J. Lopez et O. Wieviorka (direction), Les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2020
Les éditions Perrin publient des ouvrages consacrés à la Seconde Guerre mondiale à un rythme soutenu et on ne peut que s’en réjouir.
J’apprécie plus particulièrement les titres qui nous offrent une dimension de réflexion dans l’étude de ce conflit, en allant donc au-delà du simple récit.
Ecrire sur les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale présente un véritable défi, car il importe d’abord d’établir une sélection, avec forcément une part d’arbitraire même si des choix s’imposent d’évidence, mais aussi de ne pas sombrer dans des propos polémiques ou dont les arguments, mal étayés, sont d’une pertinence douteuse…
Le livre dirigé par Jean Lopez et Olivier Wievioral est une réussite, même si la qualité des contributions est inégale. L’intérêt des chapitres est qu’ils sont relativement courts et indépendants les uns des autres, permettant ainsi au lecteur de choisir d’ordonner le fil de sa lecture au gré des humeurs et de ses centres d’intérêt, quoique je recommande vivement de lire l’intégralité de cet ouvrage collectif.
J’ai évidemment commencé par ce qui a trait à la guerre en Méditerranée, la palme revenant à Daniel Feldmann qui nous présente, dans le meilleur texte de l’ensemble, un éclairage pertinent de la question de Malte, qui n’est pas sans surprendre. Si j’avais déjà noté le fait que la plupart des armes lourdes (dont les Panzer) étaient arrivées à bon port, il reste que certaines périodes se sont avérées critiques (comme de l’été à novembre 1941), au cours desquelles les convois ont été rares, outre les pertes en pétroliers. Mais, comme l’explique D. Feldmann, Malte ou non, les capacités portuaires et ferroviaires d’Italie du Sud et de Libye constituent des goulets d’étranglements autrement plus conséquents sur le plan stratégique…
Le texte de Christian Destremau mérite également qu’on s’y arrête, car le fait que Hitler n’ait accordé que peu d’importance à la Méditerranée avant de s’attaquer à l’URSS constitue une des grandes erreurs du III Reich. Le Führer ne néglige pas complètement la zone, mais pense que l’invasion de l’Union soviétique sera une cause rapidement entendue, lui donnant alors tout loisir de tourner ses attentions vers le Moyen-Orient. Il faut lire son livre sur Le Moyen-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale (Perrin), ainsi que les pages que je consacre à la stratégie dans mon Afrikakorps (Tallandier). L’invasion de la Grèce n’a aucunement retardé Barbarossa, comme le rappelle Hubert Heyriès, mais, en revanche, cette attaque mal préparée est une des grandes erreurs du Duce, qui aurait dû concentrer ses moyens pour l’Egypte…. Dans un intéressant chapitre, Julie Le Gac fait le tour de la question du bombardement de l’abbaye de Monte Cassino et de ses implications, notamment politiques (ce qui est originale). Mais on est loin d’une erreur majeure de la Seconde Guerre mondiale… L’erreur est plutôt ici d’avoir chercher à percer à travers la vallée du Liri. Par ailleurs, l’inutilité du bombardement du 15 février n’est pas assez soulignée par le fait que l’offensive qui s’ensuit n’implique dans l’immédiat que des effectifs mesurés (pour ne pas dire ridicules) , puisque l’assaut en règle n’est lancé que le 17 février, soit 36 heures plus tard…
Je classe à part la contribution d’Olivier Wieviorka, convaincant sur la Résistance, ou ici dans son chapitre sur l’armistice, mais pas toujours à l’aise avec la guerre en Méditerranée, à propos de laquelle il s’intéresse pourtant (La Guerre du désert). On ne peut pas sérieusement considérer “Torch” comme une erreur, pas plus (encore moins) que la guerre en Méditerranée dans son ensemble. Quel alternative à “Torch” pour Roosevelt, dans ce cas, s’il s’agit d’une erreur? Débarquer en France en 42 ou 43? Avec Fredendall et des blindés dépassés? Sans les expériences d’assauts amphibies et aéroportés appris en Méditerranée? Avec une Luftwaffe intacte et des U-Boote encore menaçant dans l’Atlantique? Avec une armée allemande qui, parfaitement au fait que l’US Army est en Angleterre, n’aurait certainement pas déclenché une offensive à l’Est de l’envergure de “Citadelle” (si le débarquement n’avait pas été tenté en 42…). J’ajoute que l’Italie n’est pas la seule puissance à avoir considéré le théâtre des opérations d’Afrique du Nord comme majeur: c’est vraiment faire peu de cas de la stratégie du Royaume-Uni et de Churchill, ainsi que de l’importance accordée outre-Manche à l’Egypte, au canal de Suez, ainsi qu’au pétrole du Moyen-Orient. Après les Home Forces, la 8th Army constitue la priorité absolue… Un chapitre peu convaincant donc, sur un sujet qui n’est pas –à mes yeux en tout cas- une erreur stratégique de la guerre.
