Seconde Guerre Mondiale WWII

ETE 1944 : 5. PANZERARMEE DANS L’ENFER NORMAND

Une armée de Panzer pour rien...

A l’origine : le Panzergruppe West  

            L’imminence d’un débarquement de grande ampleur à l’Ouest pousse Hitler et l’OKW à mettre sur pied une force blindée conséquente en France pour repousser l’invasion et, espère t-on à Berlin, renverser le cours de la guerre. La (re)constitution de ces précieuses unités de  Panzer doit s’opérer dans le cadre de ce qui sera la base de la future 5. Panzerarmee, à savoir le nouveau Panzergruppe West, dirigé par le General der Panzetruppen Leo Geyr von Schweppenburg à partir de mars 1943. C’est sous l’égide de Schweppenburg, soutenu par Guderian, alors Generalinspekteur für die Panzerwaffe, que s’effectue l’entraînement et que s’affine la tactique des nouveaux Panzerschütze. Les impératifs de l’immense confrontation qui a alors lieu à l’Est oblige à quelques compromis avec les desiderata initiaux et ce n’est pas sans peine que se reconstitue une force blindée à l’Ouest. Néanmoins, la Westheer bénéficiant de toutes les priorités selon les souhaits du Führer, le Panzergruppe West peut aligner 10 grandes unités mobiles à la veille du débarquement, sans compter les autres formations de blindés déployées à l’Ouest (schwere Panzer-Abteilung de Tiger et Sturmgeschütze-Brigaden, ces dernières étant rattachées à l’artillerie).  

C’est face aux Alliés occidentaux que les allemands vont introduire leurs blindés de la dernière génération: l’impressionnant Tiger II ainsi que le Jagdpanther, probablement le meilleur chasseur de char de la guerre. On dénombre 514 Panther à l’Ouest fin avril 1944 alors qu’aucun de ces engins n’y était déployé quelques mois plus tôt La France reste par ailleurs la zone d’entraînement et de remise en condition de nombre d’unités blindées. L’imposant complexe de Mailly-le-Camp est ainsi le cadre d’entraînement et de formation des bataillons de Panther. La base est copieusement bombardée par la Royal Air Force dans la nuit du 3 au 4 mai 1944: les Allemands perdent une centaine de véhicules (dont 37 Panzer) et 300 hommes mais le raid coûte 42 appareils et 300 tués aux Britanniques. L’activité ne s’interrompt pas pour autant. En juin 1944, 10 bataillons de Panther (dont 7 de Panzer-Divisionen du front de l’Est) y sont à l’entraînement.  

L’ensemble est loin d’être homogène et pleinement opérationnel. Plusieurs divisions manquent cruellement de Panzer, de SPW et de camions. La situation s’améliore certes plus ou moins rapidement mais le constat est sans appel: l’OB-West ne pouvait de toute façon en aucune manière faire intervenir toutes les divisions de Panzer, faute d’être opérationnelles pour certaines d’entre-elles. 

            La 21. Panzer-Division, seule présente en Normandie et seule à combattre au cours du “jour le plus long” ne nous apparaît pas être la division si souvent décriée. Certes, elle n’aligne aucun Panther et les chars français de prise, Somua et Hotchkiss, ne sont pas à prendre en compte (même s’ils peuvent s’avérer dangereux pour des parachutistes faiblement armés). Elle aligne tout de même 114 Panzer (102 Panzer IV et 12 Panzer IIII-IV obsolètes) auxquels il faut ajouter 54 Sturmgeschütze sur châssis français ou Pak 40 automoteurs (au sein des Panzergrenadier-Regimenter pour ces derniers), soit 169 blindés, ce qui n’est pas rien. En outre, la division aligne 24 Pak 43 de 88 mm, ce qui représente une force d’arrêt appréciable. De nombreux autres engins “bricolés” à partir de châssis de blindés français désuets sont aussi dans les tables d’effectifs (SPW, pièces d’artillerie automotrice, Nebelwerfer motorisés). Loin d’être des engins de second ordre, dépassés et inutiles, ces blindés sont de qualité et peuvent s’avérer redoutables. Par ailleurs, la 21. Panzer se verra renforcée par 75 autres blindés durant le mois de juillet: 30 Panzer IV arrivés en renforts, surtout, le schwere Panzer-Abteilung 503 et ses 12 Tiger II et 34 Tiger I. Le 6 juin, les 200 blindés de la division, ses régiments de Panzergrenadiere et son artillerie peuvent être redoutables et sont prêts à se battre. 

            Les divisions de la Heer déployées dans le nord de la France et la 12. SS “Hitlerjugend” sont les seules à être prêtes. Rundstedt aurait ainsi pu compter sur la Panzer Lehr ainsi que sur les 2., 116. et 12. SS Panzer-Divisionen. Cette dernière est peut-être : elle compte 144 Panzer et Panzerjäger le 1er juin 1944 (41 reçus après cette date en Normandie). La 2. Panzer aligne 196 Panzer et Panzerjäger. La 116. Panzer en compte 191 au moment du Débarquement (elle arrivera en Normandie en juillet avec 209 blindés). La Panzer Lehr, réputée être la plus puissante de la Wehrmacht à l’ouest, compte 237 Panzer, Sturmgeschütze et Panzerjäger. Ces trois divisions sont donc à effectifs complets. Par ailleurs, les SPW sont présents en quantités appréciables: 476 pour la 2. Panzer-Division et 693 à la Panzer Lehr. La 116. Panzer, moins bien pourvue dans ce domaine, en aligne 252 le 1er juillet. 

            Les autres unités sont loin d’être pleinement opérationnelles. La 1. SS Panzer-Division, alors en Belgique, ne compte encore que 133 Panzer et Sturmgeschütze (ce qui, en soi, n’est certes pas négligeable) mais elle en reçoit 87 autres avant de monter au front: des trains arrivent à Rouen et Paris les 22 et 25 juin. Le 1er juillet, elle ne compte que 36 SPW opérationnels (224 sont en maintenance). La “Das Reich” est dans une situation similaire pour les blindés: 134 sont en disponibles le 1er juin (65 seront perçus après cette date). En revanche, 236 SPW sont en ordre de combat (14 en réparation). La 9. Panzer est loin d’être opérationnelles: elle aligne certes 92 Panzer IV, Sturmgeschütze et Marder III mais son bataillon de Panther est encore à Mailly-le-Camp (il engagera 79 Panther en Normandie au mois d’août) tandis que son Panzergrenadier-Regiment 11 ne revient de Russie qu’à la mi-juin. L’Aufklärungs-Abteilung 9 compte cependant un engin très rare: le Luchs (présent en 26 exemplaires). La 11. Panzer-Division, dont le concours sera des plus précieux lors de la remontée de la vallée du Rhône après le débarquement en Provence, elle n’est pas non plus opérationnelle le 6 juin 1944. 

            Lorsque le II. SS Panzerkorps revient de Galicie, sur le front de l’Est, ses deux divisions sont loin d’être à effectifs complets. La “Hohenstaufen” compte 88 Panzer IV et Sturmgeschütze (79 Panther suivront) et la “Frunsberg” en aligne 77. Le bataillon de Panther de la “Hohenstaufen” est également en formation à Mailly-le-Camp où son entraînement doit se poursuivre: les Panther sont reçus au compte-goutte et il faut encore s’entraîner aux manoeuvres à l’échelle de la compagnie et du bataillon, bien que la configuration du champ de bataille de Normandie et les conditions de l’affrontement ne permettront jamais de déployer un bataillon manoeuvrant dans son ensemble d’un seul tenant.  Quant à la “Frunsberg”, elle combat en Normandie sans son bataillon de Panther.  

Un débat tendu sur la meilleure stratégie à adopter pour l’emploi des réserves de Panzer divise le haut-commandement à l’Ouest. Rundtsedt, qui est d’avis qu’il est illusoire d’imaginer empêcher l’ennemi d’établir une tête de pont, envisage, sans n de concentrer des réserves vers la zone d’invasion après le débarquement en vue de lancer une attaque massive et décisive. Cette phase de concentration et de déploiement d’une demi-douzaine de divisions de Panzer et d’autant de divisions d’infanterie devrait durer de 12 à 14 jours. Les conceptions de Geyr von Schweppenburg, qui n’a que dédain pour Rommel et qui considère Rundstedt comme totalement ignorant sur l’art de l’emploi des forces blindées, sont différentes puisque pour lui la bataille décisive sera menée en profondeur à l’intérieur des terres -et non contre la tête de pont- par l’intervention en masse des réserves de Pnzer et d’infanterie motorisée disposées sur les deux rives de la Seine. Comme en Russie, c’est avec la mobilité et la flexibilité, dans lesquelles la Wehrmacht excelle, que la bataille sera remportée. Le potentiel de la Luftwaffe devra être maintenu intact dans la perspective de cette bataille décisive. Fort de son expérience acquise dans sa lutte face aux Anglo-Américains en Afrique, Rommel estime vain l’espoir que les Panzer pourront manoeuvrer. La seule chance de victoire réside donc dans une bataille défensive sous la protection de fortifications prenant compte de l’avantage du terrain. Cette bataille doit être menée au moment où l’ennemi est le plus vulnérable et alors que toute sa puissance matérielle n’est pas encore engagée: lorsqu’il débarque sur la plage. 

