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Recension de « Crois ou Meurs! Histoire incorrecte de la Révolution française » de Claude Quétel, co-édition Tallandier-Perrin

Nous avons là enfin un récit clair et objectif de la Révolution.

Claude Quétel, Crois ou Meurs! Histoire incorrecte de la Révolution française, co-édition Tallandier-Perrin

Claude Quétel, outre qu’il est comme à l’accoutumée d’une plume agréable à lire (ce qui n’est pas aussi répandu), ne tombe jamais dans le piège du politiquement (ou plus précisément « historiquement » comme le dit le 4e de couverture) correct. Son récit de la Révolution a pour lui d’être impartial, c’est à dire qu’il suit rigoureusement la méthode historique, soit établir les faits, rendre la vérité du passé, fût-elle douloureuse ou à contre-courant d’une doxa inflexible (dont les défenseurs sont parfois dignes des pires Ayatollahs et autres gardiens de la « vérité », unique, un travers qui me frappe également pour le traitement de la Seconde Guerre mondiale en France), et ce sans parti-pris, ou plutôt si: refuser tout travestissement des événements et s’en tenir aux faits. La Révolution est un immense bain de sang. Qui oserait le nier? Et Claude Quétel nous montre bien que l’idée d’une « bonne » révolution, celle de 1789, suivie d’un « dérapage » avec la chute de la monarchie puis la Terreur n’est qu’une vue de l’esprit. Le sang coule, et à foison, dès les premiers événements, de la Bastille au Champ de Mars en passant par moult drames qui endeuillent ces années qui ont changé le cours de l’histoire de France.

Il faut attendre 88 pages pour arriver au début du récit de la prise de la Bastille, et les 87 pages qui ont précédé sont particulièrement intéressantes, éclairantes et bienvenues. Elles répondent à la question de la première partie de l’ouvrage: comment en est-on arrivé là?

L’auteur, spécialiste de la Bastille et des lettres de cachet sait nous captiver tout au long d’un récit vivant, clair et circonstancié, au cours duquel il nous présente toute une galerie de personnages fameux, ainsi que d’autres qui le sont moins. On apprécie les bons mots, les déclarations et les phrases « historiques » passées à la postérité, certains propos ne manquant pas d’humour (de même que les remarques et commentaires savoureux de Claude Quétel).

Profondément républicain, je ne peux me départir d’une certaine empathie pour Louis XVI. On frémit devant tant de cruauté, de brutalité, de grands principes sitôt foulés au pied à peine proclamés… L’ambivalence de bien des personnages apparaît sans ambiguité. J’ai beaucoup appris et on découvre au fil des pages que les événements et les personnages sont beaucoup plus complexes que trop souvent présentés.

On apprécie aussi les fréquentes évocations des événements survenant dans les provinces, ainsi que les campagnes militaires: la Révolution ce n’est pas que Paris et les différentes assemblées qui s’y succèdent… Les erreurs des uns et des autres, les moments cruciaux où tout était possible pour un camp comme pour l’autre, tout ceci est clairement présenté: on comprend que rien n’était écrit, si ce n’est que la monarchie absolue n’était plus viable et vivait à l’évidence ses derniers feux, révolution ou pas… Quant à la gestion des affaires par la Convention, entre Terreur et crise économique et financière, massacres en Vendée et autres dérives, on reste parfois coi devant tant de cruauté, d’ineptie voire de bon sens (pour les assignats!).

Il faut aussi bannir le mythe d’une téléologie de l’Histoire (si chère aux Marxistes qui se fourvoient dans tant d’interprétations!) : la Révolution, à tout le moins la façon dont elle s’est déroulée, n’était en rien inéluctable. Le récit s’achève tout naturellement par le coup d’état du 18 Brumaire, à l’issu d’un récit bien mené sur l’ascension de Bonaparte.

Claude Quétel termine son ouvrage par une annexe fort intéressante : l’historiographie de la Révolution française. Et de conclure, après avoir rappelé avec pertinence que l’histoire de notre pays ne commence pas en 1789, sur le peu de cas dont il est fait de l’Ancien Régime notamment au cinéma. Les rois aussi ont fait la France… Et c’est un républicain qui vous le dit…

Bref, un beau moment de lecture, instructif et bienvenu. Nous avons là enfin un récit clair et objectif de la Révolution. Pour un passionné d’histoire et un enseignant comme moi, il s’agit-là d’une heureuse lecture qui m’a beaucoup apporté. Je recommande vivement ce livre.