Une fois n’est pas coutume, la France est à l’honneur dans un film de guerre signé Charles Brabant (sur un scénario de Denys de la Patellière qui, décidément, se passionne pour la guerre en Afrique: il réalisera peu après Un taxi pour Tobrouk, que j’ai commenté ici, puis Les Epées de Diamant, fiction basée sur la vie de Hans-Joachim Marseille, l’as de la Luftwaffe en Afrique). Et le sujet est pour le moins original: la bataille de Medjez-el-Bab, en novembre 1942, sur un front méconnu, pourtant le cadre d’une campagne majeure et de prime importance: la Tunisie. Ce petit film original -que je recommande- a été tourné dans le sud de la France -dans la Var- en 1961, sur un espace qui rappelle l’Afrique du Nord, moyennant l’implantation d’un « village tunisien » dans le décor et un défrichement de la végétation.
Si les faits relatés sont véridiques, et d’autant plus importants qu’ils représentent le retour de l’armée française -l’Armée d’Afrique qui dépendait de Vichy- du côté des Alliés avec des effectifs conséquents (ce que n’étaient certes pas les FFL, bien peu nombreux…), le film fait quelques entorses avec la réalité.
On note d’abord l’absence de paras allemands -les Fallschirmjäger– parmi les assaillants, puisque ce sont les soldats du FJR 5 qui réaliseront l’exploit, sans blindés -contrairement au film- et sans bénéficier de la supériorité numérique, bien au contraire. Soutenus par des Stuka, c’est à la faveur d’un véritable coup de bluff que Knoche s’empare du pont sur la Medjerda, qui donne toute son importance à ce carrefour routier.
Ci-dessus: Fallschirmjäger en Tunisie, près d’un panneau indicateur mentionnant le lieu de leurs exploits du début de campagne.
Le réalisateur met bien en lice une poignée d’Américains, ce qui est réaliste (sauf la présence d’un Noir: les formations américaines partaient encore la ségrégation…), les Britanniques, paras (« Red Devils ») et artilleurs, sont oubliés…
Moyens et acteurs
Une pléiade d’acteurs français célèbres de l’époque jouent dans le film: Paul Meurisse (le capitaine de Lambérie, l’officier français qui entend faire son devoir), Raymond Pellegrin (Bourgeon, un autre cadre français, pressé d’en découdre avec les Allemands), Roger Hanin, Georges Wilson, la belle Dany Carrel (une juive tunisienne)… Les rôles allemands ne sont pas vraiment développés.
Côté matériel d’époque , il y a bien un half-track américain, des Kübelwagen, des motos BMW et Zundapp ainsi qu’un Laffly, mais, si les Français son corrects (avec de beaux FM 24/29 et les fameuses bandes molletières), en revanche, les uniformes des Allemands ne sont pas conformes: ce ne sont pas des paras et, quand bien même il s’agirait d’évoquer des soldats de la Heer ou des rampants de la Luftwaffe, les tenues sont fantaisistes, l’équipement en cuir et non en coton filé (ceinturons, brelages, etc), les bottes en caoutchouc (le cuir aurait été aussi une erreur: il aurait fallu des brodequins ou des bottes lacées en toile)…
Le film
En dépit d’un fidélité absolue à la réalité historique, le récit est tout de même bien fait et intéressant car il met bien en évidence le dilemme qui frappait le forces de Vichy déployées en Tunisie commandées par le général Barré: des ordres contradictoires, une envie de reprendre la lutte contre l’envahisseur de 1940 mais un légalisme absolu des officiers supérieurs, les directives de l’amiral Esteva en Tunisie… Pour étoffer le scénario, une idylle survient entre Pellegrin et Carrel, mais elle n’est pas incongrue. On notera un élément stupéfiant et osé: Roger Hanin campe un soldat ouvertement antisémite… Comme dans la ralité, les Allemands doivent négocier leur passage, mais les Français attendent les directives de leurs supérieurs. Finalement, le combat éclate. Un des épisodes forts du film est le moment de bravoure -ou de folie?- de Meurisse/Lambérie défiant les Allemands du haut de son cheval sur le pont tant convoité…