Côté guerre en Asie et dans le Pacifique, plusieurs chapitres, tous rédigés par Benoist Bihan et sérieusement amenées et traitées. La réflexion sur la pertinence du choix de Midway et des moyens nippons est du plus haut intérêt. Ces entrées ont été les plus intéressantes.
Pour l’Ostfront, c’est évidemment Jean Lopez qui est aux commandes, avec les qualités habituelles qui sont les siennes lorsqu’il s’agir d’étudier ce front gigantesque, le plus important de la Seconde Guerre mondiale. Ses chapitres sur Barbarossa et Stalingrad ne surprennent pas par leur contenu, pour qui s’intéresse à ce front, mais sont pertinents et bien écrits. On aurait pu s’attendre à un “Moscou” pour l’Ostfront, ainsi qu’à un « Barbarossa » telle qu’elle a été menée (sans prévision d’une campagne d’hiver) mais peut-être pas à un “L’échec de l’insurrection de Varsovie”, très bon texte de Jacek Tebinka, mais certainement pas une des erreurs majeures de la guerre (elle l’est certes pour les Polonais).
On retrouve également sa plume dans la série de textes consacrés au front de l’Ouest. Rien à redire sur le texte de l’armistice de 1940 d’Olivier Wieviorka, sujet qui a sa place dans l’ouvrage. Si le BEF est anéanti à Dunkerque, cela ne signifie certes pas pour autant que le Royaume-Uni risque l’invasion car la RAF et la Royal Navy veillent au grain. En revanche, cela serait très grave pour sa qualité professionnelle et ses opérations futures. Je ne crois pas trop au scénario des Lysander. Quant aux choix des officiers à sauver, Dempsey ne me semble pas pertinent, en tout cas beaucoup moins qu’Alexander, qui n’est pas cité. Brooke, cela va de soi, mais la perte de Montgomery n’aurait pas été dramatique: ce n’est pas un grand général, ni un génie, sans qu’il soit un médiocre non plus (voir un de mes articles). Les articles de Vincent Bernard (sur la manoeuvre Breda) et celui de Nicolas Aubin (un texte sur Arnhem, qui embrasse bien à propos une perspective plus large) sont parmi les plus réussis de l’ensemble et sont très pertinents.
La palme de la surprise revient au texte que Pierre Grumberg à “Dieppe, le nadir des armées britanniques.” Si Mountbatten en prend pour son grade, le fait que la saisie d’une machine Enigma ait pesé d’un si grand rôle m’a surpris… Peut-être est-ce aller un peu vite en la matière et que la présence d’un QG de la Kriegsmarine ait pu plutôt constituer un choix supplémentaire au moment de déterminer la cible pour un raid répondant à d’autres impératifs. Les responsabilités de Montgomery dans l’affaire ne sont pas aisées à déterminer mais, en tout cas, il n’est pas encore en route pour l’Afrique en juillet 1942, contrairement à ce que le laisse croire le texte page 154: ce sera début août, par un hasard de circonstances… On ne suivra pas la conclusion: même s’ils ont renforcé l’ensemble du littoral, les Allemands ont de fait accordé la priorité à la fortification des ports. Sur le plan tactique, même si les enseignements des débarquements en Méditerranée est plus important, celui de Dieppe n’est pas anodin de ce point de vue, ne serait-ce que pour les déboires des tanks Churchill, mais aussi la nécessité de mettre au point les “Mulberries”, condition sine qua non pour obtenir une surprise stratégique.
