LA COUVERTURE MEDIATIQUE DELA BATAILLED’EL ALAMEIN
« Desert Victory »
La décision de réaliser un film de propagande sur la seconde bataille d’El Alamein est prise pendant la guerre. L’œuvre est appelée « Desert Victory ». La base de l’Army Film and Photographic Unit (AFPU) est située aux studios Pinewood, dans le comté de Buckingham. Les prises de vues sont d’abord livrées au département Public Relation 2 dirigé par Ronald Tritton afin d’êtres classées et subir la censure. Tritton, responsable des films de propagande de l’armée, est en lien avec le Ministère de l’Information. La plupart des films sont ensuite envoyés à Pinewood, où les différents directeurs vont parachever leur travail. L’équipe n°1 de la Photographic Unit est attachée à la 8th Army et elle est placée sous le commandement du major David MacDonald. Tous ses caméramans ont suivi l’entraînement de tous les combattants et possèdent tous le grade de sergent. MacDonald est donc chargé de la réalisation de « Desert Victory ». Roy Boulting sera le directeur et supervisera le film. Les caméramans ont couvert la bataille d’El Alamein de façon tout à fait routinière, comme ils l’ont fait pour les batailles précédentes. Toutefois, devant le succès immense de la bataille et son retentissement, le projet gagne de l’ampleur pour devenir un élément de propagande essentiel. La couverture des combats par les caméramans ne permet bien sûr pas de filmer la totalité de l’action, mais les équipes ont donné le maximum. C’est ainsi qu’entre 26 et 32 reporters ont en permanence suivi les forces terrestres. 3 ou 4 des caméramans ont payé de leur vie cette couverture de l’événement. Entre 5 et 7 de ces hommes sont blessés et entre 3 et 6 sont capturés. Les conditions de tournage imposent bien sûr de procéder à plusieurs reconstitutions. Si les tirs de canons dans la nuit sont bien réels, les scènes montrant des officiers consultant leurs montres et donnant l’ordre d’ouvrir le feu sont des scènes de studio.
C’est également à Pinewood que sont tournées les images montrant l’infanterie et les sapeurs avançant au son de la cornemuse. Il était en effet impossible d’obtenir de telles scènes dans le feu de l’action. Des graphiques animés sont en outre ajoutés pour expliquer le déroulement de la bataille. Sur ces cartes, les Britanniques sont donc placés à droite. Il sera exigé que les scènes gardées pour le film montrent toujours les Alliés se déplaçant vers la gauche de l’écran. Des images sont donc inversées pour répondre à cette demande, ce qui inverse donc parfois les places des conducteurs et des mitrailleurs des tanks, sans parler du M3 Grant dont la pièce de 75 mm est normalement placée en casemate sur le flanc droit de la caisse ! Les images mettant en scène des fantassins sont un mélange de reconstitutions et de scènes prises sur le vif.
Une des plus fameuses photographies du « Chet’s Circus »
Les photographies les plus célèbres de la bataille sont certainement celles prises par l’unité du sergent Chetwyn, le « Chet’s Circus ». Les images des soldats australiens menés par leur officier et attaquant baïonnette au canon ont fait le tour du monde, illustrant en fait dans nombre de livres n’importe quel épisode de la campagne d’Afrique du Nord ! Ce sont pourtant des scènes reconstituées. Il en va de même de la fameuse scène d’une équipe de fantassin, dont le tireur armé d’un Bren ouvre le feu avec son arme posé sur une épave de Panzer III, la scène étant d’ailleurs inversée pour indiquer toujours le sens de l’attaque alliée, vers la gauche des images. Filmées à l’arrière des zones de combat, en choisissant l’angle de prise, les effets visuels et la luminosité, les images de Chetwyn sont incontestablement d’une qualité supérieure à celles prises dans le feu de l’action, d’où le choix de les retenir par les responsables du film. Mais cela n’est pas sans causer des tensions avec les autres équipes de caméramans qui ont risqués leur vie pour réaliser leurs films sur le front. Boulting a pourtant besoin des images de Chetwyn pour son projet. Toutefois, le montage final comporte bien trop d’images inversées, à en juger par le nombre important de gauchers ! Monty lui-même n’a pas été épargné par le procédé ! Notons que le grand succès de « Desert Victory » avec sa voix-off calme couplée avec des images d’action est à l’origine du style des prochains films de propagande réalisés à al suite du débarquement en Normandie. Pourtant, il ne sera alors plus nécessaire de recourir à des images de studios comme pour le travail de Boulting et MacDonald. Quant aux scènes illustrant l’action des forces aériennes, rien ne prouve n’y ne contredit le fait qu’elles aient été réellement pris au cours de la seconde bataille d’El Alamein. Certaines images allemandes ont été en outre ajoutées au film pour présenter le côté adverse.
