Seconde Guerre Mondiale WWII

LA BATAILLE DE NORMANDIE : WITTMANN AU SOMMET DE LA LEGENDE 

Un mythe écorné

WITTMANN EN NORMANDIE: LES FAITS

C’est en Normandie que Wittmann entre dans l’Histoire, ses exploits magnifiés par la propagande avide de héros alors que le Reich est aux abois. Pourtant, si le chef de char Tiger se montre au sommet de son art, l’homme, comme beaucoup d’Ostkämpfer, est moins à l’aise dans le terrain cloisonné du bocage normand, face à un nouvel adversaire qui domine le ciel, que dans la steppe russe. Il commet alors une erreur majeure le jour même du plus grand exploit de sa carrière… 

L’exploit : Villers-Bocage et la légende de Wittmann et de son Tiger 

Le fait d’armes attribué à Michael Wittmann à Villers-Bocage appartient à la légende de la bataille de Normandie depuis que l’exploit a fait les choux gras de la propagande de Goebbels. Des années plus tard, Paul Carell ne manque pas de grossir le trait : « ce combat de Villers-Bocage, le 13 juin, est à coup sûr un des plus extraordinaires épisodes de toute la bataille de Normandie : une douzaine de Tiger engagés contre toute une brigade anglaise, contre l’élite des « rats du désert » de Montgomery ». Que s’est-il réellement passé ? 

Le 13 juin, alors que la Panzer Lehrqui défend le secteur de Lingèvres et de Tilly, est fixée par les 49th et 50th divisions britanniques, la 1st British Army de Dempsey lance l’opération « Perch », qui constitue la première tentative d’enveloppement en vue de prendre Caen. La percée américaine jusqu’à Caumont -prise le 13 juin par la 1st US ID- permet au chef du 30th British Corps, le général Bucknall, d’envisager une opération pour contourner la Panzer Lehr, fermement installée autour de Tilly-sur-Seulles. Les Allemands, qui vont passer très près du désastre, auraient pu éviter la surprise : dès le 11 juin en effet, le QG de la 7. Armee a bien compris que l’ennemi prévoit d’introduire la 7th British Armoured Division à la jonction des 352. ID et Panzer Lehr. La 7th Armoured Division, les fameux « rats du désert », mène l’audacieuse offensive et traverse Villers-Bocage. L’exploitation est alors possible vers Caen. Ce faisant, la Panzer Lehr, isolée, risquerait l’anéantissement.  

Mais c’est sans compter avec les Tiger du 101. SS schwere Panzer Abteilung du SS-Sturmbannführer von Westernhagen. Michael Wittmann, un as des Panzer, alors chef d’une compagnie de Tiger, est informé de l’avance britannique et saute immédiatement dans le Tiger n°212 (son 205 est avarié). Il est 9h05. Il est immédiatement suivi par deux autres blindés. A la faveur du bocage qui le dissimule à la vue de l’adversaire, Wittmann s’approche d’un ennemi, imprudemment arrêté sur la route et qui ne soupçonne rien du danger qui le menace. Le Tiger ouvre alors le feu sur l’escadron du QG, détruisant un Sherman « Firefly », isolant l’avant-garde de tanks Cromwell déployée plus en avant, sur la cote 113. Soutenu par un second engin qui se joint au massacre, remonte toute la colonne en faisant feu de toutes ses armes. Tiré à bout portant, un obus de 75 mm de char Cromwell aurait -aveu d’impuissance- ricoché sur l’épais blindage du Tiger de Wittmann. Pendant ce temps, un peu plus à l’est de cette même route, d’autres Tiger anéantissent les chars Cromwell britanniques qui tiennent la côte 213. L’infortunée colonne britannique n’est plus qu’un amas de carcasses calcinées… Les combats vont se poursuivre toute la journée, mais le plan de Montgomery est mis à l’échec. L’exploit est de taille car la Panzer Lehr courait un réel danger… Wittmann a œuvré avec brio : en tendant une embuscade, il a parfaitement mis à profit la puissance de son Tiger dans un espace cloisonné dans lequel l’ennemi ne voit pas l’adversaire à plus de 100 mètres. Wittmann a également remarquablement mis en pratique allemande de l’Aufrtagstaktik, qui suppose la prise d’initiative des subordonnés lorsqu’une opportunité se présente. 

