Seconde Guerre Mondiale WWII

Qui a remporté la bataille ? Les Britanniques ou les Américains ? 

Un travail d'équipe...

Qui a su le mieux répondre aux conditions de combat de la campagne ? 

L’adaptation aux conditions de combat inédites de la bataille de Normandie caractérise les armées alliées engagées dans Overlord. En effet, il semble que les planificateurs ont sous-estimé grandement les particularités du bocage normand. Certes, l’amélioration des tactiques s’opère par tâtonnements, notamment dans le bocage. Les efforts les plus remarquables sont réalisés dans le cadre de la préparation et du déroulement du débarquement proprement dit. Outre une pléthore de nouveaux matériels, souvent dues aux Britanniques (songeons aux fameux chars spéciaux, les Funnies). On peut penser aux Regiment Combat Teams (RCT) du DDay. L’arrivée des renforts et la nécessité d’assurer un débarquement sans encombre des unités de soutien et d’assurer la logistique poussent à la mise en place de Beach Groups. Il importe aussi d’éviter le chaos sur les plages et d’organiser l’afflux d’hommes et de matériel. Les opérations amphibies qui ont précédé Overlord ont mis en lumière l’impérieuse nécessité de disposer d’une organisation permettant un bon déroulement des débarquements : les Naval Beach Battalion américains ont permis d’accomplir cette mission. 

La mobilité de l’armée est centrale dans la doctrine de l’US Army. Or, la capacité d’opérer des opérations mobiles risque d’être réduite à néant si les Allemands parviennent à imposer une bataille d’attrition sur un terrain défensif, ce qui est effectivement le cas en Normandie. En fait, de nombreux généraux américains sont eux-mêmes plus à l’aise dans les tactiques d’infanterie et, donc, de bataille plus statique, en se reposant notamment sur la puissance du soutien de l’artillerie. Au cours de la campagne, l’armée américaine a fait montre d’indéniables qualités dans l’organisation, la doctrine de combat et la conduite des opérations, à savoir le commandement sur le terrain et l’adaptabilité. Elle a su répondre efficacement aux pénuries partielles de munitions (il a pourtant fallu tirer davantage de coups pour compenser les difficultés de repérage dans le bocage ; on n’a pas hésité à réutiliser 300 000 obus de mortiers de 8cm allemands…), elle a amélioré sensiblement la coopération avec l’aviation. Sachant tirer bénéfice de l’expérience du terrain, elle a imaginé différentes procédures pour s’affranchir des contraintes du bocage. Les bazookas et les autres armes collectives sont distribuées en priorité aux troupes d’assaut. Les Américains savent s’adapter et innover. La coopération interarmes est nettement plus efficace que dans l’armée britannique. Certes, l’apprentissage est rude. Les GIs ont souffert de difficultés de coopération, notamment au sein des 29th, 90th et 83rd ID. Le bocage est un obstacle de taille pour les blindés, obligeant ceux-ci à suivre les routes ou à exposer le bas de leur caisse peu blindé en franchissant une haie. Le sergent Culin, du 102nd Cavalry Reconnaissance, met au point un dispositif coupe-haies permettant de défoncer les haies à la base, affranchissant les chars des contraintes du bocage. Il s’agit de la plus célèbre adaptation, mais non la seule : doit est repensé sur le plan tactique, chaque division cherchant ses propres solutions. Les Américains ont également su repenser l’usage du Tank Destroyer, dont le concept est de détruire les Panzer : mais l’engin n’a pas à affronter un déferlement de Panzer comme en 1940 et, de surcroît, il est beaucoup trop peu blindé pour être efficace en rase campagne. Concernant les forces aériennes, la IX TAC s’est montrée plus efficace pour perturber le ravitaillement des forces ennemies dans le Cotentin que la RAF ne l’a été dans le secteur de Caen. Lorsque l’aviation frappe en force, l’armée américaine passe aussitôt à l’assaut, comme lors de Cobra, sans tergiverser comme les forces de Dempsey au cours de Charnwood, l’assaut sur Caen. 

