Mémoires, Général von Choltiz, éditions Perrin, 2020
Les éditions Perrin ont eu l’excellente initiative de publier les mémoires du fameux général allemand von Choltitz, passé à la postérité pour son rôle de commandant du Gross Paris au moment de la libération de la capitale, et immortalisé sur le grand écran sous les traits de Gert Fröbe dans Paris Brûle-t-il? de René Clément.
Le parcours de cet Allemand de la noblesse silésienne, page à la cour de Saxe, profondément catholique (un élément qui revient à plusieurs reprises dans le récit), est des plus intéressants car la carrière de Dietrich von Choltitz est plutôt riche en événements et en affectations des plus variées.
Comme il se doit, ces mémoires sont l’occasion pour l’intéressé de se dédouaner de toute connivence avec les crimes du nazisme et de présenter -presque ad nauseam– la Wehrmacht comme une armée apolitique, correcte et des plus efficaces. On le sait maintenant, tout ceci n’est qu’un mythe… L’auteur se garde bien d’évoquer le fameux serment prêté à Hitler dans la partie qu’il consacre à l’avant-guerre, n’abordant le sujet qu’en fin d’ouvrage, dans un passage où il explique pourquoi on ne peut reprocher à des officiers allemands de ne pas s’être opposés à Hitler…
La majeure partie du texte est consacrée à la Seconde Guerre mondiale. L’un des premiers intérêts du livre est le ton assez vivant du récit de Choltitz, d’autant que celui-ci insiste à de nombreuses reprises sur le vécu du troupier et les conditions de vie au front. La lecture est donc agréable. On perçoit la rancoeur habituelle du soldat du front à l’égard des « planqués » de l’arrière. Il reste que certaines de ses affirmations laissent dubitatifs, notamment lorsqu’il est question de respect et de bonne entente avec les Russes…
L’autre intérêt est lié à ses commandements. Il intègre en effet la très particulière et unique 22. Luflande-Division, unité aérotransportée par avions qui joue un rôle important lors de l’invasion des Pays-Bas en 1940. Ses diverses affectations sur le front de l’Est, s’étalant sur trois années, sont du plus haut intérêt, le passage le plus captivant étant celui de la campagne de Crimée et de Sébastopol. Les lignes consacrées à Anzio/Nettuno ont aussi retenues mon attention. Enfin, pour nous Français, Choltitz présente l’intérêt d’avoir eu en charge le flanc gauche du front de Normandie jusqu’à la percée américaine consécutive à l’opération Cobra, et d’avoir présidé aux destinées de Paris au moment de la Libération. Deux chapitres qui m’ont procuré de beaux moments de lecture. Autant de campagnes racontées d’un point de vue allemand, donc incomplet, mais toujours intéressant. Il est cependant préférable de bien connaître les combats de l’Ostfront ainsi que la bataille de Normandie (« un monstrueux bain de sang » ainsi que la qualifiera le général à l’époque), au moins dans les grandes lignes, pour suivre un tant soit peu le cours des événements…
La libération de Paris est évidemment le moment le plus attendu, et heureusement bien annoté par Jean-Charles Foucrier qui fournit un complément d’informations bienvenu. Il est intéressant de lire la version de l’Allemand. Choltitz se donne le beau rôle écrit pour la postérité. Il n’a pas détruit Paris parce qu’il n’en n’avait certes pas les moyens, mais également parce qu’il savait pertinemment qu’il le payerait de sa vie. L’homme se présente ainsi comme le « sauveur de Paris », alors qu’il a été un officier obéissant et fidèle au Führer. Ces critiques à l’endroit de ce dernier vont bon train, une antienne chez les anciens cadres de la Wehrmacht. Quant au portrait peu flatteur qu’il brosse du dictateur, et notamment le fait qu’il le qualifie de « fou », qu’on me permette de douter que ce furent là ses impressions véritables (mais la chose n’est pas impossible puisque c’est le terme que Choltitz utilise lorsqu’il évoque la rencontre à d’autres officiers allemands au cours de sa captivité alors qu’il est enregistré à son insu) …
Evoquant sa captivité (une dizaine de pages), Choltitz finit par se présenter comme une victime, injustement maltraitée, oublieux par ailleurs des forfaits sans nombre commis par son armée. Les trente dernières pages offrent une réflexion intitulée « regards sur le passé et perspectives d’avenir. »
Ces mémoires bénéficient en outre d’une longue et très réussie présentation signée Jean-Charles Foucrier, auteur d’un livre réussi, La Guerre des Scientifiques. 1939-1945, que j’ai présenté ici, et que je recommande tout autant. Ceci étant, je ne suis pas Jean-Charles Foucrier quand il affirme qu’Erwin Rommel est un pilier de la résistance allemande depuis le début de 1944: au contraire, le Feldmarschall s’évertue à trouver les solutions pour repousser l’Invasion jusqu’au Jour J. C’est seulement quelques jours après le débarquement, quand il est évident que la défaite est assurée, que le « Renard du désert » commence à réfléchir à « une sortie de guerre », sans rejoindre pour autant Stauffenberg. Même constat pour Kluge qui, lui, parvient au front seulement début juillet 1944, plein d’illusions et d’enthousiasme.
Au final, un livre a prendre tel qu’il est : un témoignage (avec toutes les limites du genre) qui se lit bien, pas ennuyeux car offrant des situations variées et servi par un texte qui se lit bien, à défaut d’être objectif (mais les notes et l’avant-propos rectifient cet écueil).