Le péché d’hybris  

 Grisé par son succès, sans doute exalté à la vue du carnage qu’il vient de faire subir à l’adversaire, Wittmann Trop confiants, les Allemands poursuivent leur avantage dans Villers-Bocage. Wittmann fait alors montre d’un singulier manque de jugement tactique puisqu’il expose dangereusement ses Tiger en les engageant dans un combat urbain sans soutien d’infanterie, à l’encontre de toutes les bases de la tactique des combats de chars, une décision de nature à relativiser singulièrement sa réputation de grand commandant de Panzer… Après des premiers échanges de tirs, imprudent, Wittmann avance avec la tourelle tournée à 90°… Le Tiger 212 affronte un Firefly en embuscade, celui du Sergeant Lockwood. L’angle de tir défavorable de celui-ci ne lui permet pas de venir à bout du Tiger, pourtant très vulnérable à quelques centaines de mètres. Le propre Tiger de Wittmann tombe sous les coups bien ajustés d’un antichar britannique qui, sans le détruire, a réussi à touché l’engin et, visiblement, à l’avarier car un des tankistes anglais Lockwood  témoigne avoir vu s’échapper « quelques flammettes et un peu de fumée ». Le Tiger, probablement gêné par la poussière, manque sa cible. Soudain difficile à contrôler, le Tiger avarié est garé dans une route latérale sur ordre de Wittmann. Il commet l’erreur de ne pas saborder le Panzer, ainsi que le stipule le règlement, car il est persuadé que la bataille tourne en faveur des Allemands et qu’il lui sera facile de faire procéder à la récupération du Tiger. Wittmann devrait savoir que l’ennemi, en particulier les Britanniques, s’évertue à détruire toutes les épaves demeurées sur le champ de bataille pour justement empêcher de telles opérations de récupération… L’engin, abandonné, est incendié en fin d’après-midi journée par le Lieutenant Cotton, à l’aide de… couvertures enflammées jetées par les écoutilles ! Le célèbre officier SS a donc l’honneur controversé d’avoir été le premier chef de char à perdre son char Tiger (en fait celui de Bobby Woll, le Tiger N°212 du bataillon est donc un Panzer qui n’aura guère connu que 30 minutes de combat…)au combaten Normandie… 

Le piège qui s’est refermé sur les Allemands leur coûte cher: 5 Tiger sont incendiés dans la petite ville, 6 en tout, sans compter 2 Panzer IV détruits également au cours de combats de rues particulièrement acharnés, au cours desquels les antichars britanniques sont engagés avec une efficacité remarquable, à la faveur de combats à courtes portées et dans le cadre d’un affrontement mené avec intelligence. Les Alliés ont pour leur part perdu un peu plus de 30 tanks, la plupart sur la cote 113 (donc détruits par les autres Tiger que celui de Wittmann), mais ce sont pour eux des pertes faciles à combler, ce qui n’est certes pas le cas du 101. SS schwere Panzer Abteilung.  

Le succès remporté par les Allemands à Villers-Bocage est cependant important car la Panzer Lehr risquait fort de se retrouver isolée. Si les Britanniques avaient maintenu le tempo après la traversée de la petite ville, sans faire de pause, en déployant des flancs-gardes et en engageant rapidement davantage de moyens, ce qui aurait été chose aisé avec le bénéfice d’un commandement dynamique rompu à la guerre de mouvement, certes plus caractéristique de l’US Army que de la British Army. Que serait-il alors advenu de Wittmann et de ses Tiger s’ils avaient dû affronter les 200 chars de la 22th Armoured Brigade et non les quelques dizaines d’engins de l’avant-garde ?  

Quoiqu’il en soit, Wittmann est recommandé pour obtenir les Glaives à la Ritterkreuz par « Sepp » Dietrich, le commandant du I. SS-Panzerkorps. Le tankiste reçoit l’insigne « honneur » d’être décoré par le Führer en personne le 25 juin. Hitler a une annonce à faire au héros de la propagande : il est promu au rang de SS-Hauptsturmführer. Le dictateur lui propose de prendre la direction d’une école de formation des équipages de blindés, mais Wittmann refuse et préfère rejoindre son Abteilung en Normandie. 

