Seconde Guerre Mondiale WWII

L’INFANTERIE DE L’AFRIKA-KORPS

Les fantassins: composante oubliée du DAK

Des Panzer soulevant des nuages de poussière évoluant dans le désert : l’image d’Epinal du DAK dans la propagande insiste sur le fer de lance de Rommel. Pourtant, si les formations italiennes constituent le gros de l’infanterie de l’Axe en Afrique, l’Afrika Korps compte également dans ses rangs des unités de fantassins allemands au rôle souvent méconnu et sous-estimé que nous nous proposons d’aborder dans cet article.

Trop peu de fantassins en début de campagne (février-avril 1941)

         Si Rommel avait disposé de la 15. Panzer-Division comme premier élément de son Afrika Korps, il aurait bénéficié dès le début de la campagne de 5 bataillons d’infanterie et de trois Abteilungen d’artillerie. En lieu de cela, la 5. Leichte-Division (12 000 hommes sur les 25 000 Allemands débarqués fin mars 1941), qui commence son transfert à Tripoli en février 1941, compte certes de nombreux Pak et Flak et à peu près autant de Panzer (autour de 150), mais n’aligne que le seul I./Artillerie-Rgt 75 et, surtout, deux bataillons d’infanterie : les Maschinengewehr-Bataillonen 2 et 8 (MG Bn) rassemblés au sein du Rgt zbV 200. Cette division n’est en effet qu’un Sperrverband, c’est à dire une unité conçue comme force de blocage contre toute avance britannique en direction de Tripoli. Son rôle est avant tout défensif.

         Le manque de fantassins allemands à l’orée de cette campagne sera rédhibitoire pendant toute l’histoire du DAK. Dès le début du mois d’avril 1941, en s’attaquant prématurément à Tobrouk, qu’il pense en pleine évacuation, Rommel n’engage que trop peu de fantassins sous le couvert d’un appui d’artillerie dérisoire. Le MG Bn 8 de Ponath n’a connu aucun répit après la ruée à travers la Cyrénaïque de la semaine précédente qui lui a coûté 108 hommes. La puissance de feu originelle des deux MG Bn est pourtant impressionnante compte-tenu des effectifs: 46 mitrailleuses, 9 Panzerbüsche (fusils antichars), 15 mortiers et entre 6 et 15 Pak.

         La coopération interarmes tant vantée du Blitzkrieg semble inopérante au cours de l’assaut contre Tobrouk. Les Panzer sont vite désolidarisés de l’infanterie –le seul MG Bn 8 sans le MG Bn 2– et s’enfoncent seuls dans le dispositif adverse. Quand la position devient intenable, c’est aussi seuls que les blindés se retirent en sécurité au-delà du fossé antichar dans les lignes germano-italiennes, laissant à leurs sort les infortunés combattants du bataillon de mitrailleurs. Le bilan est très lourd pour les Allemands : à peine 116 hommes sur 500 ont pu rejoindre les lignes. Ce bataillon, qui a commencé la campagne avec 1 400 hommes, est réduit à 300 combattants. Plusieurs écueils ont desservi Rommel : une reconnaissance négligée, un nombre insuffisant de fantassins allemands et une mauvaise coopération interarmes faute de disposer d’artillerie et de semi-chenillés SPW pour accompagner les Panzer au plus près (sans toutefois prendre le risque de subir des tirs antichars). Les semi-chenillés Sdkfz 251 n’équipent que quelques sections de la 5. Leichte Division et, plus tard, un bataillon de la 15. Panzer-Division (le 1er novembre 1942, l’Afrika Korps ne compte qu’à peine 15 Sdkfz 251 sur les 73 de dotation théorique). En phase de mouvement, la meilleure protection préconisée contre les tirs d’artillerie alliés est la rapidité et la dispersion. Les unités d’infanterie possèdent toutefois leurs propres armes antichars afin d’être en mesure de repousser toute attaque de tanks anglais. Mais il s’agit d’abord de faibles Pak 36 de 3,7 cm et de Panzerbüsche. Ces derniers sont également souvent inopérants. Pour parer à la faiblesse en moyens antichars, en cette période de la guerre antérieure à l’ère du bazooka, des charges creuses peuvent être tirées à partir d’un dispositif spécial adapté sur K 98 mais cette arme reste rare et de courte portée (ce dernier point étant d’importance dans le désert).

