Army est également perçue comme un tournant décisif de la guerre. La bataille d’El Alamein est à partir ce moment-là auréolée d’un mythe. Elle prend sa place parmi les grandes batailles de l’Histoire, les engagements décisifs, ceux qui changent la donne. Pour les Allemands et les Italiens, le souvenir qui s’y rattache est la fin d’un rêve, la fin de l’espoir de conquérir un Moyen-Orient à portée de main. Les victoires de Rommel semblent désormais bien loin.
De façon caractéristique, les décennies qui ont suivi la guerre ont célébré avant tout la victoire remportée par Montgomery. Les documentaires abordant la guerre du désert font également la part belle à celle-ci, au détriment des autres aspects décisifs de la campagne, mis à part Beda Fomm et la prise de Tobrouk par Rommel. Il en va jusqu’aux jeux de stratégies et aux modèles réduits qui en appellent avant tout à la bataille d’El Alamein. Pour ceux qui ont connus les petits soldats au 1/72ème de la 8th Army des marques « Airfix » et « Matchbox » des années 1960 et 1970, comment ne pas faire le lien entre la seconde bataille d’El Alamein et la couverture de la boîte de la première, inspirée d’une célèbre photo d’époque, et les figurines de Monty et de soldats écossais de la seconde. En définitive, pour le grand public encore averti, qui, même en Grande-Bretagne, est en mesure de donner un autre nom de commandant de la 8th Army que celui de Montgomery ?
Les marques de figurines s’emparent du mythe d’El Alamein…
La légende de Montgomery
La légende qui entoure le chef de la 8th Army victorieuse se forge dès la fin de la bataille. Sa carrière demeure à tout jamais liée à la bataille d’El Alamein. A la conférence de presse qui suit immédiatement, Monty est encore trop soulagé et trop ébloui par sa récente fortune pour en saisir encore toutes les implications. Le général au béret noir de tankiste va devenir le héros du Royaume-Uni, le symbole de la victoire sur l’Allemagne, et ce jusqu’à défaite totale de l’ennemi en 1945. Certes le Royal Tank Corps n’admet pas cette usurpation de son couvre-chef distinctif et le roi « n’en fut pas amusé » mais cette image est désormais attachée à l’excentrique vainqueur d’El Alamein. Lors de la conférence de presse, son évidente satisfaction de lui-même transparaît sans difficulté dans ses propos.
Le général affirme sans ambages que tout s’est déroulé exactement comme il l’avait prévu et que, si des écarts semblaient s’être produits avec le plan, c’était exactement ce qu’il attendait. Pourtant, les erreurs furent légions et en aucun cas le plan ne fut suivi à la lettre. Mais la victoire a tôt fait de faire oublier les écueils de la bataille. En ce matin du 4 novembre, il est indubitable que Monty pense que sa victoire est complète. La capture de von Thomas le conforte dans cette opinion et, de plus, la poursuite est lancée : l’ennemi ne pourra s’y soustraire. Mais Monty ne peut prévoir ni comprendre la nature du commandement de Rommel et des officiers, un commandement absolument voué à la mobilité, prêt à accepter la confusion. Sa prudence a sauvé la Panzerarmee de la destruction. Monty ne remporte pas la victoire totale et absolue qui est à sa portée. Dans ces conditions, cette grande faiblesse de commandement qui caractérise Montgomery suffit à relativiser la portée de la victoire. Pourtant El Alamein est à l’origine de la légende d’un général qui se dit n’avoir jamais essuyé d’échecs. Il reste que sa mission était de détruire l’armée germano-italienne, non de la poursuivre sur la moitié de la longueur des côtes nord-africaines de la Méditerranée ! L’habileté que l’on accorde à Monty doit être mesurée car sa victoire est avant tout remportée dans le cadre d’une bataille d’usure. Le grignotage des lignes adverses, ses plus grandes réserves, ses facilités de ravitaillements et sa supériorité aérienne ont été la clé de son succès, plus que la moindre touche de génie de sa part. La guerre mobile effraye Monty. En fait, la victoire remportée à El Alamein ne requiert que peut d’intervention du QG de l’armée pour être acquise.