D’une certaine mesure, l’étendue de la victoire remportée en Normandie a atténué, pour ne pas dire masqué, les défaillances et les insuffisances de l’armée anglo-canadienne. La rigidité des schémas tactiques et la faiblesse de la coopération interarmes ont été la marque des procédures de Montgomery. Le constat est implacable : les Anglo-Canadiens n’ont pas été en mesure d’effectuer la moindre percée du front adverse, et ce même après la rupture américaine entre Perriers et Avranches. Le barrage roulant des offensives indique toujours aux Allemands où aura lieu l’assaut. Pis, la lenteur des mouvements et la pratique de l’assaut sur un front étroit laisse l’opportunité aux Allemands à la fois de concentrer leurs efforts et de frapper de flanc : une mésaventure qui survient notamment durant Epsom (à Cheux, où les Britanniques sont frappés par des tirs venant de Rauray) et durant Goodwood (les Pak, Panzerjäger et Panzer peuvent opérer des coupes sombres en attaquant de flanc). Si des compagnies américaines ont pu être isolés, voire tomber dans des embuscades, une telle occurrence est plus grande chez les Anglo-Canadiens, qui n’ont pas toujours eu l’excuse de la confusion et des difficultés d’orientation dans le bocage : pensons au sort tragique de Worthington Force au cours de l’opération Totalize (isolée et détruite avec 47 chars).  

Sur la cote 112, les tanks se heurtent à la disposition classique des Allemands en contre-pente. Pis, quand les Canadiens et les Britanniques se montrent plus audacieux et moins contraints par le règlement ou les procédures tactiques arrêtées, ils se fourvoient dans des combats pour lesquels ils ne sont pas entraînés et subissent de lourdes pertes. Le 21st Army Group n’a clairement pas les capacités opérationnelles pour exploiter les opportunités, si ce n’est face à un ennemi en pleine débâcle, comme ce sera le cas fin août-début septembre. Au contraire, les Américains sont plus aptes à exploiter en profondeur, comme le démontre la 1st Army au cours de Cobra et, plus encore, la 3rd Army au cours de la percée d’Avranches. Quelques innovations sont pourtant survenues Les 11th et Guards Arm Div créent les « Bocage Battle Groups », soit des groupements mixtes infanterie-tanks qui vont faire preuve d’une réelle efficacité en matière de coopération interarmes. L’historique de la 15th Scottish Division souligne également de son côté que les succès remportés au premier jour de Bluecoat sont dus à une étroite coopération avec les blindés de la 6th Guards Tank Brigade. Citons aussi l’invention des Kangaroos par le Canadien Simonds (des blindés transporteurs de troupes créés à partir de canons automoteurs).  

 Pourtant, la méthode de Montgomery, prenant soin du moral et de limiter les pertes, semble adaptée aux capacités de l’armée anglo-canadienne. Si cette armée souffre donc de nombreux défauts, particulièrement en termes de doctrine et d’adaptabilité, mais elle bénéficie d’atouts non négligeables : un matériel conséquent, des soldats tenaces et courageux, une artillerie, une armée de l’air et une marine puissantes. On est cependant en droit de penser que l’US Army, qui a su s’affranchir du bocage, plus encore que les Britanniques dans la Suisse normande et le Pays d’Auge, auraient été également plus efficace si la tâche d’affronter les Panzer dans les openfields de la plaine de Caen leur était revenue.  

En dépit des succès tactiques allemands et des sérieuses déconvenues que représentent le terrain, en particulier le bocage, les Alliésont réussi à vaincre l’armée la plus redoutée de l’époque. L’incroyable supériorité aérienne alliée, la logistique remarquable qui alimente les forces d’Eisenhower et l’impact non négligeable des puissantes pièces navales sur le champ de bataille ne constituent en fait qu’une partie de l’explication du succès allié. Le courage et l’ingéniosité –songeons au hedgecutter– sont aussi à considérer. L’armée américaine a fait montre d’indéniables qualités dans l’organisation, la doctrine de combat et la conduite des opérations, à savoir le commandement sur le terrain et l’adaptabilité. 

Qui a attiré l’élite de l’adversaire ? 