         L’entrée en lice de la 15. Panzer-Division en avril-mai 1941 change la donne. L’unité engerbe en effet la 15. Schützen-Brigade (mot) avec les 104. et 115. Schützen-Regimenter (mot), chacun avec deux bataillons, ainsi que le Kradschützen-Bataillon 15 (mot), c’est à dire des motocyclistes : cet ensemble représente 5 bataillons d’infanterie. Ces unités de fantassins de la 15. Panzer totalisent 366 mitrailleuses, 75 mortiers, 21 Pak et 22 Infanterie-Geschütze. Rommel reçoit en outre le renfort de 6 bataillons d’infanterie indépendants, des Stellungbataillone. Rommel dispose aussi d’autres fantassins dans des formations telles que le bataillon zbV 300 « Oasen ».

Indispensable infanterie allemande sur les positions défensives (mai-juin 1941)

         L’infanterie est nécessaire à l’investissement de Tobrouk et pour tenir les positions défensives établies sur la frontière égyptienne de Derna à Halfaya tout en gardant des fantassins avec les divisions de Panzer. Après les combats de « Battleaxe », le Generalmajor Sümmermann, commandant de la Division z.b.V.Afrika dont il est question plus loin, estime que les positions défensives de l’Afrika Korps sont virtuellement imprenables. Elles seront améliorées pour le temps de l’opération « Crusader » (lancée en novembre 1941). Sümmermann met au point une entrée en action élaborée des différentes armes des points défensifs dans laquelle l’infanterie a sa part. Trois phases sont à envisager. Si, au cours des deux premières phases,  ce sont avant tout les Flak et les Pak puis les Panzer qui interviennent, voire l’artillerie, l’infanterie joue aussi un rôle en ripostant contre toute attaque aérienne. Eventuellement, les fantassins visent également les chenilles des tanks adverses. Enfin lorsque l’adversaire est au plus proche, l’infanterie peut maintenant se concentrer contre les chars et les fantassins ennemis. Cependant, établie dans des positions fortifiées statiques ou déployée sur le champ de bataille, l’infanterie, très vulnérable, doit se retrancher tous azimuts sur un espace souvent plat. On observe toutefois quelques variations dans les positions défensives : si le I/ 115 Schützen-Rgt déploie deux compagnies en première ligne avec les antichars italiens (et deux Pak plus lourds en deuxième échelon) avec la majeure partie des Pak en première ligne de la compagnie placée en retrait (protégés par des positions comptant deux mortiers alternant avec des postes alignant deux mitrailleuses), le 2/ Schützen-Rgt 104 opte pour un déploiement d’une compagnie sur chaque aile, chacune avec le même nombre de Pak, et, au centre, l’ensemble des pièces lourdes de Flak protégées par de nombreuses mitrailleuses, mais offrant des cibles plus concentrées.

Vers un Panzer-Korps digne de ce nom (été 1941) ?

         En août 1941, la 5. Leichte-Division devient la 21. Panzer-Division en incorporant le Schützen-Rgt 104 (avec le MG Bn 8). Elle aligne alors 3 bataillons d’infanterie au lieu de 2. Le MG Bn 2 et le Schützen-Rgt Stab zbV 200 rejoignent pour leur part la 15. Panzer-Division en se combinant avec le Kradschützen-Bataillon 15.  La 15. Panzer aligne donc 4 bataillons de fantassins (5 auparavant). Ce même mois, le Stab Divisions Kommando zbV Afrika arrive sur la frontière égypto-libyenne. Au début, les unités qui lui rattachées le sont avant tout à des fins d’entraînement. C’est le cas du III./IR 347 et du Bataillon zbV « Oasen ». La nouvelle division – la future célèbre 90. Leichte Division– est avant tout une division d’infanterie avec le Schützen-Rgt 155 (mis sur pied le 15 septembre 1941 à partir de trois bataillons) et le III./IR 255, un bataillon jusqu’alors indépendant. Peu après, arrive d’Allemagne l’Afrika-Rgt 361, formé de soldats issus de la Légion étrangère française. L’unité est d’abord peu motorisée et manquant d’antichars et d’artillerie (ce qui changera beaucoup par la suite). En septembre, ses unités d’infanterie devraient aligner 148 Panzerbüsche. Les Panzerbüsche 38 et 39 sont des fusils antichars de 7.92 mm peu opérants. Toutefois, le mois de septembre 1941 voit une très nette amélioration dans les capacités antichars des régiments de fantassins du DAK grâce à l’introduction du schwere Panzerbüsche 41 de 2,8/2 cm. Ce dernier, en fait un véritable canon antichar léger, est nettement plus performant grâce à une bonne vitesse initiale due à son tube à âme conique et à ses obus au tungstène. L’engin peut en effet percer 52 mm de blindage sous un angle de 30° à 500 mètres, soit, à cette distance, à peu près l’équivalent des performances balistiques du canon de 47 mm tchèque qui arme les Panzerjäger I. A la mi-novembre 1941, L’Afrika-Rgt 361 doit aligner à lui seul 28 Panzerbüsche 41, 12 leFH 18 et 12 Flak 38. L’infanterie de Rommel semble mieux à même de relever le défi que représente l’affrontement face à des blindés.

