Antiquité Livre

Recension de « Néron » de Catherine Salles, éditions Perrin

Le lecteur apprend beaucoup (ou à tout le moins se voit exposer de façon très claire) sur tous les aspects du règne, à l’aune des derniers travaux.

Catherine Salles, Néron, Perrin, 2019

Les éditions Perrin poursuivent sur leur lancée en publiant de remarquables biographies d’illustres romains. J’ai dévoré Germanicus de Y. Rivière en période estivale il y a deux ans. L’an passé c’était Commode d’E. Teyssier. Je vous recommande chaudement également Marc-Antoine de P. Renucci et Pompée d’E. Teyssier. Cette année j’étais à la plage avec Néron de Catherine Salles.

Cet ouvrage est incontestablement le meilleur texte que j’ai lu sur cet empereur, dont la mémoire est l’une des plus controversées qu’il soit. Matricide, assassin involontaire de son épouse adorée et probablement meurtrier de son frère par alliance Britannicus, Néron n’a suscité qu’opprobres et rejets, une légende noire qui n’a été qu’amplifiée par sa persécution des chrétiens de Rome (la première, et seulement circonscrite à Rome).

L’auteure ne sombre pas dans le travers d’oser remettre en cause ces faits accablants (le travers de bien des biographes désirant « faire du neuf » ou … se faire un nom…). Elle nous apporte au contraire un éclairage passionnant sur ces drames majeures du règne de Néron.

Elle a surtout le mérite, servie par une plume des plus agréables à lire (c’est un fait important à souligner, à mes yeux), de nous présenter un personnage dans toute sa complexité. On apprécie la galerie de portraits de l’entourage du jeune homme qui est dressée au fil des pages (Sénèque, Burrus,  et les autres). On se réjouit à (re)découvrir le parcours de personnages voués à tenir un rôle de premier plan en accédant à la pourpre impériale dans les années qui vont suivre la fin de Néron: Galba, Vespasien,Titus, Nerva… Les incontournables Messaline, Agrippine, Actè, Poppée et Octavie tiennent évidemment une place importante dans le travail de C. Salles (sauf, peut-être la dernière mentionnée, loin d’avoir la forte personnalité d’Agrippine).

Néron n’est pas que le « monstre » passé à la postérité, il fût aussi un empereur aimé de son peuple, et surtout un  grand admirateur de la culture grecque. Cultivé, il se considère avant tout comme un artiste. Ses connaissances techniques sont également surprenantes. Ces nombreuses lignes consacrées aux passions et à l’intimité du prince sont sans doute les plus passionnantes.

Catherine Salles nous emmène dans les arcanes du pouvoir à Rome, ses intrigues et  complots, mais n’omet pas de nous présenter le mode de vie des Romains et leurs moeurs, évitant tout anachronisme ou jugement de valeur malvenu. Elle a le mérite de nous plonger dans l’ambiance de la Rome du dernier des Julio-Claudiens.

L’auteure a eu la bonne idée de diviser son récit en chapitres correspondant aux étapes de la vie (courte) de Néron, n’oubliant pas sa jeunesse avant l’empire et ses origines (un passage édifiant), en nous rappelant en sous-titre en première page l’âge qu’il avait au cours des années traitées dans chaque chapitre. De brèves conclusions nous rappellent les éléments essentiels à retenir pour chaque période.

Le lecteur apprend beaucoup (ou à tout le moins se voit exposer de façon très claire) sur tous les aspects du règne, à l’aune des derniers travaux: des hypothèses quant aux différentes morts violents survenues dans la famille impériale à la persécution des chrétiens ou encore la reconstruction de Rome, ainsi que d’autres projets que l’empereur avait à coeur.

Un très beau livre, captivant, fort bien écrit, qu’on regrette de terminer… Un des meilleurs ouvrages qu’il m’ait été donné de livre sur Rome ces dernières années. Un texte à compléter par celui de P. Cosme, L’année des quatre empereurs, paru chez Fayard, qu’il faut absolument connaître également.