Je ne pouvais débuter ma série sur les films de guerre autrement que par un monument du 7e Art: Le Jour le Plus Long, superproduction de Darryl F. Zanuck (avec un budget colossal de 8 millions de dollars), avec le concours de plusieurs cinéastes passés derrière la caméra: Ken Annakin, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Gerd Oswald.
Le propos du film est de narrer la préparation et le déroulement d’un événement majeur de la Seconde Guerre mondiale: le débarquement en Normandie du 6 juin 1944. Passée à la postérité, cette journée, célèbre entre toutes, est devenue une des grandes dates de l’Histoire, ce que ne pouvait ignorer le monde du cinéma.
Ci-dessous, une des répliques célèbres du film, mettant en scène le personnage à l’origine du titre du film: le Generalfeldmarschall Rommel, qui aurait déclaré que le jour du Débarquement serait « Le Jour le Plus Long »
Immense succès international (qui a sauvé la Fox menacée de faillite par le superbe Cléopâtre de Mankiewicz), Le Jour Le Plus Long c’est une musique signée Maurice Jarre, passée à la postérité, mais aussi une pléthore de célébrités, mises au service du souvenir de cette journée historique.
Zanuck offre un cachet de 25 000 $ pour chaque acteur, la superstar John Wayne se distinguant en négociant un contrat de 250 000 $, accepté par le producteur qui veut absolument s’assurer de la présence de la vedette dans son film. Quant aux milliers de figurants, ce sont des milliers de soldats « prêtés » à Zanuck pour l’occasion… Certains seconds rôles, comme Edward Meeks, endossent les uniformes des deux camps, selon les scènes…
On ne compte plus les célébrités qui participent au tournage: Bourvil, Robert Mitchum, Henry Fonda, Richard Burton (qui tourne également dans Cléopâtre )… Certaines acteurs de premier plan n’apparaissant que très brièvement, au mieux pour quelques répliques, à l’instar de Sean Connery, Mel Ferrer, et, davantage encore, Rod Steiger. Citons la présence de stars venues d’Outre-Rhin dans les principaux rôles d’Allemands: Curd Jürgens, Gert Fröbe (quelques années plus tard dans Paris brûle t-il?), Hans Christian Blech (que l’on retrouve dans La bataille des Ardennes) et l’incontournable Wolfgang Preiss, lorsqu’un réalisateur recherche un officier supérieur de la Wehrmacht (Preiss est le général Pemsel dans Le Jour le Plus Long ; il tiendra également le rôle des maréchaux Rommel, Kesselring et Rundstedt dans d’autres films). Certains choix d’acteurs s’avèrent pourtant malheureux: citons le casa d’Eddie Albert, au jeu très mauvais dans le rôle d’un colonel Thompson qui perd la vie sur Omaha Beach…
Les lieux du tournage
L’une des grandes réussites de Zanuck est d’avoir réussi à tourner plusieurs scènes en Normandie, sur les lieux des événements. Il n’est pas erroné d’affirmer que certains sites ou événements du Débarquement sont passés à la postérité et restent gravés dans la mémoire collective grâce au Jour le Plus Long. Cinq zones de tournage sont retenues, parfois pour plusieurs scènes: la Pointe du Hoc ; Bénouville, au pont de Pegasus Bridge ; Saint-Mère-Eglise ; la batterie de Longues-sur-Mer (entre Arromanches et Port-en-Bessin), pour des scènes se déroulant… à Omaha Beach et à Caen ; à proximité de Caen, près d’un pont d’une ligne secondaire de chemin de fer ; à Port-en-Bessin, où est reconstitué l’attaque du casino de Ouistreham.
Les scènes filmées à Bénouville ont été tournées sur le véritable pont de Pegasus Bridge, qui ne fût démonté et déplacé qu’en 1993, avant de rejoindre le site du nouveau musée des forces aéroportées britanniques. La prise -intacte- de l’ouvrage d’art constitue un fait d’armes remarquable du Jour J, auquel a participé l’acteur Richard Todd (au centre de la photographie ci-dessous, Todd appartenait à la 6th Airborne et à rejoint les aéroportés tenant Bénouville au cours de la nuit), qui joue le rôle du Major Howard, l’auteur du coup de main. Si la véritable bataille a été plus rondement menée que dans le film (les combats n’eurent essentiellement lieu qu’aux abords du pont, les Britanniques ne déplorant qu’un seul tué), la reconstitution, faisant appel à des répliques de Horsa (mais avec hélas trois fois la même prise de vue proposée aux spectateurs pour simuler les atterrissages des trois planeurs…), est convaincante.