La marche triomphale qui s’ensuivit, avec la reprise de hauts lieux des combats des deux années précédentes, tels Tobrouk et de Benghazi, et l’entrée victorieuse à Tripoli, le 23 janvier 1943, trois mois jour pour jour après le déclenchement de « Lightfoot », confortent l’aura qui entoure le général victorieux. Ces noms de lieux, fortement enracinés dans la mémoire, ponctuent le trajet et reçoivent une nouvelle dimension. Cette fois-ci, il n’y aura pas ce dépriment retour de balancier qui amène à abandonner le territoire nouvellement conquis à la faveur d’une contre-offensive ennemie. Monty est bien l’homme de la victoire. L’avance se poursuit donc, avec à chaque étape un nouvel ordre du jour, écrit en style napoléonien, avec des exhortations, des hommages, des déclarations d’intentions audacieuses et dévastatrices. Ces succès ne sont pourtant que des réussites en demi-teinte car il ne fait plus aucun doute que la partie est gagnée en Afrique du Nord. Le sort de la guerre va se jouer désormais sous d’autres cieux. La poursuite réalisée par la 8th Army n’en reste pas moins un exploit logistique. Mais dans quelle mesure est-ce l’exploit de Monty ? Le général Alexander, son état-major, les services, à tous les échelons, ont permis à Montgomery de vaincre et de poursuivre Rommel. LaRoyal Navy et la Desert Air Force n’ont cessé de le soutenir dans son avance. Disposant de tout cela, Monty n’a pas été en mesure d’asséner le coup décisif. Le crédit de la prise de Tripoli revient plus à Alexander qu’à Montgomery, mais le triomphe tout entier, ou presque, revient à ce dernier. Sa nouvelle stature se confirme, sa légende s’inscrit dans le sable mais elle ne sera pas pérenne.
Montgomery: le mythe est créé à El Alamein
Monty connaît alors une gloire sans doute unique dans l’histoire militaire. Lorsque Tripoli tombe, cela fait presque une centaine de jours que tous les journaux du Royaume-Uni, des Dominions et des Etats-Unis publient de grosses manchettes portant son nom. Partout en Angleterre, la population lit, entend à la radio et voit les nouvelles qu’elle a si désespérément attendues pendant trois années. C’est irrésistible et Monty devient leur héros indestructible. On a vu plus haut le rôle tenu par le film « La Victoire du Désert ». Les cinéastes, les photographes et les journalistes ont donc tous rempli leur rôle de propagande à merveille. La vénération qui entoure Monty éclate au grand jour lorsqu’on lit les lignes de l’un de ces journalistes, Richard McMillan, dans son ouvrage « Montgomery et ses hommes », publié en décembre 1944. En vrai panégyriste, il le proclame « Cromwell du désert » et avoue avoir failli intituler son ouvrage « Miracle à El Alamein ». Le livre reste intéressant pour ce qu’il montre de l’image donnée en pleine guerre, mais l’ennemi y est invariablement qualifié de nazi ou de fasciste, les subtilités n’étant pas de mises à ce moment-là. Ce qui est flagrant, c’est la stature de Monty, le chef charismatique et sûr de lui qui est indubitablement à la source de la grande victoire, même si l’ouvrage fait la part belle aux combattants auxquels il tient à rendre un vibrant hommage. Avec le recul, on reste toutefois confondu devant des phrases telles que « vous pouvez jugez par vous-même lequel est le plus grand : Rommel ou Montgomery ; et votre opinion ne fait aucun doute lorsque vous lisez l’histoire des erreurs du Generalfeldmarschall et la méthode rusée employée par Monty pour rouler et battre l’ennemi ». Monty est crédité d’avoir mis fin à la fortune de l’Afrika Korps en Egypte, sans mention d’Auchinleck ! Rommel, dépeint comme le « tueur de Cobourg »fait même l’objet d’un chapitre spécial où ses succès sont mis plus en rapport avec la chance qu’un quelconque génie. Ce chapitre se clôt par une phrase abrupte qui masque la réalité de l’incurie de Monty : « quelle que soit la suite de sa carrière, il est sûr de figurer dans l’Histoire comme le général qui battit en retraite plus vite et plus loin que n’importe quel autre ».Ironiquement, l’incapacité de Monty à détruire l’adversaire à El Alamein a pour conséquence que la poursuite permette en quelque sorte de constituer une sorte de feuilleton dont on attend avec émotion la suite à chaque parution. Les gens, en allant à leur travail, ou en revenant, se racontent d’innombrables anecdotes à son sujet. Un vaste public s’amuse de ses excentricités, ses brutalités et de ses renvois de généraux. Les mères, les épouses et les fiancées l’adorent car ils épargnent la vie de ceux qu’elles aiment. Très vite, Monty reçoit un courrier digne d’une star car ses admirateurs se multiplient.
