Ce film réalisé par Sam Peckinpah en 1977 est un des meilleurs films consacrés à la Seconde Guerre mondiale. La trame de fond de l’histoire, qui narre les tribulations de soldats allemands en Russie, après la défaite de Stalingrad, est celle de l’antagonisme entre un sous-officier, vétéran médaillé de la Croix de Fer, le sergent Steiner (James Coburn), et un officier prussien, le capitaine Stransky (Maximilian Schell), qui a demandé sa mutation de Biarritz vers le front de l’Est, dans l’espoir d’obtenir la très convoitée Croix de Fer… Stansky est prêt à tout pour obtenir cette médaille.
Stransky et Steiner: deux rivaux sous le même uniforme
Loin d’être manichéen, l’oeuvre nous offre toute une palette de personnages plus complexes qu’il n’y paraît : sous-officier baroudeur, officier d’état-major (Colonel Brandt, admirablement joué par James Mason, capitaine Kiesel, lieutenant Triebig) ou de premières lignes (lieutenant Meyer), soldats aguerris (« Schnurrbart », Maag, Anselm, Kern…), jeune conscrit (Dietz) ou nazi (Zoll).
Le Colonel Brandt et le capitaine Kiesel : on est loin de l’élégance et de l’aspect martial rattachés aux officiers de la Wehrmacht…
Le choix d’une histoire centrée sur des soldats de la Wehrmacht empêche un patriotisme trop marqué qui apparaît dans nombre d’oeuvres hollywoodiennes. Il empêche également une trop grande identification avec les héros, d’autant que la plupart des spectateurs ignorent où se situe la péninsule de Taman, ce qui est un choix judicieux de Peckinpah, alors que l’image d’Epinal d’une Russie enneigée ou de Stalingrad aurait été moins déroutante: comme un simple biffin, on ne sait pas où on est, si ce n’est à la guerre, peut importe laquelle…
« Je ne pense pas que vous méritiez la Croix de Fer »
Un certain antimilitarisme pointe également, le réalisateur semblant montrer des soldats allemands perdu en 1943 dans le Kouban (dans le Caucase), désabusés par la guerre, victimes eux-aussi du régime hitlérien, qui les a embrigadé depuis leur plus jeune âge. Le générique est à cet égard très évocateur avec une mise en parallèle de la Hitlerjugend et du front russe, ainsi que des plans montrant Hitler alternant avec ses soldats au front, voire leurs cadavres…
Des scènes de combat remarquables
L’horreur de la guerre est dépeinte à de nombreuses reprises, car les détails sanglants ne manquent pas (loin toutefois de l’outrance qui est désormais habituelle). Le passage le plus ouvertement antimilitariste est incontestablement celui de l’hôpital militaire, le réalisateur n’étant pas sans cynisme à l’égard des généraux en montrant la misère et les mutilations des blessés.
Certes, Stansky ordonne que soit abattu le jeune garçon russe capturé, mais on ne voit pas de crimes de guerre, si innombrables à l’Est… Peckinpah cache également l’aspect racial de la guerre à l’Est et aucun des héros du film ne prononce la moindre parole désobligeante à l’endroit des supposés « sous-hommes ». Si les soldats de Steiner succombent aux charmes des femmes-soldats soviétiques, tout se passe d’abord avec une forme tacite de consentement, sans aucune scène de viol… avant que deux hommes ne soient assassinés, et ce sans que les jeunes femmes ne soient massacrées en représailles! La relation avec les Russes semble en effet complexe (comme l’illustre le cas de l’enfant-soldat capturé).
Mot de passe: démarcation
Tous ces soldats semblent antinazis, à tout le moins ne pas hésiter à critiquer le régime devant témoins: Brandt se moque de « la grande aventure » de « Barbarossa » et de la « Blitzkrieg« , Steiner et Stanski sont d’accord pour affirmer leur hostilité au parti nazi (« parti de merde » ose même dire le capitaine!), la défiance de Steiner envers Zoll que l’on présente comme appartenant à la Gestapo est trop explicite pour être réaliste… Que dire aussi de la remarque -cinglante- de Steiner à propos de son uniforme qu’il « dégueule » (sic!) ainsi « que tout ce qu’il peut représenter ». Rien de tel pour passer en cour martiale, ou plutôt au peloton d’exécution…
Un matériel d’époque et réaliste, des uniformes maculés de boue…
Le réalisme est en revanche incontestable dans la reproduction des cantonnements (de nombreuses cènes nous dépeignent la vie quotidienne des soldats) et surtout dans les scènes de combat, avec les fameux ralentis « à la Peckinpah »: celle qui aboutit à l’affrontement dans l’usine est superbe.