La reconstitution de l’assaut de la Pointe-du-Hoc constitue un autre moment phare du film: l’exploit est bien rendu et, à l’instar de Pegasus Brigde, le site, par ailleurs d’une grande beauté, est sans aucun doute passé à la postérité au-delà d’un cercle restreint de vétérans et de passionnés d’histoire militaire.
Mis à part l’assaut de la Pointe-du-Hoc, les scènes de débarquement ont été tournées sur l’Ile de Ré et en Corse (plage de Saleccia), Zanuck mettant à profit la présence de la VIth US Fleet (ainsi que le bâtiment français « Argens ») qui effectue des exercices. Le château où sont filmés les scènes avec Rommel n’est pas celui de la Roche-Guyon, où était établi le quartier-général du « Renard du Désert ».
Enfin, des scènes sont tournées aux studios de Boulogne-Billancourt.
Des erreurs…
Des erreurs factuelles se sont glissées dans le film : Werner Pluskat qui observe, aux premières loges, l’incroyable armada devant Omaha Beach (l’homme était alors en galante compagnie à Bayeux ) ; John Steele suspendu au cocher de Sainte-Mère-Eglise au-dessus de la place (il était accroché en fait sur une autre face de l’édifice, un deuxième para étant également suspendu à l’église) ; le carnage sur cette même place de Sainte-Mère-Eglise est exagéré ; Bill Millin traversant Pegasus Bridge avec sa cornemuse, dans un incroyable acte de bravoure, (le Bagpiper de Lord Lovat a en fait joué un air écossais avant l’ouvrage d’art et entre les ponts de Bénouville et de Ranville) ; aucune charge de destruction n’avait été mise en place par les Allemands sur le pont de Bénouville, etc.
Si John Wayne rappelle à ses hommes de marcher « Nord-Quart Nord-Est », ses parachutistes en marche vers Sainte-Mère-Eglise sont vêtus d’uniformes dont les détails peuvent heurter les spécialistes soucieux d’authenticité.
D’autres détails ne sont pas historiques : le casino de Ouistreham avait été rasé et le bunker occupait les anciens soubassements, mais le réalisateur a préféré un décor plus grandiose… L’uniformologie est également à cent lieues d’un Band of Brothers, que ce soient les Américains ou les Allemands. Le matériel peut être à l’avenant : trop de mitraillettes allemandes MP 40 (aux chargeurs qui ne se vident jamais…), des Sherman mais pas du modèle en dotation le 6 juin 1944, les faux- mannequins destinés à induire les Allemands en erreur n’étaient pas des poupées si réalistes (plusieurs musées normands permettent aux visiteurs de se faire une idée des leurres utilisés par les Alliés). On pourra également questionner le manque de réalisme de certaines scènes, à commencer par la première du film, qui nous montre un résistant qui a réussi à courir dans un champ sur une distance raisonnable avant d’être rattrapé par un voiture allemande, l’un des SS choisissant étrangement d’abattre un individu qu’il lui était facile de capturer vivant…
La batterie de Longues-sur-Mer: une des rares batteries majeures à avoir affronté l’armada alliée la 6 juin 1944.
La batterie de Longues apparaît dans le film pour illustrer… Omaha Beach et… Caen. On peut regretter Zanuck n’ait pas décidé de tourner des scènes illustrant l’intervention réelle de cette batterie le Jour J. Les oublis sont nombreux (certes, producteur et réalisateurs doivent faire des choix), mais on peut être surpris de l’absence de Churchill et de De Gaulle, du peu de cas fait de Juno Beach, le secteur canadien du Débarquement (la contribution canadienne a la bataille a pourtant été cruciale). Même de façon allusive, on aurait aimé une évocation de la batterie de Merville, de l’incapacité des Britanniques à s’emparer de Caen, etc.