PANZERGRUPPE WEST 

Commandant: General der Panzer Geyr von Schweppenburg 

Chef d’état-major: Generalmajor Ritter und Edler von Dawans 

Chef du bureau opérations (Ia): Major Burgsthaler 

Chef des renseignements (Ic): Oberstleutnant von Zastrow 

La difficile mobilisation du Panzergruppe West 

            Le débarquement surprend les Allemands qui peinent à engager leurs formations de Panzer. Aucune des options envisagées avant la campagne n’est mise en œuvre, que ce soit celle de Rommel, celle de Rundstedt ou encore celle de Geyr von Schweppenburg. Par ailleurs, En restant persuadée que l’offensive principale des Alliés aura lieu dans le Nord de la France, l’armée allemande à l’Ouest commet une erreur stratégique majeure en cet été 1944. Cet aveuglement sera une des causes majeures de la défaite à l’Ouest. Rommel, qui peine pourtant à faire face à ce qui n’est considéré que comme un débarquement secondaire, reste persuadé que la Normandie ne représente que la première phase du plan d’Invasion. Les Panzerdivisionen n’arriveront ainsi au front que de manière fractionnée. De plus, certaines unités puissantes pourtant présentes en France ne sont pas engagées en France mais renvoyées auprès de leur unité-mère sur le front de l’Est. C’est le cas de deux bataillons forts chacun de leur dotation complète de 79 Panther: le I./Panzer-Regiment “Groβdeutschland” (alors “prêté” à la 116. Panzer-Division) et le I./Panzer-Regiment 27. 

            Même sans la moindre intervention de l’aviation alliée (destruction de ponts et de dépôts d’essence, obligation de ralentir les mouvements), une arrivée massive des renforts vers la Normandie semble d’emblée assez difficile (ne serait-ce aussi à cause du manque endémique de carburant). Ces difficultés de trafic influent sur la cohésion des unités à leur arrivée en Normandfie. Le 13 juin, les éléments de la 2. Panzer arrivés en véhicules à roues sont au sud de Caumont l’Eventé. Mais les engins chenillés ont été déchargés des trains à Paris et en sont encore dans leur marche d’approche. Des éléments sont allés par voie ferrée jusqu’au Mans. Le 19 juin, les mouvements sont enfin achevés: la division est au complet en Normandie. 

Les contre-attaques des puissantes unités de Panzer sur lesquelles tenait tant le haut-commandement allemand pour emporter la décision n’ont été au final qu’une succession de coup d’épingle sans grande portée. A aucun moment il n’a été possible de lancer une vigoureuse contre-attaque, si ce n’est à Mortain, deux mois après le Jour J. La mobilisation des unités blindées, trop éloignées de la zone du débarquement, a été trop lente. On constate systématiquement un manque de puissance, un manque de coordination, un manque de soutien d’artillerie, une absence de couverture aérienne et, surtout, la puissance des Anglo-Américains sur la défensive. Les Alliés sauront aussi mettre à profit l’habitude des Allemands de monter des contre-attaques dès qu’une portion des lignes est perdue. Si cette tactique fait sens –l’ennemi n’est pas encore retranché sur ses nouvelles positions par ailleurs enregistrées pour des tirs de mortiers et d’artillerie- elle peut s’avérer dangereuse si l’adversaire, sachant qu’il va être contre-attaqué, se prépare à recevoir « chaudement » les Allemands. C’est ainsi que la plupart des pertes subies par les Allemands en Normandie l’auraient été au cours de contre-attaques. La concentration des forces est loin d’avoir été obtenue, ou en tout cas rapidement. Les renforts, arrivés au compte-goutte, ne font que combler les brèches. Un dernier facteur doit retenir notre attention. Si les responsables allemands accordent tant d’importance à leurs unités blindées pour remporter la bataille, ce n’est pas seulement lié à une excellence tactique supposée ou encore une décision résultant du constat des carences des autres armes (Luftwaffe, Kriegsmarine), mais aussi en raison des espoirs mis dans un matériel jugé très performant et à même de faire toute la différence sur le champ de bataille. Pour Hitler, la volonté du combattant et la qualité du matériel vont prévaloir sur le champ de bataille. Or ces Panzer « miracles » vont, dans une certaine mesure, s’avérer décevants. Les puissants Jagdpanther et Tiger II ne seront pas plus performants : si quelques affrontements témoignent de leur efficacité au combat, les pertes sont lourdes et certains engagements très coûteux pour des résultats insignifiants. Il est tout de même surprenant qu’il faille attendre le 13 juin, soit une semaine après le Jour J, pour qu’interviennent les premiers Tiger (à Villers-Bocage). Que dire du Panther, le « super » char allemand du conflit ? La 21. Panzer n’en compte aucun, ceux de la « Hitlerjugend » n’arrivent que le 8 pour se faire étriller le 9 et ceux de la Panzer Lehr, déjà partis vers l’Allemagne, doivent faire demi-tour et ne parviennent sur le front que le 18 juin. De la même façon, les Panther de la 2. Panzer, division qui se met en route le 10 juin, n’arrivent que le 19 du mois, 5 jours après les premiers éléments de la division. Les premiers jours décisifs reposent sur le bon vieux Panzer IV. La mobilisation peut en outre être très lente. Le 10 juin, l’OKW met à disposition de l’OB-West le I/Panzer-Regiment 24 (alors rattachée à la 116. Panzer-Division) mais ce dernier régiment restera dans le secteur de la Somme jusqu’à la fin du mois de juillet. Arrivées les premières, les Panzer-Divisionen ne font que colmater les brèches : l’impossibilité de les relever rapidement par des divisions d’infanterie rend caduque l’idée de monter une contre-attaque. 

Le Panzergruppe West face à la British 2nd Army 

Une concentration des moyens de la Westheer face aux Britanniques ? 

Estimation par les Alliés de la répartition des blindés allemands en Normandie 

15 juin: 520 Panzer face aux Britanniques et 70 face aux Américains 

30 juin: 725 Panzer face aux Britanniques et 140 face aux Américains 

10 juillet : 610 Panzer face aux Britanniques et 190 face aux Américains 

20 juillet : 560 Panzer face aux Britanniques et 190 face aux Américains 

25 juillet: 645 Panzer face aux Britanniques et 190 face aux Américains 

Les premiers jours cruciaux de l’Invasion, soit du 6 au 10 juin, les 3 divisions de Panzer en Normandie combattent autour de Caen. Le 13, si la 17. SS Panzer-Grenadier-Division est engagée vers Carentan, donc en secteur américain, la 4e division de Panzer à parvenir au front, la 2. Panzer, dépend elle-aussi du Paznergruppe West. Armée de Panzer qui porte bien son nom, le Panzergruppe West compte avant tout des divisions blindées : 7 sur 12 au 30 juin (et encore trois des ID sont en transit vers le front). De fait, du 6 juin au 11 juillet, 6 divisions de Panzer ou de Panzergrenadiere sur 9 combattent les Britanniques dans le cadre du Panzergruppe West : Panzer Lehr, 21. Panzer-Division, 1. SS Panzer-Division “Leibstandarte Adolf Hitler”, 9. SS Panzer-Division “Hohenstaufen”, 10.SS Panzer-Division “Frunsberg” et 12. SS Panzer-Division “Hitlerjugend”. Fin juin, il y eu même un moment où toutes les divisions de Panzer étaient concentrées dans le secteur de Caen, sous les ordres de la Pz AOK 5. 

Par ailleurs, les chars les plus puissants de l’arsenal allemand, Tiger des 101. SS, 102. SS et du 503. schwere Panzer-Abteilungen ainsi que les Jagdpanther du 654. schwere Panzerjäger-Abteilung sont déployées face aux Britanniques et n’affrontent pas les Américains avant la poche de Falaise. 