Les effectifs de l’Afrika Korps et les ambitions de Rommel en Afrique

En Afrique, les conditions dans lesquelles se déroulent les opérations imposent l’affectation à Rommel de divisions motorisées. Certes, la 164. Leichte ne sera jamais motorisée et l’OKW réitérera son refus quant à l’envoi d’une nouvelle formation mobile dans le désert. De l’été 41 à l’été 42, la 90. Leichte donne à Rommel l’infanterie qui est nécessaire au succès de ses Panzer. Avec trois divisions –une motorisée et deux de Panzer réduite chacune à un seul régiment de Schützen– Rommel, qui se rêve conquérant de l’Egypte, dispose d’un outil militaire plus à la mesure de ses ambitions et de l’importance qu’il veut conférer à son commandement ainsi qu’au théâtre des opérations nord-africain : d’abord limité à une modeste division légère disposant de peu d’infanterie, l’Afrika Korps est devenu un véritable Panzer-Korps.

Heurts et malheurs des Schützen-Regimenter au cours de l’opération « Crusader » (novembre-décembre 1941)

         L’opération « Crusader», cause de lourdes pertes aux divisions allemandes. A la veille de la bataille, la Division zbV Afrika compte 8 bataillons d’infanterie, les deux divisions de Panzer en comptant 7. Les combats pour Sidi Rezegh montrent bien l’importance de l’infanterie, même dans une guerre mobile avec de vastes mouvements comme l’exige la guerre du désert. Le Kamfgruppe Mickl, articulé autour du Schützen-Rgt 155,  s’illustre plus particulièrement. Ainsi, les crêtes de Belhammed et d’El Duda sont-elles fermement tenues par les fantassins de l’Afrika Korps mais aussi de la Division zbV Afrika qui doivent en outre participer à l’investissement de Tobrouk en occupant des positions orientées vers la place forte assiégée.

         Les 22-23 novembre, le I./155 tient la crête au niveau même de Sidi Rezegh, le Schützen-Rgt 104 se déploie ensuite dans la continuité au niveau même de l’aérodrome et les I. et II/ Afrika-Rgt 361 tiennent les hauteurs qui font suite au niveau de Sidi Muftah. Les pertes seront lourdes pendant les trois semaines de batailles et le renfort de  fantassins des divisions de Panzer n’y changera rien. Les pertes s’alourdiront encore plus lorsque, quelques jours plus tard (le 27 novembre), la New-Zealand Division établira une jonction avec la garnison assiégée de Tobrouk. Le 22 novembre, le Schützen-Rgt 104 attaque la cuvette de Sidi Rezegh depuis le nord tandis que les Panzer frappent depuis l’ouest. L’effet sera dévastateur.

         Mais c’est l’attaque du lendemain, celle du Totensonntag (le « Jour des Morts » chez les Protestants en Allemagne), qui laissera les unités du British 30th Corps exsangues. Toutefois, le DAK est lui aussi très affecté. Si les Panzer ont mené la charge, l’infanterie motorisée allemande –soit 4 bataillons de la 15. Panzer– a attaqué essentiellement à bord de camions, par conséquent très vulnérables, puisque, on l’a vu, le DAK ne compte qu’une poignée de SPW (dont beaucoup relégués à des fonctions de commandement). Bien qu’étant en deuxième vague, l’infanterie portée n’a donc pas été épargnée. Le I./ Schützen-Rgt 115 atteint seul le Point 175 et l’attaque est en fait confuse, les Panzer étant parfois dépassé par l’infanterie et le manque de coordination s’avérant particulièrement marquant ce jour-là, au contraire des habitudes allemandes. Le MG Bn 2 a heureusement l’appui du Panzerjäger Abteilung 33 pour repousser une attaque de la 22nd Armoured Brigade. Point de Panzer non plus en soutien du Kradschützen-Bataillon 15 qui attaque seul les positions du 2nd Botha (5th South African Brigade), le I./ Panzer-Rgt 8 s’étant introduit dans le dispositif du 30th Corps à l’ouest de ces dernières sans les attaquer. La charge sur Sidi Rezegh se solde par de lourdes pertes en fantassins pour Rommel (et en Panzer). Un constat s’impose : sur positions défensives ou dans l’attaque l’infanterie ne peut espérer emporter la décision sans soutien des autres armes, en premier lieu les chars.