Après la prise de Tripoli, le 23 janvier 1943, l’équipe de MacDonald travaille nuit et jour pour terminer au plus vite le film, dont la sortie est prévue en mars. L’œuvre est finalement rendue achevée le 15 mars 1943, alors que les rêves africains de l’Axe s’écroulent en Tunisie. Une première projection a eu en fait lieu 10 jours plus tôt à Londres. Dès que des copies sont disponibles, elles sont envoyées à New-York, où sont centralisées les compagnies de distribution américaines, canadienne et sud-américaine. Winston Churchill envoie personnellement un exemplaire au président Roosevelt. Des copies sont également distribuées en Egypte, en Turquie, en Palestine, en Perse, en Irak, en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Dans sa lettre accompagnant l’exemplaire destiné à Roosevelt, Churchill affirme que les images offrent une vue réaliste de la bataille et que le président sera sûrement content de voir des images du char M4 Sherman en action. Roosevelt répond en affirmant que « Desert Victory » est la plus grande réussite cinématographique sur cette guerre depuis son déclenchement. Staline répond lui aussi à Churchill, qui lui a également envoyé un exemplaire du film. Le dictateur du Kremlin écrit que « Desert Victory » lui a fait grande impression et montre comment la Grande-Bretagne se bat et qu’elle se bat effectivement, n’en déplaise à certains détracteurs russes. Il affirme en outre sa volonté de le diffuser au sein des armées soviétiques. En raison de son style novateur en matière d’œuvre de propagande en temps de guerre, c’est-à-dire en mixant des informations de guerre et des scènes dramatiques, « Desert Victory » reçu un accueil favorable de la critique. En Amérique, le film reçoit même un Oscar. Le succès est tel qu’un certain B.J.Goldenburg tente de mettre sur le marché un « béret de Monty », qui apparaît sur la tête d’un mannequin sur une couverture de Life.
La bataille d’El Alamein dans la presse, la radio et les comptes-rendus des armées
Lundi 26 octobre 1942
Commando Supremo, Rome :
« Sur le front égyptien, de nouvelles attaques en force de l’ennemies, soutenues par
des blindés, ont été repoussées. »
Lundi 26 octobre 1942
QG 8th Army :
« A l’heure qu’il est, la 8th Army est aux prises avec l’Afrika Korps et les forces italiennes sur un large front dans le secteur d’El Alamein. Après deux jours de combats intenses les premiers résultats peuvent être évalués : cinq brèches ont été opérées dans les champs de mines ennemis et des corridors par lesquels vont opérer les blindés sont aménagés et sécurisés. »
Vendredi 30 octobre 1942
United Press :
« En dépit des énergiques contre-attaques des troupes de l’Axe, les forces britanniques ont consolidé les positions acquises depuis le déclenchement de l’offensive ».
Lundi 2 novembre 1942
QG 8th Army, Le Caire:
“La deuxième phase de la bataille à El Alamein a débuté. La bataille se déroule à proximité de la côte dans le secteur défensif le plus solide de la ligne des forces de l’Axe. Les combats ont lieu au milieu des dunes, qui font plus d’un kilomètre et demi de large. Chaque dune est orientée parallèlement à la route côtière et à la voie ferrée, qui se situe à peu près à un kilomètre et demi de la route. Ce secteur côtier dur à embrasser d’un coup d’œil comporte des centaines de petits, mais solides, points de défense, qui ont été édifiés au cours des mois précédents par les troupes du génie des forces de l’Axe pour former un « Westwall du désert » ».
Mercredi 4 novembre 1942
United Press, Le Caire :
« D’après les dernières nouvelles en provenance du front, Rommel a commencé à abandonner ses positions du front d’El Alamein et fait retraite en direction de l’ouest ».