Les données concernant les blindés ne doivent pas masquer une réalité plus nuancée. La densité en armement lourd allemand est très proche sur le front de Caen (face aux Britanniques) et sur celui de Saint-Lô (face aux Américains). Pour près de 2 kilomètres de front, on dénombre ainsi 2,5 bataillons d’infanterie, 14 canons d’artillerie et 8,5 antichars à Caen contre 13 et 7,5 à Saint-Lô. En revanche, la densité de blindés est plus élevée devant Caen : 21 contre 15,5. Par ailleurs, le secteur de la Manche et de l’ouest du Calvados, celui de la 1st US Army, n’est pas dépourvue de troupes d’élite : jusqu’au 25 juillet, y sont concentrées toutes les formations de Fallschirmjäger engagées en Basse-Normandie (toutes rattachées à la 7. Armee), une puis deux divisions de Waffen SS (« Götz von Berlichingen » puis « Das Reich » qui rejoignent la 7. Armee), une puis deux divisions de Panzer (2. Panzer –qui affronte aussi les Britanniques et qui appartient au Panzergruppe West- puis Panzer Lehr qui passe du Panzergruppe West à la 7. Armee).  

Si les 9. et 116. Panzer-Divisionen qui interviennent plus tardivement sont contraintes d’affronter les Américains (la 116. Panzer devait initialement combattre à Caen et le bataillon de Panther de la 9. Panzer également) 

L’impossible contre-attaque 

Très vite, le Panzergruppe West prend en charge le secteur de Caen-Bayeux, face aux Britanniques, tandis que la 7. Armee prend le relais jusque sur les côtes du Cotentin. Les 7 et 8 juin, Sepp Dietrich, le chef du I. SS Panzerkorps qui regroupe les Panzer-Divisionen en ligne en Normandie, se montre hésitant car il juge ses moyens insuffisants. La contre-attaque prend donc des retards en raison de l’activité aérienne ennemie. Par ailleurs, les  Panzer de la “Hitlerjugend” et de la Panzer Lehr doivent être ravitaillés en carburant et recevoir la maintenance nécessaire après leur long trajet jusqu’au front tandis que la 21. Panzer est étalée sur un large front au nord de Caen où nombre de ses unités sont contraintes d’assurer la défense du secteur. Geyr von Schweppenburg, qui n’admettra jamais avoir été dans l’erreur, estime que divertir la Panzer Lehr vers Bayeux au lieu de concentrer les trois divisions disponibles dans une frappe plein nord a dispersé l’effort contre la tête de pont, pis: il l’a retardé. 

            Le 9 juin, Dollmann propose que la contre-attaque soit repoussée jusqu’à ce que le II. Fallschirm-Korps soit en ligne et en mesure de soutenir le flanc du I. SS Panzerkorps. Rommel, qui a pourtant longtemps insisté sur l’importance cruciale de la journée suivant le débarquement, acquiesce. Des combats ont bien eu lieu, mettant aux prises les Panzer et les forces débarquées, mais rien qui ne ressemble à la vaste contre-offensive préconisée avant l’Invasion. Durant ces journées décisives, les difficultés de liaisons téléphoniques et radios entre les différents QG d’armées, de corps, voire de divisions, constituent un embarras supplémentaire pour la mise au point de la contre-attaque.  

            Geyr von Schweppenburg préconise une attaque nocturne concentrée des divisions de Panzer depuis Caen vers Luc-sur-Mer, une région qu’il connaît bien pour y avoir entraîné un corps d’armée à l’invasion de l’Angleterre en 1940. En cas de poussée britannique vers Bény-Bocage, Geyr von Schweppenburg aurait lancé ses forces dans la direction de Balleroy, hors de portée de l’artillerie navale alliée, bien que cela ne soit en aucune manière un gage de succès, le chef du Panzergruppe West sous-estimant la pugnacité des forces terrestres alliées et la puissance de leur aviation. Ce n’est que le 10 juin, que le Panzergruppe West se trouve en position autour de Caen pour lancer la contre-attaque prévue pour la nuit suivante. Ce jour-là, le QG du Panzergruppe West, établi à la Caine, est l’objet d’une attaque aérienne ciblée. Les effets du bombardement sont dévastateurs. Si Geyr von Schweppenburg est miraculeusement épargné, son état-major est décimé: 32 tués (17 de l’état-major, 12 du service des transmissions et 3 hommes de l’unité de protection), dont le chef d’état-major, le Generalmajor von Dawans, le chef du bureau opérations, le Major Burgsthaler et le responsable de la logistique, le Major Walde. Autre personnage important, le Flivo des Panzergruppe, à savoir l’Hauptmann Hinkelde, est également au nombre des tués. Rommel, qui s’est rendu auprès de Geyr von Schweppenburg plus tôt dans la journée, a bien failli être lui-même victime de cette attaque. Dans ces conditions, toute contre-offensive cohérente est inenvisageable dans l’immédiat, faute de disposer d’un état-major pour coordonner l’ensemble. Ce délai a des conséquences stratégiques dramatiques pour l’armée allemande: en renonçant -par la force des choses- à contre-attaquer rapidement, elle court le risque de ne plus être en mesure de résorber la tête de pont alliée. Geyr se rend auprès de Rommel le 12 juin. Il apprend que le Heeresgruppe B va se faire adjoindre le II. SS Panzerkorps, qui quitte la Galicie. L’état-major du Panzergruppe West se rend ensuite à Paris (un PC pour la logistique est cependant formé à Montremy, à deux kilomètres au sud-ouest de Mortrée). Lorsqu’il discute à nouveau avec Rommel, celui-ci envisage alors d’utiliser son état-major comme QG tactique après sa remise en condition, ce qui ne sera pas suivi d’effet. Rommel le tient informé de la poursuite des opérations (l’interim dans le secteur de Caen est assuré par Dietrich et son I. SS Panzerkorps). Le 20 juin, Schweppenburg se voit adjoindre un nouvel Ia : le Major Oxenius. C’est aussi un jour de discussion avec le Generalmajor Thomale, l’adjoint de Guderian, à propos de la composition des Panzer-Divisionen. On tient également compte des conseils de l’OB West sur le sujet.  

            Le 23 juin, le Heeresgruppe B, qui ne renonce pas à mener une contre-attaque, ordonne le retrait de la ligne de front des 2. Panzer ; 21. Panzer et Panzer Lehr. Elles doivent être relevées par la 16. Lufwaffe-Feld-Division ainsi que par les 276. et 277. ID. En vue de la contre-attaque, Geyr rencontre le lendemain à Montmery les chefs d’état-major des I. et II. SS Panzerkorps ainsi que celui du XLVII. Panzerkorps. Il faut tenter de remédier à la faiblesse de l’artillerie allemande par rapport à celle des Alliés. Aussi, le lendemain, le General Grassmann, le chef du Harko 309, se présente à son tour au QG. Deux officiers de l’état-major sont envoyés dans le secteur Reims-Châlons en Champagne pour y retrouver la 1. SS Paner-Division qui doit y détrainer à cause de la destruction d’une voie ferrée. 

            Le 28 juin, Dietrich fait savoir qu’il ne pourra pas tenir la ligne de front sans le concours du II. SS Panzerkorps. L’ennemi risque de percer sur l’Orne et Caen sera alors perdu. Au moment de la contre-attaque, Dollmann meurt brutalement : il sera remplacé au pied levé par Hausser, le Panzergruppe West assurant l’intérim jusqu’au retour de Rommel, qui est alors en conférence auprès de Hitler à Berchtesgaden. La contre-attaque que lance Bittrich le 29 juin à 21h45 est « Die GroBe Chance » selon les mots mêmes de Geyr von Schweppenburg. Mais l’artillerie alliée a déjà eu un effet démoralisateur très fort. Le 30, Dietrich se déclare opposé à la poursuite des assauts. Geyr mesure le sérieux de la situation. L’attaque du II. SS Panzerkorps sera sûrement repoussée dans la nuit du 1er juillet. Ce jour, le Panzergruppe West reçoit la visite de Rommel vers midi. On y discute de nouvelles positions. On appelle Thomale au téléphone. Ce dernier assure que l’appréciation de la situation par les chefs sur le terrain sera transmise au Führer. La réponse de celui-ci, alors très préoccupé par le désastre qui pointe au même moment en Biélorussie, tombe dans la soirée et ne saurait surprendre : les positions doivent être tenues… et toutes les percées de l’ennemi doivent être anéanties par des contre-attaques ou une défense acharnée ! La situation n’est pas aisée à l’autre extrémité du front du Panzergruppe West : le chef du LXXXVI Korps annonce ainsi que l’ennemi va vraisemblablement attaquer et il préconise l’envoi des divisions de Panzer de réserves à Troarn. Seuls des éléments de la 21. Panzer y combattent. Pour s’enquérir de la situation, Hitler envoie sur place l’Oberstleutnant Borkmann, un de ses adjoints personnels. 