Une fin sans gloire 

Les deux mois qui suivent son exploit de Villers-Bocage ne sont le cadre d’aucun nouveau coup d’éclat pour Wittmann. Les Tiger de son bataillon sont engagés en soutien des unités d’infanterie et de Panzer, participant avec une indéniable efficacité à enrayer les différentes offensives britanniques lancées dans la région de Caen. Lorsque les Américains réalisant la percée d’Avranches le 1er août, alors que les unités de Panzer sont rapidement engagées pour préparer la contre-offensive de Mortain ou pour contrer l’opération « Bluecoat » dans la Suisse normande, les seules unités de Panzer disponibles sur le front de Caen se limitent à la 12. SS-Panzer-Division « Hitlerjugend », très affaiblie, et au 101. SS schwere Panzer Abteilung.  

Le 8 août 1944, les Allemands lancent leurs ultimes réserves pour endiguer la progression des forces anglo-canadiennes engagées l’opération « Totalize », en direction de Falaise. Wittmann dirige une poignée de Tiger pour contrer la menace, ce qui semble passablement insuffisants, même pour des blindés puissants montés par des équipages rompus au combat. Le SS-Hauptsturmführer prend place dans le 007. Wittmann converse une dernière fois avec Kurt Meyer, qui a pris le commandement de la « Hitlerjugend », et Waldemüller, qui commande le SS-Panzergrenadier-Regiment 25, pour s’accorder sur la contre-attaque qu’il vont mener de concert. Le SS-Hauptsturmführer est déterminé à donner de sa personne : l’heure est grave il va aller au combat, dans l’espoir sinon de stopper l’élan des forces blindées ennemies, du moins de les retarder suffisamment longtemps pour que soit remis en place un solide Pak-Front apte à verrouiller de nouveau l’accès à Falaise. 

L’avance débute à 12h30 près de Cintheaux, le schwere SS-Panzer-Abteilung 101 en tête, suivis par les Panzer IV et les SPW de Meyer : quatre Tiger déployés à droite de la nationale 158 (qui relie Caen à Falaise) , et deux à gauche. Objectif : Garcelles-Secqueville, près de laquelle le bois de La Hogue offre un point d’appui d’importance. Qui sait, les Tiger vont peut-être rééditer l’exploit de Villers-Bocage, survenu il y a déjà deux mois, en prenant l’ennemi par surprise… L’attaque fait long feu et la suite appartient à la légende. Cinq Tiger sont détruits en quelques instants par les Sherman du 1st Northamptonshire Yeomanry, de la 33rd Armoured Brigade. L’historique du régiment, celui de la 2nd Canadian Armoured Brigade et les témoins allemands attestent de la destruction de ces monstres blindés. Un des Tiger connaît un fin apocalyptique : après avoir été touché, il explose dans un éclair de flammes, arrachant la tourelle qui est projetée à une dizaine de mètres, vraisemblablement des suites d’une explosion interne. Victime du Britannique Joe Ekins à bord, tireur d’un Sherman Firefly (bien qu’il semble plutôt qu’il ait détruit trois autres Tiger…) ou d’un Canadien, le Tiger est le 007, la monture de Wittmann (l’hypothèse qu’il ait été détruit par des roquettes de Typhoon doit être écartée)… Attendu, Wittmann et ses camarades sont tombés dans une embuscade d’un adversaire beaucoup plus affûté sur le plan tactique que l’escomptent les Allemands, qui ont pêché par hybris en lançant leur Panzer, aussi puissants soient-ils, dans une attaque mal préparée, mais dont la hâte est liée au bombardement dont ils sont les témoins, et suicidaire. Il eût été plus que ce soient le schwere SS-Panzer-Abteilung 101 et la « Hitlerjugend » qui tendent un piège à leurs adversaires en se retranchant avec adresse sur un terrain connu en mettant à profit l’allonge de leurs 88 mm. Attaquer en terrain ouvert un adversaire puissant et dominant le ciel, et sans se soucier d’assurer ses flancs, ne traduit aucunement une finesse tactique… Pour la seconde fois, Wittmann commet un impair tactique de premier ordre, et celui-ci lui est fatal… Si près de 140 tanks sont attribués à son score (135 ou 138), 117 l’ont été à l’Est avant janvier 1944, ce qui limite sérieusement son « tableau de chasse » de 1944, à commencer par celui obtenu en Normandie, qui se limite avant tout au prétendu « coup d’éclat » du 13 juin. 