Quant au bombardement stratégique, autre chapitre rédigé par Olivier Wieviorka, s’il n’a évidemment pas permis de gagner la guerre, qu’on imagine un peu les records de production qui auraient été ceux obtenus par Speer sans eux! Avec de belles réserves de carburant en prime, ainsi que 10 000 pièces de 88 mm et une profusion de munitions (et des hommes) pour taquiner le T-34 dans la steppe, le tout sous le parapluie d’une Luftwaffe demeurée intacte. L’auteur se fourvoie complètement quant il ose écrire que l’URSS a eu l’intelligence, contrairement aux Alliés occidentaux (antienne anti-américaine?), de ne pas succomber au chant des sirènes du bombardement stratégique… La VVS ne le pouvait pas! Et on observe là encore combien le “Second Front” existe bien avant le 6 juin 1944 (revoir mon article à ce propos). Quant au fait que c’est l’offensive en Mandchourie qui précipite la reddition du Japon, certes, mais c’est oublier qu’elle est à ce propos insuffisante à elle-seule: sans les victoires alliées dans la Pacifique et les bombardements américains, on imagine mal l’armée et le gouvernement nippons prêts à céder uniquement pour cette raison… Ceci étant posé, ce chapitre n’est pas inintéressant pour autant, mais il ne m’a vraiment pas convaincu.
Enfin, le texte qui traite de la capitulation inconditionnelle est très intéressant et la réflexion est bien menée… si ce n’est que l’auteur -Nicholas Stargardt- conclut par “il est difficile de considérer que l’exigence de reddition inconditionnelle ou de procès pour crime de guerre ait été une erreur”. Dans ce cas, pourquoi avoir inclus ce chapitre (certes très bien écrit) dans cet ouvrage?
Un très bon livre au final, qui se lit facilement et incite à la réflexion. In regrette peut-être une absence de hiérarchie ou de catégorisation: il est parmi ces erreurs certaines qui sont décisives, conséquentes, d’autres de moindre importance et certaines qui n’en sont certainement pas. On peut aussi déplore l’absence de certaines erreurs comme la stratégie adoptée pour Barbarossa/Moscou, la stratégie de défense allemande face à l’Invasion en 44, le fait que les Alliés n’aient pas donné priorité à la destruction du Heeresgruppe B et à l’isolement de l’Armeegruppe G en août-septembre 1944, voire l’effort de guerre conséquent en faveur de la construction de U-Boote… Mais il fallait certes faire des choix…
En dépit de ces réserves, une belle lecture, rapide et instructive que je recommande. Elle ravira les amateurs du genre.
J. Lopez et O. Wieviorka (direction), Les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale, Perrin, 2020
Les éditions Perrin publient des ouvrages consacrés à la Seconde Guerre mondiale à un rythme soutenu et on ne peut que s’en réjouir.
J’apprécie plus particulièrement les titres qui nous offrent une dimension de réflexion dans l’étude de ce conflit, en allant donc au-delà du simple récit.
Ecrire sur les grandes erreurs de la Seconde Guerre mondiale présente un véritable défi, car il importe d’abord d’établir une sélection, avec forcément une part d’arbitraire même si des choix s’imposent d’évidence, mais aussi de ne pas sombrer dans des propos polémiques ou dont les arguments, mal étayés, sont d’une pertinence douteuse…
Le livre dirigé par Jean Lopez et Olivier Wievioral est une réussite, même si la qualité des contributions est inégale. L’intérêt des chapitres est qu’ils sont relativement courts et indépendants les uns des autres, permettant ainsi au lecteur de choisir d’ordonner le fil de sa lecture au gré des humeurs et de ses centres d’intérêt, quoique je recommande vivement de lire l’intégralité de cet ouvrage collectif.