            Le 3 juillet Geyr von Schweppenburg apprend de Rommel, arrivé au PC à 14 heures, qu’il est remplace à la tête du Panzergruppe West par le General Eberbach, un autre spécialiste des blindé. Le lendemain, les combats commencent pour Carpiquet : c’est le début d’une semaine de combat qui va finalement aboutir à la perte de la rive gauche de Caen. Ce jour-là, à 17h45, Geyr fait ses adieux à son état-major qui apprend par ailleurs qu’il va à terme former une Panzerarmee. La défense de Caen devient très problématique : le chef d’état-major du Panzergruppe West informe l’Heeresgruppe B de l’urgence de l’approvisionnement en munitions, faute de quoi la ville sera difficilement défendue, même en rationnant. L’AOK 7, empêtré dans la guerre des haies face aux Américains, n’est pas en mesure de pallier aux déficiences de sa voisine en la matière. Il revient donc au responsable logistique de l’OB West de fournir des munitions pour lFH et sFH, ravitaillement qui ne sera de toute façon possible que de nuit.  

L’attrition des divisions de Panzer enlisées face aux Britanniques 

            Le 5 juillet, Rommel est de retour au QG du Panzergruppe, visiblement préoccupé par la situation à Caen. L’offensive américaine vers Sainteny oblige pourtant le Panzergruppe à céder la Panzer Lehr à la 7. Armee (décision prise le 7 juillet). Le 8 juillet, les Britanniques lancent un bombardement massif devant Caen. Pourtant, le chef du 86. Korps pense que l’attaque principale n’a pas encore été lancée. Eberbach dit au chef du corps de ne pas engager tous les Panzergrenadiere de la 21. Panzer mais d’en garder une partie à l’est de l’Orne pour constituer une position de recueil au cas où. Rommel, qui était au QG le matin, repasse le soir vers 21 heures et constate que les problèmes en munitions n’ont pas été résolus : le responsable de la logistique n’a plus de munitions d’artillerie dans ses dépôts mais 450 tonnes sont en route, de sorte que le I. SS Panzerkorps va recevoir 20 000 obus pour lFH dans la nuit du 9. Rommel consent à un repli à l’est de l’orne, ordonnant de faire franchir le fleuve d’abord aux armes lourdes. Il faut encore tenir la ligne Calix-St-Germain-Aérodrome de Carpiquet. Pourtant, le lendemain, il demande de tenir la ville à tout prix : le Kampfgruppe von Rauch doit essayer de tenir encore mais c’est peine perdu et son repli implique celui de la Hitlerjugend encore déployée à Carpiquet et à Caen. A 15h45, c’est le repli des restes de l’unité SS. Rommel insiste toutefois à veiller à ce que le front ne soit pas percé. Caen tombé, Rommel, à nouveau au PC vers midi le 10 juillet, est vite confronté à de nouvelles attaques sur la cote 112, à l’est, mais aussi à Colombelles, à l’ouest de l’Orne. La menace sera conjurée dans les deux cas, respectivement entre autres par les Tiger du 102. SS sPz-Abt et ceux du 503. sPz-Abt. Pour pallier au manque d’effectifs, on suggère à Rommel de faire monter en ligne tout le personnel des écoles et des unités d’instruction non indispensable à l’arrière.  

La grande bataille pour Caen retient toutes les attentions et l’Oberst Bolbrinker, du QG du Führer, parle avec Eberbach au téléphone et lui déclare que les troupes doivent prendre conscience de l’importance de la bataille pour l’avenir de la patrie. Précaution inutile puisque les soldats en sont pleinement conscients depuis des mois. Bolbrinker fait savoir que seuls trois Marsch-bataillone sont disponibles pour le Panzergruppe et qu’il est impossible d’envisager l’arrivée de Panzer de remplacements, quelqu’en soit le modèle. Kluge, parfaitement au courant du contexte difficile sur le front de l’Est, ne peut lui non plus obtenir aucun remplacants. Dans l’espoir de ressaisir l’initiative, on prévoit également de futures opérations offensives.  

Des renforts sont pourtant nécessaires pour tenir Caen, aussi l’OB West ordonne-t-il à l’AOK 15 de céder la 326. ID afin de relever la 2. Panzer tandis que la 21. Panzer passerait sous la direction de l’AOK 15 : il sera finalement décidé, le 16 juillet, que ce sera la 12. SS Panzer qui sera versée à cette armée : on craint en effet toujours un second débarquement. Le 14 juillet, c’est Kluge qui se rend auprès du Panzergruppe. On signale que le premier déserteur de l’armée américaine a été capturé sur le front de la 2. Panzer : un Indien du bataillon du génie de la « Big Red One ».  

Le 17 juillet, on apprend que Rommel a été blessé près de Livarot. La situation devant Saint-Lô empire et Speidel téléphone à Eberbach pour lui dire qu’une nouvelle division de Panzer doit être transférée dans le secteur de l’AOK 7 après la Panzer Lehr : il s’agit s’empêcher « la percée des Anglais [sic] à Saint-Lô ». Les événements du lendemain empêcheront tout mouvement vers l’ouest, pour autant que cela eût été possible. Le 18 juillet, en effet, Montgomery déclenche l’opération « Goodwood » à l’ouest de Caen, soutenue par l’opération « Atlantic », à Caen même. Dietrich reçoit l’ordre d’intervenir avec son corps SS pour stopper l’ennemi à Cagny. En début d’après-midi, la« Hitlerjugend » est rameutée sur le front, avec l’accord de l’OKW (donné à 15 heures). La LAH contre-attaque durement dans la zone de Soliers-Bourguébus jusqu’en début de soirée. Dans la zone des 1. SS et 86. AK, les Allemands ont estimé que les Alliés avaient tiré 103 000 obus et largué 7 800 tonnes de bombes. Si l’offensive de Montgomery est stoppée, elle a causé des pertes sensibles. Eberbach l’affirme à Bolbrinker : « Nous avons besoin de beaucoup d’hommes et de beaucoup de matériel, plus particulièrement les SS ». Dietrich et Bittrich pensent ainsi que bien peu d’efforts seraient fournis par le SS-Führungshauptamt (SS-FHA), le QG de la SS qui est en charge des écoles. Eberbach incite également les hauts-responsables de l’OKW et à Thomale de venir ne personne sur le front constater la réalité de la situation. Au soir du 19 juillet, après une rude journée de bataille, on s’attend à un nouvel assaut de 800 chars face au I. SS Panzerkorps. Eberbach ordonne donc au 47. Panzerkorps d’envoyer en renfort un bataillon de Panzer et un autre de Panzergrenadiere au I. SS Panzerkorps. Le II. SS Panzerkorps doit pour sa part céder un bataillon de Panther, une unité de reconnaissance et un bataillon d’artillerie. 

Le PC du Panzergruppe est transféré dans une zone boisée au sud de Bellou, près de Livarot. Précaution nécessaire : l’ancienne position à Mittois à été révélée par la radio d’un agent (un résistant ?) qui a été tué. Le 20 juillet, Gause, qui veut concentrer le Schwerpunkt de l’armée contre la tête de pont à l’est de l’Orne, demande au SS-Ostubaf Piepkorn (du II. SS Panzerkorps) s’il est possible de transférer son flanc droit jusqu’à l’Orne pour permettre au I. SS Panzerkorps de ne prendre en charge que le front sur la rive droite du fleuve. Ce soir-là, on apprend vers 21h15 qu’un attentat a été perpétré par le Führer et qu’il est sauf. Dès le lendemain, le II. SS Panzerkorps doit cependant aller combattre au-delà de l’Orne et lancer la 9. SS dans la batille autour de May-sur-Orne te de Saint-André-sur-Orne. Le 22 juillet, c’est au tour de la 2. Panzer de franchir l’Orne à son tour tandis que la 116. Panzer, en route pour le front, avance selon les prévisions en raison du mauvais temps. 