Le mythe de la 8th Army au cinéma
La gloire doublée d’affection qui entoure Montgomery ne peut être sans conséquences sur le général. Devenu le symbole de la victoire, il devient aussi la « mascotte » de son armée et de toute une nation. Il ne discute en aucune manière cette gloire, s’en enorgueillit même. Aucun signe d’humilité ne transparaît chez cet homme. Il semble être devenu plus aimable, d’un certain point de vue. Plus que jamais, il est sûr de lui, certain de son infaillibilité, une certitude à le rendre hostile à toute forme de contradiction. Sa nature renfermée et son austérité, non sans rapport avec le décès de son épouse avant la guerre, s’accommodent avec cette gloire fraîchement acquise. Au Caire, à Pâques, en lisant l’évangile à la cathédrale, il en jouit de nouveau. A Londres, il prend conscience de son immense popularité en entendant les applaudissements de la foule en tout lieu où il se rend, dès que les Britanniques reconnaissent sa silhouette si caractéristique. Pendant ce temps, le général Alexander, son supérieur, et le général Auchinleck, le double vainqueur de Rommel lors de l’opération « Crusader » au cours de l’hiver 1941-1942 et lors de la cruciale bataille d’El Alamein de juillet 1942, restent d’illustres inconnus. L’Histoire saura leur rendre justice. Montgomery aurait gagné en grandeur sans perdre de mérite en retour s’il avait accordé la reconnaissance qui était due à ces hommes. Certes, la réorganisation, l’entraînement et la préparation de l’armée pour l’offensive portent la marque de Monty. Son style de commandement, ses talents de planificateur et de général ont permis à celui-ci de mener une bataille d’une manière qui correspondait à cette armée. Indéniablement, Montgomery est un grand général.
La bataille d’El Alamein ne marque que l’épilogue de la guerre du désert car la partie est désormais perdue pour l’Axe. Elle constitue pourtant paradoxalement le premier acte dans la fulgurante carrière du général Montgomery, commandant des forces terrestres le Jour J le 6 juin 1944, maréchal le 1er septembre 1944, chevalier de l’ordre de la Jarretière et vicomte d’El Alamein.
Le mythe de la 8th Army
Les soldats de Monty partagent la gloire de leur chef. Montgomery leur adresse un vibrant ordre du jour lors de la conquête tant convoitée de Tripoli : « Depuis notre victoire d’El Alamein vous avez, chaque soir, dressé votre tente à une journée de marche plus près de vos foyers. Quand, dans les jours à venir, on vous demandera ce que vous avez fait durant la Seconde Guerre Mondiale, il vous suffira de répondre : j’ai avancé avec la 8th Army ». En permission, l’aura qui entoure la 8th Army leur est tout de suite perceptible. Ces soldats se sentent différents des autres hommes, différents mêmes des combattants des autres armées britanniques. En Birmanie, a 14th Army du général Slim, qui combat dans d’atroces conditions face à un ennemi impitoyable, n’a jamais tant méritée son surnom d’ « armée oubliée ». Presque inconnue reste également la 1st Army qui mène pourtant de durs combats en Tunisie. Mais la 8th Army lui rafle la vedette, non sans créer une certaine amertume au sein des nouveaux arrivés en Afrique du Nord. Cette 1st Army va mettre un point d’honneur à se forger sa propre gloire et à se différencier de son aînée sur le sol africain. Les Britanniques, mis à part leurs dirigeants, n’ont pas saisi que la suprématie de leur empire est arrivée à son terme et que l’allié américain sera en outre le partenaire le plus fort de la coalition. A peine perçoivent-ils un espoir après deux ans d’épreuves, que la dure réalité s’impose peu à peu à tous. Si la 8th Army éclipse la 1st, les Britanniques sont d’autant plus fiers de leurs soldats qu’ils stigmatisent les échecs essuyés par la novice armée américaine. Ces échecs semblent en effet rehausser les hauts faits de l’armée du désert.
Montgomery est nommé à la tête de la 8th Army au bon moment et au bon endroit. Une victoire est remportée peu après son installation et un nouveau matériel et un nouvel équipement président à une nouvelle 8th Army. Il a une forte tendance à considérer cette armée comme sa « chose ». Il est d’ailleurs navrant de constater que certains, à l’instar de Montgomery, en son venus à considérer que la 8th Army n’a vraiment existé qu’à partir d’El Alamein, vouant à l’oubli les deux années de guerre du désert menées par la Western Desert Force puis la première 8thArmy, celle d’Auchinleck. Ne faut-il pas s’offusquer qu’il ait fallu participer à la deuxième bataille d’El Alamein pour voir un « 8 » apposé sur le ruban de la médaille commémorative de la campagne d’Afrique du Nord ? On oublie un peu vite les exploits des hommes de Wavell, O’Connor, Cunningham, Ritchie et d’Auchinleck depuis août 1940. Une légende veut donc que la 8th Army ait commencé sa carrière au cours de la seconde bataille d’El Alamein. Elle a été transformée en fausse histoire par ceux qui ont refusé aux soldats qui servirent avant le 23 octobre 1942 le droit de porter ce fameux chiffre « 8 » mentionné plus haut. Le nom d’El Alamein est donc usurpé puisque la gloire méritée par Auchinleck et ses généraux ne leur revient jamais. Aucun drapeau de régiment ne porte la mention de la première bataille d’El Alamein. Dénigrant ceux qui l’ont précédé, cherchant toujours à amplifier le changement, Montgomery trouva plus simple de détester Auchinleck, un homme pourtant apprécié par tous ceux qui l’ont approché au cours de sa brillante carrière.