Début décembre, les Allemands parviennent à reprendre les hauteurs de Belhammed : Tobrouk est à nouveau isolé. Si, à cette occasion, l’infanterie et les Panzer attaquent selon des axes différents et de façon séparée, mais coordonnée, afin de disperser les tirs d’artillerie ennemis, les fantassins ne disposent plus d’un soutien suffisant en Panzer pour espérer exploiter leur succès. Le « Renard du Désert » manque de ravitaillement et de Panzer opérationnels. Il manque surtout de fantassins pour maintenir fermement l’anneau concentrique autour de Tobrouk ou même établir des lignes défensives jusqu’à Bir el Gobi ou encore au niveau de Gazala. Le repli est ordonné. A la fin de l’offensive, alors que Rommel amorce la retraite, 90. Leichte Afrika Division (ex-Division zbV Afrika depuis le 28/11) n’aligne plus qu’une douzaine de compagnies d’infanterie, ce qui est bien peu puisque cela dépasse de peu la dotation d’un régiment. Le 29 décembre 1941, il semble que la division soit réduite à environ 2 000 hommes avec 207 mitrailleuses, 12 mortiers lourds, 39 Panzerbüsche et 88 canons automoteurs ou non. Si le ratio armes lourdes/combattants est impressionnant, les effectifs sont désormais très insuffisant et renforts et réorganisation s’imposent. Les pertes sont très lourdes au sein des régiments de fantassins des trois divisions allemandes. L’infanterie perdra ses unités déployées sur la frontière (notamment le I./ Schützen-Rgt 104), qui capituleront à l’issue de la bataille. Certaines formations souffrent des pertes sévères, d’autres sont purement et simplement anéanties, comme le III./IR 255 et le Bataillon zbV « Oasen ».   Au cours du repli consécutif à la bataille de l’automne 1941, la 90. Leichte, donc l’essentiel de l’infanterie du DAK, fait pourtant montre de tous ses talents au cours d’une mission d’arrière-garde des plus réussies au profit de l’Afrika Korps et des unités italiennes. Le 8 janvier, la manœuvre de repli est achevée lorsque le Kampfgruppe Mickl rejoint à son tour la position d’El Agheila à la faveur d’une tempête de sable.

Refonte en profondeur des unités d’infanterie pour l’opération « Theseus » (janvier-juin 1942)

Les pertes au combat en fantassins, accentuées par le nombre de malades et de soldats désormais inaptes au service sous les Tropiques exigent l’arrivée massive de remplaçants. La situation est temporairement améliorée par l’adjonction de deux unités d’élite fraîchement arrivées dans le désert à partir de janvier 1942 : le Sonderverband 288, commandé par l’Oberst Menton et correspondant aux effectifs d’un gros régiment, et le Kampfgruppe Burckhardt, formé à partir du Fallschirm-Lehr-Bataillon et donc constitué de parachutistes. Mais les quelques 614 Fallschirmjäger envoyés en Afrique en janvier 1942 retournent en Europe dès le mois de mars.

Les derniers combats ont soulevé les difficultés auxquelles se heurtent les formations d’infanterie, parfois trop mal équipées. Allié à un manque d’effectifs endémique, ce constat amène à un changement radical au sein des unités. En janvier 1942, le nouveau commandant de la 90. Leichte, le Generalmajor Veith, se montre fort critique vis-à-vis de l’organisation des bataillons d’infanterie. Il préconise l’organisation d’un bataillon en quatre compagnies de puissance équivalente, chacune d’elle ayant ses propres armes lourdes et pièces antichars, ces dernières étant jusqu’alors concentrées dans une unique compagnie aux côtés des trois compagnies de fantassins. C’est une proposition similaire que formule Gustav von Vaerst, le chef de la 15. Panzer-Division, à Rommel : réduire le nombre de fantassins mais au bénéfice d’un équipement et d’un armement plus nombreux et de qualité.