WITTMANN : LE HEROS DE LA PANZERWAFFE ENTRE DANS LA LEGENDE DE L’ARME BLINDEE 

Michael Wittmann n’est pas un soldat allemand comme les autres : devenu célèbre de son vivant, il accède au rang de légende, de mythe, étant presque vénéré par ses admirateurs. Un phénomène qui pose plusieurs questions, à commencer par la légitimité d’une telle adulation à l’endroit d’un soldat de Hitler qui appartenait à la Waffen SS.  

La légende 

Wittmann et ses quatre camarades d’équipage sont inhumés dans une tombe commune, faute d’être en mesure d’identifier les cadavres, les plaques d’identification des cinq hommes ayant elles mêmes fondues avec la chaleur dégagée par l’incendie de leur Tiger, les cinq hommes furent donc tout d’abord inhumés près de l’épave dans une tombe commune.Le fameux tankiste tombe t-il dans l’oubli ? Sa perte est certes durement ressentie, particulièrement dans son bataillon, mais la guerre se poursuit et Wittmann n’est qu’une des nombreuses victimes allemandes de la bataille de Normandie… Et pourtant, on n’a pas fini d’entendre parler du fameux chef de char, bien au contraire… 

Sa notoriété posthume est bien plus considérable que de son vivant… Pendant des décennies, pourtant, la fin de Wittmann est magnifiée à la suite du récit de Paul Carell et son fameux « Ils Arrivent ! », daté et souffrant d’un manque d’objectivité. La poignée de Waffen SS aurait repoussé plusieurs vagues de tanks ennemis, soit pas moins de 600 chars… D’autres hagiographes suivent : Kurowski, Agte,… Mieux, les historiens britanniques J. Barker et J. Lucas, suivis par l’Américain C. D’Este puis par le Français E. Lefèvre, enjolivent à l’envi la réalité, faisant leur les récits des vétérans qui prétendaient qu’il fallait sacrifier cinq blindés alliés pour venir à bout d’un Tiger ou d’un Panther. Cinq : c’est le nombre de Sherman qui auraient fait feu simultanément, depuis trois côtés, pour anéantir le Panzer… Comme si la technologie germanique et la puissance du fleuron de la Panzerwaffe ne pouvaient succomber que sous le poids du nombre… Comme les marins de la Kriegsmarine incapable d’admettre la perte du cuirassé Bismarck sous les coups des navires de surface alliés, les Panzerschützen ne peuvent imaginer que la cuirasse d’un Tiger ne puisse être invulnérable… A cet égard, l’hagiographe par excellence est Patrick Agte. Phénomène étrange, on magnifie la mort de Wittmann, alors que l’exploit des tankistes alliés (britanniques comme canadiens) est indéniable : plusieurs Tiger sont détruits en l’espace de quelques minutes sans essuyer de pertes en contrepartie… 

Wittmann est un pur produit de la propagande nazie. Si on ne peut mettre en cause ses qualités de combattants, ses exploits ont été magnifiés par l’idéologie nazie et son expertise tactique est, on la vu, sujette à caution et à tempérer. La propagande a besoin de héros pour rassurer la population, inquiète après l’Invasion, ainsi que pour mettre en exergue l’exemple du guerrier aryen et national-socialiste par excellence : le Waffen SS. D’autres tankistes verrons leurs faits d’armes passés à la postérité : Barkmann (auquel on attribue injustement le « score » de toute une unité) et son Panther, Fey et son Tiger… On peut légitimement se demander si un soldat de la Heer aurait eu droit à tant d’égards. On est également en droit d’imaginer que sa bévue de Villers-Bocage aurait été moins facilement acceptée s’il n’avait été un Panzerschütze déjà renommé. Meilleur que Wittmann, mais passablement irrévérencieux et pas toujours décidé à suivre les ordres reçus, Kurt Knipsel, lui aussi Bordführer d’un Tiger, pourtant crédité de 168 victoires à sa mort le 29 avril 1945, n’a pas plus reçu la prestigieuse Ritterkreuz, pourtant accordée à Wittmann, qu’il n’a obtenu la postérité dans la mémoire du grand public. Knipsel n’était pas un SS, et il n’a combattu qu’à l’Est. 