La situation est donc toujours sérieuse et tendue autour de Caen. Tendance renforcée trois jours plus tard lorsque le 2nd Canadian Corps lance l’opération « Spring ». Eberbach, constatant que l’aviation ennemie n’est pas intervenue en masse, pense que les Alliés n’ont pas encore lancée la grosse attaque qu’ils devraient déclencher dans le secteur. Kluge, qui semble plus préoccupé par Caen que par « Cobra » lancé le même jour par Bradley, demande à ce que les réserves soient prêtes à repousser toute attaque immédiatement. Le 26, un plan de contre-attaque est dressé : il sera lancé dans le secteur tenu par la 21. Panzer avec des éléments des 2., 21. et 116. Panzer. Mais, le lendemain, à 9h30, Kluge se ravise et ordonne l’envoi immédiat de la 2. Panzer et du 47. Panzerkorps (ce dernier remplacé par Straube et le 74. Korps) dans le secteur de l’AOK 7. La situation est en effet devenue gravissime dans le Cotentin : l’opération « Cobra » a percé le front du 84. Korps. Ce soir-là, Thomale confirme que le Panzergruppe va être élevé au rang de Panzerarmee. Plus concrètement, il annonce des renforts : quelques Marsch-Bataillone, 100 Pak 40, 34 Panzer IV, 24 Panther. C’est insuffisant pour combler les pertes mais c’est une promesse qui compte.  

Le 28 juillet, à 10h15, le Panzergruppe doit céder une nouvelle Panzer-Division, à savoir la 116. Panzer qui doit se diriger vers le secteur de Vire : il faut absolument endiguer la ruée des Américains qui se rapprochent dangereusement d’Avranches alors qu’une poche s’esquisse autour de Roncey. Pourtant, la pression est toujours aussi vive à Cen. Les réserves font alors défaut, d’autant que deux divisions de Panzer s’en vont (après le départ de la Panzer Lehr début juillet) et qu’on s’attend à une nouvelle attaque au sud de l’Orne, dans le secteur du II. SS-Panzerkorps : on songe notamment à des éléments de la 711. ID u I. SS-Panzerkorps afin de permettre à un bataillon de la LAH de passer en réserve. Eberbach envisage aussi de déployer une partie de la « Hohenstaufen » ou de la LAH le long de la côte à la place de la 711. ID. Craint-il un débordement des Anglais sur le flanc gauche avec le soutien de la flotte de guerre, en dépit de la menace que font planer les batteries du Havre ? Le Heeresgruppe B accorde cependant des renforts : le AOK 15 doit céder au Panzergruppe un s.PzJäger-Abt, deux StuG-Abt et la 331. ID.  

 La pression sur Caen se double d’un nouveau danger qui survient vers la Suisse normande. En soirée du 29 juillet, l’ennemi attaque la 276. ID sur la route Juvigny-Villers Bocage. A les Houlles, la HKL est même enfoncée. Le lendemain, le 74. Korps (276. et 326. ID) est attaqué également à Caumont et Torteval. Eberbach envoie à la rescousse dès 10 heures le KG Von Oppeln de la 21. Panzer. Ce dernier, qui doit se tenir prêt, ne se met en route qu’à 16h10 : des StuG et les Jagdpanther seront les premiers à intervenir au profit des fantassins. On dépêche aussi dans le secteur un régiment de la Werfer-Brigade 8, l’Höhe.Art.Kdr 309 ainsi que quatre batteries lourdes de la Flak. Le 31 juillet, alors qu’Avranches tombe et en dépit des offensives britanniques dans son secteur, le Panzergruppe doit envoyer les 84. et 363. ID à l’AOK 7 mais reçoit la 89. ID de l’AOK 15.  

Le 3 août, Kluge, qui va bientôt mettre en oeuvre une contre-attaque désespérée sur Avranches via Mortain et qui doit donc tranférer le maximum de divisions de Panzer en secteur américain, demande à Eberbach : 1)Est-il possible de retirer une Panzer-Division de l’aile gauche et de la remplacer par une ID ?; 2)Est-il possible de retirer la 1. SS ou la 12. SS Panzer (celles-ci sur l’aile droite) et de la remplacer par la 21. Panzer ? Eberbach répond que la situation est dangereuse à l’est d’autant que la 21. Panzer est désormais bien entamée. La 89. ID arrive bien sur le champ de bataille pour remplacer la LAH au sud de Caen mais la relève ne s’effectue pas aussi rapidement qu’escompté. Dietrich essaye de conserver au moins les Panzer IV de la LAH mais cela lui est refusé. Pour parer au plus pressé, comme on craint une percée au sud de Caen, on ordonne au Pionier-Bataillon 600 (du 86. AK) de se préparer à miner les ponts sur l’orne à Falaise).  

Eberbach annonce à Kluge que ses ID de l’aile droite (711., 346. et 89. ID) ont un front trop large à tenir. En revanche, entre Saint-André-sur-Orne et Thury-Harcourt, la HKL est bonne. La 277. ID se tient entre Thury et Roucamps où elle est connectée aux restes des 276. et 326. ID, malmenées par « Bluecoat », soit l’équivalent de 8 bataillons jusqu’à St-Jean-le-Blanc. Plus à l’ouest, la 21. Panzer ne tient certes qu’un front de 4 kilomètres mais avec une Gefechtsstärske de 200 hommes, puis seulement 3 bataillons de la 9. SS jusqu’au point 119. Commandés par l’Obersturmbannführer Schiller, les restes de la LAH sont dans le secteur Condé-Plessy, à gauche de l’Orne, avec deux bataillons de Panzergrenadiere, un Abteilung d’artillerie, un bataillon de pionniers, deux Abteilungen d’artillerie ainsi que le reste de la Flak. Ils devront rester dans le secteur Tinchebray-Landisacq.  

Le 6 août, à 20h15, le Heeresgruppe B annonce que le Panzergruppe West devient désormais la 5. Panzerarmee. Kluge va lancer dans la nuit l’opération « Lüttich », la contre-offensive de Mortain. Il rassemble sous le commandement de Funck les éléments de 4 divisions de Panzer, qui n’engagent dans cette ultime contre-attaque d’envergure que 150 chars sur les 290 que possède pourtant le XLVII. Panzerkorps (les 2., 1. SS, 2. SS, 116. Panzer-Divisionen ainsi que de la 17. SS Panzer-Grenadier-Division). Kluge aurait également voulu, selon la volonté d’Hitler, disposer des 10. SS et 12. SS Panzer-Divisionen mais la première est trop engagée dans des combats et la seconde doit rester devant Falaise car on craint une nouvelle offensive, craintes qui sont justifiées. Ce même soir, le 74. AK annonce que l’artillerie alliée frappe en force les lignes de la 21. Panzer et de la 326. ID. Par ailleurs, il faut renoncer à poursuivre la contre-attaque de la 10. SS Panzer sur la cote 224 car les pertes sont trop lourdes : on ne compte plus que 5 Panzer en état. Le II. SS-Panzerkorps souhaite en conséquences que le II. Fallschirm-Korps (AOK 7), pourtant sérieusement accroché devant Vire, décale sont front vers la droite. 

Le 7 août, alors que les Panzer filent vers leur destin à Mortain, on craint une percée vers Grimbosq dans le secteur du I. SS Panzerkorps. L’Oberst Zeller annonce qu’une contre-attaque est en cours à travers les lignes du Füsillier-Btl de la 277. ID à la Gauge. La menace vers Grimbosq est sérieuse mais Kluge entend envoyer la LAH vers Avranches. Peu après minuit, la 12. SS est renvoyé dans son ancien secteur entre Caen et Falaise. Ce 8 août, Eberbach demande avec urgence à Speidel de dépêcher des moyens aériens au sud de Caen mais Speidel rétorque que la Luftwaffe donne tout son effort au profit de « Lüttich » : il n’y a rien à espérer.  Eberbach déclare à Kluge-fils que le moral de l’infanterie s’est effondré malgré les interventions énergiques des chefs de divisions. La 271. ID aurait perdu 2 000 hommes et la situation est toujours aussi tendue à Grimbosq : la tête de pont alliée est impossible à résorber. La HKL est alors la suivante : Troarn-St Pierre-Moult-Billy-StSylvain-Cauvicourt-Breteville-Les Moutiers-Le Bas. Eberbach a mis en place un Pak-Front mais il prévient Kluge : tiendra t-il jusqu’au lendemain ? Gause (chef d’état-major de la Panzerarmee) demande à Pickert ce qu’il peut déployer au sud de Langannerie. Il y a une position de 8,8 cm antichar. On compte également une seule Flak-Gruppe près de l’Orne mais on ne peut pas espérer la faire entrer en lice avant le lendemain matin. Quelles sont les dernières réserves ? On ne peut compter que sur 20 Panzer de la « Hohenstaufen » qui se mettent en route à la nuit tombée, mais on craint que la moitié d’entre eux ne soient plus opérationnels le lendemain… On ordonne au SS-Brigadeführer Krämer que le II. SS-Panzerkorps doit envoyer 9 Panzer IV, 7 Panther, le Flak-Abt. Et le PzJäger-Abt de la 85. ID en renforts au I. SS-Panzerkorps. Kluge a promis les Panzer de la 9. Panzer : ces derniers seront envoyés d’Alençon à Falaise (ils seront à Beauchênes le 9 août à 17h50). Il demande par ailleurs s’il a quelqu’un pour réceptionner les tanks qu’il enverrait: puisque Kurt Meyer est injoignable, Eberbach suggère Wünsche.  