La plupart des Allemands (mis à part Marcks dans le film et, dans une moindre mesure, Pemsel) donnent l’illusion que tous s’attendent à un débarquement au nord de la Somme sans en expliquer les raisons (surestimation des effectifs alliés, ignorance de l’existence des ports artificiels, erreurs de renseignements, armes V déployées au nord, opération Fortitude, etc). Rien non plus sur la fameuse Panzerkontroverse qui a tant divisé les officiers supérieurs allemands. Tout l’opprobre des erreurs stratégiques semble retomber sur le seul Hitler… La faiblesse de la Luftwaffe, certes réelle et décisive, est surestimée dans l’ouvre: Josef Priller et son co-équipier n’ont pas été les seuls pilotes à avoir affronté l’Invasion le 6 juin. Quant à Blummentritt, qui estime que le Débarquement représente une occasion à célébrer avec une bonne bouteille (que l’on devine gardée pour célébrer la victoire du Reich)…
Les criquets du Débarquements sont passés à la postérité grâce au film.
…qui ne nuisent pas à la réussite d’un grand film de guerre
Toutes ces erreurs et approximations ne suffisent pas à contrebalancer les nombreuses réussites du film, indubitablement une très grande œuvre du 7e art. Si on le compare à Saving Private Ryan, dont l’aspect didactique est proche du néant pour les jeunes générations (si ce n’est montrer l’horreur de la guerre et les sacrifices consentis pour recouvrir liberté et démocratie : j’y reviendrait quand je traiterai du film de Spielberg), Le Jour le Plus Long a l’immense mérite d’exposer les deux camps aux spectateurs, qui plus est, la Résistance n’est pas oubliée, de même que les Britanniques (et même le commando Kieffer). Zanuck nous offre un panorama presque complet du Débarquement : préparatifs dans les deux camps avant la confrontation , va-et-vient permanent entre le haut-commandement et la troupe, événements majeurs de cette journée fatidique sur plus de 100 kilomètres de côtes, de Sainte-Mère-Eglise à Pegasus Bridge. La confusion régnant dans le camp allemand est assez bien rendue (même si on pourra toujours –évidemment- discuter, de façon stérile à mes yeux, la pertinence de certaines scènes). Si le film n’a rien de’anti-militariste, le coût de la Libération n’est pas occulté. Zanuck n’a pas hésité non plus à faire figurer une scène de crimes de guerre dont se rend coupable un Ranger à la Pointe-du-Hoc. Outre les scènes majeures du film et le scénario, la variété des personnages et des situations assurent la réussite de cette oeuvre, sans que le spectateur ne soit perdu dans la confusion d’une journée qui le fût assurément pour beaucoup…
Si les tranchées dans lesquelles s’accumulent des Landser prêts à repousser l’Invasion font très peu « Mur de l’Atlantique », les obstacles de plages sont bien rendus, et les ils sont orientés dans le bon sens (contrairement au film de Spielberg !). Les conditions météorologiques sont trop ensoleillées pour simuler le 6 juin 1944 normand, et la mer est bien vide…
Le Jour le Plus Long est indubitablement un grand film de guerre, mais aussi un monument du cinéma. Son importance va au-delà d’une simple œuvre de fiction majeure : ce film a participé au souvenir du Débarquement, il a fait œuvre de Mémoire, rendu célèbre des faits et personnages qui resteraient largement inconnus du grand public… Le sacrifice et l’héroïsme des soldats alliés et la gloire des combattants sont ainsi mis en avant. On peine à imaginer une œuvre aussi complète qui atteigne cet ampleur, avec son budget colossal et sa pléthore de célébrités, une œuvre qui pourrait tourner des scènes sur les lieux exacts des événements… On l’espère pourtant…
Ce n’est pas l’horreur de la guerre qui est dépeinte, mais l’héroïsme et le courage.
LE JOUR LE PLUS LONG (1962)
Je ne pouvais débuter ma série sur les films de guerre autrement que par un monument du 7e Art: Le Jour le Plus Long, superproduction de Darryl F. Zanuck (avec un budget colossal de 8 millions de dollars), avec le concours de plusieurs cinéastes passés derrière la caméra: Ken Annakin, Andrew Marton, Bernhard Wicki, Gerd Oswald.
Le propos du film est de narrer la préparation et le déroulement d’un événement majeur de la Seconde Guerre mondiale: le débarquement en Normandie du 6 juin 1944. Passée à la postérité, cette journée, célèbre entre toutes, est devenue une des grandes dates de l’Histoire, ce que ne pouvait ignorer le monde du cinéma.
Ci-dessous, une des répliques célèbres du film, mettant en scène le personnage à l’origine du titre du film: le Generalfeldmarschall Rommel, qui aurait déclaré que le jour du Débarquement serait « Le Jour le Plus Long »
Une superproduction
Immense succès international (qui a sauvé la Fox menacée de faillite par le superbe Cléopâtre de Mankiewicz), Le Jour Le Plus Long c’est une musique signée Maurice Jarre, passée à la postérité, mais aussi une pléthore de célébrités, mises au service du souvenir de cette journée historique.
(source photos : https://www.quizz.biz/quizz-900969.html et http://www.cinetom.fr/archives/2009/05/09/13667734.html
Zanuck offre un cachet de 25 000 $ pour chaque acteur, la superstar John Wayne se distinguant en négociant un contrat de 250 000 $, accepté par le producteur qui veut absolument s’assurer de la présence de la vedette dans son film. Quant aux milliers de figurants, ce sont des milliers de soldats « prêtés » à Zanuck pour l’occasion… Certains seconds rôles, comme Edward Meeks, endossent les uniformes des deux camps, selon les scènes…
On ne compte plus les célébrités qui participent au tournage: Bourvil, Robert Mitchum, Henry Fonda, Richard Burton (qui tourne également dans Cléopâtre )… Certaines acteurs de premier plan n’apparaissant que très brièvement, au mieux pour quelques répliques, à l’instar de Sean Connery, Mel Ferrer, et, davantage encore, Rod Steiger. Citons la présence de stars venues d’Outre-Rhin dans les principaux rôles d’Allemands: Curd Jürgens, Gert Fröbe (quelques années plus tard dans Paris brûle t-il?), Hans Christian Blech (que l’on retrouve dans La bataille des Ardennes) et l’incontournable Wolfgang Preiss, lorsqu’un réalisateur recherche un officier supérieur de la Wehrmacht (Preiss est le général Pemsel dans Le Jour le Plus Long ; il tiendra également le rôle des maréchaux Rommel, Kesselring et Rundstedt dans d’autres films). Certains choix d’acteurs s’avèrent pourtant malheureux: citons le casa d’Eddie Albert, au jeu très mauvais dans le rôle d’un colonel Thompson qui perd la vie sur Omaha Beach…
Les lieux du tournage
L’une des grandes réussites de Zanuck est d’avoir réussi à tourner plusieurs scènes en Normandie, sur les lieux des événements. Il n’est pas erroné d’affirmer que certains sites ou événements du Débarquement sont passés à la postérité et restent gravés dans la mémoire collective grâce au Jour le Plus Long. Cinq zones de tournage sont retenues, parfois pour plusieurs scènes: la Pointe du Hoc ; Bénouville, au pont de Pegasus Bridge ; Saint-Mère-Eglise ; la batterie de Longues-sur-Mer (entre Arromanches et Port-en-Bessin), pour des scènes se déroulant… à Omaha Beach et à Caen ; à proximité de Caen, près d’un pont d’une ligne secondaire de chemin de fer ; à Port-en-Bessin, où est reconstitué l’attaque du casino de Ouistreham.
Les scènes filmées à Bénouville ont été tournées sur le véritable pont de Pegasus Bridge, qui ne fût démonté et déplacé qu’en 1993, avant de rejoindre le site du nouveau musée des forces aéroportées britanniques. La prise -intacte- de l’ouvrage d’art constitue un fait d’armes remarquable du Jour J, auquel a participé l’acteur Richard Todd (au centre de la photographie ci-dessous, Todd appartenait à la 6th Airborne et à rejoint les aéroportés tenant Bénouville au cours de la nuit), qui joue le rôle du Major Howard, l’auteur du coup de main. Si la véritable bataille a été plus rondement menée que dans le film (les combats n’eurent essentiellement lieu qu’aux abords du pont, les Britanniques ne déplorant qu’un seul tué), la reconstitution, faisant appel à des répliques de Horsa (mais avec hélas trois fois la même prise de vue proposée aux spectateurs pour simuler les atterrissages des trois planeurs…), est convaincante.
Les acteurs jouant Lord Lovat et John Howard sur le pont de Pegasus Bridge: un lieu, une scène et des hommes immortalisés sur la pellicule d’un film devenu culte (source photo: https://www.ouest-france.fr/europe/france/d-day-1961-tournage-de-longest-day-le-jour-le-plus-long-)
La reconstitution de l’assaut de la Pointe-du-Hoc constitue un autre moment phare du film: l’exploit est bien rendu et, à l’instar de Pegasus Brigde, le site, par ailleurs d’une grande beauté, est sans aucun doute passé à la postérité au-delà d’un cercle restreint de vétérans et de passionnés d’histoire militaire.
L’assaut des Rangers à la Pointe-du-Hoc reconstitué par Hollywood (source photo : http://www.dday-overlord.com/forum/viewtopic.php?t=8918)
John Steele suspendu au clocher de sainte-Mère-Eglise: une des scènes les plus célèbres du film qui a indubitablement fait la célébrité de la petite ville normande, désormais haut lieu du tourisme de mémoire de la région. (source photo: https://www.ouest-france.fr/europe/france/d-day-les-paras-de-la-82e-et-de-la-101e-sainte-mere-eglise-2292126)
Mis à part l’assaut de la Pointe-du-Hoc, les scènes de débarquement ont été tournées sur l’Ile de Ré et en Corse (plage de Saleccia), Zanuck mettant à profit la présence de la VIth US Fleet (ainsi que le bâtiment français « Argens ») qui effectue des exercices. Le château où sont filmés les scènes avec Rommel n’est pas celui de la Roche-Guyon, où était établi le quartier-général du « Renard du Désert ».
Rommel (joué par Werner Hinz) n’est pas filmé à la Roche-Guyon… (source photo : http://www.cinetom.fr/archives/2009/05/09/13667734.html)
Enfin, des scènes sont tournées aux studios de Boulogne-Billancourt.
Des erreurs…
Des erreurs factuelles se sont glissées dans le film : Werner Pluskat qui observe, aux premières loges, l’incroyable armada devant Omaha Beach (l’homme était alors en galante compagnie à Bayeux ) ; John Steele suspendu au cocher de Sainte-Mère-Eglise au-dessus de la place (il était accroché en fait sur une autre face de l’édifice, un deuxième para étant également suspendu à l’église) ; le carnage sur cette même place de Sainte-Mère-Eglise est exagéré ; Bill Millin traversant Pegasus Bridge avec sa cornemuse, dans un incroyable acte de bravoure, (le Bagpiper de Lord Lovat a en fait joué un air écossais avant l’ouvrage d’art et entre les ponts de Bénouville et de Ranville) ; aucune charge de destruction n’avait été mise en place par les Allemands sur le pont de Bénouville, etc.
Si John Wayne rappelle à ses hommes de marcher « Nord-Quart Nord-Est », ses parachutistes en marche vers Sainte-Mère-Eglise sont vêtus d’uniformes dont les détails peuvent heurter les spécialistes soucieux d’authenticité.
D’autres détails ne sont pas historiques : le casino de Ouistreham avait été rasé et le bunker occupait les anciens soubassements, mais le réalisateur a préféré un décor plus grandiose… L’uniformologie est également à cent lieues d’un Band of Brothers, que ce soient les Américains ou les Allemands. Le matériel peut être à l’avenant : trop de mitraillettes allemandes MP 40 (aux chargeurs qui ne se vident jamais…), des Sherman mais pas du modèle en dotation le 6 juin 1944, les faux- mannequins destinés à induire les Allemands en erreur n’étaient pas des poupées si réalistes (plusieurs musées normands permettent aux visiteurs de se faire une idée des leurres utilisés par les Alliés). On pourra également questionner le manque de réalisme de certaines scènes, à commencer par la première du film, qui nous montre un résistant qui a réussi à courir dans un champ sur une distance raisonnable avant d’être rattrapé par un voiture allemande, l’un des SS choisissant étrangement d’abattre un individu qu’il lui était facile de capturer vivant…
La batterie de Longues-sur-Mer: une des rares batteries majeures à avoir affronté l’armada alliée la 6 juin 1944.
La batterie de Longues apparaît dans le film pour illustrer… Omaha Beach et… Caen. On peut regretter Zanuck n’ait pas décidé de tourner des scènes illustrant l’intervention réelle de cette batterie le Jour J. Les oublis sont nombreux (certes, producteur et réalisateurs doivent faire des choix), mais on peut être surpris de l’absence de Churchill et de De Gaulle, du peu de cas fait de Juno Beach, le secteur canadien du Débarquement (la contribution canadienne a la bataille a pourtant été cruciale). Même de façon allusive, on aurait aimé une évocation de la batterie de Merville, de l’incapacité des Britanniques à s’emparer de Caen, etc.
La plupart des Allemands (mis à part Marcks dans le film et, dans une moindre mesure, Pemsel) donnent l’illusion que tous s’attendent à un débarquement au nord de la Somme sans en expliquer les raisons (surestimation des effectifs alliés, ignorance de l’existence des ports artificiels, erreurs de renseignements, armes V déployées au nord, opération Fortitude, etc). Rien non plus sur la fameuse Panzerkontroverse qui a tant divisé les officiers supérieurs allemands. Tout l’opprobre des erreurs stratégiques semble retomber sur le seul Hitler… La faiblesse de la Luftwaffe, certes réelle et décisive, est surestimée dans l’ouvre: Josef Priller et son co-équipier n’ont pas été les seuls pilotes à avoir affronté l’Invasion le 6 juin. Quant à Blummentritt, qui estime que le Débarquement représente une occasion à célébrer avec une bonne bouteille (que l’on devine gardée pour célébrer la victoire du Reich)…
Les criquets du Débarquements sont passés à la postérité grâce au film.
…qui ne nuisent pas à la réussite d’un grand film de guerre
Toutes ces erreurs et approximations ne suffisent pas à contrebalancer les nombreuses réussites du film, indubitablement une très grande œuvre du 7e art. Si on le compare à Saving Private Ryan, dont l’aspect didactique est proche du néant pour les jeunes générations (si ce n’est montrer l’horreur de la guerre et les sacrifices consentis pour recouvrir liberté et démocratie : j’y reviendrait quand je traiterai du film de Spielberg), Le Jour le Plus Long a l’immense mérite d’exposer les deux camps aux spectateurs, qui plus est, la Résistance n’est pas oubliée, de même que les Britanniques (et même le commando Kieffer). Zanuck nous offre un panorama presque complet du Débarquement : préparatifs dans les deux camps avant la confrontation , va-et-vient permanent entre le haut-commandement et la troupe, événements majeurs de cette journée fatidique sur plus de 100 kilomètres de côtes, de Sainte-Mère-Eglise à Pegasus Bridge. La confusion régnant dans le camp allemand est assez bien rendue (même si on pourra toujours –évidemment- discuter, de façon stérile à mes yeux, la pertinence de certaines scènes). Si le film n’a rien de’anti-militariste, le coût de la Libération n’est pas occulté. Zanuck n’a pas hésité non plus à faire figurer une scène de crimes de guerre dont se rend coupable un Ranger à la Pointe-du-Hoc. Outre les scènes majeures du film et le scénario, la variété des personnages et des situations assurent la réussite de cette oeuvre, sans que le spectateur ne soit perdu dans la confusion d’une journée qui le fût assurément pour beaucoup…
Si les tranchées dans lesquelles s’accumulent des Landser prêts à repousser l’Invasion font très peu « Mur de l’Atlantique », les obstacles de plages sont bien rendus, et les ils sont orientés dans le bon sens (contrairement au film de Spielberg !). Les conditions météorologiques sont trop ensoleillées pour simuler le 6 juin 1944 normand, et la mer est bien vide…
Le Jour le Plus Long est indubitablement un grand film de guerre, mais aussi un monument du cinéma. Son importance va au-delà d’une simple œuvre de fiction majeure : ce film a participé au souvenir du Débarquement, il a fait œuvre de Mémoire, rendu célèbre des faits et personnages qui resteraient largement inconnus du grand public… Le sacrifice et l’héroïsme des soldats alliés et la gloire des combattants sont ainsi mis en avant. On peine à imaginer une œuvre aussi complète qui atteigne cet ampleur, avec son budget colossal et sa pléthore de célébrités, une œuvre qui pourrait tourner des scènes sur les lieux exacts des événements… On l’espère pourtant…
Ce n’est pas l’horreur de la guerre qui est dépeinte, mais l’héroïsme et le courage.
Terminons par une scène culte du film:
Et ce fut… le jour le plus long…
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