Jeudi 5 novembre 1942
La parole du jour du chef de la presse du Reich, Berlin :
« Il ne faut pas prêter attention aux déclarations étranges et aux nouvelles de victoire des Britanniques. »
LA COUVERTURE MEDIATIQUE DE LA BATAILLED’EL ALAMEIN
« Desert Victory »
La décision de réaliser un film de propagande sur la seconde bataille d’El Alamein est prise pendant la guerre. L’œuvre est appelée « Desert Victory ». La base de l’Army Film and Photographic Unit (AFPU) est située aux studios Pinewood, dans le comté de Buckingham. Les prises de vues sont d’abord livrées au département Public Relation 2 dirigé par Ronald Tritton afin d’êtres classées et subir la censure. Tritton, responsable des films de propagande de l’armée, est en lien avec le Ministère de l’Information. La plupart des films sont ensuite envoyés à Pinewood, où les différents directeurs vont parachever leur travail. L’équipe n°1 de la Photographic Unit est attachée à la 8th Army et elle est placée sous le commandement du major David MacDonald. Tous ses caméramans ont suivi l’entraînement de tous les combattants et possèdent tous le grade de sergent. MacDonald est donc chargé de la réalisation de « Desert Victory ». Roy Boulting sera le directeur et supervisera le film. Les caméramans ont couvert la bataille d’El Alamein de façon tout à fait routinière, comme ils l’ont fait pour les batailles précédentes. Toutefois, devant le succès immense de la bataille et son retentissement, le projet gagne de l’ampleur pour devenir un élément de propagande essentiel. La couverture des combats par les caméramans ne permet bien sûr pas de filmer la totalité de l’action, mais les équipes ont donné le maximum. C’est ainsi qu’entre 26 et 32 reporters ont en permanence suivi les forces terrestres. 3 ou 4 des caméramans ont payé de leur vie cette couverture de l’événement. Entre 5 et 7 de ces hommes sont blessés et entre 3 et 6 sont capturés. Les conditions de tournage imposent bien sûr de procéder à plusieurs reconstitutions. Si les tirs de canons dans la nuit sont bien réels, les scènes montrant des officiers consultant leurs montres et donnant l’ordre d’ouvrir le feu sont des scènes de studio.
C’est également à Pinewood que sont tournées les images montrant l’infanterie et les sapeurs avançant au son de la cornemuse. Il était en effet impossible d’obtenir de telles scènes dans le feu de l’action. Des graphiques animés sont en outre ajoutés pour expliquer le déroulement de la bataille. Sur ces cartes, les Britanniques sont donc placés à droite. Il sera exigé que les scènes gardées pour le film montrent toujours les Alliés se déplaçant vers la gauche de l’écran. Des images sont donc inversées pour répondre à cette demande, ce qui inverse donc parfois les places des conducteurs et des mitrailleurs des tanks, sans parler du M3 Grant dont la pièce de 75 mm est normalement placée en casemate sur le flanc droit de la caisse ! Les images mettant en scène des fantassins sont un mélange de reconstitutions et de scènes prises sur le vif.
Une des plus fameuses photographies du « Chet’s Circus »
Les photographies les plus célèbres de la bataille sont certainement celles prises par l’unité du sergent Chetwyn, le « Chet’s Circus ». Les images des soldats australiens menés par leur officier et attaquant baïonnette au canon ont fait le tour du monde, illustrant en fait dans nombre de livres n’importe quel épisode de la campagne d’Afrique du Nord ! Ce sont pourtant des scènes reconstituées. Il en va de même de la fameuse scène d’une équipe de fantassin, dont le tireur armé d’un Bren ouvre le feu avec son arme posé sur une épave de Panzer III, la scène étant d’ailleurs inversée pour indiquer toujours le sens de l’attaque alliée, vers la gauche des images. Filmées à l’arrière des zones de combat, en choisissant l’angle de prise, les effets visuels et la luminosité, les images de Chetwyn sont incontestablement d’une qualité supérieure à celles prises dans le feu de l’action, d’où le choix de les retenir par les responsables du film. Mais cela n’est pas sans causer des tensions avec les autres équipes de caméramans qui ont risqués leur vie pour réaliser leurs films sur le front. Boulting a pourtant besoin des images de Chetwyn pour son projet. Toutefois, le montage final comporte bien trop d’images inversées, à en juger par le nombre important de gauchers ! Monty lui-même n’a pas été épargné par le procédé ! Notons que le grand succès de « Desert Victory » avec sa voix-off calme couplée avec des images d’action est à l’origine du style des prochains films de propagande réalisés à al suite du débarquement en Normandie. Pourtant, il ne sera alors plus nécessaire de recourir à des images de studios comme pour le travail de Boulting et MacDonald. Quant aux scènes illustrant l’action des forces aériennes, rien ne prouve n’y ne contredit le fait qu’elles aient été réellement pris au cours de la seconde bataille d’El Alamein. Certaines images allemandes ont été en outre ajoutées au film pour présenter le côté adverse.