Panzer en Normandie : statistiques 

Panzer à l’Ouest en mai 1944 

L’OKW annonce 1 562 Panzer et Sturmgeschütze opérationnels et 249 en ateliers 

Panzer engagés en Normandie 

12 Tiger II 

126 Tiger I 

655 Panther 

897 Panzer IV 

30 Panzer III 

453 Sturmgeschütze III et IV 

18-28 Sturmpanzer IV “Brumbär” 

environ 80 Marder 

114 Jagdpanzer IV 

25 Jagdpanther 

Soit 2 420 Panzer 

(une centaine de blindés français dépassés ont servi sur le front de l’Invasion) 

363 Panzer et Sturmgeschütze d’unités non divisionnaires combattent en Normandie, sans compter les chars obsolètes (d’origine française) des Pz Abt. 206 et Pz Ersatz und Ausbildung Abt. 100. 

Panzer et de Sturmgeschütze présents en Normandie 

590 le 15 juin 

865 le 30 juin 

800 le 10 juillet (soit la moitié des Panzer envoyés sur le front) 

750 le 20 juillet 

25 juillet 1944:  

835 Panzer et Sturmgeschütze (sur 2 000 Panzer, Sturmgeschütze et Panzerjäger engagés) 

Arrivées des blindés allemands en renfort 

 Juin : 1 024 Panzer 

Juillet : 903 Panzer 

Août : 258 Panzer 

Blindés arrivés sur le front de l’Invasion après l’opération Cobra (25 juillet): 

450 blindés allemands 

12 août 1944: 

plus de 8 400 chars alliés sont arrivés en Normandie depuis le 6 juin (sans compter engins de remplacements) 

plus de 2 500 blindés allemands leur ont été opposés (plus de la moitié perdus ou en ateliers) 

Pertes en chars allemands 

9 juillet: 498 engins antichars perdus définitivement (15 Tiger I, 85 Panther, 149 Panzer IV, 5 chars de commandement, 32 Sturmgeschütze, 40-50 chars français obsolètes, 27 Pak de 88 mm et 135 Pak de 75 mm automoteurs ou tractés). 

27 juillet: l’OB West annonce 483 pertes en blindés (23 Tiger, 131 Panther, 224 Panzer IV, 60 Sturmgeschütze et 45 Panzerjäger) 

31 juillet: l’OKW annonce 481 blindés définitivement perdus et 450 en ateliers 

Panzer abandonnés: 45 à Mortain, 320 dans la poche de Falaise, 150 entre la poche de Falaise et la Seine 

1er juin-31 août: la Wehrmacht perd 4 050 Panzer et Sturmgeschütze sur tous les fronts (respectivement 2 366 et 1 684), pour moitié en Normandie (le reste à l’Est mais aussi en Italie). 

Sauver la 7. Armee de la destruction dans le « Kessel » de Falaise 

Le 9 août, Eberbach apprend que, sur ordre du Führer, il doit pendre le commandement du Gruppe Eberbach dans le secteur de la 7. Armee. A son grand dépit, c’est Dietrich, qu’il considère comme un incapable, qui prend les rênes de la Pz AOK 5. Le Führer a annoncé qu’il fallait tout miser sur Avranches, y compris la 9. Panzer. En soirée, Krämer dit à Gause que si l’ennemi renouvelle ses attaques en force le lendemain, et sans le Panzer-Abteilung de la 9. Panzer, il sera impossible d’enrayer l’assaut. A 21h20, le I. SS_Panzerkorps annonce qu’il ne dispose que de 35 chars : 15 Tiger, 5 Panther et 15 Panzer IV. Kluge se veut pourtant rassurant le 10 août quand il annonce à Gause que tous les Panzer qu’il recevra, d’Allemagne ou d’ailleurs, seront affectés au Pz AOK 5 qu’il veut rapidement renforcer : en tenant Falaise, il s’agit pour lui de protéger l’attaque qu’Eberbach va lancer contre les Américains. 

A Chênedollé, le II. SS-Panzerkorps pense que le front ne tiendra qu’en effectuant un repli. Au Pz AOK 5, on observe avec anxiété la progression de la 5th US Arm Div vers Alençon (aucune mention n’est faite de la 2e DB). Le 12 août, Kluge demande cependant l’envoi d’unités blindées de reconnaissance vers Argentan. Le nouveau PC de la Panzerarmee est établi près de Fontaine l’Abbé (à 8 km à l’ouest de Bernay). Le 14 août, Gause aimerait que Krämer tienne la ligne Ernes-Soulangy-Bonnoeul pour éviter la fermeture d’une grande route vers l’ouest. Krämer pense qu’ile st impossible d’y arrêter l’ennemi, qui est déjà à St-Germain, et qui est par ailleurs très puissant : on  a déjà identifié 3 divisions d’infanterie, une division blindée et deux brigades blindées. Krämer a d’autres soucis : la 21. Panzer est redonnée au I. SS-Panzerkorps et la « Hohenstaufen » est envoyée à Eberbach. Que reste-t-il d’autre sur l’aile droite du front de Normandie en matière de Panzer ? Essentiellement la « Hitlerjugend » et quelques Tiger et Panzerjäger. Le Pz AOK 5 signale également que si al 11. Panzer-Division ne peut pas venir le lendemain, c’en est fini des défenses de Falaise. Il y a probablement une confusion avec la 9. Panzer… La 11. Panzer-Division, encore à Toulouse, est l’unique division blindée non engagée à l’ouest et, le lendemain, 15 août, c’est le débarquement en Provence : un coup de tonnerre pour Hitler et Kluge. Il sera d’ailleurs heureux pour la Wehrmacht que cette 11. Panzer soit restée jusqu’au sud car elle tiendra un rôle essentiel dans le succès du repli de l’Armeegruppe G (finalement élevé au rang de Heeresgruppe) en direction du Reich.  

Ordre de bataille de la 5. Panzerarmee au 15 août 1944 
I.SS-PzK  85.ID, 89.ID, “Hitlerjugend” 
II.SS-PzK Une partie 21.Pz.Div., “Hohenstaufen”, 3.Fj.Div. 
LXVII.AK 348.ID, 245.ID, 226.ID, Sich.Reg.5 
LXXIV.AK 271.ID, 277.ID, 326.ID, 276.ID, une partie de la 21 Pz.Div. 
LXXXVI.AK 346.ID, 711.ID, 272.ID 
Armeetruppen Höh. Arko 309 Korück Pz.AOK. 5 Panzer-Armee-Nachrichten- Rgt 5 

Le 15 août, alors qu’on apprend que les Alliés débarquent en Provence, la 7th US Arm est à Dreux : la situation devient donc dramatique pour le HeeresgruppeB. Devant Falaise, la 85. ID ne compte que deux pièces de 8,8 cm et un bataillon et demi de fantassins tandis que la 12. SS n’aligne plus que 15 pnzer opérationnels. On annonce l’arrivée de 11 Panzer (ce qui, à moyen terme, est bien peu de toute façon) : rien ne va arriver. Le soutien à attendre du III. Flak-Korps est également limité : ce dernier doit en effet également intervenir au sud de Falaise où les Américains progressent dangereusement. L’AOK 7 et le Pz AOK 5 reçoivent l’ordre de se replier au-delà de l’Orne. Krämer propose que la 21. Panzer prenne position vers Morteaux-Couliboeuf pour maintenir ouvert le goulot de la bouteille : Dietrich approuve. En soirée, on annonce quand même l’envoi de renforts : la 334. ID et la 17. Luftwaffe-Feld-Division. Deux jours plus tard, devant la menace de fermeture du Kessel, le 17, Kluge ordonne le retour de deux divisions du Panzergruppe Eberbach au I. SS-Panzerkorps.  