En février, la Panzerarmee propose à l’OKH de porter les Schützen-Rgt des Panzer-Divisionen à trois bataillons (au lieu de deux) et de créer une seconde division d’infanterie motorisée à l’instar de la 90. Leichte. Si cette dernière proposition est rejetée par Berlin, la 90. Leichte et l’Afrika Korps sont donc réorganisés avec notamment l’adoption du principe « moins d’hommes, plus d’armes ». Les 21. et 15. Panzer sont donc dotée d’un 3e bataillon pour leurs Schützen-Rgt 104 et 115 (par arrivée de renforts et en renommant les MG Bn 2 et 8 ainsi que le Kradschützen Bn 15). Les bataillons d’infanterie sont en outre renforcés par une 13. Infanterie Geschütz Kompanie et une 14. Pionier Kompanie tandis que les autres armes lourdes sont ventilées au sein des quatre compagnies d’infanterie que compte chaque bataillon : il n’y  a plus de compagnie lourde ni de compagnies de mitrailleuses, et ce au bénéfice de l’armement collectif des compagnies d’infanterie classique. La 90. Leichte Infanterie-Division (c’est son nouveau nom) possède toujours ses deux premiers régiments, désormais appelés leichte Infanterie-Regimenter 155 et 361, subdivisés chacun en deux bataillons de quatre compagnies. Les deux bataillons restants, à savoir les III./ Schützen-Rgt 155 et III./ IR 347 forment le leichte Infanterie-Regiment 200. Les trois régiments sont dotés chacun d’une schwere Infanterie-Geschütz-Kompanie. Si l’arrivée de renforts et de remplaçants comble les pertes, les effectifs sont loin d’être au complet lorsque débute la bataille de Gazala (opération « Theseus » le 27 mai 1942) : ainsi, le Schützen-Rgt 104 n’atteint que 58% de sa dotation théorique.

Certaines armes se sont révélées inadaptées à la guerre du désert. Les Panzerbüsche légers ne sont d’aucune utilité pour percer le blindage des tanks ennemis, d’autant plus que les tirs à très courte portée sont très rares dans le désert où un adversaire peut être engagé dans de profonds compartiments de combat. Certains obus explosifs des mortiers ou d’Infanterie-Geschütze légers se montrent également inadaptés car leur puissance de destruction est nettement atténuée par le sol sableux. Les mortiers affectés aux compagnies sont désormais des mortiers lourds. Testé au sein du Schützen-Rgt 115 en janvier 1942, la nouvelle organisation est généralisée en avril 1942, juste avant la bataille de Gazala. Les régiments d’infanterie de Rommel, qui commencent à percevoir les nouvelles et excellentes MG 42, sont donc bien plus puissants que l’année précédente puisque leur armement lourd comprend 42 Pak 38, 39 Panzerbüsche (essentiellement des Pzb 41) et 39 mortiers lourds.

Les Schützen au sein du DAK en ordre de marche

Dans le désert, au printemps 1942, la formation de marche d’une division de Panzer -la Flaschenmarsch– repose sur l’étroite coopération entre les armes. Le commandement doit garder le contrôle de toutes ses formations afin d’assurer leur emploi optimal. Les flancs et l’avant-garde sont constitués par les unités de reconnaissances, dotés de blindés légers, d’automitrailleuses et de motocyclettes mais aussi de Flak. En second échelon, les Panzer et les Pak sont prêts à intervenir, avec le soutien de l’artillerie et, en retrait, les fantassins. L’arrière-garde consiste en d’autre Schützen et des unités de Flak. Les unités ainsi organisées se déploient sur un large front et sont aptes à réagir à tout danger qui se présenterait de quelque direction que ce soit.        

Le 27 mai, alors que l’Afrika-Rgt 361 attaque au nord dans le cadre de la feinte menée par le général Cruewell, la 90. Leichte se tient sur le flanc droit de l’Afrika Korps. Au soir de la première journée de la bataille de Gazala, cette division est presque encerclée. Si son avance semble donc prometteuse, la 90. Leichte se retrouve donc en situation périlleuse car isolée et en manque d’approvisionnement. Son infanterie subit d’emblée de lourdes pertes. Se repliant vers l’ouest, elle rejoint l’Afrika Korps dans le « Chaudron » (la zone où les forces de Rommel sont virtuellement encerclées car adossées aux champs de mines anglais). Les unités d’infanterie, en particulier celles de la 90. Leichte, vont alors un rôle crucial, vital même, pour sortir le DAK d’une position périlleuse, en contribuant largement à la chute du « box » de la 50th Division à Got el Oualeb le 30 mai 42, position qui entravait le ravitaillement du DAK. De même, les opérations menées contre Bir Hacheim seront avant tout le fait de fantassins soutenus par l’artillerie et l’aviation. Si ce sont les deux divisions de Panzer qui tiennent le rôle majeur lors de la chute de Tobrouk, puisque la victoire se décidera par la destruction des forces blindées britanniques à « Knightsbridge », l’infanterie ouvre la voie aux Panzer dans les défenses de Tobrouk qui tombe le 21 juin.