Mémoires, Général von Choltiz, éditions Perrin, 2020
Les éditions Perrin ont eu l’excellente initiative de publier les mémoires du fameux général allemand von Choltitz, passé à la postérité pour son rôle de commandant du Gross Paris au moment de la libération de la capitale, et immortalisé sur le grand écran sous les traits de Gert Fröbe dans Paris Brûle-t-il? de René Clément.
Le parcours de cet Allemand de la noblesse silésienne, page à la cour de Saxe, profondément catholique (un élément qui revient à plusieurs reprises dans le récit), est des plus intéressants car la carrière de Dietrich von Choltitz est plutôt riche en événements et en affectations des plus variées.
Comme il se doit, ces mémoires sont l’occasion pour l’intéressé de se dédouaner de toute connivence avec les crimes du nazisme et de présenter -presque ad nauseam– la Wehrmacht comme une armée apolitique, correcte et des plus efficaces. On le sait maintenant, tout ceci n’est qu’un mythe… L’auteur se garde bien d’évoquer le fameux serment prêté à Hitler dans la partie qu’il consacre à l’avant-guerre, n’abordant le sujet qu’en fin d’ouvrage, dans un passage où il explique pourquoi on ne peut reprocher à des officiers allemands de ne pas s’être opposés à Hitler…
La majeure partie du texte est consacrée à la Seconde Guerre mondiale. L’un des premiers intérêts du livre est le ton assez vivant du récit de Choltitz, d’autant que celui-ci insiste à de nombreuses reprises sur le vécu du troupier et les conditions de vie au front. La lecture est donc agréable. On perçoit la rancoeur habituelle du soldat du front à l’égard des « planqués » de l’arrière. Il reste que certaines de ses affirmations laissent dubitatifs, notamment lorsqu’il est question de respect et de bonne entente avec les Russes…
L’autre intérêt est lié à ses commandements. Il intègre en effet la très particulière et unique 22. Luflande-Division, unité aérotransportée par avions qui joue un rôle important lors de l’invasion des Pays-Bas en 1940. Ses diverses affectations sur le front de l’Est, s’étalant sur trois années, sont du plus haut intérêt, le passage le plus captivant étant celui de la campagne de Crimée et de Sébastopol. Les lignes consacrées à Anzio/Nettuno ont aussi retenues mon attention. Enfin, pour nous Français, Choltitz présente l’intérêt d’avoir eu en charge le flanc gauche du front de Normandie jusqu’à la percée américaine consécutive à l’opération Cobra, et d’avoir présidé aux destinées de Paris au moment de la Libération. Deux chapitres qui m’ont procuré de beaux moments de lecture. Autant de campagnes racontées d’un point de vue allemand, donc incomplet, mais toujours intéressant. Il est cependant préférable de bien connaître les combats de l’Ostfront ainsi que la bataille de Normandie (« un monstrueux bain de sang » ainsi que la qualifiera le général à l’époque), au moins dans les grandes lignes, pour suivre un tant soit peu le cours des événements…
La libération de Paris est évidemment le moment le plus attendu, et heureusement bien annoté par Jean-Charles Foucrier qui fournit un complément d’informations bienvenu. Il est intéressant de lire la version de l’Allemand. Choltitz se donne le beau rôle écrit pour la postérité. Il n’a pas détruit Paris parce qu’il n’en n’avait certes pas les moyens, mais également parce qu’il savait pertinemment qu’il le payerait de sa vie. L’homme se présente ainsi comme le « sauveur de Paris », alors qu’il a été un officier obéissant et fidèle au Führer. Ces critiques à l’endroit de ce dernier vont bon train, une antienne chez les anciens cadres de la Wehrmacht. Quant au portrait peu flatteur qu’il brosse du dictateur, et notamment le fait qu’il le qualifie de « fou », qu’on me permette de douter que ce furent là ses impressions véritables (mais la chose n’est pas impossible puisque c’est le terme que Choltitz utilise lorsqu’il évoque la rencontre à d’autres officiers allemands au cours de sa captivité alors qu’il est enregistré à son insu) …
Evoquant sa captivité (une dizaine de pages), Choltitz finit par se présenter comme une victime, injustement maltraitée, oublieux par ailleurs des forfaits sans nombre commis par son armée. Les trente dernières pages offrent une réflexion intitulée « regards sur le passé et perspectives d’avenir. »
Ces mémoires bénéficient en outre d’une longue et très réussie présentation signée Jean-Charles Foucrier, auteur d’un livre réussi, La Guerre des Scientifiques. 1939-1945, que j’ai présenté ici, et que je recommande tout autant. Ceci étant, je ne suis pas Jean-Charles Foucrier quand il affirme qu’Erwin Rommel est un pilier de la résistance allemande depuis le début de 1944: au contraire, le Feldmarschall s’évertue à trouver les solutions pour repousser l’Invasion jusqu’au Jour J. C’est seulement quelques jours après le débarquement, quand il est évident que la défaite est assurée, que le « Renard du désert » commence à réfléchir à « une sortie de guerre », sans rejoindre pour autant Stauffenberg. Même constat pour Kluge qui, lui, parvient au front seulement début juillet 1944, plein d’illusions et d’enthousiasme.
Au final, un livre a prendre tel qu’il est : un témoignage (avec toutes les limites du genre) qui se lit bien, pas ennuyeux car offrant des situations variées et servi par un texte qui se lit bien, à défaut d’être objectif (mais les notes et l’avant-propos rectifient cet écueil).