Wittmann n’était pas seul dans son Tiger, un fait qu’on a tendance à oublier. Un Bordführer doit également ses succès à son équipage, à commencer par le canonnier, qui occupe un poste essentiel.  Wittmann a la chance de pouvoir compter sur Balthasar Woll sur le front de l’Est, Woll obtenant le commandement d’un Tiger avant la bataille de Normandie avant de devenir lui-même un « as ». Le jour de sa mort, Wittmann est accompagné de Karl Wagner, le tireur, Rudolf Hirschel, l’opérateur radio, Heinrich Reimers, le pilote (un poste essentiel et vital dans un Panzer)et Günther Weber, le chargeur. Wittmann était aussi le membre d’un bataillon, sans lequel ses exploits n’auraient jamais eu lieu… Un Tiger solitaire n’est rien dans une immense bataille, mais il reste un Tiger. Si Wittmann est crédité d’un score si impressionnant, il le doit également aux circonstances qui lui ont permis de commander l’un des plus formidables blindés de son temps, immunisés contre les frappes de ses adversaires. Peut-on l’imaginer survivre à son attaque contre la colonne de la 7th Armoured Division à bord d’un Panzer IV ? 

En 1983, la légende retrouve un second souffle avec la découverte des restes de Wittmann et de ses compagnons lors de la construction d’une route près de Cintheaux. Les dépouilles sont alors transférées au cimetière militaire allemand de La Cambe, où il est procédé à une seconde inhumation de Wittmann. L’historien Jean-Paul Pallud découvre lui-même des restes du Tiger à proximité… 

Une fascination douteuse 

Dès lors, la tombe du SS devient un lieu d’un pèlerinage d’un genre pour le moins douteux. On se presse au block 47, rangée 3, tombe 120, l’une des plus visitées du cimetière de La Cambe, devant laquelle le gazon n’a de cesse de disparaître sous les passages de cohortes de visiteurs… Pis, la pierre tombale est subtilisée, sans doute par un fanatique, sans doute admirateur d’unités de Waffen SS qui ne méritent aucunement ces attentions. Car l’homme fascine : on ne compte plus les livres qui lui sont consacrés ; pis, des dvd et des sites internet magnifient ses exploits, l’homme étant souvent dépeint comme « un soldat comme les autres », « qui n’a fait que son devoir », « non entaché par les crimes de guerre »… Les amateurs de modèles réduits au 1/35e, qui ont longtemps dû se contenter d’un Tiger du 1er modèle chez Tamiya, ont un jour eu la surprise de se voir proposer un modèle fin de guerre. Et qui croyez-vous que l’on puisse trouver sur cette boîte ? Le Tiger de Wittmann, bien sûr ! Wittmann également représenté sous la forme d’une poupée-mannequin au 1/16e… Dragon propose même sa boîte 1/35e « Wittmann’s Tiger Crew »… Son StuG de ses débuts est également disponible… On ne compte pas non plus les mugs, cartes postales et autres absurdités proposées à des fanatiques plus proches des néo-nazis que des amateurs d’histoire… Si je comprends qu’un militaire de carrière qui sert dans les tanks ressente le besoin de passer devant la tombe de ce tankiste de légende s’il visite La Cambe, on me permettra de réprouver l’acte de fleurir la tombe d’un Waffen SS, qui plus est le produit de la propagande de Goebbels… Wittmann n’est aucunement digne des éloges dont il fait l’objet, aussi bien en sa qualité de SS qu’en celle de tankiste, loin   d’avoir été le brillant tacticien qu’on imagine.  

Je laisse le mot de la fin, qui me semble pertinent, à un soldat britannique, un de ces hommes à qui nous devons au monde de nous avoir débarrassé du III. Reich. Ekins (décédé en 2012), persuadé d’avoir mis fin aux jours du Panzerschütze, est sans doute dans le vrai quand il affirme que Wittmann a servi Hitler et le régime nazi de son plein gré (qui plus est en qualité de soldat d’une formation hautement politisée) et qu’il méritait de ce fait le sort qui fût le sien.  

Sources : 

Jean-Paul Pallud, « La mort de Michael Wittmann », 39/45 Magazine No 3, Heimdal, 1984 

Eric Lefèvre, Les Panzers, Heimdal, 1981 

Frédéric Deprun et Yann Jouault, Villers-Bocage, Autopsie d’une bataille, Heimdal, 2016 

Henri Marie, Villers-Bocage, Heimdal, 2011 

Paul Carell, Ils Arrivent, Robert Laffont, 1961