Le réalisme est également indéniable dans les uniformes que l’on n’hésite pas à maculer de boue ou à déchirer (différentes décorations, casquettes modèle 43, couvre-casques camouflés…) et dans le matériel: canon antichar Pak 40, pièce de DCA Flakvierling 38, T-34/85… Point donc de blindés modernes maquillés en engins de la Seconde Guerre mondiale ou encore de ces inévitables halftracks américains transformés en engins allemands (mais des M8 américains ont hélas été transformés en blindés allemands)… On ne peut donc que regretter de petites erreurs de détail facile à éviter (pourquoi donc l’accessoiristes a-t-il fourni des boucles de ceinturon en cuivre ou laiton qui brillent comme les ors de la Kriegsmarine!).
Le vrai foyer est au front, avec les camarades.
Peckinpah nous entraîne dans le quotidien d’un groupe de soldats allemands et essaye de nous montrer comment de simples hommes vivent la guerre. Comme dans de nombreux témoignages, les combattants finissent par considérer que leur vraie famille ce sont les camarades du front : ainsi de Steiner qui préfère quitter l’infirmière qui s’est amourachée de lui pour rejoindre ses hommes; ainsi de ce même Steiner qui revoit en flash-back ses compagnons tombés au feu… Peckinpah n une question qui se pose avec acuité dans un monde d’hommes: celle de l’homosexualité, passible de mort dans l’Allemagne nazie.
Steiner: un héros recouvert de décorations?
Le film, plus ou moins antimilitariste, pose la question du sens du devoir, de l’importance à accorder aux décorations et aux grades… voire de l’absurdité de cette recherche de gloire ainsi que de la guerre en général. Qui est un héros? Qui mérite la reconnaissance de ses supérieurs? Peckinpah transpose aussi dans son oeuvre l’éternelle lutte des classes entre les hommes du rang et une certaine caste d’officiers qui n’éprouverait toujours que du dédain à leur égard, ce qui n’est pas sans rappeler les liens de classe que se reconnaissent les personnages campés par Pierre Fresnay et Erich von Stroheim, face à un Jean Gabin issu d’un autre monde, dans La Grande Illusion.
Au final, les nombreuses péripéties (dont celles, typiques, du groupe d’hommes isolés derrière les lignes ennemies) d’un scénario bien ficelé font de Croix de Fer un film d’action très réussi.
Croix de Fer: avant tout un film qui dépeint avec réalisme la vie des soldats allemands au front
Ce film réalisé par Sam Peckinpah en 1977 est un des meilleurs films consacrés à la Seconde Guerre mondiale. La trame de fond de l’histoire, qui narre les tribulations de soldats allemands en Russie, après la défaite de Stalingrad, est celle de l’antagonisme entre un sous-officier, vétéran médaillé de la Croix de Fer, le sergent Steiner (James Coburn), et un officier prussien, le capitaine Stransky (Maximilian Schell), qui a demandé sa mutation de Biarritz vers le front de l’Est, dans l’espoir d’obtenir la très convoitée Croix de Fer… Stansky est prêt à tout pour obtenir cette médaille.
Stransky et Steiner: deux rivaux sous le même uniforme
Loin d’être manichéen, l’oeuvre nous offre toute une palette de personnages plus complexes qu’il n’y paraît : sous-officier baroudeur, officier d’état-major (Colonel Brandt, admirablement joué par James Mason, capitaine Kiesel, lieutenant Triebig) ou de premières lignes (lieutenant Meyer), soldats aguerris (« Schnurrbart », Maag, Anselm, Kern…), jeune conscrit (Dietz) ou nazi (Zoll).
Le Colonel Brandt et le capitaine Kiesel : on est loin de l’élégance et de l’aspect martial rattachés aux officiers de la Wehrmacht…
Le choix d’une histoire centrée sur des soldats de la Wehrmacht empêche un patriotisme trop marqué qui apparaît dans nombre d’oeuvres hollywoodiennes. Il empêche également une trop grande identification avec les héros, d’autant que la plupart des spectateurs ignorent où se situe la péninsule de Taman, ce qui est un choix judicieux de Peckinpah, alors que l’image d’Epinal d’une Russie enneigée ou de Stalingrad aurait été moins déroutante: comme un simple biffin, on ne sait pas où on est, si ce n’est à la guerre, peut importe laquelle…
« Je ne pense pas que vous méritiez la Croix de Fer »
Un certain antimilitarisme pointe également, le réalisateur semblant montrer des soldats allemands perdu en 1943 dans le Kouban (dans le Caucase), désabusés par la guerre, victimes eux-aussi du régime hitlérien, qui les a embrigadé depuis leur plus jeune âge. Le générique est à cet égard très évocateur avec une mise en parallèle de la Hitlerjugend et du front russe, ainsi que des plans montrant Hitler alternant avec ses soldats au front, voire leurs cadavres…
Des scènes de combat remarquables
L’horreur de la guerre est dépeinte à de nombreuses reprises, car les détails sanglants ne manquent pas (loin toutefois de l’outrance qui est désormais habituelle). Le passage le plus ouvertement antimilitariste est incontestablement celui de l’hôpital militaire, le réalisateur n’étant pas sans cynisme à l’égard des généraux en montrant la misère et les mutilations des blessés.