L’entrée en Egypte et El Alamein : l’infanterie de Rommel à son nadir (juin-août 1942)

Les rudes combats de la bataille de Gazala imposent une attrition sévère au sein de certaines unités puisque les 7-9 juin 1942, on ne compte que 425 hommes au sein du Schützen-Rgt 155. Les pertes en fantassins ont encore été lourdes pour Rommel qui demande en conséquences 8 000 hommes en renforts à Hitler mais le Führer refuse tout mouvement de troupes allemandes à travers la Méditerranée tant que la question de Malte n’est pas réglée. Or l’avancée en Egypte consécutive à la victoire de Tobrouk relègue la question d’une opération sur Malte au second plan. L’infanterie de la 90. Leichte garde pour autant tout son allant. Le 27 juin, elle se trouve à la pointe d’une avancée audacieuse au sein du dispositif britannique à Mersa Matrouh. Quelques jours plus tard, le 30 juin, la 90. Leichte est la première formation allemande de Rommel à atteindre la position d’El Alamein. Dès le 1er juillet, quand débute la première bataille d’El Alamein, face à la détermination des Sud-Africains et sous un déluge d’acier, elle s’avère pourtant incapable de mener à bien la tâche qui lui est dévolue tandis que les fantassins de l’Afrika Korps sont à la peine pour réduire le « box » de Deir-el-Shein. Au-delà de la puissance de l’artillerie adverse et du manque de Panzer, Rommel n’a plus assez d’infanterie. Les deux divisions blindées de l’Afrika Korps ne comptent plus dans leurs rangs qu’à peine 500 fantassinstandis que la 90. Leichte-Division n’en aligne qu’un peu plus d’un millier. Les trois corps italiens ne regroupent pour leur part que 5 500 fantassins, ce qui est également bien peu. Quelques jours plus tard, on ne compte guère que 3 000 Allemands en première ligne. Les Italiens sont peut-être 15 000.

Les combats défensifs du mois de juillet sont donc menés avec un minimum de fantassins allemands. Leur présence est pourtant indispensable pour épauler les Italiens incapables de tenir le front à eux-seuls et leur intervention sur le champ de bataille reste souvent couronnée de succès même en l’absence d’effectifs significatifs. Ainsi, les 21-22 juillet, les Néo-Zélandais et les Indiens, mal soutenus par les blindés britanniques, s’attaquent aux positions tenues par la « Brescia » et le III./ Schützen-Rgt 104 dans la zone Deir-el-Shein et de la crête de Ruweisat ainsi que contre les défenses du III./ Schützen-Rgt 115 et du II./ Schützen-Rgt 104. Si les Néo-Zélandais ont atteint la dépression d’El Mreir et que le chaos règne un temps chez les défenseurs, aucune percée n’a été obtenue. Les fantassins allemands tiennent pourtant leurs positions, parfois après avoir été dépassés et encerclés. Le Kampfgruppe 115 de l’Oberst Baade (avec des Panzer, de l’artillerie et un bataillon d’infanterie) et le I./ Schützen-Rgt 104 arrivent à la rescousse avec les Panzer de l’Afrika Korps. L’intervention de ces derniers sera décisive, semant la destruction au sein des régiments blindés britanniques avec les tirs des Pak et les mines. Elle n’a pourtant été possible que dans la mesure où l’infanterie a tenu le choc de l’attaque ennemie. Le 27 juillet, lesSchützen-Rgt du DAK ne comptent plus que 300 hommes chacun. Le Schützen-Rgt 115 est même finalement réduit à 2 compagnies de 80 hommes avec les cadres du 3e bataillon. Les fantassins, constamment sur la brèche et particulièrement exposés, sont les plus touchés. L’état sanitaire de la Panzerarmee ne s’améliore pas et la disponibilité en hommes reste donc des plus ténues. Près de 10 000 soldats sont portés malades au mois d’août.