J’ai évidemment commencé par ce qui a trait à la guerre en Méditerranée, la palme revenant à Daniel Feldmann qui nous présente, dans le meilleur texte de l’ensemble, un éclairage pertinent de la question de Malte, qui n’est pas sans surprendre. Si j’avais déjà noté le fait que la plupart des armes lourdes (dont les Panzer) étaient arrivées à bon port, il reste que certaines périodes se sont avérées critiques (comme de l’été à novembre 1941), au cours desquelles les convois ont été rares, outre les pertes en pétroliers. Mais, comme l’explique D. Feldmann, Malte ou non, les capacités portuaires et ferroviaires d’Italie du Sud et de Libye constituent des goulets d’étranglements autrement plus conséquents sur le plan stratégique…
Le texte de Christian Destremau mérite également qu’on s’y arrête, car le fait que Hitler n’ait accordé que peu d’importance à la Méditerranée avant de s’attaquer à l’URSS constitue une des grandes erreurs du III Reich. Le Führer ne néglige pas complètement la zone, mais pense que l’invasion de l’Union soviétique sera une cause rapidement entendue, lui donnant alors tout loisir de tourner ses attentions vers le Moyen-Orient. Il faut lire son livre sur Le Moyen-Orient pendant la Seconde Guerre mondiale (Perrin), ainsi que les pages que je consacre à la stratégie dans mon Afrikakorps (Tallandier). L’invasion de la Grèce n’a aucunement retardé Barbarossa, comme le rappelle Hubert Heyriès, mais, en revanche, cette attaque mal préparée est une des grandes erreurs du Duce, qui aurait dû concentrer ses moyens pour l’Egypte…. Dans un intéressant chapitre, Julie Le Gac fait le tour de la question du bombardement de l’abbaye de Monte Cassino et de ses implications, notamment politiques (ce qui est originale). Mais on est loin d’une erreur majeure de la Seconde Guerre mondiale… L’erreur est plutôt ici d’avoir chercher à percer à travers la vallée du Liri. Par ailleurs, l’inutilité du bombardement du 15 février n’est pas assez soulignée par le fait que l’offensive qui s’ensuit n’implique dans l’immédiat que des effectifs mesurés (pour ne pas dire ridicules) , puisque l’assaut en règle n’est lancé que le 17 février, soit 36 heures plus tard…
Je classe à part la contribution d’Olivier Wieviorka, convaincant sur la Résistance, ou ici dans son chapitre sur l’armistice, mais pas toujours à l’aise avec la guerre en Méditerranée, à propos de laquelle il s’intéresse pourtant (La Guerre du désert). On ne peut pas sérieusement considérer “Torch” comme une erreur, pas plus (encore moins) que la guerre en Méditerranée dans son ensemble. Quel alternative à “Torch” pour Roosevelt, dans ce cas, s’il s’agit d’une erreur? Débarquer en France en 42 ou 43? Avec Fredendall et des blindés dépassés? Sans les expériences d’assauts amphibies et aéroportés appris en Méditerranée? Avec une Luftwaffe intacte et des U-Boote encore menaçant dans l’Atlantique? Avec une armée allemande qui, parfaitement au fait que l’US Army est en Angleterre, n’aurait certainement pas déclenché une offensive à l’Est de l’envergure de “Citadelle” (si le débarquement n’avait pas été tenté en 42…). J’ajoute que l’Italie n’est pas la seule puissance à avoir considéré le théâtre des opérations d’Afrique du Nord comme majeur: c’est vraiment faire peu de cas de la stratégie du Royaume-Uni et de Churchill, ainsi que de l’importance accordée outre-Manche à l’Egypte, au canal de Suez, ainsi qu’au pétrole du Moyen-Orient. Après les Home Forces, la 8th Army constitue la priorité absolue… Un chapitre peu convaincant donc, sur un sujet qui n’est pas –à mes yeux en tout cas- une erreur stratégique de la guerre.
Côté guerre en Asie et dans le Pacifique, plusieurs chapitres, tous rédigés par Benoist Bihan et sérieusement amenées et traitées. La réflexion sur la pertinence du choix de Midway et des moyens nippons est du plus haut intérêt. Ces entrées ont été les plus intéressantes.
Pour l’Ostfront, c’est évidemment Jean Lopez qui est aux commandes, avec les qualités habituelles qui sont les siennes lorsqu’il s’agir d’étudier ce front gigantesque, le plus important de la Seconde Guerre mondiale. Ses chapitres sur Barbarossa et Stalingrad ne surprennent pas par leur contenu, pour qui s’intéresse à ce front, mais sont pertinents et bien écrits. On aurait pu s’attendre à un “Moscou” pour l’Ostfront, ainsi qu’à un « Barbarossa » telle qu’elle a été menée (sans prévision d’une campagne d’hiver) mais peut-être pas à un “L’échec de l’insurrection de Varsovie”, très bon texte de Jacek Tebinka, mais certainement pas une des erreurs majeures de la guerre (elle l’est certes pour les Polonais).