On imagine souvent que ce sont les Britanniques et les Canadiens qui ont été confrontés au gros des forces allemandes en Normandie. De surcroît, l’élite de l’armée allemande à l’Ouest aurait été déployée à Caen. Il s’agit du mythe le plus tenace et le plus infondé de la bataille de Normandie. La question de savoir qui, des Américains ou des Anglo-Canadiens, est confronté au corps de bataille le plus important de Rommel n’est pas qu’une question de densité de Panzer. Il faut tenir compte du terrain, mais aussi des autres armes. Enfin, les unités de Panzer ne sont pas les seules unités d’élite de l’armée allemande… 

Face aux GIs, le terrain est systématiquement le bocage, parfois très dense, parfois collinaire (centre du Cotentin, Mont Castre, entre autres). La 7. Armee fourmille d’armes antichars de toutes sortes, de la mine au Pak 43 en passant par le Panzerfaust, et le bocage est un terrain idéal pour les embuscades et, au contraire, ne facilite aucunement l’emploi des blindés. L’artillerie et les mortiers, plus létaux que les Panzer, sont en nombre face aux Américains. Dans le secteur du LXXXIV. Armee-Korps, à l’extrémité ouest du front de Normandie, donc face aux Américains, en dépit des pertes et de l’importance de Caen, les renforts envoyés permettent un accroissement du nombre de pièces d’artillerie : on compte 177 canons et obusiers le 27 juin, 206 le 10 juillet, 343 le 23 juillet, avant une baisse qui laisse tout de même 269 canons au sein de 86 batteries le 25 juillet. Au moment de Goodwood, le 18 juillet, on dénombre 76 batteries d’artillerie sur le front de Caen dans les secteurs des I. SS Panzerkorps et LXXXVI. Armee-Korps, soit 194 canons.  

La densité des troupes allemandes sur le front de Caen au 18 juillet (24 kilomètres de longueur) n’est pas sensiblement supérieure à ce qu’elle est dans le secteur de Saint-Lô au 25 juillet (37 kilomètres) : 2,5 bataillons d’infanterie au km dans les 2 cas, 14 pièces d’artillerie et 8,5 Pak au km à Caen contre 13 pièces d’artillerie et 7,5 Pak à Saint-Lô, 21 Panzer dans le secteur de Caen contre 15,5 à Saint-Lô. En fait, entre le 27 juin et le 25 juillet, en dépit de la guerre d’attrition des haies devant Saint-Lô et Lessay, le LXXXIV. AK double ses effectifs en bataillons d’infanterie et triple celui de ses blindés… 

Début juillet, les Panzer (et autres blindés) sont certes plus nombreux face aux Britanniques, ce qui n’aurait pas été le cas en début de campagne si Hitler avait laissé les coudées franches à Rommel qui entendait frapper en force dans la zone de Carentan/Sainte-Mère-Eglise (ce qui aurait aussi le cas si les unités de Panzer avaient été déployées selon ses souhaits avant le Jour J…) On a souvent avancé que les Allemands disposaient au 25 juillet de 645 blindés face aux Britanniques alors qu’ils n’en disposent que de 190 pour s’opposer aux Américains. En fait, sur le seul front de Saint-Lô où aura lieu l’opération Cobra (ce qui exclut donc la zone de Caumont où reste déployée une partie de la 2. Panzer-Division), on dénombre 218 Panzer, Sturmgeschütze et Panzerjäger opérationnels (la moitié à la Das Reich), sans compter donc les nombreux engins en ateliers.  

Quant aux troupes d’élite, elles ne manquent pas en secteur américain avant le 25 juillet, lorsqu’est déclenchée Cobra : toutes les unités de Fallschirmjäger, font face aux GIs, et ce depuis le 6 juin, outre la Götz von Berlichingen, la 2. Panzer-Division et la Das Reich, puis la Panzer-Lehr. Les divisions d’infanterie de renfort sont également plus nombreuses dans ce secteur, dont de bonnes unités comme la 353. ID. Outre des StuG, fin juin, juste avant l’arrivée du II. SS-Panzerkorps (Hohenstaufen et Frundsberg) et de la LAH, on dénombre deux divisions motorisées et blindées allemandes face aux Américains (une 3e, la Das Reich, arrive en ligne) contre trois face aux Anglo-Canadiens… Outre la première semaine de la campagne, il n’y aura guère qu’au cours de la première quinzaine de juillet que le nombre de Panzer est significativement plus importants face aux Anglo-Canadiens. Après Cobra, le front américain ne cesse de drainer davantage de formation d’élite, à commencer, dès le 27 juillet, par les 2. et 116. Pz (et ce en dépit de l’opération Spring lancée au sud de caen), puis les autres unités attendues pour la contre-offensive de Mortain (dont la 1. SS-Pz  et une partie du II. SS Panzerkorps; quant à la 9. Pz, elle sera dispersée et gaspillée face à Patton…). Si Bluecoat, fin juillet, limite les renforts qui peuvent être engagés plus à l’ouest, mais pas de manière suffisamment significative. Innfine, entre le 17 juillet et le 1er août, ce sont cinq divisions de Panzer (2. Pz, 21. Pz, 116. Pz, 9. SS-Pz, 10. SS-Pz) , ainsi que trois divisions d’infanterie (84., 326. et 363.) qui sont transférées du front faisant face aux Anglo-Canadiens au secteur face aux Américains. 

Armoured Division anglo-canadienne et Armored Division américaine 

La doctrine des blindés de l’US Army diffère de celle de l’armée anglo-canadienne : pour les Américains, le rôle principal d’un tank n’est pas d’affronter les Panzer, cette tâche étant avant tout du ressort des tanks destroyers. Autre différence majeure, les Britanniques entendent par concentration de forces un maximum de puissance sur un point du front, tandis que pour les Américains il s’agit d’un engagement simultané d’un maximum de troupes, donc un assaut sur un front plus large, ce qui n’empêche pas l’existence d’un « schwerpunkt ». Outre l’utilisation des chars, on discerne ici toute la différence entre « Epsom »/« Goodwood » et « Cobra ».  

Les divisions blindées, mobiles, sont chargées d’exploiter la percée une fois celle-ci acquise et ne constituent donc pas le fer de lance de l’armée, à l’instar des Armoured Divisions britanniques ou des Panzer-Divisionnen. La doctrine concernant la lutte antichar constitue un sérieux écueil, que l’expérience acquise en Méditerranée n’a pas permis de remettre en cause. Sur l’impulsion de McNair, les Américains développent le concept de Tank Destroyer. Les pièces antichars doivent détruire les Panzer. Selon les stratèges américains, en effet, outre un éparpillement des moyens blindés, c’est une insuffisance de moyens en canons antichars qui a mené au désastre des Alliés en 1940. Les unités de chars américaines, très mobiles, sont destinées à l’exploitation et au soutien de l’infanterie et doivent éviter la confrontation avec leurs homologues allemands. Pour vaincre la Wehrmacht, il faudra s’appuyer avant tout sur les divisions d’infanteries appuyées par des bataillons de soutien. Toutefois, de nombreux généraux américains sont plus à l’aise dans les tactiques d’infanterie que dans les manœuvres mobiles. 

Partenaires complémentaires 

Au final, il est bien hasardeux d’oser affirmer que l’une des deux armées a gagné la bataille de Normandie. Elles forment en fait un tandem d’une rare efficacité, l’un étant indispensable à l’autre, ne serait-ce qu’en terme d’effectifs. Les frappes alternées d’un point à l’autre du front empêchent les Allemands de concentrer leurs troupes, de disposer de réserves suffisantes pour contrer les grandes offensives finales de la campagne et, surtout, les empêchent de préparer une contre-offensive massive. Si les opérations menées de façon concomitante sur l’ensemble du front ont été indispensables à la victoire, l’action de l’US Army semble plus déterminante dans le sens où, mis à part les trois premières semaines de juillet (la période presque statique et sanglante de la guerre des haies), c’est elle qui a donné les impulsions les plus marquantes de la bataille (contrôle rapide de Carentan, poussée jusqu’à Caumont dès le 13 juin, coupure du Cotentin suivie de la prise de Cherbourg, opération Cobra, percée d’Avranches, encerclement de l’armée allemande) et c’est elle qui a réussi à saisir une partie des occasions qui se sont présentées à elle (couper le Cotentin et prendre Cherbourg dans la foulée, exploiter les premiers succès de Cobra, exploiter la prise d’Avranches).  Enfin, le succès d’Overlord repose en grande partie sur la réussite de l’opération d’intoxication Fortitude. Celle-ci suppose l’existence d’un puissant groupe d’armée, le 1st US Army Group, qui, pour être crédible, ne peut-être qu’américain en raison des imites des forces anglo-canadiennes, et qui e peut être commandé que par un général à la fois craint, compétent et crédible : l’Américain George S. Patton.