Certes, Stansky ordonne que soit abattu le jeune garçon russe capturé, mais on ne voit pas de crimes de guerre, si innombrables à l’Est… Peckinpah cache également l’aspect racial de la guerre à l’Est et aucun des héros du film ne prononce la moindre parole désobligeante à l’endroit des supposés « sous-hommes ». Si les soldats de Steiner succombent aux charmes des femmes-soldats soviétiques, tout se passe d’abord avec une forme tacite de consentement, sans aucune scène de viol… avant que deux hommes ne soient assassinés, et ce sans que les jeunes femmes ne soient massacrées en représailles! La relation avec les Russes semble en effet complexe (comme l’illustre le cas de l’enfant-soldat capturé).
Mot de passe: démarcation
Tous ces soldats semblent antinazis, à tout le moins ne pas hésiter à critiquer le régime devant témoins: Brandt se moque de « la grande aventure » de « Barbarossa » et de la « Blitzkrieg« , Steiner et Stanski sont d’accord pour affirmer leur hostilité au parti nazi (« parti de merde » ose même dire le capitaine!), la défiance de Steiner envers Zoll que l’on présente comme appartenant à la Gestapo est trop explicite pour être réaliste… Que dire aussi de la remarque -cinglante- de Steiner à propos de son uniforme qu’il « dégueule » (sic!) ainsi « que tout ce qu’il peut représenter ». Rien de tel pour passer en cour martiale, ou plutôt au peloton d’exécution…
Un matériel d’époque et réaliste, des uniformes maculés de boue…
Le réalisme est en revanche incontestable dans la reproduction des cantonnements (de nombreuses cènes nous dépeignent la vie quotidienne des soldats) et surtout dans les scènes de combat, avec les fameux ralentis « à la Peckinpah »: celle qui aboutit à l’affrontement dans l’usine est superbe.
Le réalisme est également indéniable dans les uniformes que l’on n’hésite pas à maculer de boue ou à déchirer (différentes décorations, casquettes modèle 43, couvre-casques camouflés…) et dans le matériel: canon antichar Pak 40, pièce de DCA Flakvierling 38, T-34/85… Point donc de blindés modernes maquillés en engins de la Seconde Guerre mondiale ou encore de ces inévitables halftracks américains transformés en engins allemands (mais des M8 américains ont hélas été transformés en blindés allemands)… On ne peut donc que regretter de petites erreurs de détail facile à éviter (pourquoi donc l’accessoiristes a-t-il fourni des boucles de ceinturon en cuivre ou laiton qui brillent comme les ors de la Kriegsmarine!).
Le vrai foyer est au front, avec les camarades.
Peckinpah nous entraîne dans le quotidien d’un groupe de soldats allemands et essaye de nous montrer comment de simples hommes vivent la guerre. Comme dans de nombreux témoignages, les combattants finissent par considérer que leur vraie famille ce sont les camarades du front : ainsi de Steiner qui préfère quitter l’infirmière qui s’est amourachée de lui pour rejoindre ses hommes; ainsi de ce même Steiner qui revoit en flash-back ses compagnons tombés au feu… Peckinpah n une question qui se pose avec acuité dans un monde d’hommes: celle de l’homosexualité, passible de mort dans l’Allemagne nazie.
Steiner: un héros recouvert de décorations?
Le film, plus ou moins antimilitariste, pose la question du sens du devoir, de l’importance à accorder aux décorations et aux grades… voire de l’absurdité de cette recherche de gloire ainsi que de la guerre en général. Qui est un héros? Qui mérite la reconnaissance de ses supérieurs? Peckinpah transpose aussi dans son oeuvre l’éternelle lutte des classes entre les hommes du rang et une certaine caste d’officiers qui n’éprouverait toujours que du dédain à leur égard, ce qui n’est pas sans rappeler les liens de classe que se reconnaissent les personnages campés par Pierre Fresnay et Erich von Stroheim, face à un Jean Gabin issu d’un autre monde, dans La Grande Illusion.
Au final, les nombreuses péripéties (dont celles, typiques, du groupe d’hommes isolés derrière les lignes ennemies) d’un scénario bien ficelé font de Croix de Fer un film d’action très réussi.
Croix de Fer: avant tout un film qui dépeint avec réalisme la vie des soldats allemands au front
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