La légende de la 8th Army précède pourtant Monty et son épopée est jalonnée de hauts faits bien antérieurs à l’arrivée du nouveau chef : songeons à l’opération « Compass », Beda Fomm, Tobrouk et « Crusader ». Pour de nombreux Britanniques, particulièrement au sein des plus vieilles générations, une certaine nostalgie et un certain enchantement restent attachés à la guerre du désert. Le prestige de la 8th Army est toujours vivace. Bien sûr, les morts et les horreurs de la guerre ne sont pas oubliés. Mais il existe chez les vétérans des deux camps de la guerre du désert un souvenir très particulier de la guerre. En fait, un tel sentiment est unique et ne se retrouve pas connoté aux autres campagnes, que ce soit l’Italie, la campagne du nord-ouest de l’Europe ou bien la Birmanie. Si les sentiments y tiennent leur part, la raison essentielle est que, pendant près de trois ans, le désert constitue la seule zone de front terrestre où les Britanniques ont pu affronter les forces de l’Axe. Les vastes étendues ouvertes du désert de Libye, sans zones urbaines, sont un champ de bataille presque parfait. En dépit des conditions de vie difficiles et de l’horreur des combats, la guerre du désert a gardé un caractère chevaleresque. Cet aspect de l’affrontement doit beaucoup à la personnalité des chefs qui dirigent les armées qui s’y affrontent, et en premier lieu le maréchal Rommel. Dans les deux camps, les soldats se respectent, les prisonniers et les blessés sont bien traités et on n’y déplore pas d’atrocités commises sur une large échelle. L’effet de la vie dans le désert et le respect mutuel ont conduit les soldats des deux camps à y adopter une attitude sans aucun parallèle sur toute autre théâtre d’opérations de la guerre. D’où cette fascination sans fin des historiens, des passionnés et des vétérans pour cette guerre du désert menée entre 1940 et 1943. D’où également la légende qui entoure l’armée britannique du désert, triplement victorieuse, une première fois des Italiens en 1940-1941, puis des forces de l’Axe à El Alamein et, enfin, en Tunisie pour l’issue finale de la campagne d’Afrique du Nord en mai 1943. Une place particulière entoure le souvenir des faits et gestes des unités qui ont opéré des raids et des renseignements sur les arrières de l’ennemi à travers les profondeurs du désert. Ces unités, le LRDG, le SAS et la brigade Popsky, ont acquis une aura qui leur est propre car leur épopée guerrière s’apparente plus à une aventure dans des confins désertiques, à la vaillance d’hommes au caractère et à l’endurance exceptionnels. L’imagerie populaire du désert prend ici tout son sens avec ces troupes exceptionnelles.
La 8th Army est sans conteste la plus célèbre des armées britanniques de la Seconde Guerre Mondiale. La bataille du désert menée par cette armée l’a été sans aide significative de la part des Etats-Unis avant El Alamein. L’appoint essentiel fourni par les blindés américains au cours de cette bataille est même généralement négligé chez nombre d’auteurs britanniques. La constitution cosmopolite de cette armée a participé à forger une identité particulière, de même que l’adoption de mots arabes et celle d’une tenue adaptée au désert. Le mythe attaché à la 8thArmy se retrouve donc chez ceux qui en ont été membres, depuis sa création en septembre 1941, à partir des unités de la Western Desert Force. Ces hommes sont britanniques, australiens, néo-zélandais, indiens, sud-africains, polonais, français, grecs et tchécoslovaques. Tous ces vétérans et leurs associations perpétuent le mythe et l’aura de la 8th Army. Ils entretiennent également d’excellentes relations avec leurs anciens adversaires, qu’ils retrouvent à El Alamein, sur les lieux même de l’affrontement au cours des grandes commémorations.
En face: l’Afrika Korps, unité légendaire entourée d’une aura encore plus mythique.
Une bataille légendaire
La bataille terminée, la légende s’empare de la réalité. Il a été vite question du mythe du barrage des 1 000 canons pour le déclenchement de l’opération « Lightfoot ». Une autre légende tenace veut que Churchill ait fait sonner toutes les cloches d’Angleterre à l’annonce de la splendide victoire remportée dans le désert égyptien. La vérité est tout autre : en fait de geste spontané, Churchill attend l’issue de l’opération « Torch » prévu le 8 novembre. La population britannique a trop souffert des revers de fortune pour ne pas célébrer prématurément. Les cloches ont donc sonné le 15 novembre pour la victoire d’El Alamein le succès du débarquement anglo-américain.
« Torch » représente également la fin de l’indépendance du Royaume-Uni qui n’est plus que le membre d’une coalition dont les partenaires tiennent le premier rôle. La puissance américaine pèse désormais de tout son poids, devenant l’arsenal des démocraties et fournissant la majeure partie des unités qui vont affronter l’Allemagne nazie et l’Italie fasciste. Les aides du programme « prêt-bail » signifient que le Royaume-Uni est largement dépendant des largesses américaines et cette dépendance ne cesse d’apparaître plus significative avec la poursuite du conflit. El Alamein est nostalgiquement perçue comme la dernière victoire britannique.