Le Fallschirmjäger-Regiment 5. ne possède que les I et III bataillonen, le second étant affecté à la Brigade Ramcke depuis le printemps 1942. Koch, un des héros d’Eben-Emaël en 1940, et ses Fallschirmjäger parviennent à s’emparer de l’important carrefour de Medjez el Bab à la faveur d’un incroyable coup de bluff. Le 18, les Allemands, appuyés par Vichy, lancent un ultimatum à Barré : celui-ci doit laisser le passage aux Allemands où les hostilités seront déclenchées. Devant le refus d’obtempérer des Français, les Allemands mettent leur menace à exécution et les parachutistes de Knoche se lancent à l’assaut avec l’appui de la Luftwaffe. Après avoir essuyé un premier échec, les Fallschirmjäger traversent le fleuve par petits groupes à la faveur de la nuit. Simulant un nouvel assaut avec l’arrivée de renforts, Knoche, le chef du FJ Bn III, parvient à provoquer le décrochement des Alliés, qui ne prennent même pas la peine de détruire le précieux ouvrage d’art qui enjambe la Medjerda. Ce succès n’a coûté que 22 pertes aux Fallschirmjäger renforcés par deux compagnies italiennes. Ils tiennent cependant fermement la rive et couvrent le pont de leurs tirs, coupant ainsi la route de Tunis aux Alliés. Le 26, à la grande fureur de Kesselring, Medjez-el-Bab est abandonné par les paras sur ordre de Nehring (qui dirige alors la tête de pont de l’Axe en Tunisie), non sans avoir au préalable détruit son pont et offert une résistance acharnée aux alliées pendant plusieurs jours.
Les Allemands, qui engagent quelques Tiger I nouvellement arrivés en Tunisie, tentent en vain de reprendre l’important carrefour en décembre 1942. Medjez-el-Bab et ses alentours seront le cadre de combats acharnés jusqu’à la fin de la campagne, notamment au cours de la très méconnue opération « Ochsenkopf »:
Une fois n’est pas coutume, la France est à l’honneur dans un film de guerre signé Charles Brabant (sur un scénario de Denys de la Patellière qui, décidément, se passionne pour la guerre en Afrique: il réalisera peu après Un taxi pour Tobrouk, que j’ai commenté ici, puis Les Epées de Diamant, fiction basée sur la vie de Hans-Joachim Marseille, l’as de la Luftwaffe en Afrique). Et le sujet est pour le moins original: la bataille de Medjez-el-Bab, en novembre 1942, sur un front méconnu, pourtant le cadre d’une campagne majeure et de prime importance: la Tunisie.
Ce petit film original -que je recommande- a été tourné dans le sud de la France -dans la Var- en 1961, sur un espace qui rappelle l’Afrique du Nord, moyennant l’implantation d’un « village tunisien » dans le décor et un défrichement de la végétation.
Si les faits relatés sont véridiques, et d’autant plus importants qu’ils représentent le retour de l’armée française -l’Armée d’Afrique qui dépendait de Vichy- du côté des Alliés avec des effectifs conséquents (ce que n’étaient certes pas les FFL, bien peu nombreux…), le film fait quelques entorses avec la réalité.
On note d’abord l’absence de paras allemands -les Fallschirmjäger– parmi les assaillants, puisque ce sont les soldats du FJR 5 qui réaliseront l’exploit, sans blindés -contrairement au film- et sans bénéficier de la supériorité numérique, bien au contraire. Soutenus par des Stuka, c’est à la faveur d’un véritable coup de bluff que Knoche s’empare du pont sur la Medjerda, qui donne toute son importance à ce carrefour routier.
Ci-dessus: Fallschirmjäger en Tunisie, près d’un panneau indicateur mentionnant le lieu de leurs exploits du début de campagne.
Le réalisateur met bien en lice une poignée d’Américains, ce qui est réaliste (sauf la présence d’un Noir: les formations américaines partaient encore la ségrégation…), les Britanniques, paras (« Red Devils ») et artilleurs, sont oubliés…
Moyens et acteurs
Une pléiade d’acteurs français célèbres de l’époque jouent dans le film: Paul Meurisse (le capitaine de Lambérie, l’officier français qui entend faire son devoir), Raymond Pellegrin (Bourgeon, un autre cadre français, pressé d’en découdre avec les Allemands), Roger Hanin, Georges Wilson, la belle Dany Carrel (une juive tunisienne)… Les rôles allemands ne sont pas vraiment développés.
Côté matériel d’époque , il y a bien un half-track américain, des Kübelwagen, des motos BMW et Zundapp ainsi qu’un Laffly, mais, si les Français son corrects (avec de beaux FM 24/29 et les fameuses bandes molletières), en revanche, les uniformes des Allemands ne sont pas conformes: ce ne sont pas des paras et, quand bien même il s’agirait d’évoquer des soldats de la Heer ou des rampants de la Luftwaffe, les tenues sont fantaisistes, l’équipement en cuir et non en coton filé (ceinturons, brelages, etc), les bottes en caoutchouc (le cuir aurait été aussi une erreur: il aurait fallu des brodequins ou des bottes lacées en toile)…
Le film
En dépit d’un fidélité absolue à la réalité historique, le récit est tout de même bien fait et intéressant car il met bien en évidence le dilemme qui frappait le forces de Vichy déployées en Tunisie commandées par le général Barré: des ordres contradictoires, une envie de reprendre la lutte contre l’envahisseur de 1940 mais un légalisme absolu des officiers supérieurs, les directives de l’amiral Esteva en Tunisie… Pour étoffer le scénario, une idylle survient entre Pellegrin et Carrel, mais elle n’est pas incongrue. On notera un élément stupéfiant et osé: Roger Hanin campe un soldat ouvertement antisémite… Comme dans la ralité, les Allemands doivent négocier leur passage, mais les Français attendent les directives de leurs supérieurs. Finalement, le combat éclate. Un des épisodes forts du film est le moment de bravoure -ou de folie?- de Meurisse/Lambérie défiant les Allemands du haut de son cheval sur le pont tant convoité…
Pour voir des photographies du tournage:
http://www.livresdeguerre.net/forum/contribution.php?index=20447
Les faits historiques:
Le Fallschirmjäger-Regiment 5. ne possède que les I et III bataillonen, le second étant affecté à la Brigade Ramcke depuis le printemps 1942. Koch, un des héros d’Eben-Emaël en 1940, et ses Fallschirmjäger parviennent à s’emparer de l’important carrefour de Medjez el Bab à la faveur d’un incroyable coup de bluff. Le 18, les Allemands, appuyés par Vichy, lancent un ultimatum à Barré : celui-ci doit laisser le passage aux Allemands où les hostilités seront déclenchées. Devant le refus d’obtempérer des Français, les Allemands mettent leur menace à exécution et les parachutistes de Knoche se lancent à l’assaut avec l’appui de la Luftwaffe. Après avoir essuyé un premier échec, les Fallschirmjäger traversent le fleuve par petits groupes à la faveur de la nuit. Simulant un nouvel assaut avec l’arrivée de renforts, Knoche, le chef du FJ Bn III, parvient à provoquer le décrochement des Alliés, qui ne prennent même pas la peine de détruire le précieux ouvrage d’art qui enjambe la Medjerda. Ce succès n’a coûté que 22 pertes aux Fallschirmjäger renforcés par deux compagnies italiennes. Ils tiennent cependant fermement la rive et couvrent le pont de leurs tirs, coupant ainsi la route de Tunis aux Alliés. Le 26, à la grande fureur de Kesselring, Medjez-el-Bab est abandonné par les paras sur ordre de Nehring (qui dirige alors la tête de pont de l’Axe en Tunisie), non sans avoir au préalable détruit son pont et offert une résistance acharnée aux alliées pendant plusieurs jours.
Les Allemands, qui engagent quelques Tiger I nouvellement arrivés en Tunisie, tentent en vain de reprendre l’important carrefour en décembre 1942. Medjez-el-Bab et ses alentours seront le cadre de combats acharnés jusqu’à la fin de la campagne, notamment au cours de la très méconnue opération « Ochsenkopf »:
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