            Des renforts importants en infanterie parviennent à Rommel en juillet et août 1942 alors qu’il manque désespérément de fantassins après la bataille de Gazala. Le contingent le plus important est la « Festungsdivision Kreta ». Incorporant l’IR 125, elle est renommée 164. Leichte Afrika-Division. Alors que la 90. Leichte Afrika Divison (elle retrouve cette terminologie le 26 juillet) constitue en fait une division motorisée, la 164. Leichte arrive de Crète par voie aérienne, c’est à dire sans véhicules, dont elle manquera toujours. Rommel continue pourtant à réclamer sa motorisation intégrale ainsi qu’une autre division motorisée. Le 10 juillet, ses premiers éléments -2 000 soldats de l’IR 328- arrivent à point nommé pour enrayer une percée effectuée par les Australiens le long de la côte, à Tell-el-Eisa. L’autre unité majeure apportant de l’infanterie à Rommel est la Brigade Ramcke (rebaptisée Luftwaffen Jäger Brigade 1 en septembre 1942), forte de 4 bataillons de Fallschirmjäger. Pour sa part, la 90. Leichte gagne encore en puissance. Les Panzergrenadiere (et non plus leichte)-Regimenter 200 et 361 sont désormais pleinement motorisés. En outre, la division se voit adjoindre l’état-major de la 15. Schützen-Brigade avec les leichte Regimenter, 200 et 361, puis 155. Le DAK absorbe aussi quelques renforts : début août, le Pz-Gren-Rgt 104 retrouve une force combattante de 591 hommes tandis que la Pz-Gren-Rgt 115 aligne 946 combattants. A la fin du mois, au cours de la bataille d’Alam Halfa, la « course de 6 jours » pour les Allemands, Rommel aurait pu tenter un encerclement en profondeur au-delà de la crête sur laquelle a buté son offensive s’il avait pu bénéficier de davantage d’unités d’infanterie motorisée bien pourvues en Pak pour assurer son flanc. La division motorisée supplémentaire que désirait Rommel ainsi qu’une 164. Leichte équipée et motorisée comme la 90. Leichte auraient été d’un apport capital, à condition de pouvoir en assurer le ravitaillement et en premier lieu l’approvisionnement en carburant. Alors que Rommel a attaqué avec des régiments blindés de puissance respectable (avec pour la première fois de nombreux Panzer III et IV Spezial à canons longs) et selon un rapport de force acceptable (aux alentours de 2 contre 3), l’infanterie allemande n’a donc pas un rôle secondaire dans l’affrontement décisif qui se déroule dans les sables égyptiens.

D’El Alamein à la Tunisie : des Panzergrenadiere indispensables pour tenir le front (octobre 1942- mai 1943)

A l’instar de l’investissement de Tobrouk, l’infanterie allemande est indispensable à Rommel pour tenir l’intégralité de la ligne d’El Alamein. Les déboires subis par nombre de divisions italiennes les unes après les autres (y compris l’excellente division blindée « Ariete ») au cours du mois de juillet ont eu un fort impact sur Rommel. Les troupes italiennes, globalement moins combattives (à de rares exceptions près) et surtout très mal équipées, ne peuvent espérer repousser à elles-seules une offensive ennemie. Les régiments et les bataillons de la 164. Leichte sont donc utilisés pour corseter le front où sont déployés les italiens, une pratique qui n’avait pas court à Tobrouk. Imbriqués de la sorte, les Germano-Italiens espèrent offrir une défense inexpugnable. De fait, dans la zone d’attaque du 30th Corps, la 164. Leichte-Division et la « Trento » disposent à elles deux de 13 600 hommes, principalement allemands, et d’un arsenal conséquent : 180 Pak 38, 70 antichars italiens, 90 pièces d’artillerie et 16 Flak de 88 mm. En outre, les deux unités ont le soutien de 243 pièces d’artillerie. C’est donc, en ce qui concerne les unités allemandes, la 164. Leichte qui supporte le poids des premières heures de l’offensive de Montgomery à El Alamein. Rommel compte sur ses fantassins pour tenir le front et sur ses Pak et les contre-attaques de Panzer pour anéantir un adversaire englué dans les champs de mines. Comme d’accoutumée en Afrique, les effectifs sont loin d’être conformes à la dotation théorique et le nombre d’hommes disponibles, s’il n’est pas négligeable et s’il s’est sensiblement amélioré, reste limité. La Panzerarmee Afrika compte alors 48 854 rationnaires allemands, mais les fantassins ne sont qu’au nombre de 12 147, dont 5 076 à la 164. Leichte et 2 380 Fallschirmjäger. Le DAK aligne désormais beaucoup plus de fantassins qu’en juillet ou en août : on dénombre 1 792 Panzergrenadiere pour la 21. Panzer-Division et 1 393 pour la 15. Panzer-Division. La 90. Leichte aligne 6 269 hommes de toutes les armes. La stratégie de Montgomery, connue depuis des décennies, est simple. Le général anglais entend de son côté mener une guerre d’attrition en grignotant les effectifs de l’infanterie adverse, privant ainsi Rommel de tout espoir de pouvoir tenir la ligne de front. Dans le même temps, il espère briser les contre-attaques de Panzer et détruire ces derniers sur les positions conquises.