Pourtant, El Alamein n’est en aucun cas le produit des seuls efforts de la Grande-Bretagne. On a vu l’importance primordiale et le rôle crucial tenus par les troupes de l’empire et des Dominions. En ce sens, El Alamein marque également la fin d’une époque, la fin de l’ère de l’armée impériale. Les Australiens sont dirigés vers le Pacifique où ils vont affronter les Japonais. Ce n’est également qu’après négociations avec le gouvernement néo-zélandais que la 2nd New-Zealand Division de Freyberg est finalement maintenue sur le théâtre d’opérations méditerranéen.
On a constaté précédemment que la victoire remportée par La 8th Army est également perçue comme un tournant décisif de la guerre. La bataille d’El Alamein est à partir ce moment-là auréolée d’un mythe. Elle prend sa place parmi les grandes batailles de l’Histoire, les engagements décisifs, ceux qui changent la donne. Pour les Allemands et les Italiens, le souvenir qui s’y rattache est la fin d’un rêve, la fin de l’espoir de conquérir un Moyen-Orient à portée de main. Les victoires de Rommel semblent désormais bien loin.
De façon caractéristique, les décennies qui ont suivi la guerre ont célébré avant tout la victoire remportée par Montgomery. Les documentaires abordant la guerre du désert font également la part belle à celle-ci, au détriment des autres aspects décisifs de la campagne, mis à part Beda Fomm et la prise de Tobrouk par Rommel. Il en va jusqu’aux jeux de stratégies et aux modèles réduits qui en appellent avant tout à la bataille d’El Alamein. Pour ceux qui ont connus les petits soldats au 1/72ème de la 8th Army des marques « Airfix » et « Matchbox » des années 1960 et 1970, comment ne pas faire le lien entre la seconde bataille d’El Alamein et la couverture de la boîte de la première, inspirée d’une célèbre photo d’époque, et les figurines de Monty et de soldats écossais de la seconde. En définitive, pour le grand public encore averti, qui, même en Grande-Bretagne, est en mesure de donner un autre nom de commandant de la 8th Army que celui de Montgomery ?
La légende de Montgomery
La légende qui entoure le chef de la 8th Army victorieuse se forge dès la fin de la bataille. Sa carrière demeure à tout jamais liée à la bataille d’El Alamein. A la conférence de presse qui suit immédiatement, Monty est encore trop soulagé et trop ébloui par sa récente fortune pour en saisir encore toutes les implications. Le général au béret noir de tankiste va devenir le héros du Royaume-Uni, le symbole de la victoire sur l’Allemagne, et ce jusqu’à défaite totale de l’ennemi en 1945. Certes le Royal Tank Corps n’admet pas cette usurpation de son couvre-chef distinctif et le roi « n’en fut pas amusé » mais cette image est désormais attachée à l’excentrique vainqueur d’El Alamein. Lors de la conférence de presse, son évidente satisfaction de lui-même transparaît sans difficulté dans ses propos.
Le général affirme sans ambages que tout s’est déroulé exactement comme il l’avait prévu et que, si des écarts semblaient s’être produits avec le plan, c’était exactement ce qu’il attendait. Pourtant, les erreurs furent légions et en aucun cas le plan ne fut suivi à la lettre. Mais la victoire a tôt fait de faire oublier les écueils de la bataille. En ce matin du 4 novembre, il est indubitable que Monty pense que sa victoire est complète. La capture de von Thomas le conforte dans cette opinion et, de plus, la poursuite est lancée : l’ennemi ne pourra s’y soustraire. Mais Monty ne peut prévoir ni comprendre la nature du commandement de Rommel et des officiers, un commandement absolument voué à la mobilité, prêt à accepter la confusion. Sa prudence a sauvé la Panzerarmee de la destruction. Monty ne remporte pas la victoire totale et absolue qui est à sa portée. Dans ces conditions, cette grande faiblesse de commandement qui caractérise Montgomery suffit à relativiser la portée de la victoire. Pourtant El Alamein est à l’origine de la légende d’un général qui se dit n’avoir jamais essuyé d’échecs. Il reste que sa mission était de détruire l’armée germano-italienne, non de la poursuivre sur la moitié de la longueur des côtes nord-africaines de la Méditerranée ! L’habileté que l’on accorde à Monty doit être mesurée car sa victoire est avant tout remportée dans le cadre d’une bataille d’usure. Le grignotage des lignes adverses, ses plus grandes réserves, ses facilités de ravitaillements et sa supériorité aérienne ont été la clé de son succès, plus que la moindre touche de génie de sa part. La guerre mobile effraye Monty. En fait, la victoire remportée à El Alamein ne requiert que peut d’intervention du QG de l’armée pour être acquise.
La marche triomphale qui s’ensuivit, avec la reprise de hauts lieux des combats des deux années précédentes, tels Tobrouk et de Benghazi, et l’entrée victorieuse à Tripoli, le 23 janvier 1943, trois mois jour pour jour après le déclenchement de « Lightfoot », confortent l’aura qui entoure le général victorieux. Ces noms de lieux, fortement enracinés dans la mémoire, ponctuent le trajet et reçoivent une nouvelle dimension. Cette fois-ci, il n’y aura pas ce dépriment retour de balancier qui amène à abandonner le territoire nouvellement conquis à la faveur d’une contre-offensive ennemie. Monty est bien l’homme de la victoire. L’avance se poursuit donc, avec à chaque étape un nouvel ordre du jour, écrit en style napoléonien, avec des exhortations, des hommages, des déclarations d’intentions audacieuses et dévastatrices. Ces succès ne sont pourtant que des réussites en demi-teinte car il ne fait plus aucun doute que la partie est gagnée en Afrique du Nord. Le sort de la guerre va se jouer désormais sous d’autres cieux. La poursuite réalisée par la 8th Army n’en reste pas moins un exploit logistique. Mais dans quelle mesure est-ce l’exploit de Monty ? Le général Alexander, son état-major, les services, à tous les échelons, ont permis à Montgomery de vaincre et de poursuivre Rommel. LaRoyal Navy et la Desert Air Force n’ont cessé de le soutenir dans son avance. Disposant de tout cela, Monty n’a pas été en mesure d’asséner le coup décisif. Le crédit de la prise de Tripoli revient plus à Alexander qu’à Montgomery, mais le triomphe tout entier, ou presque, revient à ce dernier. Sa nouvelle stature se confirme, sa légende s’inscrit dans le sable mais elle ne sera pas pérenne.
Monty connaît alors une gloire sans doute unique dans l’histoire militaire. Lorsque Tripoli tombe, cela fait presque une centaine de jours que tous les journaux du Royaume-Uni, des Dominions et des Etats-Unis publient de grosses manchettes portant son nom. Partout en Angleterre, la population lit, entend à la radio et voit les nouvelles qu’elle a si désespérément attendues pendant trois années. C’est irrésistible et Monty devient leur héros indestructible. On a vu plus haut le rôle tenu par le film « La Victoire du Désert ». Les cinéastes, les photographes et les journalistes ont donc tous rempli leur rôle de propagande à merveille. La vénération qui entoure Monty éclate au grand jour lorsqu’on lit les lignes de l’un de ces journalistes, Richard McMillan, dans son ouvrage « Montgomery et ses hommes », publié en décembre 1944. En vrai panégyriste, il le proclame « Cromwell du désert » et avoue avoir failli intituler son ouvrage « Miracle à El Alamein ». Le livre reste intéressant pour ce qu’il montre de l’image donnée en pleine guerre, mais l’ennemi y est invariablement qualifié de nazi ou de fasciste, les subtilités n’étant pas de mises à ce moment-là. Ce qui est flagrant, c’est la stature de Monty, le chef charismatique et sûr de lui qui est indubitablement à la source de la grande victoire, même si l’ouvrage fait la part belle aux combattants auxquels il tient à rendre un vibrant hommage. Avec le recul, on reste toutefois confondu devant des phrases telles que « vous pouvez jugez par vous-même lequel est le plus grand : Rommel ou Montgomery ; et votre opinion ne fait aucun doute lorsque vous lisez l’histoire des erreurs du Generalfeldmarschall et la méthode rusée employée par Monty pour rouler et battre l’ennemi ». Monty est crédité d’avoir mis fin à la fortune de l’Afrika Korps en Egypte, sans mention d’Auchinleck ! Rommel, dépeint comme le « tueur de Cobourg »fait même l’objet d’un chapitre spécial où ses succès sont mis plus en rapport avec la chance qu’un quelconque génie. Ce chapitre se clôt par une phrase abrupte qui masque la réalité de l’incurie de Monty : « quelle que soit la suite de sa carrière, il est sûr de figurer dans l’Histoire comme le général qui battit en retraite plus vite et plus loin que n’importe quel autre ».Ironiquement, l’incapacité de Monty à détruire l’adversaire à El Alamein a pour conséquence que la poursuite permette en quelque sorte de constituer une sorte de feuilleton dont on attend avec émotion la suite à chaque parution. Les gens, en allant à leur travail, ou en revenant, se racontent d’innombrables anecdotes à son sujet. Un vaste public s’amuse de ses excentricités, ses brutalités et de ses renvois de généraux. Les mères, les épouses et les fiancées l’adorent car ils épargnent la vie de ceux qu’elles aiment. Très vite, Monty reçoit un courrier digne d’une star car ses admirateurs se multiplient.
La gloire doublée d’affection qui entoure Montgomery ne peut être sans conséquences sur le général. Devenu le symbole de la victoire, il devient aussi la « mascotte » de son armée et de toute une nation. Il ne discute en aucune manière cette gloire, s’en enorgueillit même. Aucun signe d’humilité ne transparaît chez cet homme. Il semble être devenu plus aimable, d’un certain point de vue. Plus que jamais, il est sûr de lui, certain de son infaillibilité, une certitude à le rendre hostile à toute forme de contradiction. Sa nature renfermée et son austérité, non sans rapport avec le décès de son épouse avant la guerre, s’accommodent avec cette gloire fraîchement acquise. Au Caire, à Pâques, en lisant l’évangile à la cathédrale, il en jouit de nouveau. A Londres, il prend conscience de son immense popularité en entendant les applaudissements de la foule en tout lieu où il se rend, dès que les Britanniques reconnaissent sa silhouette si caractéristique. Pendant ce temps, le général Alexander, son supérieur, et le général Auchinleck, le double vainqueur de Rommel lors de l’opération « Crusader » au cours de l’hiver 1941-1942 et lors de la cruciale bataille d’El Alamein de juillet 1942, restent d’illustres inconnus. L’Histoire saura leur rendre justice. Montgomery aurait gagné en grandeur sans perdre de mérite en retour s’il avait accordé la reconnaissance qui était due à ces hommes. Certes, la réorganisation, l’entraînement et la préparation de l’armée pour l’offensive portent la marque de Monty. Son style de commandement, ses talents de planificateur et de général ont permis à celui-ci de mener une bataille d’une manière qui correspondait à cette armée. Indéniablement, Montgomery est un grand général.
La bataille d’El Alamein ne marque que l’épilogue de la guerre du désert car la partie est désormais perdue pour l’Axe. Elle constitue pourtant paradoxalement le premier acte dans la fulgurante carrière du général Montgomery, commandant des forces terrestres le Jour J le 6 juin 1944, maréchal le 1er septembre 1944, chevalier de l’ordre de la Jarretière et vicomte d’El Alamein.
Le mythe de la 8th Army
Les soldats de Monty partagent la gloire de leur chef. Montgomery leur adresse un vibrant ordre du jour lors de la conquête tant convoitée de Tripoli : « Depuis notre victoire d’El Alamein vous avez, chaque soir, dressé votre tente à une journée de marche plus près de vos foyers. Quand, dans les jours à venir, on vous demandera ce que vous avez fait durant la Seconde Guerre Mondiale, il vous suffira de répondre : j’ai avancé avec la 8th Army ». En permission, l’aura qui entoure la 8th Army leur est tout de suite perceptible. Ces soldats se sentent différents des autres hommes, différents mêmes des combattants des autres armées britanniques. En Birmanie, a 14th Army du général Slim, qui combat dans d’atroces conditions face à un ennemi impitoyable, n’a jamais tant méritée son surnom d’ « armée oubliée ». Presque inconnue reste également la 1st Army qui mène pourtant de durs combats en Tunisie. Mais la 8th Army lui rafle la vedette, non sans créer une certaine amertume au sein des nouveaux arrivés en Afrique du Nord. Cette 1st Army va mettre un point d’honneur à se forger sa propre gloire et à se différencier de son aînée sur le sol africain. Les Britanniques, mis à part leurs dirigeants, n’ont pas saisi que la suprématie de leur empire est arrivée à son terme et que l’allié américain sera en outre le partenaire le plus fort de la coalition. A peine perçoivent-ils un espoir après deux ans d’épreuves, que la dure réalité s’impose peu à peu à tous. Si la 8th Army éclipse la 1st, les Britanniques sont d’autant plus fiers de leurs soldats qu’ils stigmatisent les échecs essuyés par la novice armée américaine. Ces échecs semblent en effet rehausser les hauts faits de l’armée du désert.
Montgomery est nommé à la tête de la 8th Army au bon moment et au bon endroit. Une victoire est remportée peu après son installation et un nouveau matériel et un nouvel équipement président à une nouvelle 8th Army. Il a une forte tendance à considérer cette armée comme sa « chose ». Il est d’ailleurs navrant de constater que certains, à l’instar de Montgomery, en son venus à considérer que la 8th Army n’a vraiment existé qu’à partir d’El Alamein, vouant à l’oubli les deux années de guerre du désert menées par la Western Desert Force puis la première 8thArmy, celle d’Auchinleck. Ne faut-il pas s’offusquer qu’il ait fallu participer à la deuxième bataille d’El Alamein pour voir un « 8 » apposé sur le ruban de la médaille commémorative de la campagne d’Afrique du Nord ? On oublie un peu vite les exploits des hommes de Wavell, O’Connor, Cunningham, Ritchie et d’Auchinleck depuis août 1940. Une légende veut donc que la 8th Army ait commencé sa carrière au cours de la seconde bataille d’El Alamein. Elle a été transformée en fausse histoire par ceux qui ont refusé aux soldats qui servirent avant le 23 octobre 1942 le droit de porter ce fameux chiffre « 8 » mentionné plus haut. Le nom d’El Alamein est donc usurpé puisque la gloire méritée par Auchinleck et ses généraux ne leur revient jamais. Aucun drapeau de régiment ne porte la mention de la première bataille d’El Alamein. Dénigrant ceux qui l’ont précédé, cherchant toujours à amplifier le changement, Montgomery trouva plus simple de détester Auchinleck, un homme pourtant apprécié par tous ceux qui l’ont approché au cours de sa brillante carrière.