On retrouve également sa plume dans la série de textes consacrés au front de l’Ouest. Rien à redire sur le texte de l’armistice de 1940 d’Olivier Wieviorka, sujet qui a sa place dans l’ouvrage. Si le BEF est anéanti à Dunkerque, cela ne signifie certes pas pour autant que le Royaume-Uni risque l’invasion car la RAF et la Royal Navy veillent au grain. En revanche, cela serait très grave pour sa qualité professionnelle et ses opérations futures. Je ne crois pas trop au scénario des Lysander. Quant aux choix des officiers à sauver, Dempsey ne me semble pas pertinent, en tout cas beaucoup moins qu’Alexander, qui n’est pas cité. Brooke, cela va de soi, mais la perte de Montgomery n’aurait pas été dramatique: ce n’est pas un grand général, ni un génie, sans qu’il soit un médiocre non plus (voir un de mes articles). Les articles de Vincent Bernard (sur la manoeuvre Breda) et celui de Nicolas Aubin (un texte sur Arnhem, qui embrasse bien à propos une perspective plus large) sont parmi les plus réussis de l’ensemble et sont très pertinents.
La palme de la surprise revient au texte que Pierre Grumberg à “Dieppe, le nadir des armées britanniques.” Si Mountbatten en prend pour son grade, le fait que la saisie d’une machine Enigma ait pesé d’un si grand rôle m’a surpris… Peut-être est-ce aller un peu vite en la matière et que la présence d’un QG de la Kriegsmarine ait pu plutôt constituer un choix supplémentaire au moment de déterminer la cible pour un raid répondant à d’autres impératifs. Les responsabilités de Montgomery dans l’affaire ne sont pas aisées à déterminer mais, en tout cas, il n’est pas encore en route pour l’Afrique en juillet 1942, contrairement à ce que le laisse croire le texte page 154: ce sera début août, par un hasard de circonstances… On ne suivra pas la conclusion: même s’ils ont renforcé l’ensemble du littoral, les Allemands ont de fait accordé la priorité à la fortification des ports. Sur le plan tactique, même si les enseignements des débarquements en Méditerranée est plus important, celui de Dieppe n’est pas anodin de ce point de vue, ne serait-ce que pour les déboires des tanks Churchill, mais aussi la nécessité de mettre au point les “Mulberries”, condition sine qua non pour obtenir une surprise stratégique.
Quant au bombardement stratégique, autre chapitre rédigé par Olivier Wieviorka, s’il n’a évidemment pas permis de gagner la guerre, qu’on imagine un peu les records de production qui auraient été ceux obtenus par Speer sans eux! Avec de belles réserves de carburant en prime, ainsi que 10 000 pièces de 88 mm et une profusion de munitions (et des hommes) pour taquiner le T-34 dans la steppe, le tout sous le parapluie d’une Luftwaffe demeurée intacte. L’auteur se fourvoie complètement quant il ose écrire que l’URSS a eu l’intelligence, contrairement aux Alliés occidentaux (antienne anti-américaine?), de ne pas succomber au chant des sirènes du bombardement stratégique… La VVS ne le pouvait pas! Et on observe là encore combien le “Second Front” existe bien avant le 6 juin 1944 (revoir mon article à ce propos). Quant au fait que c’est l’offensive en Mandchourie qui précipite la reddition du Japon, certes, mais c’est oublier qu’elle est à ce propos insuffisante à elle-seule: sans les victoires alliées dans la Pacifique et les bombardements américains, on imagine mal l’armée et le gouvernement nippons prêts à céder uniquement pour cette raison… Ceci étant posé, ce chapitre n’est pas inintéressant pour autant, mais il ne m’a vraiment pas convaincu.
Enfin, le texte qui traite de la capitulation inconditionnelle est très intéressant et la réflexion est bien menée… si ce n’est que l’auteur -Nicholas Stargardt- conclut par “il est difficile de considérer que l’exigence de reddition inconditionnelle ou de procès pour crime de guerre ait été une erreur”. Dans ce cas, pourquoi avoir inclus ce chapitre (certes très bien écrit) dans cet ouvrage?
Un très bon livre au final, qui se lit facilement et incite à la réflexion. In regrette peut-être une absence de hiérarchie ou de catégorisation: il est parmi ces erreurs certaines qui sont décisives, conséquentes, d’autres de moindre importance et certaines qui n’en sont certainement pas. On peut aussi déplore l’absence de certaines erreurs comme la stratégie adoptée pour Barbarossa/Moscou, la stratégie de défense allemande face à l’Invasion en 44, le fait que les Alliés n’aient pas donné priorité à la destruction du Heeresgruppe B et à l’isolement de l’Armeegruppe G en août-septembre 1944, voire l’effort de guerre conséquent en faveur de la construction de U-Boote… Mais il fallait certes faire des choix…
En dépit de ces réserves, une belle lecture, rapide et instructive que je recommande. Elle ravira les amateurs du genre.
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