La mêlée s’éternisera 13 jours dans une bataille de position où l’infanterie joue un rôle crucial. C’est finalement avec des effectifs très diminués que Rommel doit abandonner El Alamein. Au cours de la retraite en Libye et lors des combats en Tunisie, la 90. Leichte, la force majeure en infanterie allemande avec la 164. Leichte, assure toujours un excellent rôle d’arrière-garde. Comme à El Alamein, l’infanterie allemande est toujours indispensable pour tenir le front : directement sur la ligne « Mareth » derrière l’oued Zigzaou pour la 90. Leichte ou dans les monts Matmata situés juste à l’ouest pour la 164. Leichte. Lors des combats menés sur cette ligne à la fin mars 1943, sur la ligne de l’oued Akarit les 6 et 7 avril, puis à Enfidaville, l’infanterie allemande de l’Afrika Korps se montrera à la hauteur de sa réputation. Elle inflige des pertes sensibles aux assaillants, vouant à plus d’une occasion les assauts britanniques à l’échec.  Le 13 mai 1943, tout est fini.

Les Afrika-Marsch-Bataillone : pallier à un manque de fantassins

En théorie, ce ne sont pas des unités combattantes : les effectifs doivent être ventilés comme renforts selon leur spécialité auprès des unités qui en ont besoin. Devant l’urgence de la situation, des Afrika-Marsch-Bataillone sont toutefois engagés tels quels en Tunisie. Le Tunis-Feld-Bataillon T2 est ainsi rattaché au Pz-Gren-Rgt 104 dans le secteur du col du Faïd. L’Afrika-Marsch-Bataillon A 29 combat lui-aussi avec la 21. Panzer à Mezzouna. La période qui suit la bataille de Kasserine, donc à partir du 23 février 1942, constitue un bref moment permettant une réorganisation des unités avant la reprise d’une offensive contre la 8th Army. Certains bataillons de remplacements sont ainsi intégrés directement au sein des divisions sans que le personnel ne soit affecté selon sa spécialité alors que d’autres sont dissous et les hommes sont mutés selon leur arme. Ainsi, l’Afrika-Marsch-Bataillon A 40 devient-il le II./ Pz-Gren-Rgt « Afrika » au sein de la 164. Leichte tandis que l’Afrika-Marsch-Bataillon A 30 fournit 47 artilleurs à la 21. Panzer.

Conclusion : l’importance de l’infanterie au sein de l’Afrika Korps

         Dans le désert, les unités de fantassins mal déployées et non retranchées sont très vulnérables. Par ailleurs, la non-motorisation, comme au sein de l’armée italienne, constitue un écueil considérable. L’infanterie est pourtant indispensable à Rommel pour tenir le front à Tobrouk, Gazala et El Alamein ou encore de Bardia à Halfaya ainsi qu’en Tunisie, de la ligne « Mareth » à Enfidaville. Elle a aussi été nécessaire pour s’attaquer aux positions défensives adverses à Tobrouk, à Bir Hacheim ou à El Alamein. Si le « Renard du Désert » ne confie qu’un rôle subalterne à l’infanterie italienne, capacités opérationnelles sont réduites (même si certaines unités ont lutté avec courage et efficacité), l’infanterie allemande s’est montrée à la fois essentielle mais aussi efficace. Outre les régiments de fantassins des 15. et 21. Panzer, l’appui d’infanterie nécessaire à l’Afrika Korps depuis sa création a été essentiellement fourni par la 90. Leichte. Pourtant, Rommel ne disposera jamais d’assez de fantassins allemands.

Orientation bibliographique :

Sur la campagne : Benoît Rondeau, Afrikakorps, l’armée de Rommel, Tallandier, 2013

Sur l’organisation du DAK : Pier Paolo Battistelli, Rommel’s Afrika Korps. Tobrouk to El Alamein , Battle Orders N°20, Osprey Publishing, 2006 et George F. Nafziger, The Afrika Korps. An Organizational History. 1941-1943, Pisgah, OH, 1997

Sur la 164. Leichte : Hans Dittner, Odyssee II, Pforzheim, 1983 (récit d’un soldat)

Sur la 90. Leichte : Otto Henning, Als Panzerschütze beim Deutschen Afrika Korps. 1941-1943. Ein 17-jähriger Kriegsfreiwilliger in der Aufklärungs-Kompanie (mot.)580, Flechsig, 2006 et Alois Shirmer, “Division z.b.V. Afrika – “Alpenrose ruft Enzian” et Mit der 90. leichten Afrika-Division in Rommels Heer Flechsig Verlag 2010

Voir aussi mon article sur la la 90. Leichte: