Livre Seconde Guerre Mondiale WWII

Recension « Ligne Maginot du Désert. La défense du limes républicain. La Ligne Mareth, sud-tunisien 1934-1943 »

Pour les passionnés de fortifications, les férus de l’armée française de 1940, ainsi que les passionnés de la guerre du désert.

Ligne Maginot du Désert. La défense du limes républicain. La Ligne Mareth, sud-tunisien 1934-1943, Jean-Jacques Moulins et Michel Truttmann, Editions Gérard Klopp, 2018, 219 pages

  

Un magnifique ouvrage cartonné et richement illustré (et ce d’autant plus que le désert du sud tunisien est magnifique), fruit d’un travail de recherche particulièrement conséquent, ainsi que d’une exploration in situ des sites décrits.  Les douze premières pages, agrémentées de superbes photographies, y compris du fameux limes romain d’Afrique du Nord, nous présentent la manière de procéder des auteurs, ainsi que leurs voyages en Tunisie. Jean-Jacques Moulins et Michel Truttmann ont réussi le tour de force à dénicher une documentation exceptionnelle, et souvent inédite, sur la trop méconnue Ligne Mareth. Leur arpentage systématique du terrain, complété par la documentation et les plans d’époque, se traduit par un tableau détaillé stupéfiant de la Ligne Mareth en 1939-40. Cette ligne a été édifiée dans la perspective d’un affrontement avec l’Italie fasciste de Benito Mussolini. Dans les faits, elle ne sert qu’en mars 1943, comme zone de défense des forces de l’Axe dans le sud tunisien, au cours d’une bataille qui implique à la fois le fameux Afrika-Korps et la  8th Army du non moins célèbre Bernard Montgomery (une bataille majeure de la campagne d’Afrique du Nord qui mériterait enfin son livre ou son article détaillé…). Un chapitre nous présente avec bonheur la genèse du projet de fortification, ainsi que les moyens qui seront alloués par le gouvernement français. Fins connaisseurs de leur sujet, les auteurs nous présentent tous les points d’appui, y compris les zones de défenses situés en dehors de la ligne proprement dite (Bizerte, Tataouine, Ben Gardane, la zone côtière…). Les auteurs vont au-delà des seuls bunkers de la ligne de front: le lecteur découvre aussi les postes de commandements, réoccupés en 1943 par les forces de l’Axe, ainsi que le dispositif détaillé des unités d’artillerie française en position dans le secteur de la mobilisation à juin 1940. Les clichés pris par les deux auteurs lors de leurs 12 campagnes de repérage et de travail sur le terrain sont remarquables: on y découvre tous les types de bunkers, sans oublier nombre de détails pittoresques tels que citernes à eau, instructions de tirs peintes sur un mur, graffitis (français, allemands et italiens), peintures, dessins… Des détails d’embrasures ou de restes significatifs d’éléments métalliques, ou encore des clichés de pièces d’artillerie diverses complètent les informations. Les études des différentes zones fortifiées sont systématiquement accompagnées de plans et cartes d’époque, de photographies, voire d’infographie 3D. On apprécie aussi le chapitre consacré à l’incroyable bordj Novamor, sorte de « villa » de la fameuse famille Triolet. Les quarante dernières pages sont essentiellement consacrées à la période s’étalant de la déclaration de guerre à l’Allemagne en septembre 1939 à l’armistice avec l’Italie en juin 1940. Les éléments que les auteurs nous fournissent sur les plans et l’évolution du dispositif français sont des plus originaux et, donc, intéressants. Les opérations de 1943, si elles ne sont pas ignorées, sont malheureusement rapidement abordées (ce n’est pas le propos de l’ouvrage), mais elles sont l’occasion de nombreux clichés très originaux. Au final, nous avons là un très bel ouvrage, que je conseille vivement. Il va ravir les passionnés de fortifications, les férus de l’armée française de 1940, ainsi que les passionnés de la guerre du désert. En relisant les événements de la campagne de Tunisie de 1943, il est désormais beaucoup plus aisé de visualiser certains faits en ayant des clichés en tête. Enfin, il s’agit surtout d’un travail sur un sujet très peu abordé: la Ligne Mareth. Il ne faut pas bouder notre plaisir, ne serait-ce que pour la qualité de l’iconographie.