Après la prise de Tripoli, le 23 janvier 1943, l’équipe de MacDonald travaille nuit et jour pour terminer au plus vite le film, dont la sortie est prévue en mars. L’œuvre est finalement rendue achevée le 15 mars 1943, alors que les rêves africains de l’Axe s’écroulent en Tunisie. Une première projection a eu en fait lieu 10 jours plus tôt à Londres. Dès que des copies sont disponibles, elles sont envoyées à New-York, où sont centralisées les compagnies de distribution américaines, canadienne et sud-américaine. Winston Churchill envoie personnellement un exemplaire au président Roosevelt. Des copies sont également distribuées en Egypte, en Turquie, en Palestine, en Perse, en Irak, en Afrique du Sud, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Dans sa lettre accompagnant l’exemplaire destiné à Roosevelt, Churchill affirme que les images offrent une vue réaliste de la bataille et que le président sera sûrement content de voir des images du char M4 Sherman en action. Roosevelt répond en affirmant que « Desert Victory » est la plus grande réussite cinématographique sur cette guerre depuis son déclenchement. Staline répond lui aussi à Churchill, qui lui a également envoyé un exemplaire du film. Le dictateur du Kremlin écrit que « Desert Victory » lui a fait grande impression et montre comment la Grande-Bretagne se bat et qu’elle se bat effectivement, n’en déplaise à certains détracteurs russes. Il affirme en outre sa volonté de le diffuser au sein des armées soviétiques. En raison de son style novateur en matière d’œuvre de propagande en temps de guerre, c’est-à-dire en mixant des informations de guerre et des scènes dramatiques, « Desert Victory » reçu un accueil favorable de la critique. En Amérique, le film reçoit même un Oscar. Le succès est tel qu’un certain B.J.Goldenburg tente de mettre sur le marché un « béret de Monty », qui apparaît sur la tête d’un mannequin sur une couverture de Life.
La bataille d’El Alamein dans la presse, la radio et les comptes-rendus des armées
Lundi 26 octobre 1942
Commando Supremo, Rome :
« Sur le front égyptien, de nouvelles attaques en force de l’ennemies, soutenues par
des blindés, ont été repoussées. »
Lundi 26 octobre 1942
QG 8th Army :
« A l’heure qu’il est, la 8th Army est aux prises avec l’Afrika Korps et les forces italiennes sur un large front dans le secteur d’El Alamein. Après deux jours de combats intenses les premiers résultats peuvent être évalués : cinq brèches ont été opérées dans les champs de mines ennemis et des corridors par lesquels vont opérer les blindés sont aménagés et sécurisés. »
Vendredi 30 octobre 1942
United Press :
« En dépit des énergiques contre-attaques des troupes de l’Axe, les forces britanniques ont consolidé les positions acquises depuis le déclenchement de l’offensive ».
Lundi 2 novembre 1942
QG 8th Army, Le Caire :
“La deuxième phase de la bataille à El Alamein a débuté. La bataille se déroule à proximité de la côte dans le secteur défensif le plus solide de la ligne des forces de l’Axe. Les combats ont lieu au milieu des dunes, qui font plus d’un kilomètre et demi de large. Chaque dune est orientée parallèlement à la route côtière et à la voie ferrée, qui se situe à peu près à un kilomètre et demi de la route. Ce secteur côtier dur à embrasser d’un coup d’œil comporte des centaines de petits, mais solides, points de défense, qui ont été édifiés au cours des mois précédents par les troupes du génie des forces de l’Axe pour former un « Westwall du désert » ».
Mercredi 4 novembre 1942
United Press, Le Caire :
« D’après les dernières nouvelles en provenance du front, Rommel a commencé à abandonner ses positions du front d’El Alamein et fait retraite en direction de l’ouest ».
Jeudi 5 novembre 1942
La parole du jour du chef de la presse du Reich, Berlin :
« Il ne faut pas prêter attention aux déclarations étranges et aux nouvelles de victoire des Britanniques. »
FILMS DE GUERRE / WAR MOVIES: ZOULOU
Recension de “Gettysburg” de Vincent Bernard
Recension de deux livres sur le char Tigre I sortis en 2023
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