Le 18 août, à peine arrivé dès 9 heures du matin, Model, qui succède à Kluge à l’OB West, partage l’avis de son prédécesseur et voit l’urgence de retirer la 7. Armee et la Panzergruppe Eberbach de la zone en passe d’être encerclée. La « Das Reich » et la « Hohenstaufen » (le II-SS Panzerkorps) sont ainsi déployées dans le secteur de Vimoutiers, en positions de recueil pour les formations presque prises dans la nasse : leur rôle sera essentiel pour maintenir la poche ouverte. La 7. Armee va devoir batailler dur pour percer car l’ennemi s’est renforcé. Plus à l’est, la menace n’est pas retombée : l’ennemi frappe vers Rambouillet. Les informations, fragmentaires, ne sont parvenues que par le canal du Feldkommandant d’Evreux selon qui les Américains doit être à Pacy-sur-Eure. Une seconde menace d’encerclement se développe, sur la Seine cette fois-ci. Différentes unités sont donc dirigées vers ce secteur et non plus en Normandie : la 18. Luftwaffe-Feld-Division et la 49. ID sont déployées à Mantes pour arrêter la 79th US ID qui a franchi le fleuve. 

Le 19 août, le QG de la PzAOK 5 est transféré à Canteleu, près de Rouen. Le lendemain, alors que les restes de la 7. Armee sont parvenus en partie à sortie de la fournaise du Kessel de Falaise ? La PzAOK 5 prend en charge le front qui s’étend des côtes de la Manche à la zone tenue par l’AOK 1, l’AOK 7 étant subordonnée à la 5. Panzerarmee. Il faut maintenant réussir à franchir la Seine. Pour couvrir le repli, Schwerin reçoit, le 22 août, le commandement des unités blindées entre Seine et Eure. Le lendemain, il retrouve sa vieille 116. Panzer et reçoit l’ordre de contre-attaquer, sous le couvert de la Luftwaffe ( !), dans le secteur du Neubourg. Mais, devant la pression et la progression de l’adversaire, il s’avère impossible de la mettre en oeuvre. 

Monty ou les Panzer : qui est bloqué devant Caen ? 

            La fin du mois de juin, soit à peine plus de trois semaines après l’invasion, ce sont ainsi 8 Panzer-Divisionen qui affrontent les Britanniques dans le secteur de l’Odon, autour de la côte 112. Cela signifie que toutes les divisions blindées allemandes participent aux combats dans ce secteur, de Rauray à la cote 112. Tandis que la Panzer Lehr est accrochée au cours de l’opération de diversion “Martlet”, la 12. SS “Hitlerjugend” est frappée de plein fouet par l’opération “Epsom” tandis que la 21. Panzer-Division combat toujours devant Caen, à quelques kilomètres. Rommel doit faire intervenir un temps toutes ses unités: le Kamgruppe Weidinger de la 2. SS “Das Reich”, les blindés de la 2. Panzer, mais aussi, et surtout les divisions de SS qui viennent juste d’arriver en Normandie: 1. SS “Leibstandarte Adolf Hitler”(venant de Belgique) et le II. SS Panzerkorps avec la 9. SS “Hohenstaufen” et la 10. SS “Frunsberg” (en provenance du front de l’Est). Si on y ajoute les Tiger, on est impressionné par la densité de Panzer et d’unités engagées sur à peine quelques dizaines de kilomètres de front. Une telle puissance serait à même d’anéantir des divisions entières dans n’importe quel wargame. Pourtant, rien de tangible n’apparaît. Les Allemands se montrent absolument incapables de monter une contre-offensive coordonnée. Les deux divisions du II. SS Panzerkorps se cassent les dents sur les défenses inexpugnables des Britanniques. Certes, Dempsey et sa 2nd British Army doivent concéder l’importante cote 112, Caen reste aux mains des Allemands et aucune percée n’est acquise. La pression se poursuit en effet sur le reste du front au même moment: devant Caen, devant Cherbourg, qui va tomber, devant Saint-Lô et Caumont. 

            Les autres coups de boutoir de Montgomery sont également parés par l’intervention des Panzer. Certes, la ligne de front est tenue, non sans vaillance, par des formations d’infanterie, y compris de la Luftwaffe. Certes, les unités antichars de ces divisions d’infanterie ainsi que les Panzerjäger-Abteilung indépendant et leurs terribles canons Pak 43 et Pak 43/41 de 88 mm sont redoutables. Mais ces offensives de Montgomery, “Goodwood” les 18-20 juillet, “Spring” à partir du 25 juillet et ensuite “Bluecoat” à partir du 30 juillet, sont l’occasion de contre-attaques inspirées menées par les unités de la Panzerwaffe. Pendant l’opération “Goodwood”, ce sont les blindés 21. Panzer, “LAH” et “Hitlerjugend” ainsi que les Tiger du 101. SS et du 503. schwere Panzer-Abteilungen qui se risquent à contre-attaquer et qui, in fine, sont responsables de l’échec de l’offensive. Au cours de l’opération “Spring”, la “Hohenstaufen”, mais aussi la 2. Panzer et les Jagdpanther du 654. Schwere Panzerjäger-Abteilung, causent des pertes terribles aux Canadiens. Après la percée de Bény-Bocage, l’opération “Bluecoat” fait long feu: la 21. Panzer, sur la brèche depuis deux mois, ainsi que les divisions “Frunsberg” et “Hohenstaufen” appuyées par des Tiger et des Jagdpanther tiennent un rôle essentiel dans le succès défensif des Allemands. En chaque occasion, il a fallu rameuter l’équivalent de trois divisions de Panzer, sans compter les engins des unités indépendantes (Tiger, Jagdpanther et autres Sturmgeschütze). Comme la pression est souvent continuelle sur de multiples secteurs d’un front pourtant assez réduit (moins de 200 kilomètres), il s’avère impossible d’organiser des réserves stratégiques en vue de monter une contre-offensive. L’OB-West manque de formations d’infanterie pour tenir le front de Normandie et chaque initiative adverse nécessite l’intervention de plusieurs Panzer-Divisionen, de plus en plus usées par des semaines de campagne. 

Les succès défensifs remportés dans le secteur de Caen sont à mettre en partie à au crédit de Rommel. Il n’est pas complètement de penser que loin d’avoir été contraint par Montgomery de concentrer ses divisions de Panzer autour de Caen, l’ancien chef de l »Afrika-Korps les a disposées face aux Britanniques dans l’optique de la contre-attaque envisagée contre la tête de pont entre Balleroy et Caen. Bien plus, c’est le plan de Monty qui a été contré par Rommel : le « Master Plan » est mis à mal car Caen résiste et il n’y aura pas de poussée simultanée vers Falaise et Avranches. Par la force des choses les divisions de Panzer ont ensuite davantage été concentrées sur Caen sans qu’il eût volonté d’en envoyer plus dans la Manche. La seule division qui devait être transférée, la Panzer Lehr, l’a été sans que cela ne mette en difficulté le front établi face aux Anglo-Canadiens. Certes, les 2., 9. SS, 10. SS et 12. SS Panzer-Divisionen furent tour à tour mises en réserve pour très peu de temps avant d’être renvoyées en première ligne pour contrer Montgomery. Mais aucune de ces divisions n’était supposée être redéployée face à la 1st US Army. 

Le repli vers les frontières du Reich 

            Le 25 août, décision est prise, lorsque le repli à travers la Seine sera terminé, d’établir deux zones de recueil et de réorganisation : une première autour de Beauvais avec Schwerin et les 1. SS, 2. SS, 12. SS et 116. Panzer-Divisionen ; une autre autour de Morgny La Pommeraye-Boissay avec le II. SS-Panzerkorps et les 9. SS, 10. SS et 21. Panzer-Divisionen. Ce même jour, Model ordonne à la 7. Armee de se replier sur la Somme où elle devra reformer ses divisions. Ce mouvement se fera sous le couvert de la Pz AOK 5.  

            L’importance des points de passages à Rouen est primordiale. La rive droite du fleuve, à l’est, est donc mise en défense. Le 86. AK avec les 711. et 346. ID aura une aile droite déployée sur Vieux Port-Caudebec-Yvetot et une aile gauche sur Lieurey-Montfort-Barneville-Quevillon-Maromme. Ensuite se dépolie le 74. AK avec les 331., 344. et 17. ? Luft. Divisionen avec l’aile droite sur l’Andelle. Le 81. AK avec la 353. ID et les restes des 277., 326. et 49. ID aura l’aile gauche sur l’Epte jusqu’à Fourges-La Roche Guyon-Bonnières. Le I. SS-Panzerkorps avec la 18. Luft. et la 6. Fallschirm. Aura son aile gauche de Passy à Senlis via Conflans. Un premier constat : les zones attribuées à chaque corps sont bien vastes, d’autant que les unités concernées ne sont bien souvent plus que l’ombre d’elles-mêmes. Au sud du fleuve, sur la rive gauche, se trouve encore des éléments du II. SS-Panzerkorps, du 86. AK (avec trois divisions) et du 81. AK.  Le Pz AOK 5 (PC à Saleux, à 3,5 km au sud-ouest d’Amiens) y déploie notamment les restes des 9. SS, 10. SS et 21. Panzer-Divisionen et, entre La Bouille et Orival, la 331. ID, la « Das Reich » et la 116. Panzer.  

            Le 28 août, une nouvelle tête de pont est établie à Notre-Dame de l’Isle. Dans la nuit, Model ordonne aux deux groupements blindés, soit le II. SS-Panzerlorps (alors à Morgny la Pommeraye) et le Gruppe Schwerin (à Beauvais), de se diriger immédiatement vers Soissons ou Laon via Compiègne. Le lendemain, 29 août, les Alliés franchissent à nouveau le fleuve vers Meulan-Vaux. Le front tenu par la 6. Fallschirm., la 18. Luft. et la 49. ID vacille. Le haut-commandement allemand semble toutefois rassuré sur deux points : après le franchissement de la Seine, le repli au-delà du fleuve ne se fera pas sous les tirs d’artillerie alliés ni sous le signe de la poursuite. On parvient à trouver entre 600 et 800 tonnes en capacité de transport pour aller au-delà de la Somme ou on espère reconstituer un front cohérent, rétablir de nouvelles défenses           et repositionner les unités combattantes.  

Ordre de bataille de la 5. Panzerarmee au 31 août 1944 
II.SS-PzK Das Reich”, “Hohenstaufen”, 116.Pz.Div., 9.Pz.Div. 
I.SS-PzK  6.Fj.Div., 18.LwfD 
LVIII.PzK 48.ID, 348.ID, 47.ID, une partie de la Pz.Lehr-Div. 
LXXXI.AK 85.ID, 49.ID, 353.ID 
LXXIV.AK 271.ID, 344.ID, 331.ID 
LXXXVI.AK 346.ID, 711.ID 
Directement rattaché à la Pz AOK 5 275.ID 

            Or Montgomery va imposer un tempo bien inhabituel pour lui en ordonnant une poursuite rapide et téméraire. Ainsi, dans la nuit du 30 au 31 août, une pointe blindée britannique atteint Amiens et Eberbach en personne est capturé. Se dirige t-on vers une destruction de la 5. Panzerarmee avant d’avoir pu rejoindre les frontières du Reich ? Il ne semble en effet guère possible de s’arrêter avant d’avoir rejoint le Westwall . Un nouveau QG de corps est alors placé sous la responsabilité de la PzAOK 5, à savoir le LVIII. Panzerkorps qui prend en charge la ligne Senlis-Crépy en Valois-Villers Cotterêts- Corcy. De quels moyens dispose-t-il ? Aucun renforts n’en fait partie : l’OB West a ordonné d’y subordonner le Gruppe Schwerin mais la PzAOK 5 s ‘y oppose et Schwerin reste avec le II. SS-Panzerkorps. La mission de Schwerin, qui a déjà envoyé une reconnaissance à Compiègne et une autre à Soissons, est de pousser via Compiègne jusqu’à Soissons.  

            Plus au sud, d’autres difficultés surviennent : le repli du LXXXI. AK sur Gisors découvre le flanc droit du I. SS-Panzerkorps. Ce dernier doit donc, dans la nuit du 30 août, rejoindre la ligne Gisors-Auvers sur Oise afin de rétablir la jonction. La situation s’aggrave avec une poche qui s’esquisse à Mons. Une certaine cacophonie règne à la PZ AOK 5. Sans contacts avec le QG de la Panzerarmee depuis le 30 août, les chefs des trois corps la constituant (Straube pour le LXXIV Korps, Krüger pour le LVIII Panzerkorps et Bittrich pour le II-SS-Panzerkorps), se réunissent près de Saint-Quentin le 31 et décident de créer une armée provisoire sous le commandement du plus ancien en grade d’entre eux, à savoir Straube, et, se sachant en grand danger d’encerclement, décident de se replier. Toutefois, lorsque s’achève la bataille de la poche de Mons le 5 septembre, l’armée provisoire de Straube (qui a tout de même reçu 50 000 litres d’essence de ravitaillement par la Luftwaffe) a perdu 30 000 hommes et 40 blindés. Model ordonne au PzAOK 5, auquel est à nouveau subordonné la 7. Armee, de s’établir sur la ligne Douai-Caudry-Le Cateau-Avesnes-Chimai-Charleville.  

Plus au nord, le front est tenu par une AOK 15 (bien dépouillée depuis le mois de juin, elle n’est plus que l’ombre de ce qu’elle était). Au sud se déploie l’AOK 1. La jonction est faite au niveau du LVIII Panzerkorps qui est rétrocédé de la 1. Armee à la Pz AOK 5 après qu’une centaine de ses officiers aient stoppé les fuyards qui se repliaient sur Reims. Model souligne par ailleurs l’importance du front sur la Sambre.  

            Le 5 septembre, alors que les Alliés s’enfoncent en Belgique, au Luxembourg et en Lorraine, le Heeresgruppe B ordonne au PzAOK 5 et au QG du LVIII Panzerkorps de commencer à se retirer sur Coblence où sera rééquipé. Entre le 6 et le 8 septembre, le QG de l’armée passe de Beek (11 km au nord-ouest de Maastricht) à Le Hohwald (à 36 km au sud de Strasbourg), ce qui indique que la zone de déploiement de la PzAOK 5 va changer pour se transférer plus à l’est.  

Effectifs en Panzer début septembre 1944 

Le 20 août, on ne compte plus que 178 Panzer et Sturmgeschütze opérationnels à l’Ouest mais, Model exige sans délai la livraison d’au moins 270 Panzer et StuG pour permettre à chacune de ses unités blindés d’aligner au moins 30 Panzer, ce qui reste peu de choses. Près de quinze jours plus tard, au début du mois de septembre, en dépit de l’arrivée de maigres renforts, des efforts des ateliers de campagne, les 10 divisions de Panzer et de Panzergrenadier engagées en Normandie n’alignent toujours que 208 Panzer opérationnels. Les pertes continuent et, depuis la poche de Falaise, nombre d’engins ont dû être abandonnés : 670 Panzer et 245 canons automoteurs sont dénombrés entre le « Kessel » de Falaise et la Seine d’après un rapport de la RAF. Fin août Model est en partie entendu puisque 182 Panzer et 86 Sturmgeschütze sont en route vers le front de l’ouest ou sur le point d’y être expédiés.  

Conclusion 

            La nouvelle 5. Panzerearmee, bien plus puissante que sa défunte aînée anéantie en Tunisie, n’a certes pas remplie la mission primordiale et première qui lui était dévolue alors qu’elle s’appelait encore Panzergruppe West : repousser l’Invasion à l’Ouest dans l’espoir –chimérique étant donné la situation globale du Reich au printemps 1944- de renverser le cours de la guerre. 

            Les moyens qui lui ont été alloués ont pourtant été conséquents. Jamais un telle concentration de blindés à croix noire n’ont été en ligne sur un front aussi étroit et sur une aussi longue période : plus de 2 000 Panzer pendant deux mois et demi sur un front qui dépassera les 200 kilomètres qu’après l’ouverture béante d’une brèche à Avranches. 

            En dépit du nombre d’unités d’infanterie qui lui sont rattachées, elle est beaucoup plus « Panzer » que l’ancienne Pz AOK d’Arnim qui n’a alignée au mieux que deux divisions de Panzer et deux bataillons incomplets de Tiger. Elle a combattu avec acharnement sur le front normand, assurant la défense primordiale du secteur de Caen, tâche essentielle car une percée rapide des Alliés dans cette zone aurait rapidement conduit à un effondrement irrémédiable du front de l’Ouest. Toutefois, en dépit de sa puissance, la Pz AOK 5 n’est pas exempte de faiblesses: elle n’a ainsi jamais été en mesure de lancer la contre-attaque massive qui aurait dû –selon les espoirs chimériques des hauts-responsables de la Wehrmacht- repousser les Alliés à la mer. Début septembre, elle n’est plus que l’ombre d’elle-même : ses formations de Panzer pourront-elles encore tenir un rôle dans la suite d’un conflit dont l’issue ne semble plus faire doute ? RépondreTransférer