La légende de la 8th Army précède pourtant Monty et son épopée est jalonnée de hauts faits bien antérieurs à l’arrivée du nouveau chef : songeons à l’opération « Compass », Beda Fomm, Tobrouk et « Crusader ». Pour de nombreux Britanniques, particulièrement au sein des plus vieilles générations, une certaine nostalgie et un certain enchantement restent attachés à la guerre du désert. Le prestige de la 8th Army est toujours vivace. Bien sûr, les morts et les horreurs de la guerre ne sont pas oubliés. Mais il existe chez les vétérans des deux camps de la guerre du désert un souvenir très particulier de la guerre. En fait, un tel sentiment est unique et ne se retrouve pas connoté aux autres campagnes, que ce soit l’Italie, la campagne du nord-ouest de l’Europe ou bien la Birmanie. Si les sentiments y tiennent leur part, la raison essentielle est que, pendant près de trois ans, le désert constitue la seule zone de front terrestre où les Britanniques ont pu affronter les forces de l’Axe. Les vastes étendues ouvertes du désert de Libye, sans zones urbaines, sont un champ de bataille presque parfait. En dépit des conditions de vie difficiles et de l’horreur des combats, la guerre du désert a gardé un caractère chevaleresque. Cet aspect de l’affrontement doit beaucoup à la personnalité des chefs qui dirigent les armées qui s’y affrontent, et en premier lieu le maréchal Rommel. Dans les deux camps, les soldats se respectent, les prisonniers et les blessés sont bien traités et on n’y déplore pas d’atrocités commises sur une large échelle. L’effet de la vie dans le désert et le respect mutuel ont conduit les soldats des deux camps à y adopter une attitude sans aucun parallèle sur toute autre théâtre d’opérations de la guerre. D’où cette fascination sans fin des historiens, des passionnés et des vétérans pour cette guerre du désert menée entre 1940 et 1943. D’où également la légende qui entoure l’armée britannique du désert, triplement victorieuse, une première fois des Italiens en 1940-1941, puis des forces de l’Axe à El Alamein et, enfin, en Tunisie pour l’issue finale de la campagne d’Afrique du Nord en mai 1943. Une place particulière entoure le souvenir des faits et gestes des unités qui ont opéré des raids et des renseignements sur les arrières de l’ennemi à travers les profondeurs du désert. Ces unités, le LRDG, le SAS et la brigade Popsky, ont acquis une aura qui leur est propre car leur épopée guerrière s’apparente plus à une aventure dans des confins désertiques, à la vaillance d’hommes au caractère et à l’endurance exceptionnels. L’imagerie populaire du désert prend ici tout son sens avec ces troupes exceptionnelles.
La 8th Army est sans conteste la plus célèbre des armées britanniques de la Seconde Guerre Mondiale. La bataille du désert menée par cette armée l’a été sans aide significative de la part des Etats-Unis avant El Alamein. L’appoint essentiel fourni par les blindés américains au cours de cette bataille est même généralement négligé chez nombre d’auteurs britanniques. La constitution cosmopolite de cette armée a participé à forger une identité particulière, de même que l’adoption de mots arabes et celle d’une tenue adaptée au désert. Le mythe attaché à la 8thArmy se retrouve donc chez ceux qui en ont été membres, depuis sa création en septembre 1941, à partir des unités de la Western Desert Force. Ces hommes sont britanniques, australiens, néo-zélandais, indiens, sud-africains, polonais, français, grecs et tchécoslovaques. Tous ces vétérans et leurs associations perpétuent le mythe et l’aura de la 8th Army. Ils entretiennent également d’excellentes relations avec leurs anciens adversaires, qu’ils retrouvent à El Alamein, sur les lieux même de l’affrontement au cours des grandes commémorations.
En face: l’Afrika Korps, unité légendaire entourée d’une aura encore plus mythique.
231 illustrations NARA et IWM légendées en complément de mon livre “La préparation du Jour J”
Recension “Okinawa”
Recension “Une autre histoire des samouraïs”
“LA PREPARATION DU JOUR J” éditions Ouest-France
Recension “Infographie des guerres franco-allemandes”